– Le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est examiné actuellement à l’Assemblée nationale. Je forme le vœu que ce texte puisse être transmis au Sénat dans les délais prévus, pour faciliter le travail parlementaire ; j’espère que son examen sera plus rapide que ce que nous pouvons craindre au vu du débat sur les premiers amendements.
La question du pouvoir d’achat est centrale dans le débat politique et pour la vie quotidienne de nos concitoyens.
Au cours du premier quinquennat, nous avons pris des mesures de baisse d’impôts, à hauteur de 25 milliards d’euros pour les ménages, de revalorisation de l’AAH, du minimum vieillesse et de la prime d’activité, qui sont intervenues entre 2018 et 2022. Le pouvoir d’achat a davantage augmenté durant cette période que lors des deux quinquennats précédents, à hauteur de presque 1 % par an, ce qui représente une hausse, en moyenne et par an, de 300 euros pour chaque Français. Ces résultats sont un acquis mais ne suffisent pas.
Nous sommes confrontés aujourd’hui au retour de l’inflation, laquelle est exogène. Elle peut être qualifiée d’« inflation importée » car elle s’explique par l’augmentation très forte des prix de l’énergie. Cette inflation, plus importante que celle que nous avons connue depuis 1985, pourrait, selon l’Insee, atteindre et même dépasser 6 % en 2022.
À cet égard, nous avons mis en place des mécanismes de protection des Français contre cette inflation : ristourne de 18 centimes par litre de carburant ; bouclier tarifaire sur l’énergie et le gaz, que nous proposons de prolonger au moins jusqu’à la fin de l’année ; ou encore indemnité inflation, versée à plus de 38 millions de Français il y a quelques mois. De ce fait, notre pays connaît le taux d’inflation le plus bas de la zone euro, à l’exception de Malte.
Le texte que présente le Gouvernement aborde des questions liées à la vie économique, d’autres relatives à l’énergie, d’autres encore au revenu du travail et à la manière d’encourager un meilleur partage de la richesse produite dans les entreprises. De plus, un certain nombre de mesures annoncées relèvent du champ réglementaire. C’est le cas de l’indemnité carburant pour les travailleurs et les gros rouleurs, de l’aide exceptionnelle de solidarité dont bénéficieront à la rentrée 14 millions de personnes, ou encore de l’augmentation du point d’indice de la fonction publique.
Pour ce qui relève du champ législatif, nous avons voulu inscrire dans le texte des mesures visant à valoriser le travail, comme la diminution des cotisations des travailleurs indépendants et le renforcement des dispositifs de partage de la valeur, en veillant à ce que les différentes branches professionnelles revalorisent les minima de branche.
Au titre des articles 1er à 5, nous proposons plusieurs séries de mesures favorisant le partage de la valeur ajoutée.
L’article 1er contient en réalité deux dispositifs. Premier dispositif : la reconduction jusqu’à la fin de 2023 de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA), dite « prime Macron », avec un triplement des plafonds, lesquels passent de 1 000 et 2 000 euros à 3 000 et 6 000 euros, en conservant les mêmes modalités pour le passage du premier plafond au second – par exemple, dans les entreprises de moins de 50 salariés, la nécessité d’avoir un accord d’intéressement ou de participation. Une nouveauté est prévue, qui a fait l’objet d’un amendement adopté par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement, à savoir la possibilité de verser cette prime de manière fractionnée. Je précise que le fractionnement ne peut pas prendre la forme d’une mensualisation, afin d’éviter les effets d’éviction du salaire par la prime. Il ne s’agit pas de créer plusieurs primes exceptionnelles de pouvoir d’achat par an dans la même entreprise, et la décision doit rester annuelle. Il s’agit d’aider, via ce fractionnement, les entreprises qui auraient moins de trésorerie à verser la prime.
Le second dispositif, la prime de partage de la valeur (PPV), sera pérenne et pourra concerner les salariés gagnant plus de trois SMIC. Sa particularité par rapport à la PEPA est l’assujettissement au régime fiscal et social de l’intéressement, mais avec une plus grande facilité dans la détermination du montant, à un rythme annuel, par l’entreprise au profit des salariés.
Une autre série de mesures visant à favoriser le partage de la valeur ajoutée prévoit la simplification des accords d’intéressement.
Nous proposons ainsi de rendre possible la mise en place d’un accord d’intéressement par décision unilatérale dans les entreprises de moins de 50 salariés – cette mesure était jusqu’à présent réservée aux entreprises de moins de 11 salariés –, d’étendre cette possibilité au renouvellement des accords d’intéressement, et de simplifier le régime administratif des accords d’intéressement en supprimant le contrôle a priori pour se concentrer sur des contrôles a posteriori « au fil de l’eau ».
J’en viens à la question des travailleurs indépendants.
Le présent projet de loi prévoit une diminution des cotisations maladie payées par les travailleurs indépendants, avec une exonération totale au niveau du SMIC – autour de 40 % du plafond de la sécurité sociale – et dégressive jusqu’à 1,5 SMIC – 60 % du plafond de la sécurité sociale. Cette mesure, dont le coût total sera de 320 millions d’euros pour la sécurité sociale – un coût que l’État s’engage à compenser –, bénéficiera à 80 % des indépendants : artisans, commerçants, exploitants agricoles. Elle permettra aux travailleurs indépendants qui se rémunèrent au SMIC de bénéficier d’un gain de pouvoir d’achat de 550 euros.
À l’article 4, nous proposons des mesures pour inciter les branches professionnelles à maintenir des minima conventionnels au moins égaux au niveau du SMIC.
