- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 9 h 15.
Nous avons le plaisir de nous retrouver aujourd'hui pour l'examen du rapport et des propositions de nos collègues Martine Filleul, Pascal Martin et Philippe Tabarot, sur les risques liés au transport et au stockage de produits à base de nitrate d'ammonium.
L'explosion survenue à Beyrouth, au Liban, le 4 août 2020, a mis en lumière les risques liés au transport et au stockage de produits à base de nitrate d'ammonium.
Je rappelle que ces produits se distinguent en deux grands types d'usage : d'une part, un usage agricole, avec les engrais à base de nitrate d'ammonium, à haut dosage ou à moyen dosage, que l'on appelle les ammonitrates, et d'autre part, un usage technique, pour la fabrication d'explosifs, notamment dans l'industrie minière et les carrières.
Précisons d'emblée que nous ne pouvons pas faire de comparaison entre la situation libanaise et la situation française. À Beyrouth, il s'agissait de 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium technique, destiné à la fabrication d'explosifs, lequel ne représente qu'une part infime du trafic en France, soit environ 50 000 tonnes, importées pour l'essentiel par la route. Par ailleurs, cette matière était stockée depuis plus de sept ans dans un entrepôt portuaire après avoir été abandonnée par son propriétaire.
À la suite de cet accident dramatique, qui a provoqué la mort de 204 personnes et en a blessé plus de 6 500 autres, le ministère de la transition écologique et le ministère de l'économie ont chargé le Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGEIET) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) de mener une mission conjointe sur la gestion des risques liés à la présence d'ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux. Cette mission a rendu son rapport en mai 2021.
À l'automne 2021, avec mon accord et celui de Didier Mandelli, nos trois rapporteurs ont lancé un cycle d'auditions et de déplacements sur ce sujet. L'objectif était de dresser un état des lieux du cadre normatif applicable à la gestion des risques liés aux ammonitrates ainsi qu'aux contrôles réalisés par l'inspection des installations classées et de formuler des propositions d'évolution, afin de parvenir à une meilleure conciliation entre la réponse aux besoins actuels des professionnels pour la production agricole et le nécessaire renforcement de la prévention des risques associés à ces produits.
Pour cela, ils ont procédé, en décembre 2021, en notre présence, en audition plénière, à l'audition des inspecteurs qui ont rédigé le rapport que j'évoquais tout à l'heure, puis à une audition des acteurs économiques concernés, en janvier 2022. Ils ont également pu interroger le directeur général de Voies navigables de France (VNF) sur ce sujet, en janvier 2022. En outre, nous avons reçu en commission des représentants des administrations centrales concernées, en février dernier. Enfin, les rapporteurs ont rencontré le président du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT), M. Jacques Vernier, qui leur a décrypté les échanges ayant eu lieu au sein de ce dernier concernant les projets de modifications réglementaires des seuils de la rubrique de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) qui concernent le stockage des ammonitrates, soumis à consultation publique en début d'année 2022.
Les rapporteurs ont également réalisé deux déplacements de terrain : le premier, en décembre 2021, en Seine-Maritime, où ils ont rencontré les professionnels du port fluvial d'Elbeuf, qui accueille des ammonitrates, ainsi que les services de l'État à Rouen, et visité un site de production d'ammonitrates du groupe Borealis ; le second, auquel j'ai participé, dans le Grand-Est, où nous nous sommes rendus dans les ports fluviaux de Metz et Neuves-Maisons ainsi que dans une coopérative agricole, en présence des services déconcentrés de l'État.
Nous vous présentons aujourd'hui nos premières conclusions sur la gestion des risques liés au transport et au stockage de nitrate d'ammonium.
Je m'attacherai à vous faire part d'un certain nombre d'informations sur la gestion des risques liés aux produits à base de nitrate d'ammonium et à vous présenter la méthode dont nous sommes convenus, avec le président Longeot, Didier Mandelli et mes deux collègues rapporteurs Philippe Tabarot et Martine Filleul, pour présenter nos recommandations et conclure nos travaux. Je laisserai ensuite la parole à mes deux collègues, qui vous présenteront nos premières recommandations.
Comme l'a rappelé le président, nos travaux ont été lancés à la suite de la mission conjointe du CGEDD et du CGEIET, qui ont relevé certaines insuffisances dans la réglementation sur la prévention des risques liés au nitrate d'ammonium dans notre pays, au stade du transport, d'une part, et du stockage, d'autre part.
L'intérêt de ce travail a été renforcé lorsque le Gouvernement a annoncé son intention, en janvier 2022, de faire évoluer, à la baisse, les seuils fixés pour les différents régimes de stockage d'ammonitrates au sein de la réglementation des ICPE.
Sur le fond, tout d'abord, les ammonitrates d'usage agricole se divisent principalement en deux catégories : les ammonitrates à moyen dosage, qui présentent peu de risques, et les ammonitrates haut dosage, qui sont classés comme des matières dangereuses dans la réglementation internationale et nationale.
Ce dernier produit présente trois principaux risques : le premier, l'explosion, varie selon la teneur en nitrate d'ammonium des produits et la présence d'impuretés pouvant accélérer la décomposition. Le deuxième, la décomposition, induit des fumées nocives contenant de l'acide nitrique, de l'ammoniac et des oxydes d'azote. Le troisième est le risque terroriste, en particulier pour les produits à forte concentration en nitrate d'ammonium. Lors de l'attentat survenu dans le centre d'Oslo en 2011, le terroriste avait acquis une société à vocation agricole pour acheter plusieurs tonnes d'ammonitrates à haut dosage.
Sur le plan de l'accidentologie, 62 incidents liés au nitrate d'ammonium ont pu être recensés dans le monde depuis 1904, mais cette liste est loin d'être exhaustive. Parmi les incidents les plus graves, on distingue notamment trois explosions à la suite d'un amorçage, qui ont provoqué la mort de plusieurs dizaines de personnes ; seize explosions à la suite d'un incendie, provoquant là aussi des centaines de morts et parfois des milliers de blessés.
En France, depuis l'accident de Saint-Romain-en-Jarez de 2003, qui avait blessé 26 personnes, on n'a plus constaté aucun accident grave du fait de ce produit. Toutefois, les incidents mettant en cause du nitrate d'ammonium sont nombreux et apparaissent généralement dans des fermes agricoles ou au cours du transport par route.
L'élément le plus important à retenir est sans doute que, si la probabilité d'occurrence d'un accident est faible avec les ammonitrates, le danger reste très élevé. L'explosion survenue dans l'usine AZF de Toulouse en 2001 est encore présente dans toutes les têtes. Les 300 tonnes de nitrate d'ammonium - ce qui semble assez faible par rapport au volume global - impliquées dans l'explosion avaient entraîné 31 morts et plus de 2 000 blessés. Des dégâts matériels majeurs avaient également été recensés dans la ville de Toulouse, jusqu'à cinq kilomètres du lieu de l'explosion.
Autre chiffre intéressant s'agissant des installations où les accidents sont principalement constatés : deux tiers des incidents ont lieu sur des sites de stockage - pour 48 % d'entre eux - et sur des navires - pour 18 %.
J'en viens à la méthode retenue pour rendre nos conclusions. Au début de notre mission, nous pensions pouvoir vous dresser un panorama général de la gestion des risques liés au nitrate d'ammonium portant tant sur le transport que sur le stockage de ces produits. Toutefois, plusieurs éléments nous ont conduits à devoir reporter la présentation de nos recommandations sur le stockage agricole. Nous évoquerons donc aujourd'hui le seul transport.
D'abord, le conflit à l'Est de l'Europe, né de l'agression de l'Ukraine par la Russie, a entraîné une augmentation très importante du prix des engrais agricoles, du fait de la hausse des prix du gaz. Dans ce contexte, il nous a paru nécessaire d'assurer une stabilité du cadre légal et réglementaire applicable aux ammonitrates. L'objectif actuel doit être de garantir la continuité des approvisionnements, à des prix raisonnables si possible pour nos agriculteurs.
En ce sens, nous avons souhaité tenir compte des demandes unanimement exprimées par les professionnels des secteurs concernés, qui sont entièrement mobilisés sur l'enjeu de l'approvisionnement, pour garantir une situation normale lors des prochaines campagnes d'épandage. Je note que le Gouvernement a annoncé le report de la publication de plusieurs textes réglementaires relatifs au stockage d'ammonitrates, qui visaient à abaisser le seuil du régime de déclaration pour les ammonitrates haut dosage en vrac ou en grands sacs, dans la nomenclature des ICPE.
Ensuite et surtout, à ce jour, il nous manque toujours des données indispensables pour formuler des recommandations dans le domaine du stockage agricole. Nous avons, en effet, besoin de disposer d'une étude d'impact économique globale et d'une photographie précise de la situation actuelle des sites de stockage. Les premières données que nous avons recueillies auprès du ministère de la transition écologique et du ministère de l'intérieur ne suffisent pas, à l'heure actuelle, pour dresser une image fidèle de la situation et des enjeux.
Une seconde mission d'inspection a été demandée par le Gouvernement aux inspecteurs du CGEDD et du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) afin d'évaluer les conséquences économiques d'un abaissement des seuils du régime de déclaration et du régime d'autorisation de la nomenclature des ICPE s'agissant des ammonitrates. Cette mission a démarré ses travaux en juin et doit durer six mois, jusqu'en décembre 2022, au plus tôt. Elle mettra à notre disposition des données précises.
Dans l'attente de ces éléments, indispensables pour éclairer notre travail de recommandations, nous avons choisi de disjoindre ce volet. C'est pourquoi mes collègues Philippe Tabarot et Martine Filleul concentreront leurs propos du jour sur la gestion des risques liés au transport, par voie maritime et fluviale, des ammonitrates.
S'agissant de la gestion des risques liés au stockage de ces produits, je vous donne rendez-vous un peu plus tard dans l'année, ainsi que je l'ai expliqué, lorsque nous aurons pu prendre connaissance des éléments de ce rapport et ajuster notre analyse, qui pourrait porter tant sur le seuil d'autorisation que sur le seuil de déclaration du régime ICPE.
J'ai le plaisir de vous présenter deux axes de nos travaux : d'une part, le renforcement de la connaissance des flux de matières dangereuses dans notre pays, en particulier s'agissant des ammonitrates haut dosage et, d'autre part, la clarification des responsabilités dans la gestion de ces matières dans le secteur fluvial et maritime.
Le premier axe de notre rapport consiste à renforcer la surveillance des flux de transport de matières dangereuses, en particulier dans les ports fluviaux et maritimes.
La France, premier producteur de céréales en Europe, se caractérise par une forte consommation d'ammonitrates haut dosage, avec environ 1 500 kilotonnes consommées en moyenne chaque année, que ce soit en vrac, pour le tiers de la consommation environ, ou en sacs. Ces produits sont issus à la fois de notre production nationale, qui s'élève à 1 700 kilotonnes par an, et de l'importation, pour 290 kilotonnes par an. Une petite partie de notre production, de l'ordre 180 kilotonnes, est destinée aux exportations, qui sont effectuées à 80 % via nos ports maritimes.
Ces flux d'ammonitrates affectent l'ensemble des infrastructures de transport. S'agissant des importations, nous avons pu recueillir les informations suivantes : les ports maritimes sont la principale porte d'entrée des ammonitrates haut dosage ; ils enregistrent 45 % des importations. Sept ports sont concernés : d'une part, les grands ports maritimes de Rouen, de Nantes Saint-Nazaire ainsi que le grand port maritime de La Réunion et, d'autre part, les ports de commerce décentralisés de Saint-Malo, de Saint-Brieuc, des Sables-d'Olonne et de Rochefort. Vient ensuite la route, avec 38 % des importations d'ammonitrates haut dosage. Le transport fluvial représente environ 17 % de ces flux. Très peu d'importations sont, en revanche, réalisées par la voie ferroviaire. Au total, le transport fluvial et maritime accueille donc plus de 60 % des importations d'ammonitrates haut dosage.
Cependant, les importations ne représentant que 20 % de notre consommation d'ammonitrates haut dosage, cette photographie n'est que partielle et ne suffit pas à donner une image fidèle de l'ensemble des flux. Et pour cause, et c'est bien là le premier constat de notre rapport : il n'existe pas de système qui permette de suivre de manière précise et centralisée les flux d'ammonitrates haut dosage dans notre pays.
La voie d'eau est emblématique de cette lacune. Si le secteur fluvial ne constitue pas le point le plus sensible de la chaîne d'approvisionnement en ammonitrates, du fait de tonnages bien inférieurs à ceux que l'on constate dans les ports maritimes, le trafic y est particulièrement difficile à appréhender, d'autant plus qu'il n'existe pas de recensement exhaustif des ports intérieurs et que ceux-ci ne reposent pas sur un cadre juridique aussi précis que les ports maritimes.
En se fondant sur les conclusions de la mission du CGEDD-CGEIET, nous identifions toutefois des flux d'ammonitrates haut dosage sur le réseau grand gabarit, localisés sur la Seine, avec le port d'Elbeuf, la Moselle, avec les ports de Metz et Neuves-Maisons, ainsi que sur le Rhin, avec le port autonome de Strasbourg et le port d'Ottmarsheim, sans pouvoir les quantifier précisément.
La première recommandation de notre rapport est donc d'améliorer la connaissance des flux de matières dangereuses par voie maritime et fluviale, qui constitue un préalable indispensable pour mener une politique de prévention des risques efficace au sein de ces infrastructures.
Tout d'abord, si les ports maritimes disposent d'un système de surveillance du trafic de matières dangereuses formalisé, il serait nécessaire de faciliter l'agrégation des données au niveau national. Nous proposons, dans la lignée des recommandations du rapport du CGEDD, la mise en place d'un outil informatique unique de collecte des informations relatives au trafic de matières dangereuses dans les ports maritimes, qui serait interopérable avec le guichet unique maritime et portuaire.
S'agissant du secteur fluvial, nous constatons que la surveillance des flux de matières dangereuses est nettement moins organisée. Le code des transports prévoit une obligation d'annonce pour les navires transportant des matières dangereuses, applicable dans certains secteurs fluviaux définis localement. L'annonce doit notamment indiquer le type et la quantité de matière transportée et être adressée à Voies navigables de France. Nous constatons que cette mesure est appliquée de manière inégale sur le territoire : si elle semble bien mise en oeuvre sur certains axes, comme le Rhône et le Rhin, en vertu d'un accord international, ce n'est pas toujours le cas sur la Seine. D'ailleurs, l'administration indique disposer de peu d'informations sur l'application de cette mesure à l'échelle du territoire national.
Nous proposons donc de rendre plus effective l'obligation d'annonce concernant les navires transportant des matières dangereuses sur la voie fluviale, en élargissant localement son périmètre d'application.
En outre, nous souhaitons que les antennes territoriales de VNF transmettent ces informations aux administrations concernées afin de faciliter leur consolidation au niveau national. Pour ce faire, nous invitons le Gouvernement à doter VNF d'un outil informatique de gestion dématérialisée de ces opérations. Par ailleurs, nous l'alertons sur la nécessité de prendre en compte les charges induites par cette mission dans l'évolution des moyens financiers mais aussi humains de VNF, qui subit, depuis plusieurs années, une trajectoire de baisse de ses effectifs.
J'en viens à présent au deuxième axe de notre rapport : clarifier la répartition des responsabilités de la gestion des matières dangereuses dans le secteur fluvial et maritime.
Dans le transport fluvial, une multitude d'acteurs intervient, parmi lesquels les directions départementales des territoires (DDT), qui délivrent les autorisations de navigation des bateaux et assurent des missions de police de la navigation, les gendarmeries fluviales, qui contrôlent les navires en mouvement et, dans certains cas, les contrôleurs des transports terrestres issus des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal).
L'organisation des ports fluviaux est, du reste, très souple en comparaison du secteur maritime, et ceux-ci ne disposent pas, par exemple, d'une autorité clairement investie d'un pouvoir de police des matières dangereuses. Partant de ces constats, le rapport du CGEDD-CGEIET a souligné la difficulté à identifier un « interlocuteur qui se sente globalement responsable pour le trafic de matières dangereuses » dans les ports fluviaux.
En comparaison, la répartition des responsabilités paraît bien plus lisible dans les ports maritimes : la police des matières dangereuses y est exercée par des agents de l'État affectés aux capitaineries, qui sont placées sous l'autorité de la direction du port, comme c'est le cas dans les grands ports maritimes, ou sous celle du préfet ou de l'autorité portuaire dans les ports décentralisés. Le rapport du CGEDD-CGEIET indique toutefois que certaines capitaineries des grands ports maritimes font parfois face à des situations ambiguës, dans lesquelles l'autorité portuaire ne se sent pas pleinement investie du pouvoir de police portuaire, tandis que la préfecture n'a que peu de responsabilités en la matière. Le rapport souligne, en outre, que les capitaineries se trouvent souvent isolées dans l'exercice de leurs missions, faute d'une véritable animation de leur réseau au niveau national.
Afin de clarifier la répartition des rôles et des responsabilités de chacun, nous proposons l'élaboration d'une instruction précisant les tâches respectives des services centraux et déconcentrés dans la gestion des matières dangereuses dans le secteur fluvial et maritime, indiquant également les modalités de coordination entre ces services.
Il me revient de vous présenter le dernier axe de notre rapport, qui est peut-être le plus central : comment mieux encadrer la gestion des produits à base de nitrate d'ammonium dans les infrastructures fluviales ?
D'emblée, nous avons constaté d'importantes disparités dans l'appréhension des matières dangereuses entre les ports maritimes et fluviaux.
Dans le secteur maritime, la gestion des produits à base de nitrate d'ammonium fait l'objet d'une réglementation stricte et étoffée. Les ammonitrates haut dosage étant considérés comme une matière dangereuse par le droit international, leur transport par voie maritime est rigoureusement encadré par la réglementation issue de l'Organisation maritime internationale (OMI).
S'agissant des ports, les opérations de manutention sont encadrées par un règlement national, le règlement pour le transport et la manutention des matières dangereuses dans les ports maritimes, dit « RPM », publié en 2000. Ce texte réglemente notamment les opérations de chargement et déchargement et, surtout, les dépôts à terre, qui peuvent être autorisés à condition de respecter des règles strictes de sécurité. Le règlement national doit être précisé et adapté localement, par l'intermédiaire de règlements élaborés dans chaque port maritime.
Bien que déjà satisfaisante, la réglementation applicable aux ports maritimes a encore été renforcée récemment, par un arrêté publié en février 2022, lequel a rehaussé la distance minimale à respecter entre deux îlots d'ammonitrates haut dosage, désormais comprise entre 8 et 14 mètres, selon la quantité considérée, au lieu de 4 mètres auparavant. Il a aussi renforcé l'obligation de gardiennage des îlots et en a abaissé à 250 tonnes la taille maximale, contre 600 tonnes auparavant.
