Depuis un peu plus de deux ans, nous sommes confrontés à une crise qui paraît interminable. En tout cas, nous constatons que la mobilisation des instances internationales et les différents plans de sauvetage adoptés par les États n’ont pas suffi à rétablir la croissance, notamment au sein de la zone euro.
Aucun des équilibres fondamentaux de l’économie mondiale n’a été restauré. On peut même s’interroger sur la sincérité des grandes institutions internationales quant à leur volonté d’examiner les vrais blocages. Certes, il est vrai que quelques mesures ont été menées concernant les paradis fiscaux et même la rémunération des traders. Cependant, force est de constater qu’elles ont été trop timides et, la plupart du temps, partiellement appliquées.
Mais tout cela ne suffira pas à freiner les dérives de la haute finance, et il faudra s’attaquer à d’autres fondamentaux : d’une part, à la régulation des ratios afin d’obliger les banques à disposer d’un capital proportionné aux risques qu’elles prennent et, d’autre part, au principe du « too big to fail » selon lequel une banque trop importante ne peut être en faillite.
Mes chers collègues, je mesure bien la difficulté de réformer un système économique fortement interdépendant sur le plan mondial. Cependant, il n’est pas incongru de rappeler à tous qu’il est nécessaire de redonner un sens à l’économie.
Il n’est pas non plus superflu de rappeler aussi à tous ces acteurs que c’est l’économie qui est au service de l’homme et non l’inverse. Nous sommes là sur les valeurs humanistes chères aux radicaux.
À partir de là, il revient, bien sûr, aux dirigeants politiques de faire preuve de détermination pour corriger un modèle qui, ne l’oublions pas, plonge des millions d’hommes et de femmes dans la misère. Dans cette perspective, les radicaux de gauche souhaitent une taxation de certaines transactions financières.
Je sais que le FMI a écarté cette idée. Pourtant, même en Grande-Bretagne, une taxe qui s’apparenterait à celle qu’avait proposée James Tobin, en 1972 déjà, connaît un regain d’intérêt. La crise a révélé de tels excès dans les secteurs bancaires et financiers qu’une taxe de type Tobin n’apparaît plus taboue. Il faut le reconnaître.
Ainsi, nous souhaitons la mise en œuvre de l’article 235 ter du code général des impôts, approuvé en novembre 2001, mais dont l’effectivité avait été conditionnée à son adoption par tous les États membres de la Communauté européenne. II s’agissait, selon l’auteur de ce dispositif, de prendre une mesure symbolique.
Déjà, à l’époque, les radicaux de gauche avaient apporté leur soutien à cette taxe. Aujourd’hui, il est clair que nous devons passer du symbole à la réalité car, en 2010, les dysfonctionnements constatés sur les marchés financiers ont des conséquences économiques et sociales désastreuses. Nous renouvelons donc notre vœu de la voir enfin se concrétiser afin de freiner la spéculation et de favoriser le développement.
Certes, j’entends bien par avance les arguments de tous ceux pour qui une telle taxe demeure un véritable épouvantail : la taxe sur les transactions financières serait un frein à l’investissement, car elle frapperait aveuglément les transactions de très court terme et celles ayant un objectif de placement à long terme.
À mon sens, il n’est pas techniquement impossible de distinguer ces deux catégories, sachant qu’une spéculation se repère par des allers et retours continuels, pour beaucoup effectués en une semaine. Florence Parly, à l’époque secrétaire d’État au budget, avait rappelé, dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2002, que « la différence observable entre une légitime couverture en devises sur une vente à terme et une obscure spéculation est infime ». Si elle est infime, mes chers collègues, c’est qu’elle existe. C’est déjà un début !
Il faut donc mettre en place des instruments informatiques suffisamment performants pour faire le tri entre investissement et spéculation. Oh, je ne dis pas que c’est facile ! L’affaire Kerviel a démontré que, même en interne, dans une banque, la traçabilité des opérations peut échapper au système de contrôle. Mais tout cela, madame le secrétaire d’État, est une question de volonté politique.
La commission des finances du Sénat prétend que l’essentiel du problème se situe ailleurs : une initiative isolée de la France serait dangereuse pour notre place financière. Il est bien évident, en effet, dans un monde où les capitaux circulent librement, qu’une taxation des transactions financières doit être universelle.
À cet égard, je suis d’accord avec vous, monsieur le rapporteur : la taxation sur les transactions financières devrait au minimum être établie concomitamment dans l’Union européenne, aux États-Unis et au Japon. Mais il faut bien qu’un pays se lance et montre l’exemple ! Et ce serait à l’honneur de la France de le faire, comme le propose notre collègue Yvon Collin.
Au fond, madame la secrétaire d’État, notre proposition de loi vise surtout à rappeler au Gouvernement qu’une telle taxe est écartée à tort des initiatives internationales actuellement menées par le G20 pour apporter davantage de traçabilité.
Or une taxe sur les flux financiers pourrait être complémentaire de la taxe bancaire que le sommet de Pittsburgh a préconisée à la fin de l’année dernière et qui commence d’ailleurs à voir le jour en Europe. Ces deux taxes n’ont pas la même finalité. La seconde a pour objet de faire contribuer le secteur financier à la couverture des charges liées aux interventions publiques permettant de restaurer le système bancaire, alors que la première a une fonction redistributive.
En l’occurrence, notre proposition de loi vise à affecter le produit de la taxe sur les transactions sur devises, pour moitié, à des activités non bancaires et non financières soutenant en priorité la création d’emplois, la recherche et l’innovation et, pour l’autre moitié, au Fonds de réserve pour les retraites. D’ailleurs, ce dernier en aurait bien besoin – là encore, nous sommes dans l’actualité –, mais c’est un autre débat ; nous aurons l’occasion d’en reparler !
Mes chers collègues, alors que la crise économique est encore très dure et que l’on en mesure tous les jours les dégâts importants, la finance continuer de prospérer. Alors que les contribuables ont participé au sauvetage des grandes banques, ces dernières ont même eu l’indécence de provisionner des bonus.
Certes, on peut toujours opposer des arguments techniques à telle ou telle proposition de réforme du système financier international. Mais l’immobilisme profite toujours à ceux par qui le mal est arrivé.
C’est pourquoi il revient aux responsables politiques que nous sommes de prendre nos responsabilités et de multiplier les initiatives, mêmes les plus audacieuses, pour donner au monde le visage que nous souhaitons ! Le moment est venu. Alors, courage, mes chers collègues !