Intervention de Rima Abdul Malak

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 29 juin 2022 à 15h00
Audition de Mme Rima Abdul malak ministre de la culture

Rima Abdul Malak, ministre de la culture :

– Concernant Jean-Luc Martinez, la présomption d’innocence prévaut. Avec la ministre des Affaires étrangères, nous avons décidé de circonscrire sa mission pour éviter les interférences avec l’enquête judiciaire en cours, en lui retirant la partie liée à la lutte contre le trafic illicite de biens culturels.

Nous restons attachés au pluralisme et à l’indépendance de l’audiovisuel public, et toutes les garanties dans ce sens seront maintenues, et même renforcées, avec la création d’une nouvelle commission. Plusieurs pays européens ont remplacé leur redevance par une dotation d’État, que ce soit l’Espagne, les Pays-Bas ou la Belgique. Dans tous les cas, quel que soit le mécanisme qui sera adopté, cela passe par le budget de l’État.

Ce qui est important, c’est de définir les grands enjeux, les ambitions, ce que les Français sont en droit d’attendre du service public de l’audiovisuel, et de déterminer ensuite le mode d’organisation et la trajectoire financière qui conviennent.

Je ne serais pas aussi négatif que M. Hugonet sur le dialogue entre l’État et les groupes de l’audiovisuel public. Certes, leurs patrons ne sont pas nommés par l’État, ils sont indépendants dans leur ligne éditoriale et dans leur choix des programmes, mais les contrats d’objectifs et de moyens qui les lient et qui sont soumis à votre approbation définissent les grands enjeux, et nous menons avec eux un dialogue stratégique quotidien.

J’en veux pour preuve un certain nombre de rapprochements, de projets communs, comme France Info, les matinales communes à France 3 et France Bleu et, moins visibles, les plans d’achats communs sur quatre ans, les coopérations en matière informatique ou le rapprochement des enjeux immobiliers de France Télévisions et de Radio France. Je crois vraiment que les différentes entreprises souhaitent regrouper leurs forces pour une information plus fiable, forte et pluraliste, pour toucher la jeunesse, continuer à soutenir la création et aller au plus près des Français.

Nous avons effectivement besoin de données arrivant plus rapidement que celles qui sont présentées dans les études du DEPS, qui constituent des photographies structurelles de l’évolution des pratiques et du secteur. J’ai là un état des lieux – je pourrai vous le transmettre – plus optimiste que ce qu’on a pu entendre sur les festivals de printemps. À titre d’exemple, le festival Art Rock de Saint-Brieuc a eu quasiment la même fréquentation qu’en 2019, à 20 000 personnes près. Nous en tirerons un bilan à la fin de l’été.

Le fonds Festivals a comporté 10 millions d’euros en 2022, mais n’oublions pas que l’État, en 2020 et 2021, a déployé au total plus de 40 millions d’euros.

Je veux ici saluer Roselyne Bachelot, qui, entre autres chantiers, a lancé celui des états généraux des festivals, qui étaient très attendus et qui ont été structurants grâce aux trois sessions d’échanges dans trois villes de France. Ils ont notamment fait émerger une meilleure connaissance de la diversité de ces festivals et de tous les enjeux qui se posent, que ce soit la transition écologique ou la place des femmes, dont nous n’avons pas suffisamment parlé, ce que je regrette. Mais nous y reviendrons après le bilan de l’été.

Ma méthode consiste à partir d’expérimentations, de projets concrets avec des collectivités volontaires et particulièrement engagées pour la culture, à travers un fonds d’innovation territoriale qui sera géré par la nouvelle Délégation générale aux territoires, à la transmission et à la démocratie culturelle et qui sera doté de trois millions d’euros à ce stade ; cela peut vous sembler modeste, mais c’est déjà bien pour lancer les premières expérimentations.

Nous devons également renouveler nos pratiques et nos méthodes par rapport à une histoire très riche, mais sédimentée. J’ai entamé un cycle de rendez-vous et de rencontres avec tous les représentants des collectivités ; mais n’hésitez pas à m’indiquer, comme vous l’avez fait aujourd’hui, toutes les préoccupations et les suggestions dont vous avez connaissance.

Le plan de filière presse a été l’un de ceux sur lesquels j’ai le plus travaillé quand j’étais conseillère du Président de la République ; je vais continuer en tant que ministre. Ce plan représente plus de 300 millions d’euros pour accompagner la transition numérique du secteur, la transition écologique et la réforme du modèle économique. De nombreux enjeux sont apparus après la crise sanitaire, tels que la hausse du prix du papier, qui oblige certains titres à réduire le nombre de pages ou à réduire la taille des caractères. J’ai commencé à discuter avec Bruno Le Maire des dispositions européennes que nous pourrions mobiliser. Si nous n’y arrivons pas, je déterminerai rapidement quels autres leviers nous avons à notre disposition pour aider conjoncturellement ce secteur, mais aussi celui du livre, dont les représentants devraient attirer à leur tour notre attention sur ce problème à Angers dimanche prochain.

Les 20 000 ou 30 000 étudiants des écoles d’architecture sont effectivement un vivier passionnant : très préoccupés par ces enjeux, ils feront vivre concrètement des projets dans leurs écoles, mais aussi in situ. Dans le cadre de l’Olympiade culturelle, par exemple, les folies de la Villette deviendront des « archi-folies », où des étudiants en architecture construiront de petits espaces modulables en prévision des jeux Olympiques.

Sur le financement du CNM et de la filière musicale en général, il nous reste des travaux à mener pour examiner concrètement toutes les options sur la table, qu’il s’agisse de l’élargissement de taxes existantes ou de la création d’une taxe sur le streaming… Le CNM a heureusement pu être créé juste à temps avant que la pandémie ne nous tombe sur la tête. Cette maison commune de la musique était attendue depuis dix ans ; elle fonctionne bien, en fédérant toute la filière, et nous pouvons collectivement en être fiers.

Hélas, ouvrir le pass Culture aux Français de l’étranger n’est pas évident, ne serait-ce que parce que les partenaires culturels sont en France. Nous pourrions effectivement regarder ce qu’on pourrait faire dans le cadre de séjours en France ; je vous avoue que ce chantier n’est pas encore sur la table, mais je serais ravie d’en reparler avec vous, madame Cazebonne.

La note de la Cour des comptes était malgré tout très courte, très rapide, alors que le ministère de la culture s’est énormément réformé ces dernières années. J’ai parlé de la nouvelle délégation qui agit dans les territoires. Il y a eu également une déconcentration vers les DRAC, ainsi que de nouvelles initiatives, comme la mission Bern, qui a créé une nouvelle manière de travailler sur le Patrimoine. À ce propos, notre budget socle pour le patrimoine, c’est 326 millions d’euros par an – certes abondés par le loto du Patrimoine, mais celui-ci apporte surtout une adhésion des citoyens et une mobilisation dans tous les territoires. Avec « Mondes nouveaux », le ministère a aussi inventé une nouvelle manière de faire de la commande. Le ministère est parfaitement capable de se réinventer pour faire face aux nouveaux usages, conquérir la jeunesse et soutenir les artistes dans ces mutations que le monde numérique nous apporte.

Les arts visuels seuls représentent un tiers des projets de « Mondes nouveaux », soit le montant inédit de 30 millions d’euros. Mais les artistes d’arts visuels eux-mêmes dépassent cette catégorie et travaillent avec des musiciens, des écrivains, des designers, des architectes. Une grande partie des projets retenus sont ainsi des projets de collectifs interdisciplinaires. Il y a eu également une commande de photos portée par la BnF et déployée dans le cadre du plan de relance.

Concernant justement la BnF, il y aura dans les jours qui viennent des ajustements pour trouver le juste milieu entre la réforme engagée par la présidente de l’établissement et les revendications des usagers. Un conseil d’administration se tient demain, et il y sera proposé de limiter à l’après-midi la plage horaire où les chercheurs peuvent bénéficier de la communication directe des documents.

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