Séance en hémicycle du 23 juin 2010 à 14h30

Résumé de la séance

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  • circonscription
  • l’étranger
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La séance

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La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et sera disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J’informe le Sénat que M. le président du Sénat prononcera un discours à l’occasion de la fin de la session le mercredi 30 juin, à seize heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Par lettre en date du 17 juin 2010, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 17 juin 2010, de la mission temporaire confiée à Mme Isabelle Debré, sénateur des Hauts-de-Seine, auprès de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, dans le cadre des dispositions de l’article L.O. 297 du code électoral.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières, présentée par M. Yvon Collin et les membres du groupe du RDSE (proposition de loi n° 285, rapport n° 535).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà plus de deux ans que notre pays, comme l’ensemble des membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, est confronté à une crise financière sans précédent, sans aucun doute la plus grave depuis celle de 1929. C’est tout le système financier, mais aussi économique, qui a été ébranlé et qui vacille encore. L’Europe fait partie des zones les plus touchées.

Tout le monde s’accorde à dire qu’il est grand temps d’agir et de réglementer le système financier, voire – tout du moins pouvons-nous l’espérer ! – de moraliser le capitalisme. Il s’agit non plus seulement de mettre un terme à des dérives ou à des effets pervers, mais de repenser le système en profondeur pour introduire de la justice fiscale et de l’éthique là où rien, ou si peu, existe.

La crise est donc l’occasion, à ne pas manquer, de prendre la seule mesure qui s’impose : taxer davantage les banques et les transactions financières. Le monde de la finance internationale, s’il peut sembler virtuel, a en effet des effets dévastateurs sur celui de l’économie réelle. En matière de moralisation, tout reste à faire !

Faut-il le rappeler, à la mi-avril de cette année, Louis Bacon, un financier qui est à la tête de Moore Capital, confiait à ses clients que l’investissement le plus intéressant résidait dans « l’écroulement potentiel de l’union monétaire européenne ».

La loi d’airain d’un libre-échange incontrôlé et totalement déréglementé pourrait donc se résumer par la formule suivante : aux fonds de placement, les bénéfices, à la collectivité, les pertes. Et ces pertes sont vertigineuses, puisqu’elles pèsent de plus en plus lourdement sur des ménages appauvris et sur des États toujours plus endettés.

En raison du caractère mondial de la crise financière, les pays membres du G20 se sont réunis en 2009 à deux reprises pour tenter – vaste programme ! – de trouver des solutions équilibrées et consensuelles afin de moraliser le marché.

Une première fois à Londres, en avril 2009, pour dresser une liste des paradis fiscaux accompagnée de sanctions à l’encontre des places et institutions financières refusant de se conformer aux exigences de transparence. Ces mesures reposaient sur de bons sentiments. La lutte contre les paradis fiscaux devait devenir une priorité.

Une seconde fois, à Pittsburgh, en septembre 2009, il a été décidé de doter le monde d’une nouvelle instance de pilotage de l’économie mondiale. Le G20 fut alors désigné comme forum principal pour la coopération économique internationale et le principe d’une taxation spécifique sur certains types de transactions financières a été arrêté.

C’est donc cette idée de taxation des transactions financières, plusieurs fois évoquée depuis Londres et Pittsburgh, que les auteurs de la présente proposition de loi ont décidé de reprendre à leur compte pour lui donner, enfin, une traduction législative.

Cette idée n’est pas nouvelle, puisqu’elle fut avancée pour la première fois en 1972 par l’économiste américain et prix Nobel d’économie James Tobin qui suggérait une taxation de toutes les transactions de change pour décourager « les spéculations qui effectuent des allers et retours en quelques semaines », voire en quelques heures aujourd'hui ! Il s’agissait « de mettre un grain de sable dans ces mécanismes et ce grain de sable prendrait la forme d’une taxe de faible taux dont les recettes seraient distribuées vers les pays les plus pauvres ».

En conséquence, mes chers collègues, la proposition que j’ai l’honneur de présenter s’inscrit dans un contexte de crise financière globale et de recours à des solutions concrètes unanimement envisagées. Les mesures à prendre s’imposent, mais elles tardent malheureusement encore à voir le jour.

C’est pourquoi les membres du RDSE ont décidé, à l’unanimité, de prendre leurs responsabilités en déposant et en inscrivant ce texte à l’ordre du jour de notre Haute Assemblée. Ainsi, notre proposition de loi prévoit la création d’une taxe anti-spéculative due par les établissements bancaires sur leurs transactions sur devises, dont le taux serait infime, et donc indolore.

Mes chers collègues, les deux principes qui fondent notre proposition de loi sont, d’une part, la conviction – et la nôtre est grande ! – et, d’autre part, la responsabilité.

En effet, appliquer une taxe sur les transactions financières est désormais une question d’intérêt général économique. Une telle taxe permettrait de réduire le risque systémique beaucoup plus sûrement qu’une taxe sur les banques, qui présente certes un intérêt, mais qui ne permet pas de s’attaquer à la racine des phénomènes spéculatifs.

Par ailleurs, une taxe sur les banques ne présente pas que des avantages au regard de l’exigence de couverture contre les risques pris par les opérateurs et de l’internalisation des « déséconomies extrêmes », selon l’expression utilisée par les économistes.