Dans les ports fluviaux, la situation apparaît plus inquiétante et lacunaire : s'il existe un règlement international - l'accord dit « ADN » - pour encadrer les opérations de transport de matières dangereuses par voie terrestre, celui-ci comprend peu de dispositions concernant les opérations de manutention. En audition, l'un des auteurs du rapport du CGEDD avait d'ailleurs qualifié la situation des ports fluviaux d'« artisanale » en comparaison des ports maritimes. Ce constat est d'une certaine façon confirmé par l'administration centrale, un représentant de la direction générale de la prévention des risques (DGPR) ayant indiqué, lors de l'audition organisée en février dernier devant notre commission, que, en matière de gestion des matières dangereuses, nous ne disposions pas de « matrice réglementaire » dans les ports fluviaux.
Ces constats ne doivent pas conduire à l'alarmisme. Lors des déplacements effectués avec mes collègues rapporteurs, que ce soit dans le petit port d'Elbeuf ou dans les ports plus imposants de Metz et de Neuves-Maisons, nous avons observé des pratiques particulièrement professionnelles et responsables. Par ailleurs, les flux d'ammonitrates haut dosage demeurent modestes dans les ports fluviaux par rapport aux ports maritimes.
Toutefois, nous estimons que le transport de matières dangereuses par le fleuve présente des perspectives de développement, ne serait-ce que grâce au canal Seine-Nord Europe, qui, d'après VNF, permettrait de multiplier par quatre le trafic fluvial sur l'axe nord-sud d'ici la fin de la décennie.
Notre commission soutient avec constance le report modal vers la voie d'eau. J'ai d'ailleurs été à l'origine de l'article 131 de la loi « Climat et résilience », qui fixe l'objectif d'augmenter de moitié le trafic fluvial dans le transport intérieur de marchandises d'ici à 2030.
Surtout, l'accidentologie liée aux ammonitrates haut dosage démontre que même une faible quantité de cette matière, si elle est stockée dans de mauvaises conditions ou prise dans un incendie, peut occasionner des dégâts importants.
Afin d'accompagner un développement du fret fluvial respectueux des conditions nécessaires de sûreté et de sécurité, il est donc de notre responsabilité de mettre en place un cadre réglementaire clair et précis auquel les acteurs fluviaux puissent se référer en matière de gestion des matières dangereuses.
Nous proposons donc que soit élaboré un règlement national sur le transport et la manutention de matières dangereuses par voie fluviale, qui serait le pendant du règlement qui existe aujourd'hui dans le secteur maritime. Ce texte encadrera mieux les dépôts à terre d'ammonitrates haut dosage, mais également d'autres matières dangereuses, en fonction des quantités de marchandises en cause.
Le Gouvernement a lancé en mars dernier des travaux en vue d'élaborer un tel règlement. Si nous regrettons que le Gouvernement ait attendu la publication du rapport du CGEDD en mai 2021 pour aborder ce sujet, nous saluons cette initiative et souhaitons qu'elle aboutisse dans les meilleurs délais.
Afin de tenir compte des configurations locales, le règlement national doit être décliné dans les ports fluviaux, que ce soit pour le préciser ou pour l'adapter. Cette souplesse étant prévue dans les ports maritimes, il nous semble nécessaire d'en faire également bénéficier le secteur fluvial. Nous souhaitons que ces règlements locaux ne soient toutefois que facultatifs, à l'inverse de ce qui est pratiqué dans le secteur maritime, pour ne pas alourdir les contraintes pesant sur les ports fluviaux et pour tenir compte des importantes disparités existant entre eux, en termes de trafics de matières dangereuses et d'organisation interne.
Il est urgent de mettre au point une véritable politique de maîtrise des risques liés à la manutention de matières dangereuses dans le secteur fluvial et de pallier les carences actuelles de notre réglementation. Afin de permettre aux ports fluviaux d'anticiper cette évolution, nous proposons toutefois une date butoir pour la parution du règlement national au 1er janvier 2024.
Par ailleurs, nous avons constaté la non-transposition dans notre droit d'une mesure issue de l'accord ADN, qui impose l'identification dans les règlements locaux relatifs à la police de la navigation fluviale des lieux sur lesquels les chargements et déchargements de matières dangereuses sont autorisés.
Nous appelons donc les préfets à se mettre en conformité avec la réglementation internationale sans tarder. Cette mesure permettra également aux services de l'État de disposer d'une vision plus précise des flux d'ammonitrates constatés sur la voie fluviale et de faciliter les contrôles.
En complément, nous souhaitons améliorer les contrôles effectués avant la mise sur le marché des ammonitrates haut dosage issus de l'importation. Ces engrais doivent respecter un ensemble de prescriptions prévues par la réglementation européenne, visant à garantir non seulement l'absence d'effets indésirables pour l'homme ou l'environnement, mais aussi le respect de caractéristiques physico-chimiques et la réalisation de tests de détonabilité. Le contrôle de cette réglementation est organisé par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) au niveau de l'administration centrale ; il est effectué, au niveau local, par les directions départementales de la protection des populations (DDPP), qui effectuent une douzaine de prélèvements par an dans les ports maritimes.
Nous souhaitons toutefois que la transmission d'informations entre les ports et l'administration déconcentrée soit davantage formalisée - la mission du CGEDD avait, en effet, identifié des lacunes à ce niveau entre les capitaineries et les services déconcentrés - et que les ports fluviaux soient intégrés à ces contrôles lorsqu'ils accueillent d'importantes quantités d'ammonitrates.
Nous proposons ainsi de définir un programme de contrôle annuel, concernant à la fois les ports maritimes et fluviaux et visant à cibler les importations d'ammonitrates qui présentent les plus importants enjeux de conformité avec la réglementation européenne, et de clarifier les modalités de coopération entre les différents services locaux. Une telle évolution permettrait de mieux garantir la qualité des ammonitrates haut dosage dès leur entrée sur le marché et, ainsi, de réduire à la source les risques d'incidents au sein de nos infrastructures.
Mes chers collègues, nous avons tenté d'apporter des réponses concrètes afin d'assurer la sécurité de nos ports. Nous avons veillé à ne pas ajouter de contraintes ou normes supplémentaires et de charges financières pour l'État. Nous ne voulons en aucun cas freiner le développement du fret maritime et fluvial, que notre commission appelle de ses voeux.
Merci aux rapporteurs pour le pragmatisme dont ils ont su faire preuve. Effectivement, nous n'avons pas besoin de réglementations supplémentaires.
Depuis l'incident de l'usine AZF à Toulouse en 2001 ou les explosions de Beyrouth en 2020, la sensibilité à la question du stockage est plus grande. Nous pourrions réduire le risque à la source. Disposez-vous de données sur la consommation de l'agriculture française en nitrate d'ammonium ?
Il existe un projet de décret sur la réduction des volumes de stockage à 150 tonnes. Nous avons vu une levée de boucliers dans la profession. Le décret est-il appliqué ?
Quant à la dissémination des points de stockage pour lutter contre la concentration, comment aborder cette question alors qu'il faut respecter des exigences de sûreté des installations et éviter des problèmes logistiques ? Comment concilier ces injonctions contradictoires ?
Le décret est actuellement suspendu. Le seuil fixé aura des conséquences sur l'éparpillement des zones de stockage. Nous attendons les décisions du Gouvernement. Ces questions seront abordées lorsque nous aborderons le deuxième volet de nos travaux, dans quelques mois.
Auprès des coopératives agricoles, nous avons constaté que les agriculteurs sont déjà sensibilisés à l'utilisation de ces produits. Les chambres d'agriculture travaillent déjà à l'information et à l'élaboration de formations.
Le niveau de consommation des ammonitrates interroge sur ce que nous souhaitons pour l'agriculture française. La France est le premier producteur de céréales en Europe ; à ce titre, elle consomme 1 500 kilotonnes d'ammonitrates haut dosage chaque année, en moyenne.
Les ammonitrates moyen dosage sont majoritairement importés - ils représentent 1 000 kilotonnes par an -, mais les ammonitrates haut dosage sont fabriqués en France. La souveraineté agricole française est en jeu.
Existe-t-il un risque d'usage des ammonitrates pour des visées terroristes ?
Les services de l'État prennent déjà bien en compte les problématiques de prévention et de sûreté.
Il est tout à fait pertinent de s'intéresser au stockage.
Les capitaineries jouent un rôle tout à fait important pour contrôler en toute transparence. Vous demandez clairement à l'État, dans votre rapport, de s'engager mieux pour construire les outils de la transparence, qui permettront sans doute également de définir des orientations pertinentes en matière de stockage demain. Merci pour le travail accompli et pour cet exercice de transparence, qui est essentiel.
Peu de préconisations ont une portée législative. Quelles suites comptez-vous donner à ce rapport ?
Nous souhaitons présenter ce travail à notre nouveau ministre de la transition écologique, pour le sensibiliser à ces questions ; beaucoup de points sont essentiellement réglementaires, et son administration travaille déjà sur le sujet. Il est nécessaire que les équipes du ministère s'imprègnent de ce rapport. Nous solliciterons un rendez-vous.
Plus personne ne demande la parole... ?
Nous allons passer au vote.
Les recommandations sont adoptées.
La commission adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.
Mes chers collègues, nous en arrivons désormais au second point de notre ordre du jour, à savoir la table ronde consacrée aux difficultés d'application des dispositions relatives à la continuité écologique prévues par la loi « Climat et résilience ».
