Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 4 porte sur la mise en œuvre du grand emprunt. Il vise à la fois les conditions de versement des sommes qui seront collectées et les critères grâce auxquels on procédera à l’évaluation des dépenses réalisées.
Nous avons eu déjà l’occasion de pointer quelques-uns des problèmes posés par ce grand emprunt, au regard desquels l’importance de sa quotité et la dette publique supplémentaire qu’il crée deviennent assez secondaires.
La question principale que pose le grand emprunt réside bien plutôt dans la conception générale qu’il dessine de l’intervention publique dans notre pays.
En réalité, le grand emprunt constitue le prolongement utilitariste de la loi Pécresse relative aux libertés et aux responsabilités des universités ; les procédures qui sont décrites dans le présent article le laissent clairement entendre.
Ainsi, aux termes de l’article 4, les « conditions de gestion et d’utilisation des fonds » intègrent : « [le] cas échéant, les conditions dans lesquelles les fonds versés sont, pour un montant déterminé, conservés pour produire intérêt par l’organisme gestionnaire ou par le bénéficiaire auquel il les attribue. »
On voudrait pousser les responsables de certaines universités ou organismes d’investigation à chercher dans des placements de trésorerie de court terme les voies de l’autofinancement de leurs investissements que l’on ne s’y prendrait pas autrement !
En effet, tel est bien l’objectif du versement par anticipation des fonds dévolus à telle ou telle dépense de recherche. Le présent texte incite donc, dans une certaine mesure, les présidents d’université à boursicoter, même s’il est fort probable que les ressources mises à la disposition des établissements seront drainées vers des placements obligataires, gérés, par exemple, par la Caisse des dépôts et consignations.
Quant à l’évaluation du grand emprunt, elle semble bel et bien circonscrite à une logique purement comptable !
Quand on lit avec précision le texte, on se rend compte que les dépenses réalisées doivent produire des « retours sur investissement ». Les entreprises doivent y trouver leur compte en termes de valeur ajoutée, tandis que les comptes publics pourraient, pour leur part, bénéficier d’une nouvelle source d’économies.
D’ailleurs, ce qui importe plus que tout dans le débat qui nous occupe, semble-t-il, c’est d’amener les établissements de recherche et les universités à contracter des accords de cofinancement avec des opérateurs et entreprises privés, ce qui permettrait éventuellement à l’État, par le biais des économies budgétaires ainsi réalisées, de s’affranchir de ses propres obligations.
Dans un univers comme celui de la recherche et de l’enseignement supérieur, qui est déjà largement victime du sous-emploi, de la précarisation des conditions de travail de nombreux chercheurs, enseignants et doctorants et des retards qualitatifs accumulés en matière d’équipements et d’infrastructures, une telle démarche va à l’encontre de l’intérêt général.
Segmenter les activités de recherche, en laissant dépérir celles qui n’entreront pas dans les priorités du présent texte et en conditionnant la permanence des autres à l’importance des cofinancements assurés par le secteur privé, ne saurait recueillir notre approbation.
C'est pourquoi, si son contenu n’est pas infléchi, nous ne pourrons évidemment pas voter cet article.