Intervention de Daniel Breuiller

Réunion du 19 juillet 2022 à 14h30
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2021 — Discussion générale

Photo de Daniel BreuillerDaniel Breuiller :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce projet de loi de règlement du budget, et cela pour deux raisons principales.

Tout d’abord, nous constatons que le budget 2021 a été impuissant à réduire les inégalités dans notre pays.

Monsieur le ministre, nous ne nions pas la nécessité des boucliers tarifaires et d’autres mesures venues, même tardivement, en soutien des ménages les plus modestes. Mais nous déplorons la logique de répartition des richesses de votre majorité, qui consiste à lâcher quelques chèques aux plus vulnérables et à faire des réformes fiscales structurelles au bénéfice des plus aisés.

Nous voterons contre ce texte, ensuite, car il révèle l’inefficacité de vos actions en matière de bifurcation écologique. J’y reviendrai.

Il est entendu que nous sommes là pour constater des résultats financiers et que l’exercice est censé être plus comptable que politique, mais les chiffres que vous nous demandez d’approuver aujourd’hui témoignent bien des choix politiques de votre gestion libérale.

Monsieur le ministre, je vous l’accorde, la situation des entreprises nécessitait un soutien en cette période de pandémie, en particulier pour les milliers de TPE et PME de notre pays fragilisées par les crises successives.

Seulement, les entreprises du CAC 40 ont distribué, en 2021, quelque 57, 1 milliards d’euros de dividendes, en hausse de 33 %. C’est un record absolu, du jamais vu ! Avaient-elles besoin, dès lors, de recevoir des aides publiques, elles qui ont par ailleurs supprimé 27 613 emplois cette même année 2021, et dont les patrons ont augmenté de 23 % leurs rémunérations, les portant à 237 millions ?

Cela ne vous choque pas ?… Nous si, terriblement ! L’argent public versé à ces grands groupes n’a pas nourri l’emploi ; il a enrichi les actionnaires.

Les conséquences de ces choix budgétaires sont un accroissement des inégalités entre ceux qui accumulent richesses et profits et ceux dont le travail est notoirement sous-payé, qui peinent à se nourrir, à se loger, à offrir des vacances à leurs enfants, à vivre tout simplement dignement.

C’est donc un rendez-vous social manqué, mais c’est aussi un rendez-vous manqué avec l’indispensable bifurcation écologique.

Monsieur le ministre, pourquoi avoir supprimé 2 062 équivalents temps plein des effectifs du ministère chargé de l’environnement en 2021, si l’écologie est pour vous une priorité ? Par ailleurs, quand près de 12 millions de Français sont concernés par la précarité énergétique, n’est-il pas problématique que 4, 5 milliards d’euros d’autorisations d’engagement du volet écologie du plan de relance n’aient pas été consommés ?

Quant au budget vert, présenté comme une innovation majeure, il évalue trop peu, trop mal et ferme les yeux sur certaines dépenses néfastes, comme les exonérations de taxation du kérosène ou les milliards d’euros qui financent les entreprises des secteurs polluants sans contrepartie écologique ni sociale, comme le soulignaient récemment ATD Quart Monde, le Secours catholique, Caritas France et le Réseau Action Climat.

Dans ce budget vert, qui est essentiellement de communication, 93 % des dépenses de l’État au sens large ont un impact environnemental « neutre ou non coté ». Qui peut y croire ? Il conviendrait plutôt d’appliquer la loi de 2015 sur les nouveaux indicateurs de richesse, qui, hélas, n’est plus appliquée depuis 2018.

Pour reprendre les mots de ma collègue députée Éva Sas la semaine dernière à l’Assemblée nationale, il serait intéressant de savoir quel a été « l’impact des 528 milliards d’euros de dépenses publiques de 2021 sur l’espérance de vie en bonne santé, sur le taux de décrochage scolaire, sur l’empreinte carbone de la France ou sur les inégalités de revenus ».

Pour conclure, je dirai un mot sur la dette publique et le déficit budgétaire, dont M. le ministre des finances, tout comme vous-même, monsieur le ministre, nous rappelle qu’ils ont atteint la cote d’alerte.

Une autre cote d’alerte est atteinte, c’est celle de la dette climatique. Les incendies se multiplient, sans que, malgré le dévouement de nos pompiers, notre capacité de réaction ait évolué, comme le président Larcher vient de le constater.

Les inondations sont aussi puissantes à la Roya et ailleurs que les sécheresses sont graves, persistantes et structurelles dans plusieurs dizaines de départements. Les canicules se succèdent, mettant à mal les plus fragiles d’entre nous, mais aussi les productions agricoles et l’ensemble du vivant animal et végétal : 30 % des oiseaux et 67 % des insectes ont disparu, et des milliers d’espèces sont menacées selon l’Ipbes, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques.

Enfin, quatre centrales nucléaires viennent d’obtenir une dérogation aux règles environnementales pour préserver leur production au détriment de la biodiversité.

Mes chers collègues, oui, la cote d’alerte est atteinte, mais pas seulement au plan financier. Nous devons ensemble franchir le cap de la transition écologique. C’est une urgence vitale pour notre société comme pour la planète.

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