Monsieur le président, mes chers collègues, M. Jean-Claude Requier, co-rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement », ne pouvait être parmi nous ce matin, mais il a souhaité que nous présentions notre travail sur l'intégration d'Expertise France au groupe AFD par la loi du 4 août 2021.
Expertise France a été créé en 2015. Principal opérateur de la coopération technique internationale française, il emploie près de 500 personnes au siège de l'agence, et près de 1 000 personnes sur le terrain. Son chiffre d'affaires s'élevait à un peu plus de 330 millions d'euros en 2021.
La coopération technique internationale a longtemps constitué un point fort de l'aide publique au développement (APD) française, ainsi que l'essentiel de cette aide. Jusqu'à la fin des années 1970, la France mobilisait environ 23 000 coopérants techniques, cette coopération technique représentant 70 % de l'APD française.
Sous l'impulsion du Sénat, il a été décidé de redonner corps à notre politique de coopération technique. En 2014, un amendement sénatorial à la loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale a décidé du rapprochement des différents organismes publics de coopération technique jusqu'alors dispersés entre plusieurs ministères pour donner naissance à un opérateur central : Expertise France.
Toutefois, dans un contexte de forte compétition en matière d'aide au développement, cette activité n'étant pas dénuée d'intérêts commerciaux pour la plupart de nos partenaires, la question s'est posée en 2018 d'offrir à Expertise France les moyens de peser face à ses concurrents.
À cet effet, en février 2018, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) a décidé de rapprocher Expertise France et l'Agence française de développement. Cet objectif a par la suite été traduit par plusieurs dispositions de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui a réformé le statut juridique et la gouvernance d'Expertise France pour permettre sa filialisation au sein du groupe Agence française de développement.
Cette intégration est effective depuis le 1er janvier 2022, et, compte tenu de cette date très récente, il n'est évidemment pas encore possible d'en évaluer toutes les conséquences. Cependant, nos auditions ont permis de mettre au jour certains points de vigilance.
En premier lieu, le modèle économique d'Expertise France repose sur le versement d'une subvention d'appui, ce qui ne nous paraît pas pouvoir perdurer. Cette subvention s'élève à près de 8 millions d'euros en 2021, soit 2,5 % du chiffre d'affaires de l'opérateur. Dans la mesure où le modèle économique de l'opérateur reste déficitaire, le montant de la subvention est appelé à continuer de progresser dans le futur. En d'autres termes, la croissance de l'opérateur sera financée par l'État.
Cette situation n'est pas une fatalité, puisque d'autres opérateurs de coopération technique - je pense à Civipol, qui intervient dans le champ de la coopération policière - parviennent à l'équilibre économique sans subvention d'appui. L'opérateur de coopération technique allemand ne perçoit aucune subvention d'équilibre, ce qui prouve qu'Expertise France pourrait accroître ses ressources propres et ne plus dépendre du versement d'une subvention d'appui.
En second lieu, si l'opérateur et ses tutelles sont en mesure d'identifier un grand nombre de domaines où la filialisation serait susceptible de générer des gains budgétaires -que ce soit dans la fonction achat, dans les ressources humaines ou immobilières -, force est de constater qu'aucun objectif clair ni aucun indicateur n'existent à ce stade. Cela est assez regrettable, et nous espérons que la prochaine convention d'objectifs et de moyens définira précisément ces objectifs et indicateurs.