Mes chers collègues, les rapporteurs spéciaux de la mission « Aide publique au développement » ont souhaité faire une brève communication sur leur travail de contrôle concernant l'intégration d'Expertise France au sein du groupe Agence française de développement (AFD).
Monsieur le président, mes chers collègues, M. Jean-Claude Requier, co-rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement », ne pouvait être parmi nous ce matin, mais il a souhaité que nous présentions notre travail sur l'intégration d'Expertise France au groupe AFD par la loi du 4 août 2021.
Expertise France a été créé en 2015. Principal opérateur de la coopération technique internationale française, il emploie près de 500 personnes au siège de l'agence, et près de 1 000 personnes sur le terrain. Son chiffre d'affaires s'élevait à un peu plus de 330 millions d'euros en 2021.
La coopération technique internationale a longtemps constitué un point fort de l'aide publique au développement (APD) française, ainsi que l'essentiel de cette aide. Jusqu'à la fin des années 1970, la France mobilisait environ 23 000 coopérants techniques, cette coopération technique représentant 70 % de l'APD française.
Sous l'impulsion du Sénat, il a été décidé de redonner corps à notre politique de coopération technique. En 2014, un amendement sénatorial à la loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale a décidé du rapprochement des différents organismes publics de coopération technique jusqu'alors dispersés entre plusieurs ministères pour donner naissance à un opérateur central : Expertise France.
Toutefois, dans un contexte de forte compétition en matière d'aide au développement, cette activité n'étant pas dénuée d'intérêts commerciaux pour la plupart de nos partenaires, la question s'est posée en 2018 d'offrir à Expertise France les moyens de peser face à ses concurrents.
À cet effet, en février 2018, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) a décidé de rapprocher Expertise France et l'Agence française de développement. Cet objectif a par la suite été traduit par plusieurs dispositions de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui a réformé le statut juridique et la gouvernance d'Expertise France pour permettre sa filialisation au sein du groupe Agence française de développement.
Cette intégration est effective depuis le 1er janvier 2022, et, compte tenu de cette date très récente, il n'est évidemment pas encore possible d'en évaluer toutes les conséquences. Cependant, nos auditions ont permis de mettre au jour certains points de vigilance.
En premier lieu, le modèle économique d'Expertise France repose sur le versement d'une subvention d'appui, ce qui ne nous paraît pas pouvoir perdurer. Cette subvention s'élève à près de 8 millions d'euros en 2021, soit 2,5 % du chiffre d'affaires de l'opérateur. Dans la mesure où le modèle économique de l'opérateur reste déficitaire, le montant de la subvention est appelé à continuer de progresser dans le futur. En d'autres termes, la croissance de l'opérateur sera financée par l'État.
Cette situation n'est pas une fatalité, puisque d'autres opérateurs de coopération technique - je pense à Civipol, qui intervient dans le champ de la coopération policière - parviennent à l'équilibre économique sans subvention d'appui. L'opérateur de coopération technique allemand ne perçoit aucune subvention d'équilibre, ce qui prouve qu'Expertise France pourrait accroître ses ressources propres et ne plus dépendre du versement d'une subvention d'appui.
En second lieu, si l'opérateur et ses tutelles sont en mesure d'identifier un grand nombre de domaines où la filialisation serait susceptible de générer des gains budgétaires -que ce soit dans la fonction achat, dans les ressources humaines ou immobilières -, force est de constater qu'aucun objectif clair ni aucun indicateur n'existent à ce stade. Cela est assez regrettable, et nous espérons que la prochaine convention d'objectifs et de moyens définira précisément ces objectifs et indicateurs.
Je remercie les deux rapporteurs spéciaux de cette communication.
L'intégration et le changement de statut d'Expertise France n'ont finalement pas encore été suivies par une amélioration des ratios de gestion. J'ai le sentiment qu'une pesanteur inappropriée demeure.
La Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) a vocation à favoriser l'export des entreprises françaises à l'étranger. Comment cet organisme se situe-t-il par rapport à Expertise France ? Ces deux structures ont-elles été fusionnées, ou existent-elles toujours en parallèle ?
Expertise France bénéficie d'une subvention de 8,5 millions d'euros, alors que des exemples montrent que l'équilibre est possible. Quelles seraient les pistes à creuser pour parvenir à l'équilibre économique sans cette subvention ?
Monsieur le rapporteur général, deux conventions collectives subsistent. L'AFD dépend de la convention des banques, et Expertise France de celle des conseils.
Jean-Claude Requier et moi-même craignons qu'une unification n'accroisse significativement les charges réelles de l'une des deux structures. Nous préférons que les choses continuent comme elles sont et que des synergies soient trouvées, notamment par une politique de ressources humaines permettant le passage de l'une à l'autre des structures. Compte tenu de la spécificité des métiers assurés par les deux organismes, il vaut sans doute mieux que les deux conventions collectives perdurent.
Madame Lavarde, la Coface relève davantage de Business France et des actions à l'export que du groupe AFD, dont la filiale Proparco est dédiée à l'accompagnement des projets de développement dans le secteur privé. La Coface est une société de cautionnement à l'export dépendant du modèle économique classique, donc des actions liées à Business France.
Monsieur Delcros, l'équilibre économique sera d'abord atteint par la maîtrise des charges de fonctionnement. Il faut aussi prendre en compte l'accroissement des charges de structure. De nombreux projets de l'AFD sont financés par Bruxelles, qui considère que la part des frais généraux dans les missions doit rester extrêmement faible, de l'ordre de 8 % de leur financement, ce qui est sans doute trop peu.
Il faudra qu'Expertise France trouve d'autres financeurs, qui prendraient en compte la réalité des coûts.
Merci, monsieur le rapporteur spécial. Cette communication trouvera sa place dans l'annexe consacrée à la mission « Aide publique au développement » du rapport élaboré par notre commission sur le projet de loi de règlement.
