Intervention de Veronica Manfredi

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 6 juillet 2022 à 9h15
Difficultés d'application des dispositions relatives à la continuité écologique prévues par la loi « climat et résilience » — Audition de représentants de l'office français de la biodiversité de la direction générale « environnement » de la commission européenne de la fédération des associations de sauvegarde des moulins et de l'agence de l'eau seine-normandie

Veronica Manfredi, directrice « Pollution zéro et Cités vertes » auprès de la direction générale de l'environnement de la Commission européenne :

Je vous remercie pour votre invitation. En ma qualité de directrice « Pollution zéro et Cités vertes » auprès de la direction générale de l'environnement de la Commission européenne. Nous nous assurons, entre autres, de la bonne mise en oeuvre de la directive-cadre sur les eaux. Plus généralement, nous gérons tous les sujets relatifs à la gestion de l'eau et à la protection des milieux marins.

La restauration de la continuité écologique des rivières est un thème important dans toute l'Union européenne (UE). Les écosystèmes d'eau douce sont les plus menacés dans le monde : les populations des espèces présentes y ont diminué de 81 % et nous sommes proches d'un point de non-retour si nous n'agissons pas. La fragmentation des écosystèmes liée à la présence d'obstacles et la pollution représentent les principales causes d'érosion de la biodiversité aquatique.

J'en reviens à la fragmentation. Un grand projet scientifique récent, AMBER - Adaptive Management of Barriers in European Rivers -, a montré que les rivières de l'UE comptent un obstacle tous les deux kilomètres. Telle est la principale menace pour nos écosystèmes aquatiques.

En décembre 2019, la Commission européenne a formulé plusieurs propositions au sein du Pacte vert pour l'Europe, afin de remédier à ces problèmes.

L'UE dispose également d'une législation solide. Depuis l'an 2000, une directive-cadre oblige tous les États membres à assurer une bonne gestion de la ressource. Elle les contraint à des objectifs de bon état des masses d'eau d'ici 2027. La directive Habitat, adoptée en 1992, définit des espèces et des habitats à protéger ; elle s'applique aux milieux d'eau douce.

La restauration de la continuité écologique est un objectif réglementaire européen. Elle est nécessaire pour parvenir à un état satisfaisant des cours d'eau du point de vue écologique, tel que le prescrit l'article 4 de la directive-cadre. L'annexe 5 de celle-ci recense tous les éléments à prendre en compte pour y parvenir, notamment l'hydromorphologie, qui inclut la continuité des rivières.

Restaurer la continuité écologique implique de supprimer ou d'adapter ces obstacles, en permettant le passage des poissons et des sédiments. Les décisions prises doivent se fonder sur l'analyse des impacts des obstacles sur les écosystèmes. Il convient de réconcilier les différents usages en maintenant des activités importantes pour la société, telles que la production d'énergie, tout en limitant le plus possible leurs conséquences sur la biodiversité. La directive-cadre n'oppose pas la nature à l'homme, bien au contraire. Elle vise à fournir une grille d'analyse pour le maintien ou la suppression des ouvrages. Tous les acteurs doivent être associés à ce processus. Nous démarrons, cette année, une phase cruciale, à savoir le troisième cycle prévu par la directive, selon lequel les États membres doivent parvenir à des eaux de bonne qualité d'ici 2027.

Depuis décembre 2019, le Pacte vert pour l'Europe a fixé des objectifs ambitieux à tous les États membres afin de mieux agir ensemble pour faire face à toutes les menaces, via une approche intégrée et holistique prenant en compte les impératifs socio-économiques. Il s'agit également de renforcer l'autonomie stratégique de notre continent.

En mai 2020, la Commission européenne a publié une stratégie pour la biodiversité, qui a défini, entre autres, l'objectif de restaurer d'ici 2030 25 000 kilomètres de rivières à courant libre dans l'ensemble de l'UE, en supprimant en priorité les obstacles obsolètes. Nous luttons également contre la pollution par le biais du plan d'action « zéro pollution », que le collège a adopté en mai 2021.

Le 22 juin dernier, la Commission européenne a proposé des objectifs juridiquement contraignants pour accélérer nos efforts de préservation de la nature, afin que cette dernière soit notre alliée pour faire face aux défis de notre temps.

Ces normes tendent à lutter contre l'érosion de la biodiversité et à préserver notre patrimoine naturel. Des études récentes estiment que les ratios coûts-bénéfices des politiques en faveur de la biodiversité sont de 1 à 8 en moyenne : 1 euro investi représente un gain de 8 euros pour la société.

La Conférence des Nations unies sur la biodiversité se tiendra en décembre prochain au Canada. Nous espérons que des objectifs chiffrés y seront adoptés.

Tout en reconnaissant le caractère délicat de ces questions, nous invitons l'ensemble des acteurs concernés à se mobiliser pour avancer ensemble. Nous devons concilier les objectifs entre tous les usages, de la manière la plus adaptée à chaque territoire. Cela est vital pour nous, mais aussi pour les générations futures.

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