Monsieur le président, monsieur le président de la commission et rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis honorée de présenter aujourd’hui au Sénat ce projet de loi visant à autoriser les ratifications des deux protocoles au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession de la République de Finlande et du Royaume de Suède.
Vous mesurez comme moi, je le sais, l’importance de ces deux textes, et je tiens à vous remercier d’avoir permis leur examen rapide, malgré le calendrier particulièrement chargé qui est le vôtre.
Les demandes d’adhésion formulées par la Suède et la Finlande constituent une évolution historique pour ces deux pays, attachés traditionnellement à des politiques de non-participation à des alliances militaires.
Pour la Suède, il s’agit d’une rupture avec près de deux siècles d’une neutralité décidée à la suite du conflit qui l’avait opposée à la Norvège en 1814.
Avec cette décision, la Finlande, quant à elle, tourne la page des premières heures de la guerre froide et de la neutralité forcée imposée par l’Union soviétique en 1948.
Difficiles à envisager il y a encore six mois, ces demandes sont la conséquence directe de l’évolution de notre environnement de sécurité provoquée par l’agression militaire commise par la Russie contre l’Ukraine depuis le 24 février.
Ces demandes sont le fruit de décisions souveraines, prises à l’issue de larges consultations nationales et internationales, et qui reflètent des évolutions majeures de l’opinion publique dans chacun de ces deux pays.
Je signale au demeurant que la Finlande et la Suède avaient déjà adapté leurs politiques de défense à la suite de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation du Donbass en 2014 et, plus généralement, dans un contexte marqué par une posture russe de plus en plus menaçante et de plus en plus agressive.
Ces demandes répondent à un besoin de sécurité accru de la Suède et de la Finlande. En devenant les trente et unième et trente-deuxième membres de l’Alliance atlantique, ces deux alliés pourront bénéficier du principe fondateur de l’Alliance qu’est l’obligation d’assistance en cas d’attaque armée contre l’un de ses membres, inscrite à l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord.
Ces adhésions constitueront également un gain pour la sécurité de l’espace baltique et pour la sécurité collective des Européens.
En effet, la Suède, comme la Finlande, dispose de capacités militaires robustes qui contribueront significativement à la sécurité de l’ensemble des alliés.
L’armée finlandaise compte parmi les plus fournies d’Europe en termes d’effectifs et d’artillerie. La Suède, qui entretient une industrie de défense compétitive, a annoncé une importante revalorisation de son budget de défense, qui atteindra bientôt 2 % de son produit intérieur brut (PIB).
Ces deux pays sont dotés de capacités et d’équipements qui sont déjà communs à de nombreux alliés, permettant une parfaite interopérabilité au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).
Je signalerai en outre que la France a pu voir à l’œuvre et apprécier les capacités suédoises et finlandaises, dans le cadre de la participation active d’Helsinki et de Stockholm à la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne dans des zones prioritaires pour nos intérêts.
La Suède a notamment activement contribué à la task force Takuba au Sahel à partir de 2020 et, depuis 2013, à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, la Minusma. De son côté, la Finlande participe à la mission de formation de l’Union européenne au Mali (European Union Training Mission – EUTM Mali) et à la Minusma.
Par ailleurs, l’engagement de ces deux pays pour la défense européenne ne fait aucun doute : en témoigne leur participation à l’initiative européenne d’intervention (IEI), dont la principale vocation est de faire émerger une culture stratégique et opérationnelle commune aux Européens.
Enfin, et c’est un point fondamental, l’adhésion de la Suède et de la Finlande renforcera la place des Européens dans l’Alliance atlantique. En portant à vingt-trois le nombre d’États membres de l’Union européenne au sein de l’Alliance, ces adhésions consolideront l’OTAN elle-même, mais aussi son pilier européen.
Cela aura également un effet bénéfique pour l’autonomie stratégique de l’Union européenne, c’est-à-dire sa capacité à assurer elle-même la défense de ses propres intérêts de sécurité.
C’est d’ailleurs une ambition de plus en plus assumée par ses États membres, comme le montre la décision récente du Danemark, soutenue à plus de 66 % par sa population consultée par voie de référendum, de s’intégrer désormais pleinement à la politique européenne de sécurité et de défense commune.
L’adhésion de la Suède et de la Finlande confortera en outre les choix stratégiques faits par de nombreux États membres qui, à la suite notamment du sommet de Versailles, en mars dernier, ont décidé de réinvestir dans leur défense.
