Mes chers collègues, nous en arrivons désormais au second point de notre ordre du jour, à savoir la table ronde consacrée aux difficultés d'application des dispositions relatives à la continuité écologique prévues par la loi « Climat et résilience ».
La continuité écologique n'est pas un sujet nouveau pour notre commission : citons notamment le travail approfondi et équilibré de notre collègue Guillaume Chevrollier, qui a rédigé un rapport d'information, en mars 2021, que nous avions adopté à l'unanimité. Les dix recommandations du rapport visaient à rompre avec une continuité écologique destructive, afin de réconcilier préservation de l'environnement et activités humaines.
Au niveau législatif, notre commission a également investi le sujet à l'occasion de l'examen de la loi « Climat et résilience ». Pascal Martin, rapporteur des dispositions relatives à la préservation des écosystèmes aquatiques, a notamment eu à connaître du fameux article 19 bis C, devenu article 49 une fois la loi promulguée. Le dispositif, introduit par 29 amendements identiques en première lecture à l'Assemblée nationale, a été longuement débattu, sur tous les bancs, et a fait couler beaucoup d'encre dans la presse spécialisée. En séance publique, le Sénat avait alors fait le choix d'adopter cet article à l'identique, faisant ainsi sortir ces dispositions de la navette parlementaire.
La table ronde de ce jour est consacrée à l'entrée en vigueur, dans le droit positif, de cet article applicable aux moulins à eau, aux termes duquel « l'entretien, la gestion et l'équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l'accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l'exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages. » Cet article précise également que l'usage actuel ou potentiel d'un ouvrage hydraulique ne peut être remis en cause, notamment aux fins de production d'énergie.
Soucieux de la bonne application de la loi, le Sénat est de longue date attaché au respect de l'intention du législateur. C'est pourquoi il est aujourd'hui opportun, plus de neuf mois après l'entrée en vigueur du nouveau régime de la continuité écologique, de s'assurer que ces dispositions, d'application directe, soient bien comprises par les acteurs chargés de sa mise en oeuvre et qu'elles produisent des effets de droit qui n'amoindrissent pas les bénéfices induits par la continuité écologique. Il nous importe également de vérifier que les propriétaires d'ouvrages hydrauliques ne se voient plus proposer par l'administration la destruction de leurs biens.
Avant l'entrée en vigueur de cette nouvelle rédaction, la commission avait alerté sur la précarité juridique de certaines dispositions normatives, produisant des effets à propos de situations dont la réalisation n'est que potentielle, ouvrant la voie d'un régime d'exemption particulièrement large et imprécis, avec un risque d'altération de la clarté de la loi, alors qu'il s'agit d'un objectif de valeur constitutionnelle. Cette situation est d'autant plus problématique que nous ne connaissons pas avec précision le nombre de moulins présents sur nos cours d'eau ; nous savons seulement que le référentiel national des obstacles à l'écoulement recense 60 000 ouvrages faisant obstacle à l'écoulement des eaux.
Pour explorer ce nouveau régime de la continuité écologique et les évolutions intervenues depuis l'entrée en vigueur de la loi « Climat et résilience », nous avons le plaisir d'accueillir M. Pierre Dubreuil, directeur général de l'Office français de la biodiversité (OFB), Mme Nathalie Évain-Bousquet, directrice du programme et des interventions de l'agence de l'eau Seine-Normandie et M. Pierre Meyneng, président de la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins. Participe également à notre table ronde, en visioconférence, Mme Veronica Manfredi, directrice « Pollution zéro et Cités vertes » auprès de la direction générale de l'environnement de la Commission européenne, qui pourra notamment nous indiquer quelles sont les préconisations portées par l'Union européenne (UE) sur le fondement de la directive-cadre sur l'eau en matière de continuité écologique.
Je cède la parole à nos intervenants, pour un propos liminaire de cinq minutes, afin que chacun fasse le point, dans son domaine de compétence, sur les évolutions et éventuelles difficultés d'application rencontrées depuis l'entrée en vigueur de l'article 49 de la loi Climat et résilience.