Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais commencer par vous faire part de tout le plaisir et de toute l’émotion que je ressens aujourd’hui à intervenir à la tribune de cette assemblée que je connais bien. J’aurai à cœur que nous puissions travailler ensemble dans un esprit de responsabilité et avec un souci permanent du dialogue.
Depuis 2017, la France a subi quinze attentats terroristes islamistes. À travers ces actes ignobles, c’est notre République et nos valeurs qui ont été visées.
Dans un contexte de menace très élevée, le Gouvernement, à la demande du Président de la République, s’est pleinement mobilisé dans la lutte contre la radicalisation et le terrorisme. C’est cet engagement sans faille de nos services qui a permis de déjouer trente-neuf attaques au cours des cinq dernières années.
À la faveur de la diffusion informatique d’une vaste propagande terroriste et de l’émergence de nouveaux moyens de communication électroniques, les actions terroristes sont de plus en plus le fait d’individus qui s’inspirent des messages de propagande émanant d’organisations terroristes – celles-ci incitent au passage à l’acte en fournissant des tutoriels à cet effet – sans pour autant être entrés en contact visible ou direct avec lesdites organisations ou avec un quelconque réseau ou groupe terroriste ; aussi ces individus échappent-ils à toute capacité de détection par le biais d’une surveillance ciblée.
Depuis 2017, le Gouvernement a œuvré avec une très grande détermination au renforcement des dispositifs de lutte contre la menace terroriste en augmentant les moyens humains, budgétaires et juridiques dont bénéficient les services de renseignement, les forces de sécurité et les magistrats, qui mènent un combat sans relâche.
Pour ce qui est des moyens humains et financiers, les services spécialisés en matière de lutte antiterroriste ont, depuis 2017, fait l’objet d’un effort sans précédent. Au total, 1 900 postes supplémentaires ont été créés.
Les budgets d’investissement et de fonctionnement des services ont également fait l’objet d’un effort inédit. Ceux de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ont par exemple presque doublé depuis 2015 !
Nous avons également créé le parquet national antiterroriste (PNAT) aux fins de renforcer la force de frappe judiciaire antiterroriste.
Le cadre légal a, quant à lui, évolué pour être adapté.
La loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, a ainsi introduit dans le droit commun quatre mesures de police administrative issues de l’état d’urgence. Elles ont démontré toute leur efficacité et leur pertinence. Je pense au périmètre de protection, à la fermeture des lieux de culte, aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) et aux visites domiciliaires.
C’est dans cette même veine que s’est inscrite la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, qui a notamment pérennisé les dispositions de la loi SILT et la technique de l’algorithme, en les adaptant à l’évolution de la menace. Cette même loi a en outre apporté des avancées significatives en matière d’activités de renseignement : extension des techniques de l’algorithme aux URL ; expérimentation d’une technique d’interception des communications satellitaires ; échanges de renseignement entre services, avec la liberté du partage de renseignements entre les services des premier et second cercles et la possibilité d’exploitation de données brutes issues des techniques de renseignement pour d’autres finalités que celles qui en ont justifié le recueil.
L’action de l’État se concentre non seulement sur le terrorisme et la radicalisation violente, mais aussi sur leur terreau, à savoir l’islamisme et le repli communautaire. Fin 2019, nous avons généralisé à tous les départements le dispositif des cellules départementales de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire (CLIR).
Par ailleurs, le ministre de l’intérieur s’est fait le promoteur d’une stratégie globale de lutte contre le séparatisme et l’islamisme, par le biais notamment de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Ce texte a été une étape majeure.
De telles avancées doivent être poursuivies et nos outils doivent être adaptés, afin d’appréhender plus efficacement des criminels aux profils et aux méthodes qui évoluent. La majorité des porteurs de menace détectés ces deux dernières années ne sont pas en lien avec des réseaux terroristes structurés, mais se radicalisent et s’aguerrissent de manière isolée.
Les enjeux de détection sont donc fondamentaux, raison pour laquelle nous avons engagé la valorisation du numéro vert affecté au recueil de signalements. L’importance desdits signalements doit d’ailleurs être rappelée, car chacun doit se sentir acteur de la lutte antiterroriste.
Un effort accru a de surcroît été accompli en matière de détection en ligne. Les moyens de la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos) ont été augmentés. La technique de renseignement permettant le traitement automatisé de données de connexion a été pérennisée.
La circulation de contenus de haine en ligne ne s’arrêtant pas aux frontières nationales, un règlement de l’Union européenne relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne a été adopté. Il vise à permettre le retrait des contenus terroristes en ligne en une heure maximum. Si les plateformes ne retirent pas un contenu terroriste dans l’heure, elles doivent s’acquitter de sanctions financières allant jusqu’à 4 % de leur chiffre d’affaires.
Pour assurer le bon fonctionnement du dispositif, des autorités indépendantes chargées d’assurer et de contrôler la légalité du retrait des contenus doivent être désignées par chaque État membre.
La présente proposition de loi, qui a été déposée en début d’année sur l’initiative de la députée Aude Bono-Vandorme, puis enrichie par votre commission, viendra donc renforcer notre arsenal en adaptant notre droit national au règlement européen relatif à la lutte contre la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne, qui constitue un outil décisif contre le terrorisme en Europe.