Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons à l’issue d’une commission mixte paritaire non conclusive pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi de règlement du budget de 2021.
Ce texte, qui traduit l’exécution budgétaire de l’exercice passé, n’ayant pas connu d’évolution depuis le 19 juillet dernier – on voit assez mal comment il aurait pu en être ainsi –, appellera de notre part une conclusion identique.
Je ne reviens pas sur les circonstances de son dépôt tardif. Nous avons tous pu largement nous exprimer à ce sujet, et j’ai bien noté l’engagement du ministre des comptes publics à respecter à l’avenir les dates prévues par la LOLF.
Si je peux donner quitus sur ce point, j’ai été moins convaincue par le reste des arguments sur le fond.
Certes, la crise sanitaire a bouleversé considérablement notre fonctionnement habituel ; certes, des dispositifs exceptionnels ont été mis en œuvre pour soutenir notre économie, et le « quoi qu’il en coûte » était nécessaire, mais la crise n’explique pas tout.
J’ai bien noté, monsieur le ministre, les explications du Gouvernement concernant la dégradation du solde structurel. Si l’on peut tout à fait entendre la part prise par les dispositions de soutien d’urgence, qui n’est pas contestable, il est impossible de ne pas s’interroger sur votre obstination à refuser toute nouvelle recette fiscale.
Ce solde témoigne donc bien de l’impasse fiscale de ce gouvernement, qui refuse de faire contribuer les entreprises et les plus aisés à la solidarité nationale, alors même que, rapport après rapport, l’ensemble des analyses démontrent l’inefficacité de la théorie du ruissellement, pourtant encore mise en avant aujourd’hui. Et ce ne sont pas les propos tenus par le ministre de l’économie et des finances lors des discussions générales du projet de loi sur le pouvoir d’achat et du PLFR qui risquent de nous rassurer sur ce point.
Alors que vous évoquez une stratégie vertueuse pour nos finances publiques, j’ai la faiblesse de croire que les 50 milliards d’euros d’impôt auxquels le Gouvernement a renoncé ces dernières années auraient été fort utiles à l’heure où, toujours selon le ministre de l’économie et des finances, « nous avons atteint la cote d’alerte sur les finances publiques ».
Non, monsieur le ministre, cette stratégie n’est pas vertueuse pour nos finances ; elle n’est pas non plus redistributive pour nos concitoyens.
Ce projet de loi de règlement illustre bien une politique de l’offre centrée sur les plus aisés, oubliant sur le bord de la route les plus fragiles d’entre nous.
Une politique de la demande eût été possible : il aurait fallu pour cela prendre conscience de l’urgence sociale de notre pays et oublier les cadeaux fiscaux généreusement octroyés depuis 2017. On parle souvent de l’ISF comme d’un symbole, mais un symbole à 5 milliards d’euros mérite que l’on s’y intéresse !
La Cour des comptes a par ailleurs pointé dans son rapport le montant très élevé des niches fiscales - plus de 90 milliards d’euros en 2021. Peut-être y aurait-il, là aussi, quelques pistes intéressantes. Nous aurons, j’en suis certaine, l’occasion d’en rediscuter dans les mois qui viennent.
Puisque nous en sommes aujourd’hui à l’exécution des comptes 2021, la Cour n’a pas non plus manqué de relever les entorses aux principes d’annualité et de spécialité budgétaires, qui affaiblissent considérablement la portée de l’autorisation parlementaire.
En effet, le niveau de report de crédits, la confusion entre les exercices budgétaires, l’utilisation répétée de crédits de programmes budgétaires pour financer des dépenses relevant d’autres programmes nuisent grandement à la lisibilité de ce texte.
Ce manque de sérieux et de clarté sert, il est vrai habilement, à masquer les échecs d’une politique gouvernementale très éloignée de la satisfaction affichée par l’exécutif.
Ainsi, en matière de transition écologique, le Gouvernement met en avant le dispositif MaPrimeRénov’, qui aurait bénéficié à 40 000 logements en 2021. Il me semble pourtant que l’objectif annuel était de 800 000 logements. Nous le voyons bien, il y a loin de la coupe aux lèvres, surtout que la Cour, encore elle, indique que seuls 2 500 logements étaient sortis de la catégorie « passoire thermique » en 2021 grâce à ce dispositif.
Ce dernier exemple illustre bien la méthode employée dans la présentation de ces comptes 2021.
Ce projet de loi de règlement n’est pas seulement une exécution budgétaire ; il va bien au-delà. Il est la traduction d’une méthode qui remet en cause la mission de contrôle du Parlement, mais aussi, et surtout, il signe l’entêtement idéologique du Gouvernement dans une politique purement libérale, pourtant mise à mal et sans résultat.
Comme en première lecture, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre ce projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de 2021.