Je précise qu’il ne s’agit pas de compétition entre organisations, mais bien d’un vaste mouvement de réveil stratégique de la part de nos partenaires, dont bénéficieront tant l’OTAN que l’Union européenne, notre sécurité collective européenne et transatlantique, et donc la sécurité de la France et des Français.
Pour l’ensemble de ces raisons, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, il est fondamental que nous soyons au rendez-vous de ce moment historique pour la sécurité européenne.
C’est notre responsabilité à plusieurs égards.
C’est tout d’abord notre responsabilité vis-à-vis de l’ensemble de nos alliés, dont les chefs d’État ou de gouvernement ont soutenu à l’unanimité les candidatures de Stockholm et d’Helsinki lors du sommet de l’OTAN à Madrid le 29 juin dernier.
Comme vous vous en souvenez, cette unanimité a été difficile à obtenir en raison des réserves d’un allié, la Turquie, au motif affiché de différends bilatéraux, en particulier avec la Suède, concernant la lutte contre le PKK. Ces réserves ont été levées à la faveur d’un mémorandum d’entente signé par la Turquie avec la Finlande et la Suède, en marge du sommet.
Je précise cependant que, si ce mémorandum a eu le mérite de lever les réserves turques, il ne constitue en rien un engagement de nature à lier l’OTAN ni l’ensemble de ses membres.
Cet accord a ouvert la voie, le 5 juillet à Bruxelles, à la signature des protocoles d’adhésion par la Suède, la Finlande, ainsi que les représentants permanents des trente alliés auprès de l’OTAN. La phase de ratification par les trente alliés, selon le droit interne de chacun, est ouverte depuis lors, plusieurs d’entre eux ayant eu recours à des procédures accélérées.
À ce jour, dix-huit alliés sur trente ont déjà ratifié les protocoles, parmi lesquels le Canada, le Royaume-Uni et nombre de pays européens, dont l’Allemagne ou encore la Pologne. Ce matin même, alors que je m’apprêtais à vous dire que seuls dix-sept alliés les avaient ratifiés, la Belgique a achevé son processus de ratification.
Aux États-Unis, les deux textes ont été approuvés par la Chambre des représentants et sont désormais soumis à l’examen du Sénat. En France, le projet de loi autorisant la ratification de ces deux protocoles d’adhésion a été examiné par le Conseil d’État le 12 juillet, puis en conseil des ministres le 13. Il est désormais soumis à votre approbation.
C’est ensuite notre responsabilité vis-à-vis de nos compétiteurs et rivaux stratégiques.
Jusqu’à leur adhésion effective, Stockholm et Helsinki ne seront pas formellement couvertes par l’article 5 et pourraient être exposées à des actions de provocation ou de déstabilisation conduites par des pays hostiles à cet élargissement, dont ils perçoivent bien qu’il réduira à terme leurs marges de manœuvre.
Nous avons d’ailleurs fait part de notre disposition à apporter des mesures de réassurance pour cette période intermédiaire si la Finlande et la Suède le souhaitent.
Par ailleurs, et comme le Président de la République l’a rappelé, ces deux pays bénéficient de la clause d’assistance mutuelle prévue à l’article 42, paragraphe 7, du traité sur l’Union européenne (TUE).
Il y va enfin, et peut-être surtout, de notre responsabilité à l’égard de nos concitoyens, dont la sécurité est notre priorité. Nous pourrons assurer encore plus efficacement leur sécurité en renforçant notre sécurité collective.
La France participe pleinement depuis 2014, et plus encore depuis le 24 février dernier, au renforcement de la posture de l’Alliance sur son flanc oriental. Elle participe à la présence avancée de l’OTAN en Roumanie, en tant que nation-cadre, ainsi qu’en Estonie. Elle contribue également aux opérations de police du ciel et de surveillance maritime dans l’espace considéré.
Ainsi, comme l’a dit le Président de la République, nous devons être au rendez-vous de l’Histoire en menant à bien le processus de ratification de ces deux protocoles.
Enfin, je rappellerai que les dispositions de ces deux textes sont pleinement compatibles avec, d’une part, les engagements pris par la France dans le cadre des Nations unies – ils correspondent aux articles 2 et 51 de la Charte –, et de l’autre, avec ses engagements dans le cadre de l’Union européenne. L’article 42, paragraphe 7, du TUE, que je mentionnais il y a un instant, renvoie effectivement aux engagements souscrits par les États membres dans le cadre de l’OTAN.
Aussi la ratification de ces protocoles ne nécessitera-t-elle pas de modification du droit français ou l’adoption de dispositions législatives ou réglementaires nouvelles.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle le projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession de la République de Finlande et la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Royaume de Suède, aujourd’hui proposé à votre approbation.