L’article 25 quater et les suivants relatifs à l’organisation et aux missions des services de santé au travail reflètent un état d’esprit que nous trouvons profondément choquant – c’est un euphémisme ! – de la part de ses inspirateurs.
Toutefois, notre rapporteur a modifié dans un sens favorable plusieurs dispositions. Je veux lui rendre cette justice, il a notamment rétabli dans le texte la mission fondamentale de la médecine du travail, qui est « d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».
En revanche, l’amendement gouvernemental, présenté dans une quasi-clandestinité à l’Assemblée nationale, visait à modifier en profondeur les missions des services de santé au travail, pour n’en plus faire que des organismes « conduisant des actions visant à préserver la santé des travailleurs ».
Cette formulation nous entraîne dans une perspective tout à fait différente. Les SST étaient appelés à remplir de simples missions d’appui aux actions préventives des employeurs, étroitement dépendantes des volontés des gestionnaires patronaux.
Le maintien de la rédaction du chapitre IV : « Aide à l’employeur pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail » est d’ailleurs révélateur de cet état d’esprit.
Mes chers collègues, il s’agit bel et bien de secourir l’employeur, qui serait ennuyé par toute cette paperasserie, devant affronter tous les frais et les soucis juridiques causés par ses obligations légales en matière de santé et de sécurité.
Dans le dispositif mis en place, on n’hésite pas à dire que l’employeur désignera lui-même des salariés pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise.
La santé et la sécurité des travailleurs ne sont pas une occupation. C’est une responsabilité, c’est même celle de l’employeur, et ce texte vise précisément à l’en dédouaner !
Dans l’esprit des auteurs de ce texte, tout ce qui a trait à la représentation des salariés est jugé comme intrusif. D’ailleurs, nous avions déjà pu faire ce constat juste avant l’examen de ce projet de loi, avec le texte sur le dialogue social dans les très petites entreprises.
Le MEDEF s’était opposé avec une virulence surprenante à de simples commissions paritaires régionales de dialogue, faisant tout non seulement pour qu’elles ne voient pas le jour, mais aussi pour qu’aucun de leurs membres ne puisse entrer dans une entreprise.
Il en est de même aujourd’hui avec la médecine du travail. Le procédé inventé consiste à faire désigner par l’employeur des salariés qui s’occuperont de la prévention et de la protection des autres salariés. Nous y reviendrons dans le détail ultérieurement, mais nous pouvons déjà poser les questions suivantes : sur quelles compétences cela se fera-t-il ? Avec quels moyens ? Et quelle marge d’autonomie ?
À défaut, et seulement à défaut, des intervenants en prévention des risques professionnels pourront accéder à l’entreprise.
La santé et la sécurité des salariés, pas plus que le dialogue social, ne valent que l’on permette à des intrus de pénétrer dans l’entreprise. L’employeur aura donc tout pouvoir sur l’organisation de la protection et de la prévention contre les risques professionnels dans son entreprise.
Il ne s’agit même plus ici de se demander si les salariés sont aussi des citoyens dans l’entreprise ; mais interrogeons-nous : quelle valeur est accordée par les inspirateurs de ce texte à leur santé et à leur sécurité ?
Le dispositif proposé n’est ni efficace ni responsable. Il est surtout porteur de régressions pour les travailleurs et, au bout du compte, pour la santé publique !