Intervention de Rima Abdul Malak

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 29 juin 2022 à 15h00
Audition de Mme Rima Abdul malak ministre de la culture

Rima Abdul Malak, ministre de la culture :

– Le plan d’investissement pour les industries culturelles et créatives se déploiera sur trois axes : développer nos infrastructures de production – studios de tournage et studios d’effets visuels – dans des régions de France qui ont un réel potentiel pour cela, comme la région Sud dans le cadre du plan « Marseille en grand », les Hauts-de-France ou l’Île-de-France ; former de nouveaux talents, qu’ils soient techniques ou créatifs, pour répondre à l’appel d’air créé par les plateformes dans la création cinématographique et audiovisuelle française ; dans le domaine des expériences immersives et du Métavers, soutenir l’écosystème, des start-up aux champions, pour porter la voix de la France dans le monde numérique.

M. Jean-Raymond Hugonet. – Je suis heureux de constater que vous faites preuve d’une belle énergie, d’une passion sereine et résolue.

Le président Lafon l’a dit, notre commission travaille sur l’audiovisuel public et a nourri le projet de loi – désormais enterré – de Franck Riester. Roselyne Bachelot a indiqué que les dirigeants de l’audiovisuel public n’en voulaient pas ; cela avait le mérite d’être clair ! La volonté du Président de la République de supprimer la contribution à l’audiovisuel public et la nécessité pour ce secteur de poursuivre les économies posent inévitablement la question du périmètre de ses missions.

Avec Roger Karoutchi, désigné par la commission des finances, j’ai produit un rapport qui préconise la fusion des entités. Dans le cadre de nos auditions, vos services ont reconnu la nécessité de ce regroupement, qu’ils ont même qualifié d’indispensable. Mais ils nous ont indiqué que l’État n’avait pas les moyens de forcer les structures de l’audiovisuel public français. La présidente de Radio France a pris la parole dans un grand quotidien pour dire tout le mal qu’elle en pensait – prise de parole surprenante à quelques mois de la fin de son mandat…

Mes questions sont donc simples : qui dirige l’audiovisuel public en France ? L’État a-t-il encore les moyens de faire prévaloir l’intérêt général sur les intérêts corporatistes ?

Par ailleurs, quelles suites comptez-vous donner à la note structurelle et extrêmement intéressante de la Cour des comptes, en date du 14 décembre 2021 et intitulée « Recentrer les missions du ministère de la culture ».

Mme Sylvie Robert. – Il y a de grandes incertitudes sur le retour à la rentrée de nos concitoyens dans les salles de cinéma et de spectacle, ainsi que dans les espaces consacrés aux arts visuels. Renoueront-ils avec des pratiques qu’ils plébiscitaient en 2019, mais qu’ils semblent avoir en partie abandonnées depuis lors ? La rentrée sera compliquée, avec l’inflation, notamment concernant le prix de l’énergie, qui pèse lourd dans les modèles économiques.

Les labels ont mis en place des cartes, chacun essaie de trouver des solutions, mais le « quoi qu’il en coûte » va se terminer. Comptez-vous aider les acteurs les plus fragiles en activant certains leviers, et si oui, lesquels ?

Dans le rapport sur le plan de relance que Sonia de la Provôté et moi avons écrit, nous avons observé que les outils de gouvernance, de coopération – même si le terme est impropre – entre État, directions régionales des affaires culturelles (DRAC), collectivités et acteurs locaux, étaient insuffisants. Personne ne s’y retrouve !

– C’est vrai !

Mme Sylvie Robert. – Constatant que certains projets, portés par les seuls élus, sont ignorés des DRAC, nous avions émis une recommandation iconoclaste : réserver 10 % des budgets de ces dernières à des projets menés en coopération avec les collectivités, à la condition que celles-ci ne baissent pas leur budget consacré à la culture. Une telle proposition pourrait-elle être approfondie ?

La culture ne peut pas échapper à la transition écologique. En Bretagne, beaucoup de choses se font dans ce sens. Le ministère – sans doute en coopération avec le ministère de la transition écologique – pourrait conditionner certaines aides à des changements de fonctionnement dans un sens plus écologique.

De nombreux festivals de cet été vont bien se dérouler. Les travaux du département des études de la prospective et des statistiques (DEPS) sont très intéressants, mais parviennent souvent à contretemps, ce qui est normal pour des études de long terme. Mais nous aurions besoin de données immédiates qui pourraient notamment nous aider à préparer l’examen de la loi de finances.

Mme Sonia de La Provôté. – Vous avez commencé votre présentation par une mention à la diversité culturelle ; il faut la garantir notamment s’agissant des festivals. Notre groupe d’études s’est réuni hier pour dresser un bilan avant la saison estivale et a l’intention de faire un état des lieux à la rentrée. La situation reste compliquée, la fréquentation n’ayant pas atteint le niveau de 2019. Les événements les plus modestes sont en grande difficulté financière. Le modèle économique exige désormais une fréquentation de 93 % et non plus de 80 %.