Nous passons à l'examen du rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021.
Ce texte a été adopté par l'Assemblée nationale mercredi dernier. Le projet de loi déposé le 4 juillet dernier comprenait huit articles, dont l'article liminaire. L'Assemblée nationale y a ajouté un article, portant sur une demande de rapport.
À l'issue de la présentation du rapporteur général, nous nous prononcerons sur l'ensemble du projet de loi, aucun amendement n'étant proposé sur ce texte par le rapporteur.
Monsieur le président, mes chers collègues, le temps dont nous disposons pour examiner le projet de loi de règlement pour 2021 est très réduit, car ce texte n'a été déposé que le 4 juillet, soit presque cinq semaines après le délai limite du 31 mai fixé par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
Si un certain retard avait été constaté lors des précédentes années d'élections générales, c'est la première fois depuis vingt-deux ans que le projet de loi de règlement est déposé après le 1er juillet. Ce n'est pas un bon signal, au moment où le Gouvernement dit vouloir travailler en coopération étroite avec le Parlement, et alors que la révision de la loi organique a été l'occasion pour beaucoup de parlementaires de rappeler l'importance de l'analyse de l'exécution budgétaire passée pour définir les orientations futures.
Pour commencer, la France a connu un fort rebond de l'activité économique en 2021, puisque le PIB a augmenté en volume de 6,9 %, après une récession de 7,8 % en 2020, due aux conséquences de la crise sanitaire. C'est une excellente nouvelle, car, malgré la persistance de la crise et des mesures sanitaires que celle-ci a engendrées, il était absolument essentiel que la France parvienne à réduire, si ce n'est à effacer, les pertes économiques subies en 2020. A posteriori, ce rebond me semble d'autant plus primordial que nous sommes passés d'une crise à l'autre, de la crise sanitaire à la crise énergétique.
S'il convient de se réjouir de ce résultat, il apparaît toutefois que le niveau global de l'activité n'est pas revenu, en 2021, à celui de l'année 2019. Ainsi, le PIB en volume de l'année 2021 est inférieur d'environ 1,6 % à celui de l'année 2019, notamment à cause de la dégradation de notre commerce extérieur et d'une consommation encore déprimée.
Ensuite, j'observe que nos performances ont été moins importantes que celles de nos partenaires européens. Ainsi, nous appartenons au groupe des pays qui ont connu, en 2020 et en 2021, un niveau d'activité inférieur à celui de l'année 2019. Nous ne sommes, certes, pas seuls dans ce cas, puisqu'il en est de même pour l'Italie, le Portugal ou encore la Grèce.
Le rattrapage du terrain perdu en 2020 au cours de l'année 2021 a, par ailleurs, eu un coût : celui de la dégradation des comptes publics. En effet, si le revenu disponible brut de l'ensemble des agents économiques a progressé en 2021, le cumul des pertes et des gains enregistrés en 2020 et 2021 montre que les administrations publiques ont joué un rôle essentiel, au travers des mesures de soutien et de relance portées par l'État et les stabilisateurs automatiques. Ainsi, sur la période, l'ensemble de l'économie a enregistré plus de 60 milliards d'euros de pertes cumulées de revenu disponible brut. Ces pertes s'élèvent à 156 milliards d'euros pour les administrations publiques, et se limitent à environ 2 milliards d'euros pour les entreprises, compte tenu des annulations de créances fiscales, tandis que, dans leur ensemble, les ménages ont engrangé plus de 90 milliards d'euros de revenus supplémentaires par rapport à 2019.
Rétrospectivement, en matière économique, l'année 2021 a préfiguré un certain nombre de chocs que nous subissons en 2022 : choc d'approvisionnement en matières premières, choc sur l'évolution des prix, choc sur les marges pour les entreprises et choc sur le coût du financement de la dette.
Nous l'avions signalé dès les prémices de ce mouvement : la hausse des prix à la production a fortement accéléré en 2021, dans le contexte d'une reprise économique mondiale. Dans le secteur industriel, les prix à la production ont augmenté, en moyenne, de 8,7 % sur un an, cette hausse étant de 8,9 % dans le secteur agricole. Dans la construction neuve - mais la situation est la même dans la rénovation -, les prix ont augmenté de 4,8 % en moyenne. Les consommateurs n'ont pas immédiatement subi cette augmentation des prix à la production. D'ailleurs, le pouvoir d'achat des ménages a progressé d'environ 2,3 % en 2021, et n'a commencé à ralentir qu'à compter de l'année 2022.
Mais il n'y a pas de secret : si les consommateurs n'ont pas subi dès 2021 la hausse des prix à la production, c'est d'abord parce que les entreprises ont réduit leurs marges. Ainsi, dans le secteur manufacturier, au quatrième trimestre 2021, le taux de marge se situait 5,6 points en dessous de sa moyenne sur la période 2012-2019. Dans le secteur de la construction, cet écart était d'environ 4,4 points. Cette situation est préoccupante. Elle l'est d'autant plus que, à compter de 2021, l'inflation des prix à la consommation a fortement accéléré. Si, en moyenne annuelle, elle s'élève à 1,6 %, la moyenne mensuelle de l'inflation se situe, depuis le mois d'août 2021, à des niveaux largement supérieurs. En novembre et en décembre 2021, l'inflation atteignait même 2,8 % en glissement annuel, ce qui justifiait que nous débattions déjà de mesures de protection du pouvoir d'achat.
L'accélération de l'inflation résulte pour l'essentiel de la hausse des prix de l'énergie, comme nous aurons l'occasion d'en discuter demain à l'occasion d'une table ronde réunissant des économistes sur le sujet, ainsi que lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022.