La continuité écologique n'est pas un sujet nouveau pour notre commission : citons notamment le travail approfondi et équilibré de notre collègue Guillaume Chevrollier, qui a rédigé un rapport d'information, en mars 2021, que nous avions adopté à l'unanimité. Les dix recommandations du rapport visaient à rompre avec une continuité écologique destructive, afin de réconcilier préservation de l'environnement et activités humaines.
Au niveau législatif, notre commission a également investi le sujet à l'occasion de l'examen de la loi « Climat et résilience ». Pascal Martin, rapporteur des dispositions relatives à la préservation des écosystèmes aquatiques, a notamment eu à connaître du fameux article 19 bis C, devenu article 49 une fois la loi promulguée. Le dispositif, introduit par 29 amendements identiques en première lecture à l'Assemblée nationale, a été longuement débattu, sur tous les bancs, et a fait couler beaucoup d'encre dans la presse spécialisée. En séance publique, le Sénat avait alors fait le choix d'adopter cet article à l'identique, faisant ainsi sortir ces dispositions de la navette parlementaire.
La table ronde de ce jour est consacrée à l'entrée en vigueur, dans le droit positif, de cet article applicable aux moulins à eau, aux termes duquel « l'entretien, la gestion et l'équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l'accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l'exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages. » Cet article précise également que l'usage actuel ou potentiel d'un ouvrage hydraulique ne peut être remis en cause, notamment aux fins de production d'énergie.
Soucieux de la bonne application de la loi, le Sénat est de longue date attaché au respect de l'intention du législateur. C'est pourquoi il est aujourd'hui opportun, plus de neuf mois après l'entrée en vigueur du nouveau régime de la continuité écologique, de s'assurer que ces dispositions, d'application directe, soient bien comprises par les acteurs chargés de sa mise en oeuvre et qu'elles produisent des effets de droit qui n'amoindrissent pas les bénéfices induits par la continuité écologique. Il nous importe également de vérifier que les propriétaires d'ouvrages hydrauliques ne se voient plus proposer par l'administration la destruction de leurs biens.
Avant l'entrée en vigueur de cette nouvelle rédaction, la commission avait alerté sur la précarité juridique de certaines dispositions normatives, produisant des effets à propos de situations dont la réalisation n'est que potentielle, ouvrant la voie d'un régime d'exemption particulièrement large et imprécis, avec un risque d'altération de la clarté de la loi, alors qu'il s'agit d'un objectif de valeur constitutionnelle. Cette situation est d'autant plus problématique que nous ne connaissons pas avec précision le nombre de moulins présents sur nos cours d'eau ; nous savons seulement que le référentiel national des obstacles à l'écoulement recense 60 000 ouvrages faisant obstacle à l'écoulement des eaux.
Pour explorer ce nouveau régime de la continuité écologique et les évolutions intervenues depuis l'entrée en vigueur de la loi « Climat et résilience », nous avons le plaisir d'accueillir M. Pierre Dubreuil, directeur général de l'Office français de la biodiversité (OFB), Mme Nathalie Évain-Bousquet, directrice du programme et des interventions de l'agence de l'eau Seine-Normandie et M. Pierre Meyneng, président de la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins. Participe également à notre table ronde, en visioconférence, Mme Veronica Manfredi, directrice « Pollution zéro et Cités vertes » auprès de la direction générale de l'environnement de la Commission européenne, qui pourra notamment nous indiquer quelles sont les préconisations portées par l'Union européenne (UE) sur le fondement de la directive-cadre sur l'eau en matière de continuité écologique.
Je cède la parole à nos intervenants, pour un propos liminaire de cinq minutes, afin que chacun fasse le point, dans son domaine de compétence, sur les évolutions et éventuelles difficultés d'application rencontrées depuis l'entrée en vigueur de l'article 49 de la loi Climat et résilience.
L'Office français de la biodiversité (OFB) a été créé en 2020 à partir de la fusion de plusieurs établissements. Le rapport de l'IPBES, plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques - souvent dénommée « le GIEC de la biodiversité » -, a relevé l'accélération de l'érosion de la biodiversité, dont l'un des facteurs est la fragmentation des milieux terrestres comme aquatiques. C'est la première cause au niveau mondial d'érosion et de perte de biodiversité.
Cette situation implique une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau sur tous les cours d'eau, classés au titre de la continuité écologique ou non, ce qui suppose une conciliation des usages dans le respect des priorités fixées par l'article L. 211-1 du code de l'environnement.
Vous connaissez les missions de l'OFB : la police administrative et judiciaire de l'environnement, soit les espaces naturels, la flore et la faune sauvages, ainsi que la chasse et la pêche ; la connaissance et l'expertise - notre mission la plus importante - sur les espèces, les milieux, les services rendus par la biodiversité et les menaces qu'elle subit, à travers des systèmes d'information, de collecte de données et la recherche ; l'appui aux politiques publiques du local à l'international ; la gestion et la restauration des espaces protégés, soit en direct, soit par l'animation du réseau des gestionnaires d'aires protégées ; la mobilisation des citoyens.
Établissement public sous la double tutelle du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, l'OFB est chargé de la mise en oeuvre de la réglementation, et non de sa rédaction. Il est responsable du référentiel national des obstacles à l'écoulement (ROE) et à l'origine du développement de l'indice de continuité écologique, qui permet de définir le caractère plus ou moins franchissable d'un ouvrage par les espèces.
Notre pôle hydroécologique, basé à Toulouse, effectue un travail de recherche et développement pour trouver des solutions qui maximisent la plus-value en termes de biodiversité et minimisent les contraintes pour les exploitants.
Notre mission d'appui nous conduit à accompagner des projets de continuité écologique : faire connaître les enjeux et les espèces en amont de l'instruction ; participer aux différentes réunions du comité de pilotage ; rédiger des avis auprès des services instructeurs, contrôler le respect des prescriptions et fournir un appui technique dans le cadre de la mise en oeuvre, laquelle ne peut se faire que si le propriétaire est d'accord.
Enfin, nous effectuons des contrôles ciblés sur le bon fonctionnement des dispositifs de franchissement et les débits minimums biologiques, selon un plan défini tous les ans avec l'ensemble des services de contrôle, sous l'égide des préfets pour la partie administrative et des procureurs pour la partie judiciaire.
Sur le terrain, les agents me rapportent que plusieurs projets sont en attente, voire bloqués, en raison de l'article 49 de la loi « Climat et résilience », car les propriétaires, qu'il s'agisse de propriétaires privés ou de collectivités, envisageaient un effacement, qui n'est désormais plus possible. Cet article est sujet à diverses interprétations : beaucoup de syndicats nous rapportent une recrudescence, sur certains territoires, de projets de remise en service de très petites installations, certains propriétaires se considérant exemptés du respect d'obligations réglementaires.
L'agence de l'eau, que je représente, est un établissement public placé sous la double tutelle du ministère chargé de l'écologie et du ministère chargé des finances, qui prélève des redevances sur l'ensemble des usages de l'eau afin de financer la connaissance des milieux et l'accompagnement des porteurs de projet dans des domaines comme la dépollution de l'eau, la restauration des milieux aquatiques, l'évolution de pratiques agricoles pour préserver l'eau des pollutions diffuses et afin de permettre une production d'eau potable dans des conditions économiques relativement acceptables pour l'ensemble du territoire national.
L'agence assure également le secrétariat du comité de bassin - le « parlement de l'eau » -, qui regroupe 187 représentants pour le bassin de la Seine et des fleuves côtiers normands, selon une gouvernance « grenellienne », avec 40 % d'élus locaux et de parlementaires, 20 % d'usagers non économiques, 20 % usagers économiques et 20 % de représentants de l'État. Ce comité de bassin donne un avis conforme sur le programme d'intervention de l'agence de l'eau, en application du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, déclinaison de la directive-cadre sur l'eau pour chacun des six bassins français. Ce programme d'intervention se déroule sur six ans. Le programme en cours, « Eau et climat 2019-2024 », prévoit 150 millions d'euros par an d'interventions auprès des maîtres d'ouvrage du bassin. À l'intérieur de cette enveloppe, un volet de 56 millions d'euros est consacré à la protection et la restauration des milieux aquatiques et humides et l'ensemble des milieux connectés, dont 13 millions d'euros pour la continuité écologique. Ces opérations sont toutes fondées sur le principe de conciliation des usages.
Nous finançons des acteurs locaux qui proposent des projets, il s'agit en majorité des collectivités compétentes pour la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) : communes, intercommunalités ou syndicats auxquels cette compétence a été déléguée.
Nous essayons de ménager les usages et la restauration de la biodiversité, parfois en vertu de schémas d'aménagement et de gestion des eaux pilotés par des commissions locales de l'eau. Ce sont en général des syndicats de rivière ou des collectivités en charge de la Gemapi qui nous demandent de financer des projets.
Le bassin Seine-Normandie compte 55 000 kilomètres de cours d'eau, dont 9 000 en liste 2. Je vous confirme que la loi « Climat et résilience » a induit une modification de nos pratiques. Nous avons révisé le programme d'intervention 2019-2024 pour rappeler notamment que nous ne finançons des projets qu'après autorisation préfectorale. Ce rappel symbolique nous permet de signifier que nous concilions bien les usages avant intervention pour accompagner les projets.
