Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, deux pays européens, partenaires proches de l’Alliance, ont déposé des demandes formelles d’adhésion auprès du secrétaire général de l’OTAN, le 18 mai dernier : il s’agit de la Finlande et de la Suède.
Nous vivons, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, un moment historique.
L’OTAN et la Suède partagent des valeurs communes, entretiennent un dialogue politique ouvert et régulier, et mènent une coopération pratique dans un large éventail de domaines.
La coopération a débuté en 1994, lorsque la Suède a rejoint le programme de partenariat pour la paix. Sa première contribution, une opération dirigée par l’OTAN, remonte à 1995, quand elle a déployé un bataillon en Bosnie-Herzégovine. Depuis, au Kosovo, en Libye ou en Afghanistan, la Suède s’est engagée aux côtés de l’OTAN.
De son côté, après 1947, la Finlande a pu rester une démocratie parlementaire et n’a pas eu à intégrer le pacte de Varsovie, en échange de sa non-adhésion à l’OTAN et de son refus de bénéficier du plan Marshall. Dans les années 1950, on a ainsi commencé à parler de « finlandisation » pour désigner la neutralisation d’un pays dans la sphère d’influence d’une grande puissance.
Toutefois, comme pour la Suède, la coopération de la Finlande avec l’Alliance a débuté en 1994. Cet État a participé aux exercices de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine, aux Balkans, en Afghanistan, en Géorgie, en Albanie, en Moldavie et en Irak. En 2017, il a créé un centre d’excellence européen pour la lutte contre les menaces hybrides à Helsinki, et signé l’accord-cadre sur la cyberdéfense.
Historiquement, l’OTAN a pleinement respecté la politique de non-alignement militaire de la Suède et de la Finlande. Mais, aujourd’hui, le temps de la « finlandisation » est dépassé, voire renversé. Le fait que ces deux pays neutres demandent à rejoindre l’OTAN témoigne de la gravité et du caractère inédit de la situation en Europe, notamment au vu de la guerre en Ukraine.
En tant que nation, cela nous oblige. Les pays se sentant menacés ne veulent plus s’isoler, se replier sur eux-mêmes, mais au contraire s’inscrire dans des structures plus larges. Bien sûr, un tel processus doit aussi se faire en cohérence avec la construction de l’Europe de la défense.
« Une OTAN élargie et forte peut tout à fait coexister avec l’Europe de la défense », comme l’a rappelé hier, lors de son audition devant notre commission, le ministre des armées, Sébastien Lecornu. C’est une volonté forte de notre Président de la République, Emmanuel Macron.
L’Europe s’étant toujours construite durant les périodes de crise, nous disposons de nombreuses occasions d’avancer sur ces questions de défense.
Le 4 juillet dernier, à l’issue du sommet de Madrid, les pourparlers d’adhésion ont été menés à bien au siège de l’Organisation, à Bruxelles. Le lendemain, les alliés ont signé les protocoles d’accession, qui doivent désormais être ratifiés par les trente pays membres de l’OTAN.
Suède et Finlande font partie des six partenaires « nouvelles opportunités ». Ils participent aux programmes de transport aérien stratégique, SAC (Strategic Airlift Capability) et SALIS (Strategic Airlift International Solution), aux programmes de science au service de la paix et de la sécurité, et à la mise en application de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur les femmes, la paix et la sécurité.
Comportant douze membres lors de sa création, l’OTAN s’est déjà élargie à huit reprises depuis 1949 pour accueillir dix-huit nouveaux membres. Expliqué en détail, le processus d’adhésion peut paraître fastidieux, mais il a duré moins de deux ans pour la Macédoine du Nord.
Au vu de la situation, l’adhésion de ces deux pays devrait vraisemblablement être encore plus rapide. En effet, les différents critères à respecter ne devraient pas poser de problème. Le secrétaire général de l’OTAN s’est dit « confiant » s’agissant des chances d’adhésion de la Finlande et de la Suède.
Néanmoins, la demande d’adhésion de ces deux pays est tout de même ralentie par deux facteurs bloquants : la Turquie d’une part, la Russie d’autre part.
Après leur avoir demandé, en marge du sommet de Madrid à la fin du mois juin, de faire le nécessaire pour extrader les membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) présents sur leurs territoires, le président turc Recep Tayyip Erdogan a accusé Stockholm et Helsinki d’être des « auberges pour les terroristes du PKK ». Ce lundi 18 juillet, de nouveau, il a menacé de « geler » ces adhésions, exerçant ainsi un chantage à la veille du sommet tripartite réunissant la Turquie, la Russie et l’Iran à Téhéran. Le ministre des affaires étrangères turc a été plutôt rassurant en reconnaissant que la Finlande se montrait « très respectueuse des inquiétudes » du président Erdogan. En réalité, la Turquie semble vouloir négocier la fin de l’embargo imposé sur ses drones.
Vladimir Poutine affiche aussi son hostilité à cet élargissement de l’OTAN, dont il fustige les ambitions impérialistes. Sur le plan géopolitique, les Russes redoutent l’installation par l’OTAN d’un arc nucléaire à leur frontière.
À ce jour, comme vous l’avez rappelé, dix-huit États membres ont déjà ratifié les protocoles. Un tel élargissement est conforme aux stipulations de l’article 10 du traité de l’Atlantique Nord relatif à la « politique de la porte ouverte », soutenue par la France. Sur le plan militaire, l’adhésion de la Finlande et de la Suède permettra ainsi à l’Alliance, et donc à la France, de bénéficier du potentiel que représentent les 280 000 soldats et 870 000 réservistes finlandais, et du poids de l’industrie de défense suédoise. Dans le cadre de leur adhésion à l’OTAN, la Finlande et la Suède s’engagent à maintenir leur niveau d’investissement militaire à 2 % de leur PIB.
Le Bureau de la planification et de la politique générale des ressources de l’OTAN a établi que la Finlande contribuerait à hauteur de 24 millions d’euros et la Suède à hauteur de 50 millions d’euros aux financements communs annuels de l’Alliance. En conséquence, la contribution de la France diminuera et une économie de plus de 5, 4 millions d’euros, pour le budget militaire, et de presque 1 million d’euros, pour le budget civil, sera réalisée, selon l’estimation préalable faite par la représentation permanente de la France auprès de l’OTAN.
Bien entendu, le groupe RDPI est favorable à ce projet de loi autorisant la ratification de ces deux protocoles.