Intervention de Isabelle Briquet

Réunion du 19 juillet 2022 à 14h30
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2021 — Discussion générale

Photo de Isabelle BriquetIsabelle Briquet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l’exposé général des motifs du projet de loi de règlement et d’approbation des comptes soumis à notre examen, il est indiqué : « Depuis 2018, le Gouvernement a posé les jalons essentiels pour donner un nouvel élan structurant à cet exercice démocratique en lien avec le Printemps de l’évaluation instauré par l’Assemblée nationale, dans une logique de responsabilisation sur les résultats budgétaires et comptables, ainsi que sur la performance, conformément à la dynamique vertueuse prévue par le LOLF. »

Formulation sympathique, mais, il faut bien le relever, guère adaptée aux circonstances, et ce à plusieurs titres…

Le cycle électoral ne saurait justifier la transmission tardive de ce texte au mépris du temps parlementaire. À tout le moins, ce retard aurait pu être mis à profit pour améliorer la lisibilité de ce texte et ainsi renforcer l’information parlementaire et citoyenne. Là non plus, la clarté n’est pas au rendez-vous.

J’ai bien noté la satisfaction affichée par le Gouvernement quant aux résultats obtenus, notamment la réduction du déficit public. Il faut bien dire que, après une année 2020 particulièrement délicate, les indicateurs ne peuvent que s’en trouver améliorés…

Ce texte d’approbation des comptes ne saurait être mis au seul crédit de l’action du Gouvernement, comme on voudrait nous le faire croire. Les mesures mises en œuvre sont en effet loin d’avoir porté leurs fruits.

En ce qui concerne les crédits de France Relance, sur 72 milliards d’euros engagés, seulement 42 milliards d’euros ont été décaissés, soit à peine plus d’un tiers du budget initial de 100 milliards d’euros, alors que la capacité de l’État à engager les dépenses est un enjeu fort de lutte contre la crise.

Par ailleurs, on ne peut que noter le manque de sérieux et de sincérité dans l’exécution des comptes. Si les reports de crédits de 2020 à 2021 étaient historiques, ceux qui ont été constatés à la fin de 2021 dépassent tout de même les 22 milliards d’euros.

Cette façon de faire ne met pas seulement à mal l’annualité budgétaire, elle a des conséquences bien réelles sur nos concitoyens. Ainsi, le report, pour partie, de 1, 2 milliard d’euros du plan d’urgence destinés au paiement de l’activité partielle a un impact direct sur le porte-monnaie des particuliers. Si la consommation des ménages a progressé, cette hausse n’a pas profité à tout le monde, loin de là.

Parallèlement, du côté des recettes, l’État a enregistré 38 milliards d’euros de recettes exceptionnelles. Là aussi, on peut s’interroger sur les estimations initiales et la sincérité budgétaire.

Alors même que ces recettes auraient pu – auraient dû ! – servir à renforcer les services publics et à répondre efficacement à l’urgence sociale, le Gouvernement a préféré porter son attention sur les plus riches : baisse de la taxe d’habitation pour les 20 % les plus aisés, réduction des impôts de production, etc.

Ces baisses d’impôts ont d’ailleurs permis aux entreprises du CAC 40 de verser des dividendes records à leurs actionnaires.

En matière de loi de finances, le « en même temps » trouve rapidement ses limites. Il n’est pas possible de faire en même temps des cadeaux fiscaux aux plus aisés et de s’attendre à ce que les plus démunis puissent vivre dignement. Le ruissellement ne fonctionne pas : la loi du marché ne réduit pas les inégalités, elle permet juste d’enrichir ceux qui ont déjà beaucoup.

En revanche, les services publics de proximité – hôpital, éducation, etc. –, qui ont été délaissés, sont les véritables armes contre la pauvreté et la précarité et pour garantir une vie digne à toutes et à tous.

La politique fiscale du Gouvernement est par ailleurs dans une impasse. Si le solde conjoncturel s’est en effet amélioré, force est de constater que le solde structurel s’est dégradé. L’État ne peut ainsi jouer durablement avec les réductions d’impôts et se priver de certaines recettes fiscales.

Avec mes collègues du groupe socialiste du Sénat, je ne cesse, depuis maintenant plus de cinq années, de proposer le rétablissement de mesures de justice fiscale, comme l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Devant les urgences du quotidien et les défis du siècle, nous devons permettre à chacun de vivre dignement, en garantissant l’accès à des services publics de qualité, tout en permettant la transition écologique.

Ce projet de loi de règlement pour 2021 démontre le manque de sérieux du Gouvernement et l’échec d’une politique qui n’a conduit qu’à accroître les inégalités, fracturer davantage la société et enrichir ceux qui n’en ont nullement besoin, sans pour autant faire preuve d’efficacité économique.

Entre reports, sous-exécutions et annulations de crédits, ce projet de loi de règlement frôle même l’insincérité. Dans son rapport, la Cour des comptes s’est d’ailleurs montrée sévère sur ce texte, dénonçant au passage le mépris une nouvelle fois affiché du Parlement, ainsi que la remise en cause de sa mission de contrôle budgétaire.

Ce projet de loi, en principe plutôt technique, révèle tout à la fois les problèmes de méthode et l’entêtement idéologique du Gouvernement. Vous l’aurez compris, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre.

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