Intervention de Florence Parly

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 8 février 2022 à 15h00
Audition de Mme Florence Parly ministre des armées

Florence Parly, ministre :

L'Allemagne s'est beaucoup engagée au Sahel, notamment dans la Minusma, puisqu'elle compte 1 000 hommes à Gao ; elle a déployé un avion de transport au profit de Barkhane et des hélicoptères pour les évacuations sanitaires, et plus de 300 hommes dans l'EUTM. Enfin, l'Allemagne soutient Takuba, même si elle n'y participe pas.

C'est un des pays avec lesquels nous avons un dialogue nourri pour converger vers le dispositif le plus consensuel possible. La présence de nos partenaires est un élément crucial. Vu d'Allemagne, la présence au Sahel est sans doute l'un des plus importants engagements militaires actuels de la Bundeswehr. Je n'ai pas d'éléments sur un retrait. Si cela devait arriver, cela remettrait en question l'avenir de la mission onusienne.

Pourquoi le Mali s'en remet-il à Wagner ? Fondamentalement parce que, pour la junte, cette force est la plus capable d'assurer son maintien au pouvoir. C'est une assurance vie pour éviter la transition qui ne vient pas.

Lors du premier coup d'État, Wagner n'était pas dans le paysage. Puis il y a eu des divergences et une tendance a pris le pas sur l'autre lors du deuxième coup d'État. L'idée de faire venir Wagner, déjà présent en Libye, au Centrafrique, et qui a été présent au Mozambique, a dû germer à ce moment-là. C'est une conjecture.

Je partage votre sentiment qu'il y a eu une volonté de tromperie permanente accompagnée d'un déni puissant. On le voit bien avec le procès sur la légalité de la présence du Danemark, qui disposait de toutes les autorisations du Mali pour être sur son territoire.

L'un des problèmes les plus délicats est celui de la désinformation, qui contribue à la déstabilisation de la région. Nous ne sommes pas naïfs et avons pris la mesure des modes opératoires utilisés. L'amplification de ces procédés est d'ailleurs une partie de l'offre de Wagner. Nous y travaillons, mais ce n'est pas facile : comme l'un d'entre vous l'a dit, la France est un parfait bouc émissaire. Malgré cet état de fait, tous les pays européens sont logés à la même enseigne, l'expulsion mise à part de notre ambassadeur, à la portée symbolique forte.

Au Mali, nous avons recensé un peu plus de 700 mercenaires arrivés en décembre et en janvier. Il continue d'en arriver par rotations aériennes régulières. Ces mercenaires sont déployés principalement dans le centre du Mali et dans la zone proche de Tombouctou. Ils disposent de moyens logistiques et d'hélicoptères. Ils jouent sur une ambiguïté : il y a toujours eu au Mali des équipements militaires russes. Le ministre des affaires étrangères malien a ainsi répondu au Haut-représentant de l'UE à Bruxelles : il n'y a pas de mercenaires, mais des instructeurs de l'armée régulière russe. Il doit bien y avoir quelques uns de ces instructeurs, mais beaucoup moins que de mercenaires.

En Libye, le dispositif est en voie de diminution. En République centrafricaine, il est stable. Wagner a quitté le Mozambique.

Combien de temps cette société restera-t-elle ? Tout dépend de sa capacité à se payer, si j'ose dire, sur la bête. En République centrafricaine, elle est rémunérée par des concessions de mines de diamants, mais comme ce n'était pas suffisant, elle perçoit également une ponction sur les recettes douanières de l'État ! L'État malien a-t-il la capacité d'assurer la rémunération de cette société dans la durée ? Je ne le sais pas.

C'est une des raisons pour laquelle la Cédéao a pris des sanctions économiques très dures : la pression économique pourrait créer un goulot d'étranglement qui rende la vie plus difficile à l'État malien et accélère le départ de cette société. Mais nous n'en sommes pas là.

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