Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment où nous allons parler de prévention d’actes terroristes, je souhaite avoir une pensée particulière pour le personnel du centre de déradicalisation de la prison des femmes de Rennes, établissement unique en France, qui effectue un travail remarquable.
Le développement d’internet dans nos sociétés a multiplié l’accès à l’information. Mais son caractère anonyme, simple et accessible à tous a malheureusement aussi favorisé l’apparition de nouveaux phénomènes tels que le cyberharcèlement, la désinformation massive ou l’exposition de mineurs à la pornographie, dont nous avons assez souvent parlé ici.
Dans la continuité de travaux précédents, qui ont donné lieu à la loi Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur internet et à la loi confortant le respect des principes de la République, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à accroître la sécurité de notre cyberespace, et plus particulièrement à assurer la protection de nos concitoyens face à la diffusion de contenus à caractère terroriste.
Nous avions déjà légiféré à ce sujet après les attentats ayant endeuillé notre pays en 2015. L’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication peut demander aux éditeurs et aux hébergeurs de retirer des contenus relevant de la provocation ou de l’apologie du terrorisme sous vingt-quatre heures. Mais nous devons aller plus loin.
En effet, le risque terroriste reste l’une des urgences auxquelles notre pays doit faire face. Les différents attentats récents – j’ai une pensée particulière pour Samuel Paty –, ainsi que les affaires quotidiennement traitées par la cellule antiterrorisme montrent qu’il est nécessaire et urgent d’améliorer la situation. Cette menace, qui pèse sur notre pays, pèse aussi sur le reste du monde. Elle utilise massivement internet, qui ignore toute frontière. C’est pourquoi la lutte ne peut être menée qu’à l’échelle internationale. La menace étant globale, la réponse doit l’être tout autant, aussi bien militairement que virtuellement, car le cyberespace est devenu un terrain d’enrôlement.
Si internet permet le meilleur, on sait aussi qu’il peut faciliter le pire, notamment par la diffusion de messages de haine et d’incitations au terrorisme ou par la recherche de cibles.
Identifier et retirer de tels contenus représente un travail long, fastidieux et complexe, mais indispensable.
L’Union européenne nous a offert des moyens de faire face en élaborant un règlement visant à contraindre les services en ligne à supprimer des contenus à caractère terroriste en moins d’une heure sur injonction d’une autorité administrative. Ce règlement laisse aux États membres trois marges de manœuvre relatives à la désignation des autorités compétentes, au régime de sanction applicable et aux modalités de mise en place de « procédures efficaces » en matière de recours.
Il était donc nécessaire d’adapter notre droit interne aux dispositions du règlement européen du 29 avril 2021. C’est pourquoi l’Assemblée nationale a adopté au mois de février dernier une proposition de loi sur ce thème. Nous en saluons les dispositions.
À l’issue de son examen en première lecture par l’Assemblée nationale, le texte avait été amélioré sur trois points, comme cela a été rappelé.
Tout d’abord, il a été prévu la désignation d’un organisme suppléant dans l’hypothèse où l’Arcom, autorité compétente pour examiner les injonctions de retrait, ne pourrait pas s’acquitter de ses obligations dans les plus brefs délais, notamment en cas d’émission d’une notification étrangère visant à obtenir le retrait d’un contenu en France.
Ensuite, les sanctions prévues pourront être appliquées de manière plus dissuasive, c’est-à-dire directement ou lorsque l’infraction est commise de manière « habituelle », et non plus seulement en cas de non-respect « systématique ».
Enfin, la faculté a été accordée à l’Arcom de recueillir les informations nécessaires à l’exercice de sa mission de suivi des obligations administratives découlant du règlement européen.
Ainsi que cela vient d’être rappelé, notre commission des lois a, quant à elle, enrichi le texte de plusieurs modifications importantes et fort pertinentes ; j’en profite pour saluer l’excellent travail réalisé dans l’urgence par notre rapporteur André Reichardt. Elle a notamment prévu la transmission systématique des injonctions de retrait à l’Arcom, afin que celle-ci puisse intervenir de manière complète sur les procédures visées et veiller à la cohérence globale du traitement des contenus terroristes.
Notre commission a également retenu l’harmonisation des peines encourues par les fournisseurs de services d’hébergement en cas de non-respect de leurs obligations, la peine de prison encourue pour non-signalement d’un « contenu à caractère terroriste présentant une menace imminente pour la vie » étant abaissée de trois à un an. Nous prévoyons par ailleurs le raccourcissement des délais applicables à la suite de la procédure, en fixant à soixante-douze heures le délai d’un possible appel et en abaissant le délai d’un mois laissé au Conseil d’État à compter de la saisine.
En dépit des regrets pertinents exprimés par M. le président de la commission des lois quant à ce que nous aurions souhaité voir inclus dans cette proposition de loi, le groupe UC – vous l’avez deviné – votera pour cette proposition de loi dans sa rédaction si sagement amendée par notre commission.