Taxer les transactions financières permettrait de trouver les ressources nécessaires pour restaurer l’équilibre des finances publiques mis à mal par les abus spéculatifs du secteur financier privé, et ce à un moindre coût pour nos compatriotes et pour la croissance économique.

Selon les services du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, l’application en France de la taxe Tobin à un taux de 0, 2 % rapporterait un peu moins de 11 milliards d’euros annuels. Le taux de la taxe que nous proposons pourrait, selon les cas, atteindre 0, 5 %. Au moment où nos déficits publics atteignent la somme abyssale de 150 milliards d’euros, une telle taxe serait vraiment opportune !

Taxer les transactions financières permettrait également de rétablir l’équité, le sentiment de justice et la confiance de nos concitoyens dans la politique et dans la société dans laquelle ils vivent, cette confiance qui est une condition absolument nécessaire à la croissance économique.

Une telle mesure serait, quoi qu’on en dise, réaliste. Des pays incomparablement moins puissants que la France – je pense au Chili – ont su mettre des barrières à l’exubérance des marchés de capitaux à court terme. L’Allemagne a courageusement montré qu’il était possible à un pays seul d’interdire les opérations spéculatives que sont les ventes à découvert à nu.

Nous avons nous-mêmes adopté une taxe sur les billets d’avion, à l’instigation du président Jacques Chirac, alors que celle-ci, disaient certains, devait conduire les compagnies aériennes et nos plateformes aéroportuaires au désastre.

Dans son dispositif, notre proposition de loi fixe le taux commun de la taxe à 0, 05 %. Pour les transactions effectuées avec certains États, deux taux dérogatoires sont prévus selon le degré de coopération fiscale et bancaire de ces derniers avec la France : un taux de 0, 1 % pour les États issus de la « liste grise » des paradis fiscaux établie par l’OCDE et un taux maximum de 0, 5 % pour les États issus de la « liste noire », laquelle a été récemment confirmée par les services du ministère de l’économie.

Le dispositif prévoit également que le taux applicable est modifié en loi de finances à chaque nouvelle publication par l’OCDE des listes de paradis fiscaux.

Outre l’avantage pour l’État de percevoir un gain annuel substantiel, ce dispositif permettra également de mieux appréhender l’impact de notre politique sur le comportement des acteurs financiers, les effets de l’évolution de nos accords bancaires et fiscaux avec les pays issus des deux listes et surtout les réactions mimétiques éventuelles de nos partenaires de l’Union européenne ou d’États membres du G20.

Dans le contexte actuel, la volonté politique existe pour qu’un effet positif de contagion ait lieu chez nos partenaires du G20, voire, comme je l’espère, au-delà. Ce ne serait pas une mauvaise chose que la France, et même le Sénat, en soit à l’origine. De ce point de vue, la taxation que nous proposons sur les transactions financières n’a pas grand-chose à voir avec la taxe sur les banques annoncée ces jours derniers, à la veille du G20 de Toronto, par la France, l’Angleterre et l’Allemagne, qui semble en être l’initiatrice.

Techniquement, l’assiette de cette taxe pose des problèmes que résout la taxe sur les transactions que nous proposons, par ailleurs moins coûteuse et plus ciblée, car elle permet en particulier de réduire les exigences de renforcement des fonds propres.

Le second dispositif de notre texte tient compte de la réalité économique de notre pays. Il prévoit que le produit de la taxe soit affecté à deux fronts : pour moitié, dans des activités non bancaires et non financières soutenant en priorité la création d’emplois, la recherche et l’innovation ; pour moitié, au Fonds de réserve pour les retraites.

Dans le premier cas, il s’agirait bien évidemment d’une affectation d’intérêt collectif dans le domaine de l’emploi, de la recherche et de l’innovation, à condition que les sommes affectées ne puissent pas profiter à des entreprises publiques ou privées dans lesquelles un établissement bancaire ou financier actionnaire dispose d’une minorité de blocage.

Dans le second cas, à l’heure où le pays tout entier se mobilise pour sauvegarder notre système de retraite par répartition, une affectation au Fonds de réserve pour les retraites permettrait d’assurer des actifs substantiels complémentaires. Rappelons que ce fonds a pour mission de gérer les sommes qui lui sont affectées en les mettant en réserve jusqu’en 2020, afin de contribuer à la pérennité des régimes obligatoires d’assurance vieillesse et du régime social des indépendants. C’est dire à quel point notre proposition de loi tombe à point nommé !

Selon les dernières projections du Conseil d’orientation des retraites, les besoins annuels de financement du régime général des salariés du secteur privé vont s’accentuer, passant d’environ 13 milliards d’euros en 2020 à près de 39 milliards d’euros en 2040, avec l’hypothèse d’un chômage de 7 % à compter de 2015.

L’affectation des sommes prévues par notre proposition de loi permettrait de renflouer de façon pérenne les caisses du Fonds de réserve pour les retraites et de leur assurer un gain non négligeable.

Avant de conclure, je souhaite répondre par anticipation aux objections qui pourraient m’être opposées concernant la taxe que nous proposons sur les transactions financières. Je m’adresse plus particulièrement à M. le rapporteur, dont je ne partage – cela ne surprendra personne – ni les analyses ni les conclusions.

Première objection que l’on nous oppose : « Il faut réserver les mesures fiscales aux seules lois de finances ».

