Messieurs les ministres, sans grande surprise mais avec beaucoup d’aplomb, cet article répond une nouvelle fois aux exigences du MEDEF en s’attaquant aux missions des services de santé au travail. Vous entendez assurer la mainmise de l’employeur sur la médecine du travail, qui devient une médecine d’entreprise !
Cet article est à l’image de l’ensemble du texte : une réponse adaptée aux exigences de ceux qui ont le pouvoir.
La médecine du travail dérange les patrons d’entreprises ? Ce n’est pas grave : insidieusement, on s’attaque à son indépendance !
Jusqu’à présent, la loi conférait aux médecins du travail la tâche de définir et de mettre en œuvre la prévention médicale des risques professionnels, les employeurs étant contraints d’en fournir les moyens matériels et d’en permettre l’organisation.
À la suite d’une modification des articles L. 4622-2 et L. 4622-4 du code du travail, les services de santé au travail seront désormais placés sous l’autorité des employeurs.
En effet, l’organisation de la médecine du travail et, surtout, les missions de prévention seront non plus directement confiées aux médecins du travail, mais aux directeurs d’organismes de santé au travail. Ceux-ci ne seront ni élus ni choisis directement par les salariés ou leurs organisations syndicales ; ils seront bien désignés par les employeurs.
Certes, il est prévu la parité syndicats-employeurs au sein des conseils d’administration des services de santé au travail, mais une voix prépondérante est accordée au président, issu des employeurs !
Voilà votre vision de l’équité et du service social vers les salariés.
Le service de santé au travail pourra donc limiter l’action du médecin du travail par la prise en compte des « contraintes économiques » de l’entreprise.
Or, depuis 1946 – c’est une date dont vous ne cessez de bafouer les valeurs –, la mission principale du médecin du travail est d’éviter toute altération de la santé.
Avec cet article, cette mission disparaît au profit d’une tâche plus générale confiée au service de santé au travail : diminuer les risques professionnels.
Il s’agit bien de démédicaliser la seule spécialité dont l’objet est le lien entre la santé et le travail.
C’est une disparition de la médecine du travail que vous nous proposez alors que la santé au travail ne cesse de se dégrader.
Pour preuve, en dix ans, le nombre d’ouvriers d’usine souffrant de troubles musculo-squelettiques a augmenté de 18 %.
Les personnes atteintes par cette pathologie rencontrent des difficultés pour poursuivre leur emploi en raison de la douleur justement liée à l’exercice répété de leur travail.
C’est une maladie professionnelle dont la médecine du travail peut prendre en compte les conséquences physiques afin d’améliorer la qualité de vie de l’employé.
Comme tous les collègues de mon groupe, je ne voterai donc pas cet article : je refuse une telle mise en danger de la médecine du travail, alors que celle-ci doit garantir la protection de la santé de plus de 15 millions de salariés.
Nous constatons tous avec évidence le lien que vous tissez entre cet article 25 quater et l’ensemble du projet de loi, s’agissant de la pénibilité et des facteurs d’exposition aux risques.
Cet article va irrémédiablement affaiblir la médecine du travail. Selon nous, des dispositions essentielles à la construction d’une politique de prévention des risques professionnels et de la pénibilité n’ont pas leur place dans un projet de loi traitant de la réforme des retraites. Elles relèvent d’une réflexion plus globale sur la santé au travail.
Nous ne voterons donc pas cet article, car nous croyons en l’exigence d’une médecine du travail indépendante, au service des seuls salariés !