Les revalorisations automatiques du SMIC prévues par la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail ont conduit à ce que le SMIC augmente, à date, de 5,9 % sur les neuf derniers mois. Les derniers chiffres de l’inflation par l’Insee indiquent qu’une nouvelle revalorisation automatique de 2,01 % aura lieu au 1er août. Ainsi, de manière cumulée, la revalorisation du SMIC atteindra 8 % sur les douze mois glissants. Il s’agit d’un dispositif protecteur du pouvoir d’achat des salariés payés au SMIC, qui a une conséquence : un certain nombre de branches professionnelles affichent des minima conventionnels inférieurs du SMIC, dès lors que celui-ci augmente dans des proportions aussi importantes que celles que nous connaissons depuis douze mois.
Au 1er mai dernier, lors de la dernière revalorisation du SMIC, 145 branches, sur les 171 qui font l’objet d’une observation attentive par la direction générale du travail (DGT), présentaient au moins un niveau de rémunération inférieur au SMIC. À ce jour, 99 branches ont un niveau de rémunération inférieur au SMIC : plus de 40 branches ont donc commencé le travail de régularisation ; quant aux autres branches, elles poursuivent le travail de négociation sur les rémunérations. Nous proposons d’ouvrir des possibilités de restructuration des branches, afin d’inciter celles-ci à faire ce travail, en ajoutant aux critères pour engager une fusion de branches à l’initiative de l’État un autre critère : une situation dans laquelle une branche présenterait durablement un niveau de rémunération inférieur au SMIC.
Il convient d’éviter plusieurs écueils dans ce débat.
Premier écueil : considérer que la situation des minima conventionnels inférieurs au SMIC concernerait presque toutes les entreprises. Ce n’est pas le cas : seules 2 branches sur 171 présentent des minima inférieurs au SMIC depuis plus de dix-huit mois, et 17 branches présentent de tels minima depuis plus de neuf mois ; 9 d’entre elles sont d’ailleurs placées en commission paritaire pour que l’incitation de l’État à la négociation soit encore plus forte.
Deuxième écueil : nous substituer au dialogue social. Nous tenons à ce que la définition des niveaux de rémunération par branche relève du dialogue social, les branches pouvant procéder à des revalorisations différenciées entre les niveaux pour favoriser l’attractivité à un moment ou un autre de la carrière.
Troisième écueil : laisser penser qu’en France des salariés sont rémunérés à un niveau inférieur au SMIC. Ce n’est pas le cas. Mais lorsqu’il y a durablement dans une branche des niveaux de rémunération inférieurs au SMIC, cela entraîne un tassement des grilles salariales par le bas ainsi qu’une perte d’attractivité et de perspective pour les salariés concernés.
Nous proposons qu’il soit possible de restructurer d’office les branches présentant durablement au moins un niveau de rémunération inférieur au SMIC. Nous avons par ailleurs soutenu un amendement adopté par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, aux termes duquel le délai de quatre-vingt-dix jours pendant lequel les branches doivent ouvrir les négociations serait ramené à quarante-cinq jours.
L’article 5 concerne la revalorisation des pensions et des prestations.
Nous avançons au 1er juillet 2022, avec un effet rétroactif, les revalorisations qui sont normalement prévues au 1er janvier ou au 1er avril. Les prestations sociales et les pensions seront ainsi revalorisées de 4 % à cette date, si le Parlement en décide ainsi. Cette revalorisation s’ajoute à celle de 1,1 % perçue au 1er janvier dernier, et à celle de 1,8 % perçue au 1er avril. Lorsque l’on additionne la revalorisation de 1,8 % du mois d’avril avec celle de 4 % que nous proposons, on parvient au pourcentage de 5,8 %, qui permet de couvrir le niveau prévisionnel d’inflation. Tous les retraités seront concernés, qu’il s’agisse de ceux du secteur privé, du secteur public ou des indépendants. Seront également concernés les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), ceux de l’AAH et ceux de l’allocation de solidarité spécifique (ASS). Nous incluons également les bénéficiaires de la prime d’activité, pour préserver le différentiel entre revenu d’activité et revenu lié à des minima sociaux. Nous intégrons aussi les prestations familiales, les allocations d’accompagnement vers l’emploi, ou encore les bourses de l’enseignement secondaire.
Sur l’AAH, je peux vous indiquer, avec les réserves d’usage, qu’une convergence semble se dessiner entre la plupart des groupes de l’Assemblée nationale en vue d’une déconjugalisation, qui entrerait en vigueur au 1er octobre ou au 1er novembre 2023 – la date fait l’objet d’une discussion. Tenir ce délai serait un défi technique pour les caisses de sécurité sociale. Par ailleurs, les députés, soutenus par le Gouvernement, ont prévu une disposition visant à éviter qu’il y ait des perdants – soit entre 40 000 et 50 000 bénéficiaires de l’AAH si la déconjugalisation était appliquée de manière sèche. Le Gouvernement est favorable à un dispositif permettant de garantir aux bénéficiaires de l’AAH qui seraient perdants du fait de la déconjugalisation le maintien de leurs droits jusqu’à expiration de ceux-ci.
Votre commission examinera également l’article 15 du projet de loi, qui s’inscrit dans le contexte de la crise de l’énergie.
Nous prévoyons la possibilité de prolonger, à titre dérogatoire, l’activité de la centrale à charbon de Saint-Avold, sur la base du volontariat. Tous les salariés qui accepteraient de travailler pour permettre à cette centrale de fonctionner autant qu’il sera nécessaire, pour éviter des ruptures d’approvisionnement énergétique l’hiver prochain, verraient préservée l’intégralité de leurs droits négociés dans le cadre de la fermeture de cette centrale et du plan d’accompagnement.