Monsieur le rapporteur général, au vu des échanges que nous avons depuis déjà de longues minutes, je tiens tout d’abord à saluer le travail approfondi et ô combien appréciable réalisé sur cette question de la gouvernance par la commission des finances, même si, sur cet amendement très précis, le Gouvernement ne vous suivra pas et ne pourra émettre un avis favorable, et ce pour un certain nombre de raisons.
Je commencerai néanmoins par souligner un point d’accord entre nous : il convient en effet de laisser à l’État la possibilité de réviser le montant de la rémunération qu’il octroie sur les dotations non consommables. Le dépôt au Trésor des fonds concernés ouvre en effet droit à une rémunération dont les modalités et le taux sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget.
Grâce à ce mécanisme périodique de révision de la rémunération des dotations, le dispositif gagnera en souplesse et jouera évidemment à plein puisque l’arrêté pourra être modifié si nécessaire. Sur ce volet important de votre amendement, vous avez donc, me semble-t-il, satisfaction.
Vous souhaitez, par ailleurs, consacrer le principe selon lequel les dotations sont versées pour une durée déterminée. Je note que vous avez défendu la même idée sur les niches : elle a d’ailleurs été adoptée et nous sommes en train de la mettre en œuvre.
Pour autant, nous sommes ici dans un domaine quelque peu différent. Si je peux comprendre que vous ne soyez pas favorables à un dispositif totalement figé, il ne me paraît pas souhaitable de poser dès à présent une règle générale en ce sens.
Pour étayer mon propos, je prendrai l’exemple des campus d’excellence, pour lesquels les universités choisies recevront des fonds.
L’idée du Président de la République, qu’il a exposée devant les Français avant que le Gouvernement ne la reprenne, est de faire émerger des campus attractifs sur le plan mondial. Il s’agit d’un objectif que nous sommes nombreux à partager, mais dont la réalisation, à l’évidence, va prendre un certain temps : tout ne se fera pas d’une rentrée à l’autre, et il faudra beaucoup d’opiniâtreté pour y parvenir.
Nous avons prévu dans le texte de loi un encadrement très précis de l’utilisation des fonds, avec un processus de sélection rigoureux et une période probatoire de trois ans préalable à tout transfert de dotations aux campus.
Passé cette période, il est indispensable que les universités concernées puissent s’engager dans des projets de long terme. Pour être durablement compétitives, celles-ci doivent pouvoir offrir des rémunérations pérennes au titre des enseignements et attirer ainsi des chercheurs de très haut niveau. Il ne s’agit donc pas de financer des opérations ponctuelles. Nous ne sommes pas dans la même logique que l’opération Campus, que j’ai eu l’occasion de rappeler hier.
Ces universités doivent également être en mesure d’attirer des cofinancements privés, grâce au fameux effet de levier que j’ai évoqué. Et pour ce faire, il faut évidemment un engagement durable.
Mais il est d’autres cas de figure pour lesquels la situation sera différente.
Dans le cadre du programme « Transports et urbanisme durables », géré par la Caisse des dépôts et consignations, il est ainsi prévu 400 millions d’euros de dotations non consommables. Puisque la propriété de ces fonds, dont la nature juridique exacte devra être précisée, n’est pas transférée, j’imagine que de telles sommes peuvent aisément être reprises : ce qu’une loi de finances fait, une autre peut le défaire.
De même, parmi les fonds que l’Agence nationale de la recherche pourra allouer aux futurs instituts hospitalo-universitaires, il y a 700 millions d’euros de dotations non consommables.
Ces deux exemples le montrent, en réalité, ce que le législateur fait, il peut le défaire. Au cas où les projets ne répondent pas aux attentes, sont trop ambigus et ne produisent aucun résultat tangible, l’argent doit pouvoir être récupérable. S’il est évidemment souhaitable de prévoir de telles voies de sortie, celles-ci ne doivent pas être généralisées, au risque de fragiliser les fonds réservés aux universités.
En réalité, le Gouvernement a fait le choix du pragmatisme. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à cet amendement, dont je comprends l’objectif mais sans en partager les termes, tout du moins pour les raisons et les cas que je viens d’exposer.