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Cet argument ne repose que sur un point de vue. C’est pourquoi il est choquant de lire dans le rapport que « la commission des finances du Sénat a décidé d’appliquer la règle selon laquelle les questions fiscales doivent être examinées en loi de finances. Par là, elle ne fait qu’anticiper les futures dispositions constitutionnelles qui réserveront la matière fiscale aux seules lois de finances ».

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Que je sache, il n’appartient pas à la commission des finances de s’arroger un pouvoir constituant.

Par ailleurs, je voudrais vous rendre attentifs non seulement aux grandes questions de principe, mais aussi aux problèmes pratiques, de bon sens, qu’impliquerait à l’avenir l’adoption d’un tel dispositif constitutionnel. À mes yeux, il serait de nature à limiter de façon insupportable les prérogatives des parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

La Constitution nous ôtant déjà la possibilité d’augmenter les charges publiques ou de réduire les recettes publiques, veut-on également restreindre nos marges de manœuvre sur les recettes quand il s’agit de les augmenter ?

Les lois de finances, dont l’initiative appartient au pouvoir exécutif, sont généralement rares, même si le gouvernement actuel fait exception en les multipliant.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

C’est probablement le signe d’une faible capacité à anticiper et donc à gouverner.

Ainsi, en matière fiscale, l’initiative parlementaire serait suspendue à l’initiative du Gouvernement. Est-ce cohérent avec l’esprit de la révision constitutionnelle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

En outre, il y a déjà beaucoup de choses dans les lois de finances. On a vu avec la réforme de la taxe professionnelle à quel point la discussion d’une réforme fiscale pouvait exercer un effet d’éviction sur tous les autres sujets. Est-ce ainsi que l’on restaure la fonction de contrôle du Parlement ?

Deuxième objection à laquelle il me faut répondre : « Cette taxe, c’est très bien, mais il faut attendre un accord international pour l’instituer ». Cette phrase, j’ai entendu tout le monde la prononcer en commission des finances.

Voilà bien l’argument de l’attentisme et, finalement, de l’immobilisme. À ce sujet, j’ai été particulièrement choqué de lire dans le rapport de la commission des finances que « la France ne saurait avoir raison toute seule ». Quelle résignation et quelle offense pour tous ceux qui croient encore en notre souveraineté nationale et en la dignité de la France !

Si l’on se fonde sur cet argument, on ne fera rien. Il faut alors dire à l’opinion publique qu’il existe des échanges financiers qui resteront à jamais exemptés de toute contribution au financement de biens publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Il faut dire aux Français, qui acquittent une TVA à 5, 5 % lorsqu’ils achètent une baguette de pain, que l’arbitragiste qui spécule contre l’euro, faisant au passage augmenter le prix de leur baguette, sera à jamais débarrassé de l’épouvantable charge d’acquitter une taxe de 0, 05 %.

Je voudrais à ce sujet rappeler les propos tenus par Jim Flaherty, ministre des finances canadien, à l’issue de la réunion des ministres des finances du G20 en Corée du Sud, le 5 juin dernier : « Il est évident que la plupart des membres du G20 n’appuient pas l’idée d’une taxation universelle ». Autrement dit, déclarer attendre un accord international au niveau du G20 pour agir, c’est annoncer qu’il n’y aura pas de taxation des banques, c’est se condamner à l’impuissance.

Or nous ne sommes pas impuissants, et nous ne devons pas accepter de l’être. Les Allemands se sentent-ils impuissants lorsqu’ils annoncent la création d’une taxe spécifique sur les banques ? Nous sommes-nous sentis impuissants quand, sur l’initiative de Jacques Chirac, nous avons voté la taxation des billets d’avion ?

Notre souveraineté fiscale est-elle à ce point anéantie ? Qu’y a-t-il fondamentalement à craindre à imposer une taxe, au demeurant modeste, sur des transactions dont l’utilité économique est nulle, mais dont les dégâts qu’elles peuvent causer sont potentiellement dévastateurs ?

N’avons-nous plus confiance en l’influence que peut exercer la France sur ses voisins, européens notamment, par l’exemple de l’action ?

Troisième argument que l’on nous oppose : « Cette taxe ne freinera pas la spéculation ».

Pour tous ceux qui, dans cet hémicycle, considèrent que la spéculation est plus un bien qu’un mal, voilà une bonne nouvelle ! Je me souviens d’ailleurs des discussions épiques entre le rapporteur général de la commission des finances et notre ancien collègue Jean-Luc Mélenchon.

Je ne peux pas dire de combien cette taxe freinera la spéculation, mais l’augmentation des coûts de transaction sur les opérations internationales à court terme me semble plutôt aller dans ce sens que dans le sens contraire. Au demeurant, je rappelle que plusieurs pays ont mis en place des barrières à l’entrée des flux spéculatifs avec un succès probant.

En admettant que le volume des opérations concernées par cette taxe reste inchangé, nous aurions malgré tout lieu de nous réjouir de récupérer les recettes publiques que cette taxe produira. Car c’est évidemment dans le contexte financier créé par la crise globale que nous traversons qu’il faut se situer pour affirmer à quel point il est erroné d’alarmer sur les conséquences économiques de la taxe sur les transactions financières.

Nous subissons une crise économique sans précédent avec des pertes de production considérables qui ont ruiné l’équilibre des finances publiques. Nous avons soutenu un secteur financier qui, aujourd’hui, entend faire payer le prix de ses excès aux contribuables une deuxième fois. Ainsi que le disent les économistes, nous sommes en plein aléa moral, les incendiaires faisant payer les pompiers.

