Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 juillet 2022 à 9h00
Projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19 — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

On a fait beaucoup de politique sur ce texte technique. Je vais me concentrer sur ce dernier aspect.

En janvier dernier, nous avons eu une discussion difficile sur le texte qui transformait le passe sanitaire en passe vaccinal, ce qu'il était déjà quasiment devenu en pratique. Ce texte a créé beaucoup de tensions dans notre pays en raison des contraintes qu'il impliquait pour les personnes non vaccinées.

La proposition du Gouvernement avait alors pour objet de tenir en échec la cinquième vague de l'épidémie. J'avais alors relevé que, s'agissant d'une obligation n'entrant en vigueur qu'à la mi-janvier, mais ne produisant ses premiers effets qu'à la fin du mois de février, le pic aurait été dépassé avant que les nouveaux convertis à la vaccination ne soient pleinement protégés.

Je constate que les obligations liées à la lutte contre la covid-19 ont été levées dès le 14 mars dernier. La fin progressive de certaines restrictions prises en application du régime de crise sanitaire avait d'ailleurs été annoncée quatre jours avant l'entrée en vigueur du passe vaccinal le 24 janvier. Ainsi, rétrospectivement, ce dispositif, adopté malgré certaines réserves du Sénat, ne semble pas avoir joué un rôle considérable face à l'épidémie. Son maintien, même virtuel, jusqu'au 31 juillet prochain n'était pas non plus justifié - le Sénat s'était d'ailleurs battu contre cette date.

Tout cela entame le crédit des pouvoirs publics dans la lutte contre le covid-19 et justifie notre vigilance, même pour ce texte qui est libérateur. Dans le projet présenté à l'Assemblée nationale, les deux dispositifs de l'état d'urgence sanitaire et de la gestion de la crise sanitaire, qui datent respectivement de mars 2020 et de mai 2021, ne sont pas prolongés au-delà du 31 juillet 2022. Ils deviendront donc caducs à cette date. Nous revenons ainsi dans le droit commun de la gestion des épidémies.

Simplement, à la lumière de ce que je vois se développer sur les réseaux sociaux, une ambiguïté demeure, liée à la technicité juridique mais pouvant cacher une intention politique. La technique consiste à dire qu'il n'y a pas besoin d'abroger le dispositif pour que celui-ci ne puisse plus être activé : en effet, il ne sera plus applicable au-delà de cette date. Or, il persiste un soupçon chez certains : dans une forme de lapalissade, puisque ce n'est pas abrogé, c'est toujours en vigueur, et cela pourrait donc être réactivé simplement. La réponse est claire : non, cela n'est pas le cas, il faudrait légiférer de nouveau. Néanmoins, ce qui va sans dire va mieux en le disant. C'est pourquoi je propose un article d'abrogation tendant à ce que ne survivent ni dans le code ni dans la loi des dispositifs d'exception caduques que nous avons progressivement construit pour lutter contre l'épidémie.

En termes d'intention politique, il n'est d'ailleurs pas exclu que le Gouvernement ait imaginé que, en cas de réapparition d'une crise, il suffirait de faire discuter le Parlement sur un seul article - un seul ! - pour réactiver ces dispositifs. Avec l'amendement que je vous propose, nous engagerions une véritable discussion, fermant définitivement la porte une simple réactivation, même législative, des dispositifs d'état d'urgence sanitaire et de gestion de la crise sanitaire.

Les caractéristiques de cette septième vague le justifient : elle est montée très vite, avec des variants issus de la souche Omicron, très contagieux mais conduisant à moins de formes graves que les variants précédents, ce qui n'empêche pas des personnes même vaccinées d'en subir les assauts. Il me semble donc raisonnable de mettre fin aux dispositifs d'exception en les abrogeant expressément et non implicitement.

Pour enfoncer le clou, car se pose aussi un problème de communication, je propose, symboliquement, de modifier l'intitulé du texte. Puisque l'essentiel de ce projet est de mettre fin au régime d'exception, appelons-le ainsi : « projet de loi mettant fin aux régimes d'exception créés pour lutter contre l'épidémie liée à la covid-19. » Ce serait plus clair pour tout le monde.

Ensuite, j'ai entendu certains dire que, sournoisement, je voudrais, sous d'autres formes, rétablir le passe vaccinal. Ce n'est évidemment pas le cas, mais c'est ce que signifie pour beaucoup le rétablissement de l'article 2. Cela montre la force du traumatisme lié à ce passe pour ceux qui y sont hostiles. Tout ce que je propose est de vérifier le statut viral d'une personne avant que celle-ci ne prenne l'avion. C'est déjà ce que l'on fait actuellement : si vous allez au Japon, on vous demande un certificat sanitaire de voyage, et tout le monde se plie de bonne grâce à cette règle. Là aussi, chaque mot compte. Je parle bien d'un certificat sanitaire de voyage, pas d'un passe, même si cela peut y ressembler. Le passe concernait la vie quotidienne, les restaurants, les cafés, les cinémas. Là, il s'agit de voyager sans contaminer les autres et sans importer de nouveaux variants sur le territoire national, pratique acceptée par tous les voyageurs. Je veux régler le problème des voyages internationaux.

Aussi, je propose que, jusqu'au 31 janvier prochain, la France puisse exiger des voyageurs qui y viennent ce certificat sanitaire de voyage. Toutefois, alors que le Gouvernement prévoyait, dans son texte initial, de décider librement des pays concernés, j'entends limiter cette possibilité en la restreignant aux pays d'origine d'un variant présentant un risque sanitaire élevé pour la France.

