Intervention de Pascal Savoldelli

Réunion du 2 août 2022 à 14h30
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2021 — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Pascal SavoldelliPascal Savoldelli :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la première lecture de ce texte, je vous expliquais qu’il n’y avait pas de trésor de guerre pour l’État.

Aujourd’hui, je vais profiter de cette nouvelle lecture pour nuancer vos affirmations quant à la bonne santé financière des collectivités, lesquelles ne disposent pas davantage d’un trésor de guerre.

Si les transferts financiers des collectivités ont été en hausse en 2021, c’est simplement pour compenser ce qui leur a été pris : la première salve de suppression de la part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) destinée aux régions et le dynamisme de la compensation de cette réforme, la fiscalité transférée pour compenser des mesures de décentralisation ou encore une meilleure consommation des crédits. Je vous le dis, monsieur le ministre : il n’y a pas eu de cadeau pour les collectivités.

De plus, la fameuse stabilité de la dotation globale de fonctionnement (DGF) est toujours un leurre, puisque ce dispositif n’est toujours pas indexé sur l’inflation.

Pis encore, le Gouvernement mélange péréquation verticale et horizontale, par un tour de passe-passe qui me semble un peu trop gros. Il affiche ainsi fièrement des augmentations, comme pour la dotation de solidarité urbaine (DSU) ou la dotation de solidarité rurale (DSR), alors qu’il les finance en écrêtant les dotations d’autres collectivités.

Cela apparaît dans la péréquation, qui a représenté 42, 2 % du total de la DGF des communes en 2021, contre 40, 9 % en 2020.

Plutôt que d’aller chercher des recettes là où il y en a afin d’améliorer les services publics, le Gouvernement a, durant l’année 2021, franchit une nouvelle étape de la suppression de la taxe d’habitation, pour un coût total de plus 17 milliards d’euros pour l’État.

Cela représente, d’abord, une perte d’autonomie financière considérable pour les collectivités, à hauteur de 35 % de leurs ressources fiscales. En outre, vous indiquiez ne faire aucun cadeau à quiconque, alors que cette suppression en est un beau, à destination des 20 % de nos concitoyens les plus riches.

Rebelote – c’est cohérent ! – avec la baisse des impôts de production, une mesure coûteuse – plus de 10 milliards d’euros – qui bénéficie majoritairement aux grandes entreprises ! Cet impôt essentiel à l’économie locale va disparaître entièrement en 2023, pour un nouveau coût de près de 9 milliards d’euros.

Les collectivités ont prouvé la solidité de leur budget, mais l’embellie financière de 2021 n’est pas un rebond naturel suivant la crise, les situations sont très variées et de nombreuses recettes ne sont pas revenues à leur niveau passé.

À titre d’exemple, la taxe de séjour enregistre une baisse de 24 % entre 2019 et 2021 ; au contraire, les recettes très instables, comme les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), tirent l’ensemble vers le haut.

Cette bonne santé financière doit être relativisée. Elle ne constitue pas un trésor de guerre, mais représente une remontée à la surface. Les problèmes structurels demeurent, ils se sont aggravés sous le premier mandat d’Emmanuel Macron et perdureront.

Le financement des compétences et les compensations d’impôts supprimés sont insuffisants, comme la compensation aux départements de la revalorisation du RSA, votée au gré de l’absence de majorité du Gouvernement à l’Assemblée. Celle-ci est, certes, une avancée, mais représente une goutte d’eau au regard du reste à charge accumulé au fil des années.

Les dotations viennent de moins en moins abonder directement les budgets locaux, et sont remplacées par des dispositifs de contractualisation et d’appels à projets préorientés selon les priorités gouvernementales. En plus d’entraîner l’érosion de l’autonomie fiscale des collectivités, cette logique va à l’encontre de leur libre administration.

L’année 2022 se présente comme une nouvelle épreuve, avec l’inflation galopante qui impacte les collectivités exclues des dispositifs d’aide de l’État et qui se trouvent dans l’obligation de voter leur budget à l’équilibre. Eh oui, c’est ainsi !

Les collectivités territoriales n’ont d’autre choix que la baisse de l’offre de service public ou la hausse des impôts et des tarifs. L’État continue d’en demander toujours plus avec moins, nous le voyons aujourd’hui avec la revalorisation du point d’indice, qui n’est toujours pas compensée. Le Gouvernement prend des décisions sans les assumer financièrement, il se déresponsabilise sur le dos des élus locaux, qui payent l’addition.

À en croire la communication gouvernementale, incompréhensible à mes yeux, sur les nouvelles coupes budgétaires prévues pour les collectivités en 2023, la prochaine loi de finances semble devoir assombrir encore le tableau.

N’est-il pas paradoxal de vouloir réduire les dépenses des collectivités tout en ne cessant de les augmenter par des décisions unilatérales ?

Pour ces raisons, et au vu du temps qui m’a été imparti, c’est par le biais de ce propos sur les collectivités territoriales que je vous indique que nous ne voterons pas ce projet de loi.

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