Le Gouvernement a annoncé ce qu’il faut bien appeler une politique d’austérité. Cette politique excessive par les effets déflationnistes qu’elle risque fort de déclencher, nous devons tenter de la modifier.

Force est de constater que la proposition de loi du groupe du RDSE représente une aide pour le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Elle permettrait de dégager des ressources publiques et, par là même, d’atténuer les sacrifices que vous entendez imposer aux Français, tout en ne pesant pas sur la croissance potentielle de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Qu’avons-nous à redouter en faisant contribuer à l’équilibre de nos finances publiques un secteur particulièrement prédateur pour l’économie et dangereux pour sa stabilité ?

J’ai entendu dire que l’instauration de cette taxe, « ce serait se tirer une balle dans le pied … Plusieurs milliers d’emplois seraient menacés ». Est-il bien vrai que nos banques consacrent autant d’emplois à des opérations sans presque aucune utilité économique ?

J’aimerais avoir des précisions sur ce qui fonde cette perspective. Je voudrais surtout rappeler ici les centaines de milliers d’emplois détruits en France du fait des conditions de fonctionnement de notre si brillante ingénierie financière et de la merveilleuse efficience des marchés et les centaines de millions d’emplois détruits dans le monde.

Même si l’on nous oppose, une fois de plus, le risque de délocalisations de structures financières comme Euronext – qui, soit dit en passant, n’a jamais respecté son engagement de maintenir son activité en France, sa plateforme se situant depuis un peu plus d’un an à Londres –, ces arguments ne sont guère recevables et ces difficultés sont loin d’être insurmontables.

Mes chers collègues, il ne faut pas détruire le sentiment de justice de nos concitoyens en plus de réduire leur revenu. Le risque, ce serait la perte de confiance généralisée et, avec elle, la déflation économique, dont les coûts seraient incalculables, avec une crise sociale et politique majeure.

Il est donc devenu urgent d’introduire, via une taxe à faible taux, une petite viscosité dans les mouvements internationaux de capitaux afin de renforcer la responsabilité des acteurs financiers et la traçabilité des flux. L’objet de notre proposition de loi n’est pas d’effrayer l’organisation des marchés, ni de bouleverser leur efficacité, ni même d’en réduire la rentabilité, mais de mettre un frein aux pratiques spéculatives excessives et de les encadrer en allant dans le sens de la moralisation que, tous ici, nous appelons de nos vœux.

Je le répète, dans le contexte actuel de crise globale, c’est une question de conviction et de responsabilité. Pour les radicaux de gauche et l’ensemble des membres du RDSE, il y a urgence à agir. C’est notre devoir d’élus de la République !

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sur l’initiative de notre collègue Yvon Collin et des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, nous sommes réunis cet après-midi pour examiner une proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières.

Voilà un texte qui arrive à point nommé pour que le Sénat puisse débattre de questions au cœur de l’actualité et inscrites à l’agenda de la prochaine réunion du G20, qui se tiendra à Toronto ce week-end.

À cet égard, nous devons toujours garder à l’esprit le contexte international pour analyser le dispositif qui nous est proposé, à savoir rendre effective, en droit français, la taxe Tobin.

Les auteurs de la proposition de loi veulent instaurer « une taxation spécifique » sur les transactions financières « afin de ne plus inciter à la spéculation financière ». Pour ce faire, ils proposent une modification de l’article 235 ter ZD du code général des impôts qui institue une taxation sur les transactions sur devises, également appelée « taxe Tobin à la française ».

Je ferai un bref rappel historique. L’article 235 ter ZD a été adopté sur l’initiative de la commission des finances de l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2002. Deux conditions avaient toutefois été introduites à l’époque avec pour effet de le rendre inapplicable dans l’immédiat et de lui conférer une portée essentiellement symbolique.

La première de ces conditions porte sur le taux. En l’état actuel, celui-ci ne doit pas excéder 0, 1 % ; la loi renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer le taux définitif dans la limite de ce plafond. Le décret n’est jamais paru, car la seconde condition n’est pas remplie.

En effet, aux termes du IV de l’article 235 ter ZD, ces dispositions entreront en vigueur « à la date à laquelle les États membres de la Communauté européenne auront dû achever l’intégration dans leur droit interne […] d’une taxe sur les transactions sur devises […] ».

En un mot, la France appliquera la taxe pour autant que l’ensemble de nos partenaires l’appliquent, ce qui est encore loin d’être le cas aujourd’hui.

La proposition de loi lève ces deux conditions et rend donc effective, en droit français, la taxe Tobin. Elle fixe un taux, même plusieurs – j’y reviendrai –, et elle supprime la condition de réciprocité avec nos partenaires européens.

Je ne crois pas cependant que la proposition de loi puisse atteindre les objectifs qu’elle se fixe.

Selon ses promoteurs, la taxe Tobin permettrait de limiter la spéculation. Certes, la taxe aurait pour effet mécanique de renchérir les flux de capitaux à court terme. Si nous assimilons la spéculation à ces flux, alors, effectivement, la taxe Tobin tend à limiter la spéculation. Hélas, ce n’est probablement pas aussi évident. De nombreuses opérations de court terme peuvent être adossées à des opérations économiques réelles. Mais lesquelles ? À cette question, nous ne savons pas toujours répondre. Florence Parly, secrétaire d’État au budget en 2001, expliquait à ce sujet que « la différence observable entre une légitime couverture en devises sur une vente à terme et une obscure spéculation est infime ».

