Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du 12 juillet 2022 à 14h30
Bilan de la présidence française de l'union européenne — Suite d'une déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Jean-Baptiste LemoyneJean-Baptiste Lemoyne :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, six petits mois ont passé, et déjà l’Union européenne n’est plus ce qu’elle était avant 2022 ! Il ne s’agit pas de lancer un cocorico cocardier pour se faire plaisir… Mais je constate que notre Union européenne a beaucoup progressé, et par gros temps.

La présidence française du Conseil de l’Union européenne marque aussi l’aboutissement d’un certain nombre d’initiatives lancées par le Président de la République dès 2017. On se souvient, sur ces travées, de son discours de la Sorbonne pour une Europe plus souveraine et plus protectrice.

Elle marque également la finalisation de chantiers lancés ou suivis par de précédentes présidences. C’est là le jeu harmonieux de ces passages de flambeau d’un État membre à l’autre chaque semestre.

Et dire, comme le rappelait André Gattolin, que certains recommandaient que la France passe son tour pour cause d’élection présidentielle ! Je souhaite d’ailleurs rappeler au président Jean-François Rapin que, en 1995, déjà, la France présida le Conseil de l’Union européenne alors que des échéances présidentielles avaient lieu.

Certes, le calendrier des événements a été très ramassé. Mais le plus important, c’est le fond, la substance. Le plus important, c’est que le compte y soit et que des progrès majeurs aient été enregistrés.

Ce « succès historique », pour reprendre l’expression de Mme la ministre, revient bien au Président de la République, épaulé bien sûr par l’ensemble des ministres – vous-mêmes, madame la ministre, mais aussi vos prédécesseurs Jean-Yves Le Drian et Clément Beaune ; du secrétariat général de la présidence française – je pense à toutes les équipes animées par Xavier Lapeyre de Cabanes ; de notre représentation permanente auprès de l’Union européenne, sous l’égide de Philippe Léglise-Costa ; du secrétariat général des affaires européennes ; de l’ensemble des agents mobilisés, que ce soit au Quai d’Orsay ou dans les autres ministères ; de notre Haute Assemblée, comme vous l’avez rappelé, monsieur le président.

Tout cela sans oublier les collectivités locales qui ont mis beaucoup d’engagement et de cœur dans l’accueil des événements. Je peux en témoigner, à titre personnel, pour les maires des bonnes villes de Pau, de Dijon, cher François Patriat, de Montpellier ou encore de Strasbourg, cher Ludovic Haye, plus que jamais capitale européenne.

« Relance, puissance, appartenance » : tel était le triptyque de cette présidence française de l’Union européenne. Si celle-ci a effectivement commencé sous le signe de la relance post-covid, l’agression russe sur le sol d’Ukraine et le retour de la guerre sur le continent européen ont, cela s’est très vite vu, porté les thèmes de puissance et d’appartenance au cœur de l’action conduite par cette présidence.

En cela, elle est en adéquation avec le fil rouge tiré par le Président de la République depuis 2017 : celui d’une souveraineté et d’une indépendance européennes accrues. L’idée est tout simplement que nous reprenions le contrôle « en Européens », et non solitairement, comme l’ont tenté nos voisins d’outre-Manche. Ce dont il est question, c’est que nous, Européens, soyons non pas des objets de l’histoire qui s’écrit, mais bien des sujets maîtrisant leur destin et leur avenir.

La présidence française s’est inscrite dans un contexte global marqué naturellement par le conflit en Ukraine, mais aussi par un déplacement du barycentre mondial vers le Pacifique, sur fond de rivalité sino-américaine, et par l’urgence climatique, qui taraude encore et toujours nos sociétés.

Tout au long de cette présidence, l’Union européenne et ses États membres se sont affirmés en tant que puissance politique et géopolitique.

J’en veux pour preuve l’adoption de la boussole stratégique, qui crée une culture stratégique commune, le renforcement des capacités de déploiement rapide de forces, l’augmentation des investissements de défense actée lors du sommet de Versailles, une meilleure tenue de nos frontières externes, avec la création du Conseil Schengen, qui s’est déjà réuni deux fois et qui permettra, je crois, des avancées en matière de coordination.

En outre, dans ce monde marqué en quelque sorte par le retour des empires, l’Europe se pense et se projette dans toute sa vaste dimension. Je fais allusion ici aux outre-mer, cher Michel Dennemont, et aux régions ultrapériphériques qui font de l’Europe un continent-monde et lui donnent une voix particulière à faire entendre dans ce concert mondial.

