Intervention de Léa Havard

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 29 juin 2022 : 1ère réunion
Table ronde : « la nouvelle-calédonie »

Léa Havard, maître de conférences à l'université de la Nouvelle-Calédonie (Laboratoire de recherches juridique et économique) :

Je suis donc chargée de faire un point objectif sur la Nouvelle-Calédonie et de rappeler de façon assez factuelle le cadre dans lequel nous nous trouvons.

Comme vous le savez, la Nouvelle-Calédonie se situe à un moment-clé de son histoire. Le 12 décembre 2021 a eu lieu un troisième référendum au cours duquel les Calédoniens ont été amenés à répondre à la question suivante : « voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à l'indépendance et à la pleine souveraineté ? ». À cette question, ils ont répondu non de façon très majoritaire, à 96,5 % des voix, avec un taux d'abstention très important de 56,1 %.

Ce référendum, comme je l'ai précisé, est le troisième d'une longue série. Il s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa de 1998, qui met en place un processus de décolonisation inédit pour ce territoire. Ce processus comprend deux phases. Premièrement, la phase consistant à conduire le territoire dans un processus d'émancipation progressif à travers des transferts de compétences et l'attribution d'un pouvoir législatif. Deuxièmement, le processus d'autodétermination stricto sensu, c'est-à-dire le moment où les Calédoniens allaient être appelés à voter et se prononcer sur leur avenir politique. L'accord de Nouméa a prévu un mécanisme original avec trois référendums successifs, sachant que seul le premier était obligatoire.

Ce premier référendum a eu lieu le 4 novembre 2018. Il s'est soldé par la victoire du non à 56,7 % des voix, avec une participation importante puisque 80 % des Calédoniens sont allés aux urnes. L'accord de Nouméa et la loi organique de 1999 qui le complète prévoyaient la possibilité d'organiser un deuxième, puis potentiellement un troisième référendum, ces deux référendums supplémentaires devant être sollicités par un tiers des membres du Congrès, ce qui s'est produit.

Le deuxième référendum a eu lieu le 4 octobre 2020. Il s'est également traduit par une victoire du non à 53,3 % des voix, avec une participation encore plus importante de plus de 85 %. Mais les résultats s'étaient resserrés puisqu'il n'y avait plus que 10 000 voix d'écart entre le oui et le non, sur un corps électoral d'environ 180 000 électeurs. Comme le prévoyait l'accord de Nouméa, le Congrès a alors actionné la possibilité d'organiser un troisième et dernier référendum, celui du 12 décembre 2001.

Qu'en est-il au terme de la mise en oeuvre de ce processus ? L'accord de Nouméa prévoyait, dans le cas où il y aurait trois refus successifs, une réunion des partenaires politiques pour examiner la situation créée. Nous en sommes là aujourd'hui, sachant que le Gouvernement français, dès l'année dernière, c'est-à-dire avant même la tenue du référendum, avait déjà proposé une feuille de route politique pour faire suite à ce troisième référendum. Cette feuille de route annoncée par l'État en juin 2021 prévoyait d'entrer, après le troisième référendum, dans une période dite de « convergence et de stabilité », et ce jusqu'en juin 2023 - l'idée étant d'adopter le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie, qui serait, à terme, soumis à la population calédonienne dans le cadre d'un référendum de projet.

Durant cette période de convergence et de stabilité, il va donc falloir - et c'est ce qui nous intéresse particulièrement aujourd'hui - modifier ou adopter un nouveau statut pour la Nouvelle-Calédonie, et vraisemblablement réviser la Constitution puisque l'accord de Nouméa, qui a une valeur constitutionnelle par renvoi, n'a pas vocation à être pérenne.

L'une des questions qui se posent est de savoir jusqu'à quand peut durer cet accord de Nouméa, qui n'a pas de date officielle de péremption. En revanche, il a clairement une vocation uniquement transitoire. Ce point sera donc certainement soulevé dans nos débats ultérieurs.

Par ailleurs, quelle forme prendra la future révision de la Constitution ? Le titre XIII de la Constitution, qui est aujourd'hui consacré à la Nouvelle-Calédonie, disparaîtra-t-il ? La Nouvelle-Calédonie sera-t-elle réintroduite dans le titre XII ? Conservera-t-on le titre XIII avec de nouvelles modifications ? Autre question : quel sera le niveau des dérogations constitutionnelles maintenues au profit de la Nouvelle-Calédonie dans la mesure où l'on sera, a priori, dans un statut qui n'aura plus une vocation transitoire, mais pérenne ?

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