Dès lors, il ne me semble pas que la taxe Tobin puisse atteindre les objectifs qu’on lui prête. D’ailleurs, sa mise en œuvre se heurte à deux obstacles majeurs.

Le premier est qu’elle doit être internationale, faute de quoi les transactions se délocaliseront dans les pays qui ne l’appliquent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Pour cette simple raison, la proposition de loi n’est pas opérante et ne peut donc pas être adoptée. Elle serait même très dommageable à l’attractivité de la place de Paris : nous devons absolument éviter de nous tirer une « balle dans le pied », pour reprendre une expression déjà citée par M. Collin.

Le second obstacle à la taxe Tobin est plus technique et porte, notamment, sur la question de la définition de l’assiette.

Il est à craindre en effet que le développement incessant de l’ingénierie financière ne nuise à l’efficacité d’une telle taxe. On m’objectera que, pour autant, la France défend avec force le principe d’une taxe sur les transactions financières. Certes, mais il importe de lever quelques malentendus.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Tout d’abord, la France défend la taxe sur les transactions financières sur le plan international.

D’une part, notre pays participe activement au groupe pilote sur les financements innovants pour le développement. Ce groupe, composé de cinquante-neuf États, d’organisations internationales et d’ONG, étudie notamment la création d’une taxe sur les transactions financières. Il s’attache à lever les obstacles techniques que j’ai évoqués plus haut.

D’autre part, la France et l’Allemagne ont convaincu leurs partenaires européens de défendre le principe d’une taxe sur les transactions financières dans le cadre du G20.

Pour la France, il est incontestable qu’une telle taxe doit être globale !

Ensuite, le projet français n’a pas pour objet de lutter contre la spéculation.

En décembre dernier, dans une tribune publiée dans Le Monde, Christine Lagarde et Bernard Kouchner expliquaient ainsi qu’il « ne s’agit pas de proposer la mise en place d’une taxe Tobin [...]. Non, il s’agit de financer le développement, sans perturber les transactions financières ».

La France propose un taux de 0, 005 % – 5 centimes pour 1 000 euros de transactions –, soit dix fois moins que le taux de base retenu par la proposition de loi, qui est de 0, 05 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La taxe sur les transactions financières défendue par notre pays est une taxe de rendement dont le produit doit permettre de financer des biens publics mondiaux, le développement ou encore la lutte contre le changement climatique.

Est-ce à dire que la France abandonne l’idée de lutter contre l’instabilité financière ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Non, bien sûr ! Mais les instruments doivent être adaptés aux objectifs recherchés.

S’agit-il de lever des fonds ? Nous venons de le voir, une taxe sur les transactions financières au niveau international est pertinente.

S’agit-il de faire rembourser aux banques le coût de la crise ou bien de limiter les risques qu’elles prennent ? Une taxe sur les banques semble opportune.

Je me félicite que Christine Lagarde ait annoncé hier son intention d’instaurer une telle taxe à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nous avions vainement interrogé Mme Idrac hier sur ce sujet à l’occasion des questions cribles thématiques : les droits du Parlement ont été foulés aux pieds !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La taxation des institutions financières sera à l’ordre du jour du G20 qui se tient ce week-end. Les Européens devraient présenter un front uni pour « définir une stratégie à l’échelle de la planète visant à l’instauration de systèmes de prélèvements et de taxes sur les établissements financiers ». Nous en avons d’ores et déjà l’illustration avec la déclaration commune des gouvernements français, britannique et allemand, hier.

Les réflexions sur les aspects fiscaux de la régulation financière vont bon train. Outre le G20, le Fonds monétaire international, l’Union européenne, notamment la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Hongrie, ont d’ores et déjà exprimé leurs points de vue sur le sujet.

C’est pourquoi, même en cas de désaccord au sein du G20, trois grands États européens mettront effectivement en œuvre une taxe sur les banques. Il va de soi néanmoins qu’un accord international renforcerait la portée de cet impôt !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ce n’est pas ce qu’indiquent les dépêches de l’AFP !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Dans le même esprit, la Commission européenne retient le principe du pollueur-payeur et souhaite présenter un texte à l’automne afin de mettre en œuvre des fonds de résolution nationaux alimentés par des taxes nationales. Celles-ci seraient toutefois définies à l’échelle communautaire pour ce qui est de leur taux et de leur assiette, afin d’éviter des distorsions d’application entre les États membres.

Je pourrais dérouler tout un inventaire à la Prévert des initiatives internationales mais je souhaite m’intéresser plus spécifiquement au cas français.

En France, deux taxes ont été créées. La première, votée en loi de finances pour 2010, est destinée à financer la supervision du secteur bancaire et assurantiel : il s’agit de la contribution pour frais de contrôle.

La seconde est une taxe exceptionnelle sur les bonus des opérateurs de marché, payée par les banques au titre des bonus versés en 2009. Si elle permet de faire participer le secteur financier au redressement des finances publiques, elle ne constitue pas un outil durable de stabilisation.

Je le disais à l’instant, un nouveau pas devrait être franchi à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2011. À cet égard, madame la secrétaire d’État, j’espère que vous pourrez, en avant-première, nous en dire un peu plus sur les intentions du Gouvernement.