Que de chemin parcouru depuis la chute du mur de Berlin, depuis la réunification de l’Europe de l’Ouest et de l’Europe de l’Est ! Désormais, c’est la poursuite de l’unification du continent européen qui est en marche.

Je ne puis m’empêcher d’invoquer l’un des penseurs de cette Europe, Denis de Rougemont, qui disait : « L’Europe unie n’est pas un expédient moderne, économique ou politique, c’est un idéal qu’approuvent depuis mille ans tous les meilleurs esprits, ceux qui ont vu loin ». Les Européens et la présidence française ont vu loin !

Le statut de candidat à l’adhésion a ainsi été accordé par les Vingt-Sept à l’Ukraine et à la Moldavie dans un délai particulièrement court après les mots d’encouragement prononcés à Kiev – vous étiez aux côtés du Président de la République, madame la ministre.

Combien de temps cela prendra-t-il maintenant ? Nul ne peut le dire, mais le cap est fixé, et c’est le plus important. Nous n’oublions pas l’importance des Balkans occidentaux, que je sais également chers à notre collègue Alain Richard.

Comme la géographie commande et que seuls 14 petits kilomètres nous séparent de l’Afrique, nous pouvons également nous honorer du partenariat renouvelé avec le continent africain, au travers du sommet de Bruxelles de février, qui a permis d’aller de l’avant en matière de sécurité, d’environnement, de santé et de migrations.

Au-delà, avec certains de nos partenaires, nous avons des défis mondiaux à relever – pour lesquels, très clairement, nous n’avons pas le choix : soit nous y arrivons ensemble, soit nous échouons ensemble.

C’est le cas, par exemple, dans la lutte contre le changement climatique, où nous devons être aux avant-postes. Par nos propres réglementations, nous devons faire évoluer les réglementations des autres ensembles dans le monde. Sous cet angle, je suis persuadé que la taxe carbone aux frontières influera sur les règles dont nos partenaires se doteront.

Outre la dimension géopolitique, la reprise de contrôle a également concerné les domaines économiques, énergétiques, industriels, commerciaux.

C’est par là que l’Europe a commencé, par la construction économique. Il serait absurde aujourd’hui, en 2022, qu’elle se fasse dicter sa loi en la matière et renonce à être une puissance économique. Il était donc très important de forger nos propres standards et de ne pas être les idiots utiles du village global.

Avoir de grands projets industriels européens, par exemple pour les batteries, en lancer de nouveaux dans le cadre de cette présidence française, notamment en matière de santé, développer notre indépendance énergétique et alimentaire, ne pas jouer les naïfs en matière commerciale en nous dotant de nouvelles règles – clauses miroirs ou instrument de réciprocité sur les marchés publics, afin de mettre de l’équité dans la concurrence –, nous a permis de progresser. Si, pendant longtemps, on nous regardait de travers à Bruxelles, cette fois, les résultats sont là.

Enfin, reprendre le contrôle, c’est s’armer face aux géants du numérique et se prémunir contre les pratiques déloyales. De ce point de vue, le paquet législatif sur les services numériques permettra d’encadrer et de réguler.

C’est donc un bilan fourni qui est présenté. Il s’appuie sur le respect tant de l’unité que de la diversité européenne. Nous le savons, c’est notre devise européenne, et la présidence française l’a illustrée de fort belle manière.

Ainsi, l’unité a été préservée dans toutes les prises de décision, avec, cela a été rappelé, six trains de sanctions. Quant à la diversité, dont je note qu’elle a été revendiquée par l’ambassadeur de la République tchèque lorsqu’il s’est exprimé devant notre assemblée, nous avons voulu une présidence en langue française qui respecte le plurilinguisme. De nombreuses actions ont été conduites dans la lignée du rapport du groupe de travail présidé par Christian Lequesne ; elles doivent être poursuivies, car nous partons de très loin. Nous avons d’ailleurs besoin, madame la ministre, de votre entier volontarisme politique pour que ces efforts soient maintenus dans la durée.

Le groupe RDPI salue donc un très bon bilan, qui est à l’honneur et au crédit de la France. Mais nous savons qu’il reste beaucoup à faire, et c’est pourquoi, madame la ministre, tous nos meilleurs vœux vous accompagnent, ainsi que l’actuelle présidence tchèque et la future présidence suédoise.

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