Dernier point sur lequel je souhaite alerter avant de dire un mot sur l'état de nos finances publiques : la remontée des taux d'intérêt nominaux. Tout au long de l'année 2021, nous avons assisté à une remontée des taux d'intérêt nominaux des obligations souveraines à dix ans, qui sont passés par deux fois dans le positif. Si les taux réels - c'est-à-dire corrigés de l'inflation - sont demeurés négatifs et orientés à la baisse en 2021, la situation est très différente au début de l'année 2022. Nous avons assisté, l'an dernier, au prologue d'un vrai changement de régime des conditions de financement de la dette française - nous avions alerté le Gouvernement sur ce sujet dès la fin de l'année.
J'en viens à une présentation rapide de la situation de nos finances publiques.
Je veux commencer par évoquer les recettes publiques, qui ont été sous-évaluées lors de l'examen du PLFR de fin de gestion en 2021. J'avais alors déjà eu l'occasion de qualifier d'« excessivement prudente » la prévision de croissance de 6,25 % retenue par le Gouvernement. L'acquis de croissance était, à lui seul, égal à 6,6 %. Le déflateur du PIB, mesurant l'évolution des prix à la production, continuait d'être évalué à +0,5 %, sans que les récents développements conjoncturels soient pris en compte.
Dans ce contexte, le Gouvernement constate maintenant que les prélèvements obligatoires se sont finalement élevés à près de 1 110 milliards d'euros, soit un surplus de 30 milliards d'euros de recettes par rapport aux prévisions. Il s'en félicite, en l'attribuant aux effets de sa politique économique, qui aurait assuré le dynamisme de l'activité. En réalité, il me semble qu'une prévision de recettes d'une meilleure qualité aurait dû être retenue dès l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2022 et du PLFR de fin de gestion pour 2021. En tenant compte des informations et des prévisions des conjoncturistes disponibles à l'époque, il apparaît qu'une prévision de recettes d'environ 1 095 milliards d'euros aurait pu être établie. L'écart avec la réalisation effective aurait été divisé par plus de deux !
J'en viens aux dépenses publiques, qui s'élèvent quant à elles à 1 460 milliards d'euros en 2021, soit 10 milliards d'euros de moins que la prévision retenue dans le PLFR de fin de gestion pour 2021. Cet écart tient à des engagements des opérateurs et des collectivités moindres que prévu. Malgré cela, le niveau des dépenses publiques s'éloigne très fortement des objectifs inscrits en loi de programmation des finances publiques (LPFP). Ainsi, en excluant les dépenses liées à la crise sanitaire et à la relance - soit environ 91 milliards d'euros en 2021 -, les dépenses publiques s'établissent à 55,4 % du PIB, et non au taux attendu de 52,5 %.
Le déficit public s'établit à 160,7 milliards d'euros, soit 6,4 % du PIB. Il est d'ailleurs principalement supporté par l'État, les collectivités locales parvenant quasiment à l'équilibre et les administrations de sécurité sociale ayant divisé par plus de deux leur déficit.
Notre endettement public diminue également d'environ 2 points de PIB, mais il reste à un niveau très important en comparaison européenne : il s'élève à 112,9 % du PIB, soit 40 points de plus que l'endettement de l'Allemagne. En outre, l'année 2021 est la première depuis longtemps où l'on assiste à une augmentation du poids de la charge de la dette, qui passe de 1,3 % à 1,4 % du PIB. Cette augmentation s'explique par l'augmentation du stock de dette liée au coût des mesures prises en réponse à la crise sanitaire, mais aussi par un renchérissement du coût des obligations indexées sur l'inflation, pour environ 2 milliards d'euros. Cette tendance se poursuivra en 2022, puisque le PLFR pour 2022 que nous devrions examiner la semaine prochaine prévoit une hausse de 17,8 milliards d'euros de la charge de la dette par rapport à la loi de finances initiale en raison de l'inflation.
J'en viens à présent au budget de l'État, dont le déficit s'établit, en 2021, à 170,7 milliards d'euros. C'est certes une « amélioration » de 7,3 milliards d'euros par rapport au déficit budgétaire enregistré en 2020, mais le niveau n'en est pas moins historiquement élevé.
Il est possible d'expliquer la formation du déficit en reprenant les principaux éléments de l'article d'équilibre du projet de loi de règlement, en se limitant au périmètre du budget général. Les masses assez considérables des prélèvements sur recettes et des remboursements et dégrèvements sont retirées des recettes brutes pour constituer les recettes nettes. Ces recettes nettes sont inférieures à 250 milliards d'euros, alors que les dépenses nettes approchent les 420 milliards d'euros : il manque donc plus de 170 milliards d'euros pour équilibrer le budget de l'État, ce qui constitue le déficit.
Si le niveau des recettes peut paraître faible, c'est surtout le niveau des dépenses qui est élevé. Par rapport à 2020, le déficit 2021 s'explique, en effet, par un fort surcroît de dépenses, notamment avec la mise en oeuvre du plan de relance, alors même que les recettes connaissaient elles aussi une forte augmentation après le « trou d'air » de 2020, lié aux mesures de restriction en lien avec la crise sanitaire. Si les dépenses du plan d'urgence diminuent, elles atteignent encore 34,4 milliards d'euros.
Un autre effet important, qui a un impact à la fois sur les dépenses nettes et sur les recettes nettes, est la forte diminution des remboursements et dégrèvements, notamment à cause de ceux qui portaient sur la taxe d'habitation.
S'il n'y avait qu'un seul message à retenir, c'est donc que l'accroissement du déficit résulte des dépenses, et non des recettes, celles-ci connaissant un très fort rebond en 2021. Les recettes fiscales nettes de l'État effacent la forte chute connue en 2020, mais le rebond est plus important encore, puisque, avec un niveau de 295,7 milliards d'euros, elles sont supérieures de plus de 14 milliards d'euros à celles de 2019, atteignant le niveau historiquement élevé de 2017.