La commission des finances a également apporté sa contribution à la réflexion en cours. Elle a suggéré qu’une taxe sur les banques vienne en substitution de la taxe sur les salaires. Nous pourrions ainsi rendre un impôt existant plus intelligent puisque son produit augmenterait à due proportion des risques pris par les banques et non des embauches qu’elles réalisent ! Une telle taxe contribuerait à prévenir – plutôt qu’à guérir - le risque systémique. Un rapport sur ce point devra en principe nous être rendu par le Gouvernement d’ici à la fin du mois de juin, conformément à l’article 6 de la loi de finances pour 2010.

Sachant que les banques devront faire un important effort de recapitalisation, la commission a le souci de ne pas augmenter démesurément les charges imposées aux banques. La légitime préoccupation d’éviter d’autres crises ne doit pas nous conduire à perturber le financement de l’économie.

Au final, au terme de cette analyse, si je partage les préoccupations exprimées par Yvon Collin et les membres de son groupe, je ne pense pas que la proposition de loi puisse être adoptée par le Sénat : elle ne permet pas d’atteindre l’objectif qu’elle se fixe et, à défaut d’être adoptée au niveau international, elle risquerait de pénaliser gravement la place de Paris. Comme je vous l’ai montré, d’autres instruments sont envisageables pour réduire l’instabilité financière. Des progrès importants ont d’ores et déjà été accomplis, par exemple sur la question des bonus et, comme je l’ai précisé, d’autres travaux suivent leur cours.

Par ailleurs, sur la question des paradis fiscaux, le texte prévoit des taux différenciés et plus élevés pour les transactions avec ces juridictions. Il s’agit d’un objectif partagé tant par le Gouvernement que par la commission. Toutefois, l’article 22 de la loi de finances rectificative pour 2009 a permis de doter notre pays d’un dispositif exhaustif de lutte contre les paradis fiscaux qui repose sur l’établissement de notre propre liste de territoires non coopératifs. Il importe, pour l’instant, de le laisser vivre.

Enfin, une ultime position de principe me conduit à émettre un avis défavorable. La dernière conférence sur le déficit a posé le principe selon lequel les questions fiscales relèveront désormais du domaine exclusif des lois de finances. Je sais que cet argument vous gêne, mon cher collègue. Toutefois, notre commission a longtemps milité pour une telle initiative. C’est pourquoi nous devons, avant même l’adoption d’une loi constitutionnelle, nous l’appliquer à nous-mêmes avec constance et persévérance.

En conclusion, vous l’aurez compris, je ne suis pas favorable à l’adoption de la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe du RDSE. Je vous propose donc de ne pas en adopter les articles, ce qui entraînera de facto son rejet.

M. Simon Loueckhote applaudit.

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord, au nom du Gouvernement, remercier Yvon Collin et les membres du groupe du RDSE d’inviter le Sénat et le Gouvernement à réfléchir « à point nommé », pour reprendre l’expression de Charles Guené, sur deux sujets essentiels pour la stabilité internationale : la régulation du système financier international, d’une part, et le financement du développement, d’autre part, à la faveur, selon votre proposition, d’une taxe sur les transactions financières internationales. J’aborderai cette proposition de loi sous ces deux angles conjoints.

S'agissant de la régulation du système financier international, vous me semblez quelque peu excessif, monsieur le sénateur, …

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État

… quand vous indiquez que tout reste à construire. Il serait tout aussi abusif d’imaginer que quiconque, sur ces travées ou au sein du Gouvernement, serait pour la spéculation.

L’action de la France au cours des derniers mois, que ce soit au niveau international, communautaire ou intérieur, est manifeste. Des initiatives ont été prises, qui placent la France à la pointe de ces combats. D'ailleurs, un certain nombre de résultats apparaissent déjà, en particulier depuis que le Président de la République a ancré au cœur de l’action du G20 la réforme du système financier et la régulation financière.

D’ores et déjà, je voudrais rappeler un certain nombre de points acquis ou dont le succès est en bonne voie.

Vous avez fait allusion, monsieur le rapporteur, à la question de l’encadrement de la rémunération des opérateurs de marchés. Sous l’impulsion de la France, le G20 a adopté des règles fortes que nous avons été le premier pays à mettre en œuvre, dès le mois de novembre dernier.

Vous avez également évoqué la question des juridictions non coopératives, autrement dit les « paradis fiscaux ». Depuis l’année dernière, à la suite des dispositions prises sous l’impulsion du G20, notamment dans le cadre de l’OCDE, plus de 400 accords permettant l’échange d’informations fiscales ont été signés dans le monde. Ils ont ainsi été multipliés par plus de quatre en quelques mois. Le secret bancaire opposable jusqu’à présent dans ces territoires ne peut plus servir d’excuse.

La France, là encore, a été en avance sur ce combat puisque, par la loi de finances rectificative pour 2009, ont été mises en place des mesures de rétorsion très sévères à l’encontre des paradis fiscaux.

Nous avons par ailleurs régulé les agences de notation. À compter du 7 décembre prochain, les agences de notation devront être agréées et contrôlées au niveau européen. Le projet de loi de régulation bancaire et financière qui sera examiné à la fin du mois de septembre par votre Haute Assemblée donnera pouvoir à l’Autorité des marchés financiers pour sanctionner les agences en cas de besoin.

