Intervention de André Reichardt

Réunion du 26 juillet 2022 à 14h30
Diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi en discussion vise à adapter la législation française aux dispositions du règlement européen du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne, qui est en vigueur depuis le 7 juin 2022 dans toute l’Union européenne.

Ce règlement européen a pour principal objet d’imposer, dans l’heure, le retrait de « contenus à caractère terroriste » en ligne à tous les fournisseurs de services d’hébergement qui proposent des services dans l’Union, quel que soit le lieu de leur établissement principal, dans la mesure où ils diffusent des informations au public.

Il instaure la possibilité pour les autorités nationales d’émettre des injonctions de retrait transfrontalières, exécutoires dans un autre État membre.

Enfin, il prévoit que les fournisseurs de services d’hébergement, quelle que soit leur taille, prennent des « mesures spécifiques » pour protéger leurs services contre la diffusion au public de contenus à caractère terroriste, dès lors qu’ils sont classés comme étant « exposés » à ces contenus par l’autorité qui en assure la supervision.

Ces dispositifs ne sont pas totalement nouveaux en droit français, puisque nous disposons déjà, depuis 2015, de la procédure administrative de retrait prévue à l’article 6-1 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), mise en œuvre par la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos), sous le contrôle d’une personnalité qualifiée issue de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), cette dernière instance ayant succédé à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

La proposition de loi qui nous est soumise est technique ; notre marge de manœuvre, étroite, est définie par le règlement européen lui-même. Mais la proposition de loi fait relativement consensus sur le fond.

Sa constitutionnalité a néanmoins pu susciter un questionnement, au regard de la décision du Conseil constitutionnel rendue le 18 juin 2020 et relative à la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite loi Avia. Les circonstances sont toutefois différentes aujourd’hui, compte tenu de l’existence d’une obligation du droit de l’Union.

Je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord qui conserve les avancées du Sénat.

Les autorités compétentes désignées sont celles qui ont déjà l’expérience des procédures administratives de retrait de l’article 6-1 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique.

Le suppléant pourra exercer sa mission auprès de la personnalité qualifiée de l’Arcom, lorsque celle-ci exerce ses fonctions dans le cadre de ce même article 6-1.

Enfin, et surtout, toutes les injonctions de retrait seront transmises à la personnalité qualifiée, qui pourra ainsi superviser l’ensemble des demandes de retrait concernant les contenus terroristes et saisir le président du tribunal administratif d’une injonction de retrait nationale si celle-ci se révélait non conforme.

Nous connaissions encore des divergences avec l’Assemblée nationale concernant la procédure de recours contre les décisions du président du tribunal administratif.

Au Sénat, nous avions souhaité que ces décisions prises dans l’urgence, sous soixante-douze heures, ne retrouvent pas le cours normal des procédures devant les cours administratives d’appel, avec un délai moyen de dix mois.

Pour cette raison, le Sénat avait choisi de créer un appel direct devant le Conseil d’État, dans un délai très réduit, pour aboutir rapidement à une décision définitive permettant le cas échéant un rétablissement du contenu supprimé. Cette procédure dérogatoire devant le Conseil d’État n’a pas été retenue par les députés.

Dans un esprit de compromis, lors de la commission mixte paritaire, le Sénat a accepté de redonner compétence à la cour administrative d’appel, mais dans des délais réduits : dix jours pour faire appel et un délai maximum d’un mois pour trancher le contentieux.

Les membres de la commission mixte paritaire ont également rappelé explicitement l’existence des procédures de référé-suspension et de référé-liberté, cette dernière permettant d’obtenir une décision très rapide en cas d’atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression.

Le reste des modifications proposées est d’ordre légistique, à l’exception du recours en réformation, remplacé par un recours plus classique en annulation. Les juridictions administratives en effet ne s’estiment pas compétentes pour prendre des décisions à la place de la personnalité qualifiée de l’Arcom ou de l’Arcom elle-même.

Voilà les termes de l’accord négocié lors de la commission mixte paritaire. Je remercie d’ailleurs Mme Nathalie Goulet, qui m’a suppléé, car je ne pouvais participer à la réunion de la commission mixte paritaire en raison d’un problème de santé.

Mes chers collègues, je vous invite à voter cet accord, qui permettrait une application du règlement européen du 29 avril 2021.

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