Ce rebond est d'autant plus remarquable que, depuis 2017, une fraction croissante de TVA a été affectée aux administrations de sécurité sociale et aux collectivités territoriales, en contrepartie de transferts de compétences ou, comme c'est le cas en 2021, à cause de la réforme de la fiscalité locale. SI l'on considère l'évolution de la répartition des recettes de la TVA entre les différentes catégories d'administrations publiques, on constate que cet impôt est aujourd'hui véritablement partagé entre l'État, la sécurité sociale et les collectivités territoriales. Alors que la TVA était naguère une ressource majeure, voire dominante, de l'État, elle ne lui rapporte aujourd'hui guère plus que l'impôt sur le revenu, qui a connu une hausse régulière au cours du quinquennat précédent, sauf lors de la baisse de son barème en 2019.
La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), pour sa part, a augmenté de manière spectaculaire en 2021, non seulement parce que la consommation de carburant a retrouvé des niveaux plus normaux après les confinements de 2020, mais aussi et surtout par un effet de périmètre : la rebudgétisation du compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » a conduit à réaffecter une partie de son produit au budget général.
Quant à l'impôt sur les sociétés (IS), son produit reflète les évolutions de la conjoncture économique en les amplifiant, car il est assis sur les bénéfices, et non sur la production dans son ensemble. Alors qu'en loi de finances initiale il était prévu en baisse, puis en légère hausse dans le collectif budgétaire de fin d'année, il a connu une forte augmentation, de 10 milliards d'euros, par rapport à 2020, soit plus de 15,3 milliards d'euros de plus que le niveau prévu en loi de finances initiale pour 2021, malgré la poursuite de la trajectoire de baisse du taux d'imposition de 33 % à 25 %. Cette hausse est bien sûr liée à la reprise économique, qui accroît le bénéfice fiscal, mais aussi, sans doute, au comportement des entreprises, qui ont versé un cinquième acompte très élevé en décembre 2021. Ces écarts illustrent la difficulté de la prévision des recettes de cet impôt.
S'agissant des dépenses, on se souvient qu'elles avaient connu une augmentation historique de 53,6 milliards d'euros en 2020 : c'était le « quoi qu'il en coûte » face à la crise sanitaire. En 2021, non seulement le budget de l'État n'est pas revenu à un niveau plus habituel de dépenses, mais ces dernières ont encore augmenté de 37 milliards d'euros, ce qui représente une progression de 90,7 milliards d'euros en deux ans.
Je serai bref pour décrire les évolutions des missions, car vous les avez-vous-mêmes présentées avec précision dans vos rapports spéciaux.
Comme je l'ai déjà dit, les remboursements et dégrèvements diminuent, pour des raisons liées à la réforme de la fiscalité locale, et la mission « Plan d'urgence », si elle voit ses dépenses quelque peu diminuer, continue tout de même à consommer plus de 34 milliards d'euros.
La hausse des dépenses de la mission « Plan de relance » s'explique bien sûr par la première année de son application, et celles de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » proviennent pour moitié d'un effet de périmètre lié à la rebudgétisation de plusieurs comptes d'affectation spéciale - n'y voyez pas un effort du Gouvernement pour renforcer sa politique de transition énergétique et écologique...
Le surcroît de dépenses entre 2019 et 2021 est plus de trois fois supérieur aux sommes mises en oeuvre lors de la crise financière de 2008 à 2010. Or je crains que le Gouvernement ne considère le niveau actuel de dépenses comme un « plancher » pour les dépenses futures, et non pas comme une situation exceptionnelle et temporaire, puisqu'il n'a fait aucune annonce permettant de prévoir une diminution de certains postes de dépenses dans les années à venir. Nous le constaterons à nouveau dans quelques jours, en examinant le projet de loi de finances rectificative.
Les dépenses de personnel du budget général de l'État illustrent d'ailleurs l'absence de mesures d'économie. Elles atteignent 134,2 milliards d'euros en 2021, en hausse de 1,2 % par rapport à 2020 et poursuivant les hausses notables constatées depuis le début du dernier quinquennat. Si le nombre des emplois diminue de près de 4 000 équivalents temps plein travaillé en 2021, ce n'est pas par choix, mais en raison de difficultés de recrutement au ministère de l'éducation nationale qui, selon le Gouvernement, devaient être résolues dans le courant de l'année 2022.
Depuis des années, nous avons noté le mouvement apparemment paradoxal d'une dette qui s'accroît sans cesse - son volume a augmenté de 18,6 % en deux ans - et d'une charge de la dette qui, elle, diminuait tout aussi régulièrement. Or ce mouvement s'inverse en 2021, et l'on revient à la réalité : dès l'an dernier, l'inflation a pesé sur le stock de dette indexée, et la charge maastrichtienne de la dette est repartie à la hausse. Nous savons d'ores et déjà que cette hausse va se poursuivre et s'amplifier en 2022, sous l'effet tant de l'inflation que de la hausse des taux d'intérêt.
Je finirai par quelques observations sur l'exécution budgétaire proprement dite et le respect de l'autorisation budgétaire, comme nous y enjoint l'examen de la loi de règlement.
Nous avons plusieurs fois remarqué le montant assez extraordinaire des reports de crédits en 2021 : plus de 36 milliards d'euros, alors que, depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, le montant des crédits reportés chaque année avait toujours été inférieur à 3,8 milliards d'euros - le rapport est de 1 à 10. Il s'agissait surtout de crédits ouverts sur la mission « Plan d'urgence », ainsi que de fonds de concours apportés à la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Cette pratique devrait être exceptionnelle, car les crédits non consommés en fin d'exercice devraient être ensuite annulés par la loi de règlement. Or, à la fin de 2021, 25,6 milliards d'euros de crédits de paiement n'avaient pas été consommés, mais moins de 10 % de ce montant seulement est annulé par le projet de loi de règlement. Le reliquat, à hauteur de plus de 23 milliards d'euros, est reporté à 2022, sur un grand nombre de missions du budget général.