Nous finançons des études au profit des opérateurs de l'hydromorphologie des rivières sur l'ensemble du bassin versant afin de positionner les interventions aux meilleurs endroits pour la prévention des inondations, la conciliation des usages et la restauration de la continuité quand elle est nécessaire.
Sauf exceptions, tous nos projets font l'objet d'un accord des partenaires, notamment des propriétaires de moulins.
Je confirme que la loi « Climat et résilience » a bloqué un certain nombre de projets ayant pour but non seulement la restauration de la biodiversité, mais aussi la prévention des inondations. Un certain nombre de syndicats discutent actuellement avec les services de l'État sur l'ensemble de ces usages, et l'agence de l'eau n'interviendra que lorsque cet arbitrage sera fait.
La destruction des ouvrages de retenue des moulins est un vaste sujet, puisque pas moins de 3 000 à 5 000 de ces chaussées ou seuils qui parsèment nos cours d'eau depuis des siècles ont été détruits. Je salue donc le travail des sénateurs qui nous ont beaucoup aidés à l'article 49 de la loi « Climat et résilience », indispensable pour mettre fin à ce phénomène.
Nos rivières sont aménagées depuis des siècles, et même des millénaires en France et dans toute l'Europe de l'Ouest. Au XVIIIe siècle, époque pour laquelle nous disposons d'une cartographie très précise, il y avait 100 000 moulins à eau, contre 30 000 à 50 000 aujourd'hui. Au même moment, un traité de pêche rédigé par l'académicien Duhamel du Monceau à la demande du roi Louis XVI en 1771 fait état de rivières françaises abondamment peuplées de toutes les espèces de poissons, y compris des migrateurs, pêchés notamment dans les chaussées des moulins. À l'époque, les enjeux étaient à peu près les mêmes qu'aujourd'hui : préserver la ressource l'été, irriguer, se prémunir contre les crues l'hiver. C'est ce qui explique que les moulins aient été souvent perchés et les rivières recalibrées, pour éviter qu'ils soient inondés lors des crues.
Le couronnement de ce travail s'appelle le moulin, avec une civilisation des eaux à l'européenne, où les niveaux d'eau sont constants dans les vallées : lorsqu'il y a un excès d'eau, on ouvre les vannes ; lorsqu'il n'y a plus d'eau, on ferme les vannes. Ce système permet de répondre aux enjeux climatiques de notre pays depuis des siècles, car, l'hiver, nous avons beaucoup d'eau et, l'été, nous en manquons.
Les moulins sont des endroits où l'on produit de l'énergie et où l'on fabrique. Ils sont à l'origine de révolutions industrielles, car c'est là que tous les mécanismes liés à l'usage de la roue, pour la scierie ou la meunerie, ont été inventés ; mais ils ont aussi ce rôle fondamental de régulation des eaux pour se prémunir contre les crues, préserver la ressource et pêcher - puisque nos ancêtres vivaient abondamment de la pêche en étang et en rivière, les rivières étant moissonnées chaque année dans les chaussées des moulins.
La France a la chance d'avoir des archives très complètes à ce sujet, et il ne fait aucun doute que les milieux aquatiques d'hier, dans des rivières où il y avait 100 000 moulins à eau, étaient cinq à dix fois plus riches qu'aujourd'hui en poissons.
Autre point important : nous voyons apparaître une écologie qui est centrée non plus sur l'environnement, mais sur une opposition entre la nature et l'homme, la nature étant assimilée à la nature sauvage. C'est dans ce cadre que les ouvrages dit « anthropiques », c'est-à-dire construits par l'homme, sont perçus comme des perturbateurs d'un état originel de nos rivières, où l'on suppose qu'ils n'étaient pas présents voilà 2 000 ou 3 000 ans.
Dès l'époque gallo-romaine, il y a beaucoup de petits moulins à eau : des fouilles archéologiques récentes ont prouvé qu'il y en avait beaucoup plus que ce que l'on croyait, notamment sur la Vienne. Mais c'est surtout aux XIIe, XIIIe siècles que l'on constate une expansion très forte des moulins.
Cette idée de renaturer, de recréer une nature sauvage, est bien éloignée de celle d'une conciliation entre la présence humaine et la nature.
Autre point fondamental : la rivière naturelle des climats tempérés est une rivière fragmentée. M. Dubreuil a parlé de la fragmentation comme l'une des causes de l'érosion de la biodiversité. Lorsque les colons européens sont arrivés en Amérique du Nord, ils ont observé que tous les cours d'eau étaient barrés par des dizaines de milliers de barrages de castors. Ces derniers sont apparus il y a à peu près 7 à 12 millions d'années dans l'hémisphère Nord et ils ont, comme l'homme, cette tendance - fâcheuse pour certains - à construire des barrages. Ceux-ci ont les mêmes hauteurs que les chaussées des moulins, un à trois mètres en moyenne - certains barrages de castors allant jusqu'à cinq mètres aux États-Unis et trois mètres en Suisse, où ils ont été réintroduits dans les années 1950. Le castor donne au cours d'eau des climats tempérés ce caractère étagé. Ce qui est assez extraordinaire avec la nature, c'est que le castor a réglé avant l'homme cette problématique des pays tempérés comme le nôtre, où un excès d'eau hivernal succède à une pénurie estivale.
Les scientifiques américains, canadiens et européens qui étudient les cours d'eau sur lesquels existent encore des barrages de castors sont dithyrambiques quant aux effets de ces barrages sur l'ensemble des enjeux liés à l'administration des eaux : nappes phréatiques, hygrométrie, biodiversité. C'est aussi le cas pour les saumons : comme on peut le lire dans les articles de Wikipédia sur les barrages de castors, il est établi que plus il y a de barrages de castors, plus il y a de salmonidés. C'est un peu contre-intuitif, mais la nature est ainsi : ces barrages doivent être franchis par les saumons, mais ceux-ci sautent jusqu'à deux ou trois mètres de hauteur, parce que cela fait des millions d'années qu'ils ont à franchir ces ouvrages sur les cours d'eau. L'anguille, quant à elle, qui était encore très abondante dans les années 1970 en France, a une capacité de reptation et peut donc les contourner.
Les scientifiques américains et canadiens ont expliqué très simplement cette corrélation entre nombre de barrages et nombre de salmonidés : l'été, au Canada et aux États-Unis comme en France, il y a très peu d'eau ; dans la plupart des rus des têtes de bassin, sans ces petits barrages qui retiennent les eaux et qui rehaussent artificiellement les eaux, les pontes de salmonidés meurent ou les oiseaux et d'autres animaux les chassent.
Mais la nouvelle écologie considère par principe l'ouvrage anthropique comme quelque chose d'anti-naturel à supprimer, sans considération des effets sur la nature.
Cette politique de destruction dure en France depuis dix à quinze ans ; nous pouvons donc en observer les effets. En Mayenne, pas moins de 200 retenues de moulins ont été détruites - M. le sénateur Chevrollier est intervenu à juste titre sur ce sujet. Sur le Vicoin, il y avait 25 petits ouvrages pluriséculaires ; 24 ont été détruits en l'espace de sept à huit ans. Résultat : le Vicoin est à sec quasiment chaque été. Il n'y a plus de poissons, comme le confirme le président de l'association de pêche locale.
Vous me demandez ce qui se passe actuellement depuis le vote de l'article 49 de la loi « Climat et résilience ». Nous avons rencontré la direction de l'eau et de la biodiversité. Son interprétation consiste à dire : nous ne pouvons plus détruire les ouvrages sur les cours d'eau relevant de la liste 2 puisque la loi est claire ; en revanche, sur les cours d'eau non classés ou classés en liste 1 - c'est-à-dire ceux pour lesquels il n'y a pas d'obligation de continuité écologique -, nous souhaitons continuer à effacer ces ouvrages.
Les programmes des agences de l'eau qui ont été confirmés juste après le vote de la loi, en octobre ou novembre, ont été très peu modifiés. Je ne l'ai appris qu'en janvier, puisque nous ne faisons pas partie des comités de bassin. Il y a toujours une subvention préférentielle à l'effacement, de 80 %, par rapport à l'équipement des ouvrages. Par ailleurs, il n'y a toujours aucune aide pour l'entretien et la gestion de ses ouvrages, dont beaucoup appartiennent à des mairies, à qui ils ont été confiés par d'anciens propriétaires lorsque les moulins ont été abandonnés. Les agences de l'eau donnent des subventions pour l'équipement en passes à poissons, mais celles-ci sont toujours limitées à 50 ou 60 % en fonction des bassins. Nous avons ainsi dû attaquer les prorogations des programmes d'aides des agences de l'eau Loire-Bretagne et Seine-Normandie.
Ce sujet est donc malheureusement encore d'actualité ; il y a un vrai débat à avoir au sein des comités de bassin, et nous essayons de faire comprendre que ces ouvrages ont un rôle écologique fondamental pour le climat et pour la préservation des eaux et des milieux aquatiques de notre pays, au-delà même de la petite hydroélectricité.
Je vous remercie pour votre invitation. En ma qualité de directrice « Pollution zéro et Cités vertes » auprès de la direction générale de l'environnement de la Commission européenne. Nous nous assurons, entre autres, de la bonne mise en oeuvre de la directive-cadre sur les eaux. Plus généralement, nous gérons tous les sujets relatifs à la gestion de l'eau et à la protection des milieux marins.