Si nous ne faisons pas cela, les seuls moyens, en cas d'apparition d'un virus dangereux, d'empêcher l'entrée de personnes par ailleurs en règle sont l'interdiction des vols, pouvoir radical de police administrative empêchant même les Français de l'étranger testés négatifs de revenir sur le territoire, et la mise en quarantaine, en regroupant les voyageurs pour dix jours dans des infrastructures de tourisme social. Je vous laisse juger de ce qui est le pire, entre ces deux possibilités et le fait de demander un certificat.

Je distingue un deuxième cas qui concerne notre territoire national : il s'agit de la situation spécifique de nos territoires ultramarins. Le faible taux de vaccination dans ces derniers et la faiblesse de l'offre de soins que l'on y trouve, alors que les évacuations sanitaires sont difficiles, font que le risque de saturation du système de soins est très élevé en cas de vague épidémique. Je propose donc que le critère permettant d'exiger un certificat sanitaire de voyage soit le risque imminent de saturation de l'offre de soins. Les collectivités concernées avaient demandé cette possibilité de filtrage. Elles n'ont pas été consultées sur la levée de ce dispositif, il me semble qu'il faut en maintenir la possibilité.

Je précise que ce n'est pas parce qu'on donne une possibilité au Gouvernement d'agir qu'il doit nécessairement la mettre en oeuvre. Ainsi, le Gouvernement a présenté un texte législatif trop large et nous ne voulons pas lui faire un crédit total compte tenu de sa manière d'aborder la crise sanitaire. Nous exigeons donc que des critères soient respectés pour mobiliser certains instruments mais il ne s'agit que d'une simple possibilité que le Gouvernement pourra choisir ou non de mobiliser.

Par ailleurs, plusieurs d'entre vous m'ont dit que le certificat de rétablissement ou le certificat de vaccination ne sont pas des garanties suffisantes et ne valent pas un test négatif : je vous proposerai donc une version modifiée de mes propres amendements selon laquelle ce que le Gouvernement peut exiger est un test négatif. En effet, s'il vaut mieux être vacciné pour ne pas attraper le virus, la plupart des personnes contaminées sont désormais vaccinées parce que celles qui ne le sont pas sont désormais peu nombreuses. Je signale que cette exigence, la plus sûre, est plus contraignante, mais, puisque la justification est sanitaire, acceptons cette contrainte.

Toujours sur cet article 2, pour nos compatriotes de l'étranger, je propose que le dispositif pour les voyageurs venant d'autres pays soit, au-delà d'un mois, autorisé par le Parlement.

Ensuite, nos collègues de l'Assemblée nationale ont souhaité que les systèmes informatiques de recueil des informations médicales relatives à la covid-19 soient prolongés non jusqu'en mars mais jusqu'en janvier prochain. Je suis d'accord avec cette date.

Toutefois, en vertu d'un règlement européen, reconduit jusqu'au 30 juin 2023, beaucoup de Français se trouveront jusqu'à cette date confrontés à l'obligation, reconnue par l'Union européenne (UE), de présenter un certificat sanitaire de voyage pour leurs déplacements à l'étranger. Dès lors que cela peut être exigé des Français, il faut l'établir de la manière la plus commode, ce que ce système consistant à avoir le document sur son téléphone portable me semble être.

Je vous propose donc que si les personnes donnent leur consentement pour la transmission du résultat de leur test, chacun puisse retrouver son certificat sur son smartphone afin de voyager à l'étranger. Je signale que le traitement informatisé des données relatives à la covid-19 n'a eu à être autorisé par le législateur que pour une raison : la dérogation au secret médical. Je vous propose donc de ne permettre le maintien du SI-DEP - et non plus du système d'information « Contact Covid » - au-delà de la date du 31 janvier qu'afin de respecter ce règlement européen.

Enfin, une question semble passionner nos concitoyens et beaucoup d'entre nous : celle de la réintégration des personnels suspendus car ne respectant pas l'obligation vaccinale. Il n'est pas question, selon moi, de réintégrer à l'hôpital des personnes susceptibles de contaminer des personnes âgées ou malades tant que la non-vaccination aggrave la contamination. Je ne propose donc pas de réintégration immédiate et sans condition.

En revanche, je propose de ne pas laisser toute liberté au Gouvernement : le dispositif actuel prévoit que l'obligation vaccinale n'est possible que pendant l'épidémie. Je vous propose que notre commission des affaires sociales, celle de l'Assemblée nationale, le comité de contrôle et de liaison covid-19 ou le Gouvernement puissent saisir la Haute Autorité de santé (HAS), ou bien que la HAS s'autosaisisse, pour que celle-ci décide si l'obligation vaccinale n'est plus médicalement justifiée, moment à partir duquel le Gouvernement n'aura d'autre choix que de réintégrer les personnels concernés. L'intérêt du dispositif est de permettre au Parlement de déclencher ce processus.

Sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, je vous propose de considérer que le périmètre indicatif du projet de loi comprend les dispositions relatives aux systèmes d'information « Contact Covid » et SI-DEP mis en oeuvre en application de l'article 11 de la loi du 11 mai 2021 et aux mesures contraignantes visant à lutter contre l'épidémie de la covid-19.

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