Ce simple fait montre, s'il en était besoin, que le Sénat, et notre commission en particulier, a eu raison de mettre l'accent sur le contrôle de ces reports de crédits lors de l'examen, l'an dernier, de la réforme de la loi organique. Je rappelle que, sur notre proposition, une disposition a été introduite dans la LOLF, limitant les reports à 5 % des crédits ouverts sur les programmes du budget général.
À titre de conclusion, je reviendrai sur les aléas de la prévision budgétaire au cours de l'année 2021. Le déficit constaté sur l'année est inférieur de près de 50 milliards d'euros à celui qui avait été prévu en milieu d'année, lors de la première loi de finances rectificative de juillet 2021. Il est proche du niveau prévu en loi de finances initiale, mais celui-ci était sous-estimé dans la mesure où il n'intégrait pas l'effet des reports de crédits sur les dépenses effectives en 2021. Les prévisions de recettes comme de dépenses ont, elles, connu plusieurs réévaluations successives. Même les prévisions faites en fin d'année, lors de la seconde loi de finances rectificative, ont finalement été très nettement inférieures à la réalisation.
Au total, l'année 2021 a été marquée par la prolongation de la crise sanitaire, et il n'est pas surprenant que les mesures de soutien aux entreprises et aux ménages, que nous avons, dans l'ensemble, approuvées, aient continué à peser sur le déficit. Faut-il pour autant, comme le fait le Gouvernement, parler de « gestion saine » des finances publiques ? C'est une vision quelque peu idéalisée d'une situation où l'accumulation des déficits creuse la dette au moment même où l'inflation et les taux repartent à la hausse, sans aucune perspective plus favorable sur les mesures qui pourraient conduire à rétablir véritablement les comptes.
Tels sont les principaux points que je souhaitais souligner ce matin sur la situation des finances publiques et de l'exécution budgétaire en 2021, telles qu'elles se reflètent notamment dans l'article liminaire et dans les articles 1 à 6 du projet de loi de règlement.
Ce texte comprend deux articles supplémentaires.
L'article 7 met en oeuvre l'annulation d'une partie de la dette détenue par la France sur la Somalie, en application d'un accord bilatéral intervenu dans le cadre du Club de Paris.
L'article 8, introduit par l'Assemblée nationale, demande un rapport sur l'exécution de la mission « Plan de relance ». Même si les données demandées sont intéressantes, je ne suis pas certain que l'ajout d'un rapport soit bien opportun.
De nombreuses informations complémentaires figurent évidemment dans le tome I du rapport général, auquel je vous renvoie notamment pour des éléments chiffrés plus détaillés, mais aussi pour la partie consacrée à la mesure de la performance, qui, à partir de l'analyse de l'ensemble des indicateurs figurant dans les missions, montre qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. En effet, les sous-indicateurs sont très nombreux, parfois peu exploitables - faute de données notamment - ; ils peuvent poser des difficultés de périmètre et sont globalement décevants.
Par ailleurs, l'exécution 2021 de l'ensemble des missions du budget de l'État et des politiques publiques afférentes fait l'objet de contributions riches et détaillées, que vous avez signées en votre qualité de rapporteurs spéciaux.
S'agissant de notre vote sur ce texte, je rappellerai tout d'abord que le Sénat n'a pas souhaité voter la loi de finances initiale pour 2021. Après avoir voté les mesures d'urgence indispensables pendant la crise sanitaire, il avait contesté le choix du Gouvernement de ne pas tenir compte de la dérive des comptes publics. Ainsi, le Gouvernement aurait déjà dû privilégier des mesures temporaires, puissantes et mieux ciblées pour favoriser la sortie de crise dans le cadre du plan de relance, lequel s'est par ailleurs avéré tardif et mal calibré.
Par ailleurs, presque aucune des mesures portées par le Sénat n'a été retenue par le Gouvernement lors de l'examen de ce texte, alors qu'elles contribuaient notamment à assurer la juste compensation de l'ensemble des collectivités territoriales dans le cadre de la réforme des impôts de production, ou encore à favoriser la solidarité nationale, en prévoyant, par exemple, une taxation exceptionnelle des profits des assureurs pendant la crise sanitaire. Les mesures ciblées d'aide aux plus précaires que nous portions n'avaient pas non plus été retenues. Les articles que notre assemblée avait supprimés, à la quasi-unanimité, avaient également été rétablis en nouvelle lecture par les députés.
Depuis, nous avons certes adopté le premier PLFR de 2021, à l'été, mais il s'agissait d'un collectif budgétaire tendant à accompagner la sortie de crise, prolongeant notamment, avec des adaptations, le fonds de solidarité ou encore la nouvelle aide au paiement des cotisations et contributions sociales, la garantie de l'État au titre des prêts garantis par l'État (PGE) et la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA). Nous avons par la même occasion obtenu d'importantes évolutions et apports du Sénat en commission mixte paritaire (CMP).
En revanche, nous nous sommes fermement opposés à la seconde loi de finances rectificative, le PLFR de fin de gestion, qui comportait en particulier l'indemnité inflation prévue par le Gouvernement, avec une enveloppe budgétaire de 4 milliards d'euros. Comme je l'avais indiqué, ce premier « chèque » de 100 euros, versé à près de 38 millions de personnes, sans tenir compte des revenus du foyer, cumulait les inconvénients : un ciblage insuffisant, des effets de seuil massifs et des risques d'effets d'aubaine préjudiciables à son efficacité au regard du coût important pour les finances publiques.
Enfin, en termes de procédure budgétaire, nous ne pouvons une nouvelle fois que regretter que le Gouvernement ait procédé à des opérations de reports massifs en fin d'année, de 2020 à 2021, mais aussi de 2021 vers 2022, sans nécessairement conserver la destination initialement prévue des crédits ouverts, ce qui pose question.