La restauration de la continuité écologique des rivières est un thème important dans toute l'Union européenne (UE). Les écosystèmes d'eau douce sont les plus menacés dans le monde : les populations des espèces présentes y ont diminué de 81 % et nous sommes proches d'un point de non-retour si nous n'agissons pas. La fragmentation des écosystèmes liée à la présence d'obstacles et la pollution représentent les principales causes d'érosion de la biodiversité aquatique.
J'en reviens à la fragmentation. Un grand projet scientifique récent, AMBER - Adaptive Management of Barriers in European Rivers -, a montré que les rivières de l'UE comptent un obstacle tous les deux kilomètres. Telle est la principale menace pour nos écosystèmes aquatiques.
En décembre 2019, la Commission européenne a formulé plusieurs propositions au sein du Pacte vert pour l'Europe, afin de remédier à ces problèmes.
L'UE dispose également d'une législation solide. Depuis l'an 2000, une directive-cadre oblige tous les États membres à assurer une bonne gestion de la ressource. Elle les contraint à des objectifs de bon état des masses d'eau d'ici 2027. La directive Habitat, adoptée en 1992, définit des espèces et des habitats à protéger ; elle s'applique aux milieux d'eau douce.
La restauration de la continuité écologique est un objectif réglementaire européen. Elle est nécessaire pour parvenir à un état satisfaisant des cours d'eau du point de vue écologique, tel que le prescrit l'article 4 de la directive-cadre. L'annexe 5 de celle-ci recense tous les éléments à prendre en compte pour y parvenir, notamment l'hydromorphologie, qui inclut la continuité des rivières.
Restaurer la continuité écologique implique de supprimer ou d'adapter ces obstacles, en permettant le passage des poissons et des sédiments. Les décisions prises doivent se fonder sur l'analyse des impacts des obstacles sur les écosystèmes. Il convient de réconcilier les différents usages en maintenant des activités importantes pour la société, telles que la production d'énergie, tout en limitant le plus possible leurs conséquences sur la biodiversité. La directive-cadre n'oppose pas la nature à l'homme, bien au contraire. Elle vise à fournir une grille d'analyse pour le maintien ou la suppression des ouvrages. Tous les acteurs doivent être associés à ce processus. Nous démarrons, cette année, une phase cruciale, à savoir le troisième cycle prévu par la directive, selon lequel les États membres doivent parvenir à des eaux de bonne qualité d'ici 2027.
Depuis décembre 2019, le Pacte vert pour l'Europe a fixé des objectifs ambitieux à tous les États membres afin de mieux agir ensemble pour faire face à toutes les menaces, via une approche intégrée et holistique prenant en compte les impératifs socio-économiques. Il s'agit également de renforcer l'autonomie stratégique de notre continent.
En mai 2020, la Commission européenne a publié une stratégie pour la biodiversité, qui a défini, entre autres, l'objectif de restaurer d'ici 2030 25 000 kilomètres de rivières à courant libre dans l'ensemble de l'UE, en supprimant en priorité les obstacles obsolètes. Nous luttons également contre la pollution par le biais du plan d'action « zéro pollution », que le collège a adopté en mai 2021.
Le 22 juin dernier, la Commission européenne a proposé des objectifs juridiquement contraignants pour accélérer nos efforts de préservation de la nature, afin que cette dernière soit notre alliée pour faire face aux défis de notre temps.
Ces normes tendent à lutter contre l'érosion de la biodiversité et à préserver notre patrimoine naturel. Des études récentes estiment que les ratios coûts-bénéfices des politiques en faveur de la biodiversité sont de 1 à 8 en moyenne : 1 euro investi représente un gain de 8 euros pour la société.
La Conférence des Nations unies sur la biodiversité se tiendra en décembre prochain au Canada. Nous espérons que des objectifs chiffrés y seront adoptés.
Tout en reconnaissant le caractère délicat de ces questions, nous invitons l'ensemble des acteurs concernés à se mobiliser pour avancer ensemble. Nous devons concilier les objectifs entre tous les usages, de la manière la plus adaptée à chaque territoire. Cela est vital pour nous, mais aussi pour les générations futures.
Madame Manfredi, comment se place la France dans la mise en oeuvre de ces politiques par rapport à nos partenaires européens ? Notre pays fait-il mieux ou moins bien ? Quel budget consacrent les États affichant des résultats meilleurs que les nôtres ?
J'en viens à l'article 49 de la loi « Climat et résilience ». Nous avions prôné la conciliation et un examen au cas par cas. Toutefois, sur le terrain, ce n'est pas si simple.
Madame Evain-Bousquet, vous disposez d'un budget pluriannuel de 13 millions d'euros. Depuis le vote de la loi, comment les subventions aux propriétaires de moulins sont-elles réparties ? Les taux de subvention des travaux d'entretien et d'aménagement ont-ils été modifiés ? Existe-t-il une concertation entre les agences de l'eau pour définir une nouvelle doctrine en matière de subventions pour les ouvrages hydrauliques ?
Pouvez-vous nous présenter un état des lieux sur le nombre de moulins à eau ? Combien sont en conformité avec les principes de continuité écologique ? Notre rapport soulignait qu'un recensement était nécessaire.
Ce sujet est sensible et il ne s'agit pas de refaire le débat.
Monsieur Dubreuil et madame Evain-Bousquet, un travail de pédagogie sur le nouveau régime de continuité écologique a-t-il été mené auprès de vos agents sur le terrain ? Des difficultés d'interprétation de la notion d'usage potentiel sont-elles apparues ?
Qu'en est-il des règles applicables aux moulins à eau, dont certains produisent de l'énergie ? Lors des auditions, ce point soulevait une insécurité juridique. Des difficultés se sont-elles présentées ? Comment interprétez-vous l'article L. 214-17 du code de l'environnement ?
Dans sa décision du 13 mai 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'exemption pour certains moulins à eau des obligations visant à assurer la continuité écologique des cours d'eau. Il souligne que « le législateur a entendu non seulement préserver le patrimoine hydraulique, mais également favoriser la production d'énergie hydroélectrique, qui contribue au développement des énergies renouvelables. »
C'est une position d'équilibre, conforme à celle de la Commission européenne et à celle qu'a exprimée Guillaume Chevrollier dans son rapport d'information. Madame Manfredi, la continuité écologique est-elle source de conflits dans d'autres pays européens entre les tenants d'une approche que l'on pourrait qualifier de « naturaliste » et les partisans de l'hydroélectricité, nécessaire à la transition écologique ? Les efforts des pays européens sont-ils comparables ? Comment la France se situe-t-elle par rapport à la moyenne européenne ?
Nous avons adopté récemment des dispositions obligeant tous les États membres à définir des plans de préservation clairs pour leur territoire.
Nous ne disposons pas aujourd'hui d'une vision d'ensemble précise, mais les procédures d'infraction montrent que des problèmes de conciliation entre les usages se font jour dans plusieurs États membres. Toutefois, nous constatons également que des problèmes évoluent favorablement. Je pense aux projets concernant le Danube en Bulgarie et en Roumanie. Des suppressions de barrages sont envisagées pour le Rhin, notamment en Allemagne et aux Pays-Bas. La France a fait un peu moins bien que ses partenaires à ce sujet. Toutefois, je pense qu'elle se situe dans la moyenne européenne, tant pour l'impact hydromorphologique existant sur ses rivières que pour les efforts menés pour améliorer la continuité écologique.
Nous disposerons d'un cadre plus précis lorsque l'analyse des plans de bassin aura été effectuée et lorsque la nouvelle loi de protection de la nature sera adoptée.
Je souhaite clarifier un point. Le programme de l'agence de l'eau Seine-Normandie prévoit que 56 millions d'euros par an, sur six ans, soient affectés à la protection et à la restauration des milieux aquatiques. Sur les trois premières années du programme, de 2019 à 2021, 13 millions d'euros ont été dépensés en faveur de la continuité écologique. Aujourd'hui, il est un peu tôt pour connaître les conséquences financières réelles de l'article 49 de la loi « Climat et résilience ». Nous verrons à la fin de l'année si nous constatons une baisse. Les projets seront acceptés dès lors qu'ils remplissent les conditions du programme. Certains envisagent des suppressions d'ouvrages tandis que d'autres prévoient des passes à poisson pour les équipements ayant vocation à être maintenus sur les rivières. Dans ce dernier cas, le taux d'ouvrages équipés est passé de 40 % à 50 %. Le taux d'effacement, qui implique une renaturation plus profonde de la rivière, s'élève à 80 %.
Lors de l'évaluation menée sur l'équipement des ouvrages - les passes à poissons créées depuis quarante ans -, nous avons constaté que la plupart d'entre eux ne sont pas entretenus et posent problème : cela représente un échec collectif.
Notre « réseau continuité » permet de diffuser des informations à nos agents et aux directions et services départementaux.
Depuis l'adoption de la loi, l'intention a changé : nous appliquons l'impossibilité de l'effacement de seuils de retenue des moulins, ce qui rend difficile la conduite de projets en cours.
J'en viens à l'évolution des règles que vous avez votées. À cet égard, j'attends les instructions de ma tutelle, la direction de l'eau et de la biodiversité : je suis chargé non pas d'interpréter la loi et les règlements, mais plutôt de les mettre en oeuvre. J'attends des consignes claires.
Nous travaillons avec les porteurs de projet. Nous ne défendons pas une vision de l'écologie sans l'homme, bien au contraire : nous favorisons la conciliation des usages de la nature, sur le fondement de la science et de la connaissance, avec les porteurs de projet, les usagers, les propriétaires de moulins. L'application, difficile, de l'article 49 de la loi « Climat et résilience » nous met dans l'embarras, malgré nos efforts de pédagogie.
