En effet, à la crise géopolitique que vous avez évoquée, à la crise sanitaire, à la crise sociale et économique, s’ajoute désormais en France une crise politique et civique. Or, avec une France en voie de fracturation et des Français en voie de sécession, cette crise politique est générale.
Naturellement, il serait profondément injuste de mettre sur le dos d’Emmanuel Macron à la fois cette fracturation et cette sécession. Mais il serait tout aussi injuste de ne pas reconnaître que, depuis cinq ans, tout s’est aggravé.
La fracturation s’est aggravée. Regardez la carte électorale de la France lors des précédentes élections : vous avez là l’image d’une France en pièces détachées. Jamais le vote des Français n’a autant dépendu de leurs revenus, de leur diplôme, de leur âge, de leur territoire.
Vous avez évoqué l’assignation des Français. Or tout se passe comme si les Français étaient assignés dans leurs différences.
C’est un aveu d’échec et un terrible paradoxe pour celui qui avait théorisé la disparition des clivages. Les clivages sont de retour, chers collègues. Ils sont de retour, plus radicaux encore dans leur forme politique – voyez l’Assemblée nationale –, et peut-être plus dangereux lorsqu’ils échappent aux catégories politiques.
Madame la Première ministre, si vous voulez vraiment réparer les fractures françaises, vous devez parler aux Français comme à un seul peuple. Plus de Français qui ne sont rien, plus de premiers de cordée, plus de Gaulois réfractaires.
Car la sécession s’est accélérée, et ce, à cause du « en même temps » – un « en même temps » qui n’aura rien réglé et qui aura tout abîmé.
Il n’aura rien réglé parce que de zigzag en tête-à-queue, d’un revirement à l’autre, ce président virevoltant s’est enfermé dans l’impuissance. Et Jupiter s’est transformé en Gulliver, pris dans les fils de ses propres contradictions.
Permettez-moi d’en donner deux exemples.
Vous avez beaucoup parlé de souveraineté, notamment énergétique. Or vous avez fermé Fessenheim, une centrale nucléaire, et nous allons rouvrir Saint-Avold, une centrale à charbon !
Bien entendu, nous ne nous opposerons pas a priori à la nationalisation d’EDF que vous avez évoquée. Mais ce n’est qu’un moyen, qui ne suffira en rien. Traitez aussi la question de la tarification de l’électricité au niveau européen ! Deux grands pays, l’Espagne et le Portugal, l’ont fait très récemment, au mois de mai.
Vous avez parlé de la souveraineté alimentaire de l’Europe. Or nous venons d’apprendre que l’Union européenne avait conclu un accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande, pays qui ne respecte pas les normes que nous imposons à nos agriculteurs en matière de pesticides ! À quoi cela rime-t-il ?