Aussi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, à la fois pour les mesures que le budget exécuté comporte et les manoeuvres procédurales employées par le Gouvernement en cours d'année pour utiliser les crédits ouverts par le Parlement, je propose à la commission de ne pas adopter le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021.
Je remercie le rapporteur général, dont le groupe Union Centriste partage une large part des analyses, avec tout de même quelques nuances. Nous parvenons à une conclusion différente, puisque, à ce stade, nous envisageons, globalement, de nous abstenir. Je rappelle d'ailleurs que nous n'avions pas voté la loi de finances initiale, mais que nous avions voté le PLFR1 et que nous nous étions abstenus sur le PLFR2, qui comprenait des mesures nécessitées par l'urgence - lutte contre l'inflation, bouclier tarifaire... Nous avons tous conscience qu'il fallait répondre à un certain nombre de situations, mais nous partageons l'analyse que le Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques a développée devant notre commission la semaine dernière - le « message d'alerte » qu'il a lancé fait d'ailleurs écho à la « cote d'alerte » évoquée par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
S'agissant du calendrier, si la présentation du projet de loi de règlement est reportée à chaque élection présidentielle, ce report est, cette fois, allé très loin. Le travail d'analyse a pu être mené, mais dans des conditions loin d'être idéales pour la commission des finances.
L'année écoulée a été atypique compte tenu de la poussée d'inflation, des difficultés d'approvisionnement, de la montée des taux d'intérêt et des difficultés, nouvelles pour nous, liées à l'impact de la dette. Au demeurant, il est peut-être positif que l'on se rende compte que la dette ne saurait être en perpétuelle augmentation sans que cela ait des conséquences. Nous devons nous en inspirer pour l'avenir.
La Cour a repris, à juste titre, un certain nombre de remarques de notre commission des finances, notamment sur la croissance des dépenses courantes, non liées à la crise sanitaire. C'est un point de vigilance, et une difficulté pour nous tous : il faut avouer que, lorsque nous cherchons des mesures d'économie, nous avons nous-mêmes du mal à les documenter. Il y a là un travail qui devrait être mené avec l'exécutif - peut-être la nouvelle configuration, plus parlementaire qu'auparavant, permettra-t-elle de le faire.
Nous avons tous souligné que les principes budgétaires ont au moins en partie été mis à mal par les reports.
Je remercie le rapporteur général, dont je partage les analyses.
Le Gouvernement se prévaut d'une gestion saine des finances publiques. Pourtant, le déficit s'élève à 160 milliards d'euros, avec les tours de passe-passe budgétaires qui viennent d'être expliqués...
Je veux exprimer un regret : hors les mesures exceptionnelles liées à la crise, les dépenses continuent à déraper. C'est malheureusement une constante. Nous l'avons souligné tout au long du précédent quinquennat. Le Gouvernement n'a pas profité d'une situation qui, au départ, était favorable pour engager une trajectoire de réduction de la dépense publique et de désendettement. Bien évidemment, la marge sera beaucoup plus étroite dans la situation budgétaire actuelle.
On se moque quand on évoque la possibilité d'un accident, mais personne n'avait prévu la crise sanitaire. Celle-ci faisait partie des aléas possibles, qui conduisent aujourd'hui à la relance de l'inflation et à l'augmentation des taux d'intérêt, que nous avions, chaque année, présentées comme un risque.
Le rapporteur général a évoqué le changement d'affectation du produit de la TICPE, notamment due à la rebudgétisation du CAS« Transition énergétique » . Au-delà de cette mesure, est-il possible de connaître de manière détaillée le montant des recettes liées à la fiscalité des carburants qu'utilisent les Français pour leurs déplacements - TICPE et TVA ?
Je veux rappeler que la loi de règlement est d'abord un document comptable, administratif. Cela n'empêche pas certains d'en faire une interprétation politique. Pour ma part, je considère qu'elle valide la stratégie budgétaire et économique de soutien aux entreprises et aux ménages.
Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur général, que les recettes fiscales nettes de l'État connaissaient un fort rebond, de +15,5 % en 2021. Vous auriez pu préciser « sans augmentation des impôts » ! On a la démonstration que l'augmentation des recettes ne passe pas forcément par celle des impôts. L'exemple le plus éloquent est celui de l'impôt sur les sociétés, dont le rendement est supérieur à celui de 2017, alors que son taux est inférieur de 10 points.
Vous avez évoqué la hausse des dépenses, malgré la normalisation en 2021. C'est peut-être oublier un peu vite que le plan de relance a commencé cette année-là, qui a également vu deux lois de finances rectificatives, la première pour financer des mesures de soutien dans un contexte de restrictions sanitaires, la seconde pour financer d'autres mesures, dont l'indemnité inflation.
Le groupe socialiste votera dans le sens préconisé par le rapporteur général, mais pour des raisons quelque peu différentes.
Ce projet de loi porte nombre de sous-exécutions, d'annulations, de reports de crédits, dont le montant ne traduit pas un pilotage sérieux des finances publiques.
Il met surtout en exergue le fait que la politique économique du Gouvernement est quasiment exclusivement tournée vers l'offre, laissant de côté un pan important de la population. Cette politique ne nous convient pas.
Si ce texte est technique, il est pour nous la traduction de cette politique. Les résultats sont loin d'être à la hauteur des ambitions affichées. Le solde structurel se dégrade notoirement. Le déséquilibre entre les recettes et les dépenses hors dette publique est très important. Les réductions d'impôt qui ont été accordées ne l'ont pas été aux plus pauvres d'entre nous, tant s'en faut... À nos yeux, le manque de justice sociale et fiscale est cruel.