Lors de l'examen de la loi « Climat et résilience », les débats autour de l'article 49 ont été difficiles. Il est, en effet, complexe de concilier le maintien de la biodiversité et la sauvegarde patrimoniale des moulins à eau.
J'ai été saisi, comme d'autres sans doute, par la Fédération Nationale de la Pêche en France et de la protection du milieu aquatique. Nous devons oublier les postures et être pragmatiques. Les moulins relèvent du patrimoine historique et sont antérieurs à la raréfaction de certaines espèces piscicoles. Mais nous savons tous que les ouvertures de vannes pour favoriser le franchissement des poissons ne sont pas toujours suffisantes : nous devons trouver un juste milieu.
La production d'hydroélectricité est importante mais un poisson mort, coupé par une turbine, provoque moins d'émoi qu'un oiseau retrouvé au pied d'une éolienne. Les acteurs doivent se mettre autour de la table.
Monsieur Dubreuil, vous avez indiqué à deux reprises que l'OFB était chargé d'appliquer les textes. Est-ce une façon de « noyer le poisson » ? Ne rentre-t-il pas dans les missions de l'OFB, grâce à ses centaines d'agents sur le terrain, de jouer un rôle de conseil et d'expertise allant parfois à contre-courant des positions en vigueur ?
Il est difficile de parler de continuité écologique et de moulins sans évoquer la situation catastrophique des espèces telle que le saumon, l'esturgeon, la grande alose ou encore l'anguille. Depuis 1970, 95 % de ces populations ont disparu. Leur potentiel de reproduction s'en trouve évidemment affecté.
Nous pouvons conserver une vision romantique des moulins, mais ceux-ci représentent un problème. Nous comptons plus de 100 000 obstacles en France, tous les deux à cinq kilomètres.
Certes, la disparition des poissons est multifactorielle, mais le niveau de population nous oblige à agir rapidement. La situation n'est pas irréversible, mais elle est grave.
Avec le réchauffement climatique et la baisse du niveau des cours d'eau, le modèle économique de ces ouvrages n'est-il pas condamné à moyen terme ?
Pourquoi ne pas établir un partenariat avec la Fédération nationale de la pêche en France, qui compte 1 000 employés et 40 000 bénévoles ?
Je souhaiterais avoir des précisions à la suite de remontées de terrain. Depuis l'adoption de la loi, l'effacement des seuils n'est plus obligatoire : ainsi, les études et les plans de participation financière, réalisés antérieurement, sont obsolètes.
Le gestionnaire Gemapi doit-il conduire de nouvelles études ? Au-delà de la continuité écologique des rivières, quelles sont les nouvelles obligations des propriétaires de moulins ? Selon les territoires, les interprétations diffèrent.
La pollution chimique des cours d'eau est insidieuse et très radicale. Je suis élue du comité de bassin Adour-Garonne. Un colloque est organisé la semaine prochaine sur le thème des micropolluants et des microplastiques, sujet sur lequel je suis très investie.
Je ne remets évidemment pas en cause les bienfaits du rétablissement de la continuité écologique, mais je m'interroge sur les actions de lutte contre les micropolluants, qui constitue un sujet de première importance.
Mme Manfredi a indiqué que le rétablissement de la continuité écologique concernerait 25 000 kilomètres de rivières au sein de l'UE. Comment s'opère la répartition ? En parallèle, comment envisage-t-on une réduction de la pollution de l'eau ?
Je m'interroge sur les arguments de M. Meyneng portant sur la sécheresse et l'eau retenue par les moulins. Nous connaissons des sécheresses de plus en plus importantes. Je vis au bord de la Dordogne, dont le niveau est très bas : je suis très inquiète. La semaine dernière, lors d'un comité de bassin, EDF a indiqué que la moindre goutte d'eau serait comptée en prévision des besoins en électricité l'hiver prochain. Comment s'adapter à cette évolution rapide de la situation, notamment au regard du contexte international ?
Par définition, le Parlement est souverain et le suivi de l'application des lois fait partie de ses missions. Il peut aussi reconnaître qu'il a produit des lois moyennement applicables.
Je pense que nous avons commis une erreur en ne retenant pas la proposition de Pascal Martin, qui faisait confiance aux territoires pour trouver des solutions. Les dispositions que nous avons adoptées sur les retenues et les moulins sont trop jacobines et inapplicables. Bien sûr, il ne s'agit pas d'adopter une position inverse, qui plaiderait pour une suppression totale des moulins.
Nous devrons revenir sur ces dispositions, car trop d'ouvrages seront laissés à l'abandon. Quels sont les meilleurs exemples de reconquête de la biodiversité ? Quels ont été les critères ayant abouti à la renaturation profonde de lieux où les obstacles ont été supprimés ? Quels sont les lieux disposant du meilleur équilibre entre les différents usages ? Nous devons objectiver le débat. Nous ne devons pas nous cantonner à la théorie. La proposition de Pascal Martin représentait un excellent compromis : nous devrions la reconsidérer.
Monsieur Demilly, notre intention n'est pas de noyer le poisson ! Notre rôle est plus de les sauver. Les agents de l'OFB sont des policiers de l'environnement qui appliquent le droit, mais notre travail consiste avant tout à produire des connaissances. Les espèces comme la lamproie se portent mal. Avec les membres de notre conseil d'administration, parmi lesquels les pêcheurs ou les chasseurs, nous fournissons une expertise à notre tutelle afin de faire évoluer la réglementation : la connaissance a vocation à se retrouver dans les textes. L'expertise figure au coeur des missions de l'OFB.
Des solutions conciliant la continuité écologique et l'aspect patrimonial existent : je pense, par exemple, aux intégrations d'aménagement dans l'abbaye de Fontgombault, sur la Creuse, ou aux effacements sans toucher au patrimoine bâti dans le Morvan. Nos équipes agissent projet par projet avec tous les acteurs pour trouver des solutions : telle est notre vocation.
Monsieur Médevielle, nous travaillons avec l'ensemble des partenaires sur chaque projet : la Fédération de la pêche, les agences de l'eau, les directions départementales des territoires (DDT) ou encore les amis des moulins. Nous appliquons le protocole de production d'informations sur la continuité écologique (ICE) pour savoir si l'ouvrage est ou non franchissable.
Madame Préville, les micropolluants représentent un sujet majeur. N'opposons pas les causes de l'érosion aux raisons expliquant l'extinction de la biodiversité, dont la richesse se définit non pas par la multiplication d'espèces exotiques envahissantes, comme semblait le soutenir M. Meyneng tout à l'heure, mais par la présence et le maintien des espèces endogènes. Privilégions une vision non pas idéologique, mais scientifique.
Monsieur Dantec, nous rencontrons des problèmes de conciliation de la présence du castor avec les propriétaires de peupleraies.
Pouvez-vous nous indiquer un exemple de cours d'eau symbole d'une action réussie ?
Nous devons réduire progressivement les pollutions chimiques et organiques présentes dans nos cours d'eaux.
La Commission européenne doit adopter un projet de loi visant à moderniser nos équipements de traitement des eaux usées urbaines. Au mois d'avril dernier, les contrôles des émissions industrielles des plus grosses usines européennes ont été considérablement renforcés. Alors que 54 000 établissements sont déjà concernés, il s'agit de les étendre aux usines de produits chimiques agricoles.
Des restrictions nouvelles seront proposées contre les microplastiques dans le cadre de la réglementation européenne REACH. Une révision de la directive-cadre sur les emballages sera également engagée.
Avant la fin de l'année, une proposition législative tendant à augmenter le niveau de contrôle sur les typologies des polluants chimiques dans les eaux souterraines et de surface sera proposée au collège des commissaires. Les pesticides et les produits pharmaceutiques seront concernés, afin de renforcer les mécanismes d'alerte.
Notre programme de lutte contre la pollution des eaux est très vaste. Le 14 décembre, le vice-président Frans Timmermans et le commissaire Virginijus Sinkevièius présenteront le premier cadre de l'évaluation de la pollution de l'air, de l'eau et du sol. Ce rapport sera réalisé en partenariat avec l'Agence européenne pour l'environnement et avec le Centre commun de recherche.
J'en viens à la production hydroélectrique : l'UE veut réduire sa dépendance aux énergies fossiles - notamment celles provenant de la Russie - au profit des énergies renouvelables. Les chefs d'État et de gouvernement ont adopté le programme REPowerEU : d'ici 2030, la part des énergies renouvelables devra s'élever à 45 % au sein de l'UE. Dans ce contexte, l'hydroélectricité reste une production marginale. Même si elle représente une source potentielle de continuité, elle est mise à mal par la baisse du niveau de nombreux cours d'eau au sein de l'UE, qui s'engage prioritairement en faveur du solaire, de l'éolien, de l'hydrogène et du biométhane. Notre attention se porte également sur la gestion des déchets et le traitement des eaux urbaines.
Je connais de nombreux projets conciliant tous les usagers qui rencontrent un grand succès ; plusieurs d'entre eux, notamment celui en cours dans la province danoise du Jutland, ont été présentés dans le programme LIFE.
Nous avons noué des partenariats avec les fédérations de pêche.
Certaines études menées dans le cadre de la Gemapi devront être modifiées. Les agences de l'eau apporteront leur aide en cas de besoin.
Madame Préville, en plus des 56 millions d'euros consacrés chaque année à la protection des milieux aquatiques, quelque 500 millions d'euros sont affectés à la lutte contre les autres formes de pollution, notamment les pollutions chimiques. Les problèmes se règlent plus facilement en amont des rivières.
