La directive-cadre européenne sur l'eau, qui date de l'an 2000, comporte deux volets : préserver la ressource et améliorer la qualité de l'eau. Les retenues multiséculaires ont des effets positifs dans ces deux domaines. Après la suppression des 24 ouvrages présents auparavant sur le Vicoin, nous avons calculé que, durant l'été, la masse d'eau était inférieure de 90 % par rapport au débit moyen. On ne peut pas défendre les milieux aquatiques en asséchant nos rivières.
Lors de l'examen de la loi « Climat et résilience » au Sénat, nous avions transmis plusieurs études scientifiques françaises et internationales, qui sont unanimes : ralentir les masses d'eau permet la dénitrification des cours d'eau. Plus les ouvrages d'eau sont détruits, plus les polluants, notamment les nitrates, le cadmium et les intrants phytosanitaires, se concentrent dans l'eau. Les études relatives aux barrages de castors arrivent aux mêmes conclusions, de même qu'une étude publiée en septembre 2017 sous la direction de Gilles Pinay.
Dans les cas extrêmes, une rupture d'écoulement peut apparaître. La directive-cadre européenne évoque non pas une continuité écologique, mais une continuité des rivières. Pour maintenir une masse d'eau suffisante, les retenues sont indispensables. Madame Manfredi, je ne suis pas d'accord avec vous : seule la France, par idéologie, a détruit autant d'ouvrages de retenue. Les populations locales ne comprennent pas cette attitude. Cette vision aboutit à une écologie naturaliste qui se construit contre l'homme.
Toutes les prises d'eaux avec turbines sont ichtyocompatibles : elles empêchent les poissons d'aller dans les turbines. Entre 1890 et 1940, tous les moulins les ont adoptées. À l'époque, le poisson foisonnait dans nos rivières et l'anguille était encore classée comme une espèce nuisible. Ces turbines ont été abandonnées à partir des années 1940 : seules 20 % d'entre elles fonctionnent encore aujourd'hui et la population piscicole s'en ressent fortement.
Les fédérations de pêche pratiquent des recensements de poissons. Nous disposons d'exemples précis pour l'Orne, la Touques et la Vire, à la suite d'un discours ministériel selon lequel les poissons revenaient grâce aux arasements. Or c'est exactement l'inverse. Plus on détruit ces retenues, plus on détruit les ressources halieutiques. Il est temps de conduire une évaluation sérieuse de cette politique lancée voilà quinze ans.