Intervention de Guillaume Gontard

Réunion du 21 juillet 2022 à 11h00
Adhésion de la finlande et de la suède à l'otan — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons dans des conditions relevant d’une extraordinaire urgence, justifiées par un bouleversement géopolitique tout aussi extraordinaire, la demande d’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord.

Cela a été dit et redit, jamais, au regard de la neutralité historique – imposée ou pas – de ces deux pays, nous n’aurions imaginé la tenue d’un tel débat, il y a encore quelques mois. Cette volonté de la Suède et de la Finlande de rejoindre l’Alliance atlantique, mettant fin à des siècles pour l’une, des décennies pour l’autre, de neutralité militaire, illustre avec force le bouleversement extraordinaire de l’ordre mondial et des équilibres géopolitiques européens provoqué par l’invasion russe de l’Ukraine.

Trente et un ans après la chute de l’URSS, l’OTAN a brusquement, et malheureusement, retrouvé sa raison d’être. Ce retour de la puissance américaine aux affaires européennes, quelque peu délaissées depuis le début de la présidence Obama, est également un fait nouveau qui n’est pas sans soulever des interrogations.

Elle illustre en tout cas la faiblesse, réelle ou ressentie, de l’Union européenne lorsqu’il s’agit d’assurer sa sécurité collective. Le souhait de la Finlande et de la Suède de rejoindre l’OTAN témoigne de la confiance, toute relative, que ces deux pays accordent à l’article 42 du traité sur l’Union européenne, qui garantit l’entraide militaire mutuelle entre ses membres.

Nous ne pouvons par conséquent que nous interroger sur l’efficacité de l’action diplomatique de la France ou, plus accessoirement, sur l’influence politique des écologistes dans la recherche d’une défense européenne collective. Je ne ferai pas mystère des positions historiques de ma famille politique, qui a toujours milité pour le développement d’une défense européenne capable de renforcer l’autonomie diplomatique et stratégique du continent à l’égard du partenaire états-unien.

Je n’aurais pas imaginé me retrouver un jour dans la position de plaider avec force pour un élargissement de l’OTAN. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Comment, alors que la Russie agresse l’Ukraine et menace la Suède et la Finlande, ne pas répondre favorablement à leur demande souveraine et démocratiquement concertée d’adhésion à l’Alliance ? Comment pourrions-nous envoyer à la Russie et au monde un tel message de désunion et de faiblesse ? Il n’est pas acceptable de briser la solidarité des pays occidentaux, qui est la seule voie possible pour que l’Ukraine sorte victorieuse de ce conflit et que la paix soit ainsi rétablie sur le continent.

En cohérence avec le soutien sans faille apporté au peuple ukrainien par les écologistes européens, c’est tout naturellement que nous soutiendrons la demande de la Suède et de la Finlande de bénéficier de la sécurité collective qu’apporte l’OTAN aux pays européens.

C’est le prix de la défense de la démocratie, de la liberté et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, menacés aux frontières orientales du continent.

Comme l’a excellemment montré le rapport de la commission, commis dans la plus grande urgence – qu’il me soit permis de saluer ici le professionnalisme de notre administration –, il n’y a aucune difficulté juridique, économique ou militaire à intégrer ces deux pays qui réunissent tous les critères fixés par le traité fondateur de l’Alliance.

Fidèle à nos positions historiques, je forme le vœu – car j’y crois sincèrement – que l’intégration de nouveaux pays, jusque-là profondément isolés, à l’effort collectif européen soit une pierre supplémentaire apportée à la construction d’une défense collective. Elle s’inscrit d’ailleurs dans un épisode historique de réarmement et de renforcement des capacités de défense des pays de l’Union européenne, au premier rang desquels figure l’Allemagne.

En effet, et c’est le paradoxe de la période, le regain d’intérêt que suscite l’OTAN n’est peut-être que conjoncturel. En tout cas, le renforcement de l’Alliance ne peut passer que par le renforcement des capacités propres des pays européens, objectif compatible avec celui d’une Europe de la défense.

C’est l’objectif de la France, rappelé avec force lors du sommet de l’Alliance des 28, 29 et 30 juin dernier, que de renforcer la relation Union européenne-OTAN et d’insister sur le renforcement du « pilier européen » au sein de l’Alliance. Les écologistes soutiennent cette position française.

Je conclurai mon propos en évoquant deux préoccupations, rappelées par plusieurs autres intervenants.

Le protocole d’adhésion ne le prévoit pas, mais rappelons clairement que cet élargissement, qui ajoutera désormais 1 250 kilomètres de frontières avec la Russie, ne saurait se traduire par le déploiement de forces de l’Alliance en Finlande et en Suède. La situation est suffisamment conflictuelle avec le belligérant russe, pour ne pas ajouter inutilement de l’huile sur le feu.

Un dernier mot pour dénoncer le chantage inacceptable de la Turquie, qui demande à la Suède l’extradition de trente-trois membres du PKK en échange de la ratification du présent traité. Nous faisons confiance au Royaume de Suède, au regard des positions déjà exprimées, pour ne céder en aucun cas au chantage. Les Kurdes, qui n’ont de cesse de nous protéger contre la menace du terrorisme islamiste, n’ont pas à être les victimes collatérales de la guerre en Europe.

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