La troisième grande tendance que nous avons observée est l'inscription croissante des dotations d'investissement dans les diverses initiatives contractuelles et partenariales lancées localement mais impulsées par l'État central.
On peut notamment citer les différents programmes partenariaux pilotés par l'ANCT, tels qu'« action coeur de ville » ou encore « petites villes de demain ».
Ces dispositifs visent avant tout à orienter, ordonner et valoriser des financements préexistants et émanant de différents acteurs. Cette logique de labellisation n'est pas inintéressante en soi, et permet bien souvent de créer ou d'amplifier des dynamiques locales, mais il reste important de souligner que ces dispositifs ne s'accompagnent, pour l'essentiel, pas de crédits budgétaires nouveaux.
Nous avons en premier lieu relevé que ces initiatives s'ajoutent à des programmes similaires lancés par les départements et les régions, qui déploient leurs propres dispositifs de soutien à l'investissement du bloc communal. Il en résulte un paysage saturé par les contractualisations, au sein duquel nombre d'élus avouent se perdre.
Dans ce contexte, les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), qui sont signés à l'échelle des intercommunalités, poursuivent notamment l'objectif de simplifier ce paysage, en adoptant une approche transversale et en regroupant l'ensemble des conventions thématiques signées sur un même territoire.
Nous appelons ainsi à poursuivre les efforts engagés pour mieux articuler les différentes initiatives contractuelles impulsées par l'État ou par les conseils départementaux et régionaux. Une telle démarche est indispensable pour donner aux porteurs de projets la visibilité nécessaire sur les cofinancements dont ils peuvent espérer disposer. Cela vaut tout particulièrement pour les plus petites communes, qui sont les plus pénalisées par la complexité du système.
Le développement de ces démarches contractuelles et partenariales nous inspire par ailleurs une certaine inquiétude : celle d'une forme de « captation » croissante des dotations d'investissement. Ce risque nous paraît en effet sérieusement à considérer dans la mesure où, d'une part, le contexte budgétaire actuel est marqué par une diminution relative des dotations d'investissement et où, d'autre part, ces initiatives contractuelles et partenariales formalisent un certain engagement financier pluriannuel de l'État. Les différentes instructions annuelles relatives à l'octroi des dotations affichent d'ailleurs explicitement le souci de les mobiliser en priorité en appui de ces différentes démarches.
Cette situation est d'autant plus problématique que, pour légitimes que soient ces initiatives, celles-ci ne sauraient couvrir l'ensemble des défis qui se posent aux territoires, que les élus de terrain restent les mieux à même de diagnostiquer.
Ce phénomène est à ce jour difficile à objectiver finement, les informations disponibles étant parcellaires et incomplètes. Les données que nous avons recueillies indiquent cependant bel et bien une tendance au fléchage croissant des dotations sur des projets s'inscrivant dans le cadre d'une contractualisation avec l'État. Nous vous renvoyons au rapport pour davantage de détails, avec notamment l'étude détaillée de la situation de quatre départements que nous avons visités dans le cadre de nos travaux.
Face à ce constat, la principale recommandation de notre rapport est une position de principe. Nous souhaitons que soit affirmé clairement qu'une collectivité ne saurait se voir exclue du bénéfice d'une dotation d'investissement au seul motif qu'elle ne s'inscrirait pas dans une démarche contractuelle ou partenariale impulsée par l'État. À l'inverse, la participation à de telles démarches ne saurait conférer à une collectivité un « droit de tirage » sur les dotations.
Sur un plan plus pratique, nous proposons en outre que les commissions DETR puissent fixer un quota indicatif de subventions qui seraient mobilisées pour le financement d'opérations ne s'inscrivant pas dans ces démarches. Il n'est pas question évidemment de fixer une règle nationale mais, département par département, ces commissions pourraient décider de préserver une enveloppe pour les projets lancés en dehors de toute contractualisation.
Pour le dire schématiquement, il ne faudrait pas que les élus locaux, demain, soient élus sur un programme et jugés en fin de mandat sur celui de l'État. Nous espérons faire oeuvre utile en soulevant préventivement ce point d'alerte. Nous vous remercions.