Lors des derniers états généraux des festivals, une redéfinition de la politique de l’État dans le domaine était apparue nécessaire et un fonds Festivals de 10 millions d’euros avait été annoncé. L’inflation engendrera forcément des dépenses supplémentaires ; les cachets des artistes, notamment des Français, ont augmenté – c’est une bonne nouvelle, mais cela pèse sur les budgets. Les festivals rencontrent aussi des problèmes structurels de ressources humaines : il y a un besoin massif de formation de techniciens. Le fonds Festivals sera-t-il maintenu ? Pensez-vous le renforcer, au moins pour 2023 ?

Le financement du Centre national de la musique (CNM) mérite d’être examiné. Vous avez évoqué le rôle des plateformes, des Gafam ; ceux-ci participeront-ils à son modèle économique, qui ne doit pas dépendre du seul budget de l’État ? Les revenus des artistes proviennent désormais essentiellement de la diffusion live. Cela ne saurait être un modèle pérenne.

Sylvie Robert a évoqué la diversité culturelle, les petites structures, les petits événements. S’agissant des arts visuels, qui ne sont pas les mieux accompagnés financièrement dans le budget de la culture, vous avez annoncé le maintien de l’appel à projets « Mondes nouveaux », qui les concerne, mais pas seulement – ce qui a pu décevoir. La commande publique ne saurait toutefois être la seule voie pour maintenir l’activité. Les artistes sont très présents dans l’éducation artistique et culturelle, ainsi que dans les territoires, où ils se font des passeurs de culture. Ils ont besoin d’être aidés. Ils ont fait l’effort de se structurer via des schémas d’orientation pour les arts visuels (Sodavi) ; c’est au ministère désormais de leur tendre la main.

S’agissant du patrimoine, le maintien du loto est une bonne nouvelle. Il y a cependant un véritable besoin d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour les petites collectivités, et pas seulement pour les églises. Elles ont besoin de faire les choses bien, et donc de la compétence de l’État, dont le manque se fait cruellement sentir sur le terrain.

Dans le dialogue interministériel, nous attendons aussi que vous ayez une voix forte pour défendre les paysages, les paysages urbains, la présence des arbres – tout ce qui fait la beauté de nos territoires. L’éolien est certes nécessaire pour l’environnement ; mais cette question a trop pris le pas sur l’esthétique. Une étude est en cours sur les écoles d’architecture ; celles-ci ont en tout cas grand besoin d’être assistées, car les architectes sont justement à la croisée des chemins sur ce sujet.

Mme Céline Brulin. – La journée d’action d’hier de l’audiovisuel public a été assez massive. Vous avez évoqué le changement de son mode de financement. C’est là que le bât blesse : quel autre financement peut-on imaginer qu’un versement du budget de l’État, ce qui implique de prendre le risque de perdre un arbitrage ?

Des pays européens ont trouvé des modes de financement qui tiennent compte du pouvoir d’achat et du fait que les consommateurs ont accès aux contenus sur d’autres vecteurs que leur poste de télévision ou de radio. Êtes-vous prête à les envisager ?

La Bibliothèque nationale de France (BnF) est aujourd’hui secouée par un mouvement social à cause d’une situation financière compliquée et d’effectifs qui ont fondu, ce qui augmente le délai d’accès aux ouvrages. Quelle réponse prévoyez-vous ?

Vous avez sollicité notre aide pour mobiliser les élus locaux au service de la culture. N’oublions pas que les collectivités territoriales représentent 70 % des dépenses publiques culturelles : ce n’est pas négligeable ! En retour, je me permets de faire appel à vous pour plaider en leur faveur auprès du Président de la République. Celui-ci a annoncé qu’il envisageait de leur imposer un plan d’économies de 10 milliards d’euros, alors qu’elles ont besoin du soutien de l’État pour mener des politiques culturelles audacieuses.

M. Michel Laugier. – Le président Lafon a évoqué les difficultés de la presse écrite, notamment le doublement du prix du papier représentant un surcoût de 200 à 250 millions d’euros.

Au-delà des actions de long terme pour reconstituer une filière en France, comptez-vous apporter un soutien immédiat à la presse ? Comme écrivait Khalil Gibran : « Tous peuvent entendre, mais seuls les êtres sensibles comprennent. »

Mme Samantha Cazebonne. – Julien Bargeton a rappelé tout à l’heure que le cap des deux millions d’inscrits au pass Culture était atteint : nous ne pouvons que nous en féliciter, mais ce pass n’est toujours pas accessible pour les jeunes Français de l’étranger, qui pourraient pourtant l’utiliser en France pendant les vacances scolaires ou pour acquérir des biens numériques. Serait-il possible d’élargir ses conditions d’obtention pour maintenir et renforcer le lien avec la France de ces jeunes ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion