Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 16 octobre 2010 à 22h00
Réforme des retraites — Article 25 ter

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la première des inégalités est celle de l’âge de la mort. À ce sujet, Mme Parisot a déjà répondu à sa façon, en soulignant à quel point tout est précaire et qu’on ne pouvait, en somme, que s’y résoudre : « La vie est précaire ; la santé est précaire ; pourquoi le travail ne le serait-il pas ? »

Oui, la vie est précaire ; oui, la santé est précaire. C’est pourquoi notre rôle de législateur est de garantir une fin de vie digne et des retraites qui le soient tout autant. Je dis souvent que le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Les retraites aussi !

L’espérance de vie en fonction des professions est une inégalité tangible et quantifiée statistiquement : l’espérance de vie d’un ouvrier est de sept années inférieure à celle d’un cadre.

Or ce projet ne prend aucunement en compte la pénibilité qui est à l’origine de cette inégalité devant la mort. Pis, il fait porter le coût du financement de la réforme sur tous ceux qui ont connu ou connaissent des métiers pénibles. Les ouvriers et les femmes sont ainsi appelés à payer la facture de la crise financière.

Voilà l’injustice. Doit-on s’y résoudre ? Oui, dit le MEDEF ; non, dit la gauche ! Peut-on, doit-on compenser cette inégalité première ? Non, dit ce projet de loi ; oui, dit la gauche !

À votre projet inefficace et cruellement, cyniquement injuste, nous répondons, au parti socialiste, par des propositions ; contrairement à ce que vous dites, nous avons aussi un bilan en la matière.

La loi Fillon sur les retraites de 2003 avait prévu, en son article 12, l’ouverture de négociations sur la pénibilité. Depuis 2005, les partenaires sociaux y travaillent. Une mission d’information parlementaire, confiée à un député de votre majorité, M. Poisson, a notamment examiné cette question.

Toutes ces rencontres, tous ces débats ont abouti à élaborer une définition très précise de la pénibilité intégrant les effets différés : « Il s’agit des expositions qui réduisent l’espérance de vie sans incapacité des travailleurs. » Il convient de souligner les termes « sans incapacité ». Cette définition avait fait l’objet d’un accord avec les partenaires sociaux.

Si les négociations entre partenaires sociaux n’ont pas abouti, ce n’est pas, contrairement à ce que vous laissez entendre, parce que la pénibilité est difficile à définir. Elles n’ont pas été finalisées tout simplement parce que les partenaires n’étaient pas d’accord sur le financement. Cessez de dire, comme je viens de l’entendre de l’autre côté de l’hémicycle, que c’est compliqué, alors que le texte intègre, dans le volet « prévention », les facteurs de pénibilité identifiés !

Les statistiques sur l’espérance de vie montrent, avec certitude, que le lien entre la pénibilité et l’espérance de vie ne peut être appréhendé en fonction des effets immédiats. En retenant le concept d’incapacité, vous faites fausse route.

Vous affirmez qu’avec les carrières longues vous prenez en charge la question de la pénibilité : cela n’a rien à voir !

Vous dites que la pénibilité, prise en compte de façon collective, se révèle extraordinairement complexe. Oui, nous reconnaissons que c’est un sujet compliqué, mais tous les sujets visant à maintenir le « vivre ensemble », la solidarité, dans un pays de 60 millions d’habitants, sont délicats.

Face à ce projet injuste et inefficace, nous proposons la mise en place d’un système de bonification des annuités en fonction de la durée d’exposition, sous l’égide du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Toute période de travail doit bénéficier, selon des critères précis – travail de nuit, travail posté, port de charges lourdes –, d’une majoration des annuités permettant de partir plus tôt à la retraite.

C’est une proposition claire qu’il est possible de mettre en œuvre.

Vous vous félicitez d’être les premiers à prendre en compte la pénibilité. C’est doublement faux : d’une part, la pénibilité définie par la droite est assimilée à de l’invalidité ; d’autre part, elle se pose aujourd’hui en des termes différents qu’en 2002, avant la loi Fillon de 2003. En augmentant la durée des annuités, le problème est d’une tout autre acuité. Il s’aggrave encore avec un départ à la retraite repoussé de 60 à 62 ans.

Les réponses que vous apportez au problème sont inappropriées.

Vous dites que la gauche n’a rien fait : en 2000, le gouvernement Jospin avait mis en place un dispositif de cessation d’activité de certains travailleurs exerçant des métiers pénibles.

Dois-je aussi rappeler que la fonction publique prend en depuis longtemps compte la pénibilité, avec la mise en place du service actif ? C’est également la pénibilité qui est à l’origine des régimes spéciaux.

Monsieur le ministre, l’intégration d’un chapitre par le biais de l’article 25 quater sur la réforme de la médecine du travail ne vise qu’à masquer l’absence de prise en compte de la pénibilité dans votre projet !

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