Parallèlement, le G20 de Washington a décidé de réguler les marchés dérivés. Toutes les transactions seront désormais enregistrées dans des bases de données transparentes et accessibles aux pouvoirs publics. Il est également prévu que les transactions sur dérivés seront compensées dans des chambres de compensation. À ce titre, pour être efficace, la Commission européenne proposera à l’automne un règlement européen pour mettre en œuvre ces décisions sur les marchés dérivés.

Quant à la question des fonds alternatifs, le G20 de Londres, toujours sous l’impulsion de la France, a décidé que ces fonds feraient l’objet d’un agrément et seraient soumis à des règles de transparence. Au mois de mai dernier, les ministres européens des finances ont adopté un projet de directive européenne qui comprend des mesures fortes et permettra aux autorités nationales d’être dotées de réels pouvoirs, avec notamment la possibilité d’intervenir en cas de circonstances exceptionnelles.

Enfin, j’évoquerai la question des ventes à découvert et des marchés dérivés. Le projet de loi de régulation bancaire et financière renforce un certain nombre de dispositifs par lesquels l’Autorité des marchés financiers pourra imposer la transparence et, en cas de circonstances exceptionnelles, interdire certaines pratiques ainsi que les ventes elles-mêmes.

Comme vous pouvez le constater, la France est à la pointe du combat en matière de régulation du système financier. Ce combat est à la fois international, communautaire et national. Évidemment, il sera d’autant plus efficace qu’il sera partagé par nos partenaires.

Avec ce texte, vous allez au-delà de ces mesures en proposant d’instituer une taxe destinée à contribuer à l’objectif de meilleure régulation.

L’excellence du rapport de Charles Guené me permet de ne pas reprendre l’analyse point par point. Je voudrais toutefois vous confirmer plusieurs éléments, comme je l’avais déjà annoncé puisqu’il se trouve que les questions cribles thématiques au Gouvernement portaient hier sur des sujets proches.

Tout d’abord, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne ont fait une déclaration commune – dont je vous ai donné communication hier – par laquelle ils s’engagent à mettre en œuvre une telle taxe. Les chefs d’État de ces trois pays seront des forces de proposition pour avancer sur ce point au sommet du G20 qui se tiendra à Toronto à la fin de la semaine. Le Président de la République a été particulièrement clair sur ce sujet, au côté, en particulier, de la présidence canadienne.

Il est évidemment très important que la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne puissent éventuellement rallier d’autres pays.

De surcroît, à l’échelon national, je vous confirme que nous avons l’intention d’inscrire dans le projet de loi de finances pour 2011 une taxation des activités les plus risquées du secteur financier, afin de lutter contre les phénomènes spéculatifs et leurs risques.

Nous avons procédé à de premières simulations depuis que la décision a été annoncée en fin de journée hier et il pourrait s’agir de plusieurs centaines de millions d’euros. Nous en débattrons bien évidemment avec le Sénat, en particulier avec la commission des finances. L’assiette comme le taux devront faire l’objet d’examens approfondis auxquels, j’en suis sûre, le Sénat contribuera très positivement.

Nous sommes déterminés à conduire l’ensemble de ces travaux en parfaite coordination avec nos partenaires européens, je viens d’en donner le témoignage factuel. Comme l’a justement indiqué M. le rapporteur, en matière de régulation financière, nous savons bien, hélas, qu’il est possible d’échapper assez facilement à des régulations strictement nationales.

Par ailleurs, je souligne que nous avons un intérêt collectif à renforcer la confiance dans l’Europe et en Europe. Cela passe, entre autres, par une attitude commune d’opposition, ferme et coordonnée, à l’exubérance et à la volatilité des marchés, ainsi qu’à la spéculation.

Votre proposition de loi, monsieur le sénateur, est également intéressante en termes de financement du développement. Elle fait écho à notre propre volonté de développer des solutions innovantes pour financer le développement et les mesures de lutte contre le changement climatique.

La conférence de Paris de 2006 – M. le rapporteur et vous-même y avez fait allusion – avait marqué une étape très importante. La France avait alors eu l’idée d’instaurer une taxe sur les billets d’avion, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nous étions les seuls à vouloir la voter au départ !

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État

… idée qu’elle était parvenue à faire partager. Nous sommes un peu dans la même situation aujourd'hui. En pionnier, notre pays a réussi à démontrer que les financements innovants, en l’occurrence la taxe sur les billets d’avion, constituaient une réponse crédible aux défis de dimension planétaire.

De fait, cinquante-neuf pays ont adhéré au Groupe pilote sur les contributions de solidarité en faveur du développement que nous avions proposé ; vingt-neuf pays ont d’ores et déjà décidé de mettre en œuvre la contribution de solidarité sur les billets d’avion ; douze d’entre eux l’ont déjà introduite dans leur législation nationale.

Depuis son lancement, la taxe a rapporté plus de 600 millions d’euros, qui ont permis de financer la vaccination de quatre millions d’enfants, ainsi que 21 millions de traitements, en particulier contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Cela a été dit, la taxe, d’un montant modeste, mais dont l’assiette est très large, est efficace et n’a pas créé de distorsions, car elle est mise en œuvre dans de nombreux pays.

