Intervention de Arnaud Danjean

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 juillet 2022 à 11h15
Audition d'une délégation de la sous-commission sécurité et défense du parlement européen

Arnaud Danjean, député européen :

Je suis très heureux d'entendre le président Cambon exprimer cette position, que je partage totalement depuis longtemps. Je rappelle que c'est le Président Chirac qui, sous présidence française, en octobre 2000, a ouvert la perspective européenne des Balkans, au sommet de Zagreb, auquel je participais. Il y a donc derrière cela une histoire française. Je rappelle que le Président Sarkozy a signé en 2010 un traité de partenariat stratégique avec la Serbie, dont la priorité absolue était d'aider au processus d'adhésion de ce pays.

Je partage donc tout à fait l'analyse de Christian Cambon. Je crois d'ailleurs que notre famille politique porte, en l'occurrence, une lourde responsabilité dans la vision un peu caricaturale qu'on peut avoir sur cette question.

Le dernier pays en date à avoir adhéré à l'Union européenne est la Croatie, il y a neuf ans de cela. Quel problème cela a-t-il créé ? Aucun ! Qui peut prétendre aujourd'hui qu'une Union européenne de 450 millions d'habitants a peur d'intégrer un Monténégro de 600 000 habitants ? Il faut remettre les choses en perspective. Il y a, je crois, tout un travail à réaliser. Les conditions stratégiques ont également changé. On ne peut condamner ces pays pour l'éternité à un purgatoire qui n'en est pas un, et qui va les faire tomber littéralement dans d'autres bras.

Puisque nous ne sommes pas en mesure d'offrir à ces pays une adhésion immédiate - ce n'est pas de cela dont il s'agit, car les conditions à remplir sont très strictes et le resteront -, j'invite à ce que nous nous penchions sur une question très importante, qui est un peu un tabou au niveau du Parlement européen.

Nos collègues, qui sont généralement rapporteurs sur ces sujets, sont tellement convaincus par l'adhésion des pays des Balkans qu'ils ne mettent pas forcément la lumière sur des points plus gênants. Je pense quant à moi qu'un des points problématiques, dans cette phase intermédiaire de non-adhésion, réside dans les instruments dont nous disposons, qui sont essentiellement financiers.

J'aimerais qu'on se penche d'un peu plus près sur la façon dont on débourse l'argent européen dans ces pays-là, afin de produire un effet transformationnel, qu'on a beaucoup mis en avant lors de l'élargissement et qui est réel lorsqu'on considère la Bulgarie, la Roumanie ou la Croatie.

Ce levier est aujourd'hui mal utilisé, et je crois qu'il faut qu'on réoriente les fonds européens vers des choses bien plus concrètes, pour que les habitants de ces pays se rendent compte de la plus-value qui existe à appartenir à la famille européenne. Aujourd'hui, un habitant de Belgrade voit plus de choses réalisées par la Chine, la Russie, voire la Turquie. Les autoroutes, la plupart des aéroports des Balkans, les infrastructures lourdes, ne sont pas financés ou réalisés par les Européens. Nos investissements sont beaucoup trop immatériels dans ces pays, et je crois qu'il y a une dilution de l'esprit européen. C'est un point extrêmement important.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion