L’évaluation du dispositif du grand emprunt est assez nettement orientée par de simples considérations budgétaires. Il suffit de prendre quelques-uns des critères retenus pour s’en rendre compte.
Aux termes du paragraphe II : « Le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l’année, un rapport décrivant, pour les années précédentes, l’année en cours et les années à venir, les conséquences sur les finances publiques des investissements financés par les crédits ouverts sur les programmes créés par la présente loi de finances rectificative. Ce rapport présente en particulier leurs conséquences sur le montant des dépenses publiques, des recettes publiques, du déficit public et de la dette publique, en précisant les administrations publiques concernées ». Voilà qui réduit singulièrement la portée des investissements à leur seul rendement comptable.
Le paragraphe III, quant à lui, ne comporte que des critères d’évaluation comptable.
Cette logique utilitariste imprègne donc lourdement le débat sur le grand emprunt, alors même que la raison d’être de l’investissement public est non pas de participer à la réalisation d’objectifs plus ou moins arbitraires de réduction des déficits, mais bien plutôt d’apporter à l’ensemble du corps social les moyens complémentaires de son développement.
La recherche en matière d’énergie renouvelable n’a pas de sens si elle se contente de confier à quelque université française le soin d’éprouver tel ou tel mode de production d’énergie solaire ou éolienne, en attendant qu’une entreprise n’acquière et n’exploite le brevet qui découlera de ces travaux.
Elle n’a de sens qu’au regard des objectifs plus généraux des politiques publiques en matière d’indépendance énergétique du pays, de changements de mode de production d’énergie, d’allégement à venir de la facture énergétique des ménages et des entreprises
Dans le même ordre d’idées, engager de l’argent public dans la numérisation de nos archives et bibliothèques publiques n’a pas de sens si elle revient à nous soumettre à la prédominance d’une entreprise américaine bien connue au lieu de faire valoir la réalité de la francophonie au travers d’un mode de numérisation qui nous serait propre.
Nous l’avons souligné, la recherche dans notre pays souffre d’un profond développement de la précarité. Celle-ci affecte autant les doctorants, les assistants, les équipes universitaires en général que les activités de recherche et développement du secteur marchand, largement sous-traitées dans des structures soumises au seul vouloir des donneurs d’ordre.
Tels sont les paramètres que nous souhaitons voir figurer dans le cadre de l’évaluation des dépenses ouvertes au titre du grand emprunt.