J’entends bien tous les arguments développés par plusieurs de nos collègues, par le président de la commission des finances et par le rapporteur général, mais je n’arrive pas à me résoudre à retirer cet amendement.
La raison en est très simple : ce soir, nous avons non pas un débat technique, mais un débat politique. Depuis des années, ce débat est posé. Dans cette enceinte même et au cours de tant de réunions et de colloques auxquels j’ai participé, j’ai toujours entendu dire par la majorité, avec des propos nuancés : « Il va falloir étudier »… Dans le temps, on disait : « On va créer une commission ». Aujourd’hui, on renvoie à une étude. Mais l’étude « sur le sol » est faite, il suffit de parler avec les gens.
J’ai reçu des messages sans doute identiques aux vôtres, monsieur le rapporteur général. Trois m’ont été adressés encore aujourd’hui. J’ai assisté, il y a quelques jours, à un débat organisé par la SACD, la société des auteurs et compositeurs dramatiques : il a porté presque essentiellement sur cette question. M. Toubon, qui participait à ce débat, a d’ailleurs montré une ferme assurance et la volonté d’aller dans ce sens.
Demain, notre commission de la culture reçoit M. Marc Tessier, le rapporteur de la commission sur Google. La question est évoquée dans son rapport, auquel j’ai d’ailleurs emprunté, pour le combattre, l’argument selon lequel, puisqu’il serait prohibitif de vouloir faire comme Google, nous devrions accepter ses conditions.
Bien sûr, ces mesures ont des défauts ; les grandes réformes ne se sont jamais faites au cordeau, mais se sont construites sur une base fondamentale.
Tout est dit dans l’argumentation du président de la commission des finances. Tous ces grands géants ont tissé une sorte de toile – c’est leur mondialisation -, qui court-circuite tous les professionnels, tous les publics et tous les États ! Alors, il faut un acte, même s’il n’est pas d’une pureté extrême – en général, quand on est pur, on ne réussit pas –, qui soit le fruit d’une volonté politique affirmée.
« Il serait dommage que nous nous séparions », me dit M. Marini. Je lui répondrai : « Il serait dommage que vous décidiez cette séparation en vous abstenant aujourd’hui » !
Cette politique de yo-yo, où l’on avance et retire des dispositifs, n’est pas une pratique parlementaire constructive. Aussi, non seulement je maintiens cet amendement, mais notre groupe demandera au Sénat de se prononcer par scrutin public.
Rappelez-vous des difficultés rencontrées lors de la suppression de la publicité à la télévision, mesure appliquée avant que nous en ayons discuté au Parlement. Le Conseil d’État vient de régler la question, même si M. Lefebvre, UMP, fait semblant de ne pas comprendre et prétend que rien n’est changé.
Nous avons saisi le Conseil d’État et nos collègues socialistes ont saisi le Conseil constitutionnel. Les deux nous ont donné raison : ce n’est pas bien que l’exécutif se soit substitué au législatif, ce n’est pas bien que la télévision ait perdu de son indépendance dans un vote obligé.
Le Conseil constitutionnel a avalisé la loi, mais il a ajouté, dans un considérant n° 19, une réserve fondamentale : sans compensation exacte, la télévision perd son indépendance.
Nous n’avons rien fait de merveilleux, nous avons simplement osé ! Sur des questions aussi fondamentales, il faut que la France ose et, quand elle aura créé un exemple, une jurisprudence, même un peu boiteuse, on commencera alors à découdre cette espèce de monopole de faux droit qui tente d’enserrer le monde, alors qu’ internet est l’une des plus belles inventions humaines, malheureusement mal appliquée, à cause de la pratique des propriétaires de ces grands groupes.