Nous disposons également d'un programme luttant contre la pollution microplastique.
Il existe de nombreux exemples positifs. À Gif-sur-Yvette, un moulin sur la Mérantaise a été conservé, tout en renaturant le cours d'eau et en limitant le risque d'inondations. En Normandie, sur la Touques, 50 ouvrages ont été équipés de passes à poissons et 50 autres ont été supprimés en 40 ans.
La directive-cadre européenne sur l'eau, qui date de l'an 2000, comporte deux volets : préserver la ressource et améliorer la qualité de l'eau. Les retenues multiséculaires ont des effets positifs dans ces deux domaines. Après la suppression des 24 ouvrages présents auparavant sur le Vicoin, nous avons calculé que, durant l'été, la masse d'eau était inférieure de 90 % par rapport au débit moyen. On ne peut pas défendre les milieux aquatiques en asséchant nos rivières.
Lors de l'examen de la loi « Climat et résilience » au Sénat, nous avions transmis plusieurs études scientifiques françaises et internationales, qui sont unanimes : ralentir les masses d'eau permet la dénitrification des cours d'eau. Plus les ouvrages d'eau sont détruits, plus les polluants, notamment les nitrates, le cadmium et les intrants phytosanitaires, se concentrent dans l'eau. Les études relatives aux barrages de castors arrivent aux mêmes conclusions, de même qu'une étude publiée en septembre 2017 sous la direction de Gilles Pinay.
Dans les cas extrêmes, une rupture d'écoulement peut apparaître. La directive-cadre européenne évoque non pas une continuité écologique, mais une continuité des rivières. Pour maintenir une masse d'eau suffisante, les retenues sont indispensables. Madame Manfredi, je ne suis pas d'accord avec vous : seule la France, par idéologie, a détruit autant d'ouvrages de retenue. Les populations locales ne comprennent pas cette attitude. Cette vision aboutit à une écologie naturaliste qui se construit contre l'homme.
Toutes les prises d'eaux avec turbines sont ichtyocompatibles : elles empêchent les poissons d'aller dans les turbines. Entre 1890 et 1940, tous les moulins les ont adoptées. À l'époque, le poisson foisonnait dans nos rivières et l'anguille était encore classée comme une espèce nuisible. Ces turbines ont été abandonnées à partir des années 1940 : seules 20 % d'entre elles fonctionnent encore aujourd'hui et la population piscicole s'en ressent fortement.
Les fédérations de pêche pratiquent des recensements de poissons. Nous disposons d'exemples précis pour l'Orne, la Touques et la Vire, à la suite d'un discours ministériel selon lequel les poissons revenaient grâce aux arasements. Or c'est exactement l'inverse. Plus on détruit ces retenues, plus on détruit les ressources halieutiques. Il est temps de conduire une évaluation sérieuse de cette politique lancée voilà quinze ans.
Lors de l'examen du texte, nous nous interrogions déjà sur les dérogations au principe de continuité écologique. Madame Evain-Bousquet, vous avez indiqué que la loi avait bloqué certains projets : pouvez-vous nous apporter des précisions ? Notre collègue Daniel Gremillet avait déposé une proposition de loi tendant à inscrire l'hydroélectricité au coeur de la transition énergétique et de la relance économique.
Madame Manfredi, existe-t-il une définition des ouvrages à supprimer ou à maintenir ? L'acceptabilité sociale de la continuité écologique suppose de réunir tous les acteurs. Évitons le conflit et favorisons la conciliation.
La restauration de moulins par des associations rencontre actuellement un engouement dans le département de la Manche. Tout à l'heure, nous avons évoqué la carte de Cassini. Si un moulin existait avant la Révolution française, le droit à l'eau est-il imprescriptible ?
Les enjeux entourant ce débat sont passionnants et essentiels.
Monsieur Dubreuil, que répondez-vous aux esprits chagrins qui dépeignent l'OFB comme une nouvelle machine à contraintes et à normes ?
Je souscris aux propos de Ronan Dantec : nous devons objectiver l'information, et l'OFB joue un rôle important à cet égard. À l'époque, les travaux menés par le Sénat me paraissaient très équilibrés.
Les schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE) sont intéressants, mais nous devrions aller plus loin dans la subsidiarité pour pratiquer une évaluation territoire par territoire. Je plaide en faveur d'un indice de la continuité écologique. Des retenues peuvent avoir un intérêt pour certains cours d'eau, mais pas pour d'autres.
Monsieur Dubreuil, que pensez-vous des réserves de substitution, parfois appelées « bassines », visant à accumuler de l'eau l'hiver pour éviter des prélèvements trop importants l'été dans les nappes phréatiques et les rivières ? Certains lobbys se sont constitués contre cette pratique, et vont même jusqu'à lacérer certains équipements. C'est scandaleux.
Madame Manfredi, quelles sont les conséquences de la présence des panneaux photovoltaïques flottants sur les écosystèmes aquatiques ? Dans mon département, le manque d'eau est criant dans les réservoirs de l'Aube et de la Seine.
Monsieur Belin, l'OFB a été créé par la loi du 24 juillet 2019 : nous ne sommes pas une machine à produire des normes, puisque nous sommes issus de la norme. Notre rôle est d'être à la hauteur des enjeux parfaitement énoncés par Mme Manfredi et scientifiquement documentés afin de susciter un débat apaisé. Malheureusement, nous constatons un effondrement de la biodiversité.
C'est pourtant le cas, parfois. Nous ne sommes pas une machine à contraindre. Nous privilégions la conciliation au cas par cas, la concertation et l'explication. Nos objectifs seront remplis si nous parvenons à expliquer la contrainte : à l'image des règles du code de la route, celle-ci est inévitable pour protéger la nature. Je ne suis porteur d'aucune cause, hormis de celles que me confie la loi.
Nous devons faire preuve de pédagogie dans la mise en oeuvre des contraintes. Nous devons trouver les voies de conciliation.
Monsieur Pointereau, je n'aime pas le terme de « bassines ». Là encore, la loi doit s'appliquer au cas par cas. Si des problèmes d'interprétation se font jour, nous devons nous adresser à notre tutelle.
Nous n'avons pas à porter de jugement sur les retenues d'eau : certaines posent problème, d'autres moins. Nous travaillons en amont avec les agriculteurs. La question de l'eau est un enjeu global. Lorsque nous constatons des problèmes d'usage, nous favorisons la discussion et une utilisation de l'eau conforme à la loi et aux règlements, dans un contexte de sécheresse préoccupant.
Les résultats des analyses scientifiques doivent être examinés avec attention. Monsieur Meyneng, je dispose moi aussi de chiffres pour les rivières, notamment la Touques. Nous suivons plus particulièrement un certain nombre de poissons indicateurs. Prenons garde aux résultats qui nous sont parfois présentés : nous devons prendre de la hauteur, favoriser la conciliation entre les usages et promouvoir la résilience des territoires.
Les débits des cours d'eau diminueront. Tout va changer. Nous devrons répondre à cette situation nouvelle en trouvant des solutions fondées sur la nature. Le stockage de l'eau doit se faire dans les zones humides, au prix parfois d'une modification du tracé des rivières. Les solutions locales représentent l'avenir.
La directive-cadre de 2000 ne détermine pas la liste des ouvrages à détruire et à maintenir : elle contient des paramètres nécessaires à l'élaboration d'une analyse territoriale. L'objectif de restaurer 25 000 kilomètres de rivières à courant libre s'envisage à l'échelle de l'UE : il n'existe pas de clé de répartition entre les États membres.
Je ne suis pas encore en mesure de formuler un avis sur les panneaux photovoltaïques flottants. Nous invitons les États membres à nous associer étroitement à leurs études d'impact environnemental et nous les encourageons à éviter l'installation de tels équipements dans les zones sensibles.
Les inondations de juillet 2021 ont causé de nombreux dégâts en Allemagne et au Luxembourg. Ceux-ci étaient moins importants aux Pays-Bas, car ce pays mène depuis vingt ans des projets visant à redonner plus d'espace aux rivières. La nature nous aide !
Aujourd'hui, il n'existe pas de consensus scientifique sur ces questions. Les études montrent que le gain est incertain pour les rivières ayant fait l'objet de restauration écologique - cela représente entre 3 000 et 5 000 destructions d'ouvrages en France. Nous observons que le niveau de l'eau diminue dans les rivières, de même que la quantité de poissons. Les eaux deviennent de plus en plus turbides.
L'article L. 211-1 du code de l'environnement est au coeur de notre débat. Il vise à protéger la ressource en eau et à prévenir les inondations, ce qui suppose de créer une succession de petites retenues d'eau. Les plans d'eau, les étangs et les eaux lentes permettent d'épurer les eaux naturellement et ainsi de lutter contre la pollution.
Malheureusement, la Commission européenne tombe dans le même travers que la France, où le développement de l'hydroélectricité a été entravé ces douze dernières années au nom de l'idéologie de la rivière coulant librement de l'amont à l'aval.
Ce sujet, essentiel pour la santé de notre environnement et la préservation de notre patrimoine historique et culturel, nous interpelle tous. Nous devons favoriser l'émergence de solutions durables.
Je suis ancien maire d'Ornans, située dans la vallée de la Loue. Je constate que peu de pêcheurs viennent s'adonner à leur loisir désormais. Trouvons des solutions et privilégions la dynamique plutôt que la polémique.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 10.