Je veux à mon tour remercier les collègues qui se sont exprimés.
Je souscris très largement à ce que vient de dire Jean-Pierre Sueur. C'est précisément parce que nous sommes conscients des dangers de la période actuelle qu'il nous paraît de notre devoir d'alerter sur la nécessité d'engager le processus de discussion avec les parties calédoniennes dans des conditions qui lui permettent d'aboutir. Or nous avons identifié un certain nombre d'obstacles, qu'il convient de lever. Nous nous bornons à le dire, de manière, je le crois, constructive.
Mathieu Darnaud, la discussion qui s'engage ne pourra pas éluder la question incontournable du corps électoral. Elle se posera, de toute façon, pour l'organisation des élections provinciales de 2024 : le corps électoral actuel peut-il encore être utilisé pour ces élections ?
Philippe Bonnecarrère s'est demandé si le titre XIII de la Constitution, intitulé « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie », continuait à être applicable. La réponse est oui. « Transitoire » ne veut pas dire « temporaire », mais une transition doit tout de même s'achever ! Il me semble que certaines des dispositions prises en application du titre XIII s'appliqueront durablement, quand d'autres, comme le corps électoral, peuvent soulever des difficultés, en ce qu'elles constituent des dérogations aux principes constitutionnels jugées conformes à la Constitution en raison de leur caractère transitoire. Certaines des dérogations aux principes fondamentaux de la République qu'il comporte soulèvent des problèmes d'application dès lors que le troisième référendum d'autodétermination a eu lieu, même si la légitimité de celui-ci est contestée par une fraction importante des parties calédoniennes.
Oui, la question des listes électorales est essentielle, mais elle ne l'est pas davantage que d'autres questions tout aussi fondamentales. En réalité, s'agissant de la Nouvelle-Calédonie, il n'y a jamais eu d'obstacle constitutionnel à la mise en oeuvre d'un accord. Tout est dans l'accord ! Les accords passés étaient manifestement incompatibles avec la Constitution française : elle a été révisée.
La question des majorités politiques renvoie à l'alternative entre unilatéralisme et accord. Si un gouvernement propose une solution unilatérale de portée constitutionnelle et vient devant le Parlement pour l'imposer, ses chances d'aboutir sont très réduites. En revanche, un accord, quelles que soient les dérogations qu'il puisse comporter par rapport à notre ordre constitutionnel, aura une probabilité plus élevée, voire une probabilité élevée, d'emporter la décision du Parlement, voire du Congrès s'il revêt une dimension constitutionnelle.
La question est-elle purement calédonienne ou océanienne ? Nous progressons fortement dans notre approche des questions des collectivités ultramarines, en différenciant autant qu'il est possible les situations. Ce qu'a expliqué Pierre Frogier sur la différence de situation entre la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie m'a convaincu : en effet, la situation est peut-être plus simple sur le plan des communautés dans la première que dans la seconde, où le peuple premier et la population d'origine européenne sont d'importance démographique à peu près égale, quoique le périmètre de ces communautés soit parfois difficile à établir, chacun revendiquant comme siennes des parties de la population qui se situent entre les deux.
Je ne commenterai pas ce que Françoise Gatel, dont l'approche est, comme toujours, très mesurée, et Pierre Frogier ont dit sur l'historique et le reniement des accords de Matignon par la manière dont ont été appliqués les accords de Nouméa. Nous abordons là les questions de fond. Elles ne nous sont pas étrangères, mais, à ce stade, nous essayons surtout de mesurer les conditions dans lesquelles les points de vue pourraient être rapprochés, sans en épouser aucun. Je crois que le devoir d'impartialité que nous assignons au Gouvernement s'impose aussi à nous en cette période. Nous avons jusqu'à présent évité de nous prononcer sur ce que pourrait être le canevas d'un accord entre les parties. Celles-ci ne se sont du reste pas suffisamment confiées à nous pour que nous puissions vraiment avoir une idée à son sujet.
Toutefois, le travail à venir consistera tout de même pour nous à regarder d'un peu plus près ces questions de fond, y compris dans leurs dimensions juridiques. J'y insiste : chaque fois qu'il a été question de la Nouvelle-Calédonie, les questions juridiques ont été résolues. C'est l'accord qui commande.