Ce projet de loi est, pour nous, la marque d'un quadruple échec : un échec de pilotage budgétaire ; un échec intellectuel, puisque le Gouvernement campe sur ses positions idéologiques, alors même que leurs applications sont loin des effets escomptés ; un échec gestionnaire, avec un accroissement de la dette causé aussi par le refus d'augmenter les impôts ; un échec social, avec le creusement des inégalités que nous pouvons tous constater.
Nous voterons donc contre ce texte.
Merci, monsieur le rapporteur général, pour la très grande clarté de votre rapport.
Nous aboutissons au même refus de voter ce projet de loi de règlement, mais sur le fondement de critères d'appréciation un peu différents.
Vous avez affirmé que le taux de marge des entreprises s'était dégradé pour tenir les prix en direction des ménages. Cependant, cette situation est très inégale suivant les secteurs. Selon l'Insee, deux d'entre eux ont profité du contexte d'évolution des prix pour augmenter très nettement leur taux de marge : l'énergie, l'eau et les déchets, secteurs où le taux de marge est passé de 54,6 % au deuxième trimestre 2020 à 61 % au premier trimestre 2021 et même à 74 % au premier trimestre 2022 ; les transports, où le taux est passé de 28,2 % au deuxième trimestre 2020 à 39,1 % au premier semestre 2021. Or ces deux secteurs, en amont de la chaîne de valeur, vont contribuer fortement à la hausse de l'inflation.
Les considérations globales sur les ménages font toujours fi des grandes différences. Je partage l'analyse de nos collègues du groupe socialiste : les ménages les plus modestes ont beaucoup plus que d'autres souffert dans cette période.
Comme Albéric de Montgolfier, je considère que nous n'avons pas profité d'une conjoncture favorable ; pour notre part, nous considérons que nous aurions pu saisir l'occasion pour enclencher réellement la transition écologique, dont l'actualité nous rappelle pourtant avec insistance la grande urgence.
Merci, monsieur le rapporteur général, de votre exposé.
Les recettes fiscales seraient revenues au niveau d'avant-crise. Il est vrai que l'on constate une stabilité des recettes fiscales, mais, si l'on n'en avait pas partagé le produit de la TVA avec la sécurité sociale, à hauteur de 54 milliards d'euros, et les collectivités, à hauteur de 37 milliards d'euros, l'État aurait plus de 36 milliards d'euros de recettes supplémentaires. La conjoncture est très favorable au retour à des finances saines. Il conviendra d'en tenir compte pour l'élaboration du PLFR et des prochains budgets.
Ce projet de loi de règlement est le reflet de la crise et du plan de relance. Il fait également apparaître que les collectivités ont été les grandes oubliées du « quoi qu'il en coûte ».
Je reprends les propos de Didier Rambaud sur l'impôt sur les sociétés, qui, malgré l'abaissement du taux, produit 12 milliards d'euros de plus qu'avant la crise. C'est énorme ! Le chiffre est de 7 milliards d'euros pour la TICPE, et de 7 milliards d'euros pour l'impôt sur le revenu.
La TVA sert de variable d'ajustement : elle connaît une baisse apparente du fait du partage, mais c'est, pour le pays, une recette fiscale nette en hausse de près de 30 milliards d'euros.
Il est toujours sain pour la démocratie représentative que notre institution respecte la légitimité de l'opposition de gauche, mais aussi ses arguments.
Nous voterons contre le texte, à la fois pour exprimer la possibilité d'autres choix politiques que ceux de l'exécutif national, mais aussi parce que bon nombre de nos amendements ont été balayés par la majorité du Sénat.
Au-delà du débat politique, il faut faire attention avec ce document. Ce n'est pas seulement un compte administratif comme dans les collectivités territoriales. Certains éléments du projet de loi de règlement ne relèvent pas du tout de la technique ! Quand les sous-consommations s'élèvent à près de 25 milliards d'euros, il y a un enjeu de sincérité politique. Chacun doit prendre ses responsabilités, dans la sincérité.
Je souscris aux propos de Christian Bilhac concernant les recettes nettes.
La TVA est passée de 156 milliards d'euros en 2018 à 95,5 milliards d'euros en 2021. Comment s'articule cette baisse avec les transferts aux collectivités territoriales et aux administrations de sécurité sociale ?
Je suis en parfait accord avec les conclusions du rapporteur général. Je rejoins ce qui a été dit sur la réduction de l'impôt des entreprises, dont on voit bien qu'elle n'a pas diminué les recettes. Je pense que l'on est au bout du système où l'impôt tue l'impôt du fait de taux trop élevés. C'est plutôt un bon point.
On a eu recours à la dépense publique, que l'on a financée essentiellement par de la dette. La plupart de cette dépense publique nouvelle était attribuée au plan de relance. Je regrette de ne pas voir dans le rapport ce que le plan de relance a pu créer en termes de points de croissance, mais je ne suis pas sûr que l'État soit capable de le définir.
Avec la remontée des taux d'intérêt que nous connaissons aujourd'hui, le recours à la dette est une voie sans issue. Nous sommes au bout du système. Nous n'avons cessé de le dire, mais nous n'avons jamais été entendus. Tant mieux si l'on a compris la leçon et si l'on change de pratiques.
Didier Rambaud nous a accusés d'avoir une position politique sur un document qui ne devrait être que comptable. Je rappelle que la majorité précédente avait fait de l'examen des lois de règlement l'alpha et l'oméga du travail de la commission des finances, en voulant, notamment, instituer le printemps de l'évaluation, sans d'ailleurs faire grand-chose quand elle était en place.
Alors que le Gouvernement n'a pas changé du tout au tout entre le 23 et le 24 avril, ce document nous a été transmis avec plus d'un mois de retard. Si ce document n'était qu'un document comptable, il aurait dû être écrit par les équipes des différents ministères, donc transmis dans les délais prévus par la LOLF ! Notre vote négatif est aussi en partie un vote de mécontentement face à ce mépris à l'égard de notre institution.
Comme Vincent Capo-Canellas l'a dit très justement, objectivement, les rapporteurs spéciaux n'ont pas pu faire leur travail d'analyse des comptes. Nous n'avions pas d'informations. Nous n'avons pu mener aucune audition des ministères que nous sommes censés contrôler. Dans ces conditions, difficile de valider un document, à moins d'accorder une confiance aveugle à ce qu'écrit le Gouvernement...
Didier Rambaud s'est félicité de la réussite de la politique fiscale du Gouvernement. Pour notre part, nous regrettons que la croissance des recettes se soit accompagnée d'une croissance des dépenses encore plus importante et absolument pas justifiée par l'urgence et la réponse à la crise sanitaire. Il aurait plutôt fallu utiliser ce surcroît de recettes pour commencer à enclencher une procédure de désendettement. Nous en serions d'autant plus satisfaits aujourd'hui, avec la remontée des taux.
Je veux évoquer l'article qu'a ajouté l'Assemblée nationale, prévoyant un rapport sur le plan de relance. Cela existe déjà ! Un premier rapport est paru à ce sujet, et d'autres rapports vont être rendus - c'est la mission, à laquelle le rapporteur général et moi-même participons, qui a été confiée à Benoît Coeuré, puis à Laurence Boone, qui va elle-même être remplacée.
Pour le moment, il s'agit davantage de mesurer la consommation des crédits que les effets du plan de relance. C'est très compliqué. Par exemple, il va sans doute falloir plusieurs années pour que l'on parvienne à mesurer l'impact de la baisse des impôts de production. Pour l'instant, les services qui sont à la manoeuvre ne vont pas sur ce terrain, mais la question est posée. Une équipe est en place pour communiquer des éléments de réponse tous les six mois environ.
Monsieur Rambaud, je trouve vos propos assez curieux : certes, vous n'avez pas augmenté les impôts, mais vous avez augmenté la dette, et de manière très forte !
J'ai fait savoir à Bruno Le Maire que je n'admettais pas qu'il dise que les 25 milliards d'euros de mesures de pouvoir d'achat n'étaient pas financés par la dette - il affirme que l'enveloppe est la même. L'année précédente, on nous avait dit que tout ce qui n'avait pas été dépensé servirait au désendettement. Il faut appeler un chat un chat ! Ces 25 milliards d'euros auraient permis de se désendetter d'autant. Ils ont été utilisés pour les mesures de pouvoir d'achat. Toutes ces mesures sont donc financées intégralement par la dette, et un ministre ne saurait dire le contraire ici.
Monsieur Capo-Canellas, j'ai compris que vous n'alliez probablement pas voter dans le même sens que celui que j'ai proposé, mais que, globalement, votre diagnostic était identique. J'en prends acte.
Albéric de Montgolfier a exprimé son regret de voir la dépense publique continuer de dériver. C'est une vraie préoccupation, que M. le président vient lui aussi d'exprimer.
S'agissant de la fiscalité pour l'énergie, les recettes de TICPE s'élèvent à 32 milliards d'euros, dont 18,3 milliards pour l'État, contre 28,5 milliards d'euros en 2020, dont 11,5 milliards d'euros pour l'État. Cela dit, il faut tenir compte de la rebudgétisation du CAS Transition énergétique. Nous espérons que nous aurons les réponses du Gouvernement pour le PLFR. Pour les recettes supplémentaires, il est question de 3,7 milliards d'euros, mais ce sont, pour l'instant, des estimations datant de mars dernier. Je rappelle, du reste, qu'une augmentation des prix peut aussi engendrer une baisse de la consommation, donc une baisse des rentrées de TVA. Ce n'est pas ce qui s'est passé globalement dans les comptes de la Nation. Une baisse de I'IS n'a pas non plus été constatée, mais, dans ce secteur, cela peut arriver.
Je partage pleinement ce que Christine Lavarde a répondu à Didier Rambaud. Le président de la commission et moi-même avons fait paraître un communiqué dès le 1er juin pour regretter le mépris du Gouvernement, qui oublie ses propres obligations. Je rappelle que, quelques semaines auparavant, certains membres de la majorité précédente se livraient encore à des surenchères de rigueur dans les débats sur la LOLF... C'est un peu fort de café !
Madame Briquet, je note que nous voterons de la même manière, mais pas pour les mêmes raisons.
Monsieur Breuiller, vous avez évoqué la hausse des taux de marge dans l'énergie et les transports. Je pense qu'il faut regarder globalement l'ensemble des secteurs. Nous aurons sans doute l'occasion, certainement dans le PLFR et peut-être même avant, de revenir sur les profits inadaptés dans certains secteurs au regard des circonstances. Néanmoins, au premier trimestre 2022, la baisse des profits des entreprises participe à réduire l'inflation des prix à la production de 2,4 points.
Messieurs Christian Bilhac et Laménie, les transferts de parts de TVA étaient justifiés par les décisions prises par l'État. Vous avez cité l'exemple de la fiscalité locale. Je répète que l'évolution des recettes fiscales est aussi parfois liée à une rebudgétisation, donc à des questions de périmètre.
M. le président a déjà réagi aux regrets exprimés par Vincent Segouin concernant l'évaluation du plan de relance. Je pense moi aussi que les choses vont bouger avec le comité d'évaluation qui a été présidé par M. Coeuré, puis par Mme Boone. Je puis dire que, dans les observations que nous avons faites, mais qui ne sont pas à proprement parler des éléments de comptes nationaux, nous avons notamment souligné la difficulté de bien appréhender la territorialisation, qui est tout de même l'un des enjeux importants du plan.
La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021. En conséquence, elle décide de proposer au Sénat de ne pas adopter chacun des articles du projet de loi.