Intervention de Rémi Féraud

Réunion du 19 juillet 2022 à 14h30
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2021 — Discussion générale

Photo de Rémi FéraudRémi Féraud :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, le temps nous est compté puisque nous disposons toujours de délais très courts pour examiner le projet de loi de règlement.

Cette année, la présentation du texte par le Gouvernement accuse au surplus un retard justifié par des arguments qui – nous l’avons constaté – n’ont convaincu personne et montrent le peu de considération qu’a le Gouvernement pour le temps parlementaire. Nous le regrettons.

Comme l’a indiqué ma collègue Isabelle Briquet, les sénateurs socialistes voteront contre ce texte, et ce pour plusieurs raisons qui ne recoupent qu’en partie les raisons exposées par le rapporteur général de la commission des finances.

C’est d’abord pour une question de forme, car il n’est pas anodin que ce texte nous arrive plus d’un mois après la date à laquelle la loi organique impose son dépôt. Le nouveau gouvernement affirme vouloir favoriser le dialogue avec les parlementaires ; cela n’est pour l’instant qu’un vœu pieux.

Ce retard pose un problème démocratique, car, s’il avait été déposé dans les règles et dans les temps, ce texte aurait pu alimenter le débat de la campagne législative.

Est-ce précisément ce que le Gouvernement a voulu éviter, monsieur le ministre, et ce, juste après avoir fait adopter en fin de quinquennat une loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques tendant à améliorer l’information et le contrôle du Parlement ? Vous conviendrez qu’il y a là une contradiction.

Ensuite, si le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’a pas pour habitude de voter contre le projet de loi de règlement, cette année encore, l’exécution s’éloigne tellement du budget que nous avons voté fin 2020, y compris après les modifications introduites par les lois de finances rectificatives, que c’est la portée même de l’autorisation parlementaire qui est en question.

La Cour des comptes considère d’ailleurs que cette autorisation parlementaire est « malmenée ».

Entre sous-exécutions, annulations et reports de crédits, notamment sur le plan de relance, ce projet de loi atteste l’absence d’un pilotage rigoureux et efficace. Si les reports de 2020 sur 2021 atteignaient des niveaux historiques, ceux de 2021 sur 2022 dépassent encore une fois 22 milliards d’euros, au mépris des principes d’annualité et de spécialité budgétaires.

Enfin, sur le fond de la politique menée, nous regrettons nous aussi que vous ayez laissé filer à ce point le déficit.

Si les indicateurs s’améliorent en 2021, on ne peut véritablement imputer ce surcroît de recettes fiscales au crédit de la politique du Gouvernement. Comme l’a noté la Cour des comptes, ils sont plutôt dus à des hypothèses particulièrement prudentes pour 2021.

Le Gouvernement est d’ailleurs quelque peu piégé par sa propre contradiction, qui consiste à mêler dans son discours auto-satisfecit et alarme sur la « cote d’alerte ».

Face à l’accroissement du déficit et de la dette de l’État, monsieur le ministre, la majorité sénatoriale vous reproche, elle, de ne pas suffisamment maîtriser les dépenses, sans toujours dire lesquelles, avouons-le.

C’est largement vrai, mais cette non-maîtrise ne vous permet pas non plus de dégager des marges de manœuvre pour mener une politique ambitieuse afin de répondre à l’urgence sociale, aux nécessités de la transition énergétique ou au besoin de remise à niveau des services publics.

Surtout, votre gouvernement reste arc-bouté sur sa politique de l’offre, qui prive l’État de ressources en même temps qu’elle accroît les inégalités.

Beaucoup a déjà été dit sur le « ruissellement » et ses illusions. Si rien ne prouve que la politique de l’offre a dynamisé la croissance, il est certain qu’elle a dégradé les finances publiques et entravé les marges de manœuvre qui vous font tant défaut aujourd’hui.

Monsieur le ministre, je conclurai par une question : en matière de politique de l’offre, c’est-à-dire de baisse d’impôts pour les entreprises et ceux qui détiennent les plus gros patrimoines, allez-vous également passer du « quoi qu’il en coûte » au « combien ça coûte ? », que Pascal Savoldelli a appelé le « qui va payer ? » ?

En tout état de cause, vous pouvez compter sur nous pour faire, dès l’examen du projet de loi de finances rectificative, des propositions concrètes en ce sens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion