Intervention de Caroline Cayeux

Réunion du 26 juillet 2022 à 14h30
Diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Photo de Caroline CayeuxCaroline Cayeux :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur – je suis heureuse de vous retrouver en pleine forme, et je salue votre suppléante Nathalie Goulet –, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse d’être parmi vous, à la suite de l’accord trouvé sur ce texte important par la commission mixte paritaire, réunie le 19 juillet dernier.

Grâce à cet accord, la présente proposition de loi permettra de renforcer notre arsenal juridique pour lutter contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne. Avec le règlement Terrorist Content Online (TCO), elle constituera un outil décisif dans le combat que nous menons contre le terrorisme en France.

Depuis 2017, ce combat a été une priorité du Président de la République et des gouvernements successifs. L’action de l’État s’est concentrée non seulement sur le terrorisme et la radicalisation violente, mais aussi sur les racines du mal. Nous avons renforcé les moyens humains, financiers et juridiques au profit de l’ensemble des services de renseignement, des forces de sécurité et des magistrats qui mènent sans relâche ce combat difficile.

Les enjeux de détection, fondamentaux, ont fait l’objet de mesures renforcées, qu’il s’agisse du numéro vert dédié au recueil de signalements – nous devons d’ailleurs rappeler l’importance de ces signalements, car chacun doit se sentir acteur de la lutte antiterroriste –, de l’augmentation des moyens de Pharos, ou encore de la pérennisation de techniques de renseignement innovantes.

Ce combat est d’autant plus difficile que les nouvelles technologies du numérique ont facilité la communication transfrontalière et ont contribué à amplifier la circulation de la propagande terroriste.

En effet, les actions terroristes sont de plus en plus le fait d’individus qui s’inspirent de messages de propagande émanant des organisations terroristes, incitant au passage à l’acte ou fournissant les tutoriels pour leur réalisation, mais qui ne sont pas pour autant entrés en contact visible ou direct avec des organisations, réseaux ou groupes terroristes.

Pour lutter contre ce phénomène, l’Union européenne a adopté en avril 2021, avec le soutien de la France, un règlement relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne.

Il vise à permettre le retrait des contenus terroristes en ligne en une heure maximum : si les plateformes ne s’acquittent pas de la demande qui leur est faite dans ce délai, elles peuvent se voir infliger des sanctions financières allant jusqu’à 4 % de leur chiffre d’affaires. Ces nouvelles règles s’appliquent depuis le 7 juin 2022, et la présente proposition de loi viendra adapter notre droit pour les mettre en œuvre.

En effet, pour assurer le bon fonctionnement de ce dispositif, il était indispensable que des autorités indépendantes, chargées d’assurer et de contrôler la légalité du retrait des contenus, soient désignées par chaque État membre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à saluer votre travail constructif et l’esprit de concorde qui a animé vos débats sur ce sujet si important pour la sécurité des Français. Je remercie le président François-Noël Buffet et la présidente Yaël Braun-Pivet, ainsi que les rapporteurs du texte, MM. André Reichardt et Benjamin Haddad. J’ai également une pensée particulière pour Aude Bono-Vandorme, qui a été à l’initiative de cette proposition de loi.

À l’issue de son examen en première lecture par l’Assemblée nationale, le texte avait été enrichi sur différents aspects.

Tout d’abord, la désignation d’un suppléant a été prévue, dans les mêmes conditions que celle de la personnalité qualifiée titulaire, afin de garantir une réponse rapide en cas de sollicitation.

Ensuite, en tenant compte des prérogatives dévolues à l’Arcom pour assurer une régulation graduée et effective des contenus, il a été permis à cette instance de mettre en demeure les hébergeurs dès le premier manquement aux obligations administratives concernées, et non aux seuls cas de manquements systématiques ou persistants.

En outre, le régime des sanctions a été assoupli pour éviter une double incrimination en cas de non-respect des obligations relatives aux injonctions transfrontalières de retrait.

Enfin, l’Arcom a été dotée de la faculté de recueillir les informations nécessaires à l’exercice de sa mission de suivi des obligations administratives découlant du règlement européen.

Le Sénat, quant à lui, a tenu à s’assurer de la transmission systématique à la personnalité qualifiée de l’Arcom des injonctions de retrait au titre de l’article 4 du règlement, afin que la personnalité qualifiée puisse suivre l’ensemble des demandes relatives aux contenus terroristes, sans être limitée aux demandes de retrait formulées au titre de l’article 6-1 de la LCEN et aux injonctions transfrontalières de retrait.

La commission mixte paritaire a également souhaité aligner les peines encourues en cas de non-respect par un fournisseur de services d’hébergement de son obligation d’informer les autorités compétentes d’un « contenu à caractère terroriste présentant une menace imminente pour la vie » dont il aurait connaissance sur celles qui sont prévues en cas de non-respect de l’injonction de retrait en une heure. En contrepartie, une aggravation des peines a été prévue lorsque la méconnaissance de l’obligation est habituelle.

Enfin, au cours de la séance publique, le Sénat a supprimé le mécanisme de double mise en demeure et a souhaité rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna les dispositions de ce règlement.

L’accord trouvé en commission mixte paritaire a permis de valider la procédure juridictionnelle ouverte aux fournisseurs de services d’hébergement et de contenus pour contester les décisions prises par Pharos, par la personnalité qualifiée de l’Arcom ou par cette dernière dans le cadre du règlement européen. Une procédure d’appel devant la cour administrative d’appel a ainsi été prévue, laissant au requérant dix jours pour la saisir, et à la cour un mois pour statuer.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi s’est enrichie et précisée au fil de la navette parlementaire, puisque sa rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire intègre les apports à la fois de l’Assemblée nationale et du Sénat, tout en conservant l’esprit initial de ce texte que vous avez largement soutenu.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable au texte issu de la commission mixte paritaire et vous encourage à l’adopter définitivement.

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