Le Gouvernement réfléchit aujourd'hui à d’autres propositions. Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous travaillons sur deux plans : nous envisageons, d’une part, une taxation des banques – elle sera mise en œuvre au moins dans trois pays européens dès l’année prochaine – et, d’autre part, une taxe sur les transactions financières internationales. Les recettes de ces taxes seraient affectées au financement de biens publics mondiaux, je pense en particulier à la lutte contre le changement climatique et contre la pauvreté et à des mesures en faveur du développement.

Il nous semble que le rendement de telles taxations sera d’autant plus élevé et les inconvénients qui y sont associés d’autant plus réduits que celles-ci seront appliquées à l’échelon international.

Au mois de décembre dernier, M. le ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, et Mme la ministre de l’économie, Christine Lagarde, se sont exprimés ensemble et publiquement en faveur de cette initiative.

Plus récemment, afin de préparer la réunion du G20, Mme la Chancelière Angela Merkel et M. le Président de la République Nicolas Sarkozy ont adressé au Premier ministre canadien une lettre dans laquelle ils appellent à la création d’une taxe internationale sur les transactions financières.

Sans attendre, plusieurs types de travaux internationaux ont été lancés. Sur l’initiative de la France, un groupe d’experts a été constitué au mois d’octobre 2009 afin d’étudier les taux et les assiettes des différentes taxes envisagées, leurs avantages et inconvénients respectifs, et de faire des propositions concrètes.

La France préside également un groupe de travail sur les taxes sur les transactions financières et autres mécanismes non climatiques – les taxes qui ne sont pas assises sur le taux d’émission de CO2, par exemple – chargé de faire des propositions en vue de trouver de nouvelles ressources pour financer la lutte contre le changement climatique.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, le Gouvernement partage les objectifs de votre proposition de loi et adhère à sa philosophie.

M. Yvon Collin s’exclame.

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État

Je tiens néanmoins à remercier une nouvelle fois M. Collin et le groupe RDSE d’avoir suscité ce débat. Je remercie également M. Guené, dont l’analyse et le rapport éclairent admirablement les sujets dont nous traitons.

En conclusion, je vous confirme que l’engagement du Gouvernement et du Président de la République sera absolu, que ce soit lors de la réunion prochaine des chefs d’État et de gouvernement lors du G20 ou dans le cadre de la présidence française de ce même G20 en 2011. §

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Avant que se poursuive la discussion générale, je tiens à féliciter le président du groupe RDSE, car il a su rassembler en séance aujourd'hui plus de 50 % des membres de son groupe ! Ce fait mérite d’être souligné.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

M. Yvon Collin. Nous sommes majoritaires en séance ! Et si nous votions à main levée ?

Sourires sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Seuls les présents en séance devraient voter !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de nos collègues du groupe RDSE présente au moins un intérêt : elle met en lumière les enjeux véritables de la crise financière systémique que le monde traverse depuis l’été 2008, crise dont les tenants, les aboutissants et les répliques doivent être plus clairement identifiés.

Dans son rapport, notre collègue Charles Guené, arc-bouté sur la défense des positions les plus libérales, ne dit d’ailleurs pas autre chose. §

Il ne dit pas autre chose quand il indique que les périodes de crise sont propices à l’émergence de propositions tendant à mettre certains des acteurs et des « fauteurs de crise » face à leurs responsabilités.

Tout d’abord, les « fauteurs de crise » ont-ils effectivement pris leur part de responsabilité dans les solutions mises en place pour atténuer les conséquences de la crise et pour en sortir ? Vous savez bien que non ! Ils ont au contraire continué sur la même voie.

Les différentes décisions prises depuis le mois d’octobre 2008 – le plan de sauvetage des banques, la constitution de la Société de financement de l’économie française et de la Société de prises de participation de l’État, ainsi que, dernièrement, le plan dit « de sauvetage de la Grèce » – montrent bien que la crise n’a pas été enrayée, alors que ceux qui en portent la responsabilité s’en sortent plutôt bien.

Le « sauvetage » de la Grèce n’a servi qu’à garantir aux banquiers créanciers de la République hellénique qu’ils rentreraient dans leurs fonds, tandis qu’un plan d’austérité sans équivalent en Europe était imposé aux 11 millions d’habitants de ce pays.

En France, les établissements financiers et les banques n’ont pas eu à respecter – le Gouvernement a eu tort contre tous les autres – le moindre engagement ferme en contrepartie des dispositions qui ont été prises en leur faveur. En conséquence, leurs pratiques n’ont pas varié d’un iota.

Comme le rappellent nos collègues dans l’exposé des motifs de leur proposition de loi, le Gouvernement avait indiqué que l’aide accordée par l’État aux banques devait s’accompagner d’une reprise des activités de crédit à destination tant des entreprises que des ménages. Or l’accès au crédit a été rendu de plus en plus difficile, pour les petites et moyennes entreprises comme pour les ménages, ce qui a entraîné en 2009 une récession économique près de quatre fois plus importante que la récession mondiale !

En outre, les pratiques de rémunération exorbitante n’ont pas disparu. En effet, moins d’un an après avoir perçu de l’État, via la Société de prises de participation de l’État, 5 milliards d’euros en quasi-fonds propres, la BNP a décidé de distribuer 1 milliard d’euros de bonus et de primes à ses traders et à ses cadres !

Enfin, profitant de la crise et tirant parti de la fragilisation des opérateurs concernés, le Gouvernement a décidé de fouler aux pieds les règles de fonctionnement spécifiques du réseau des caisses d’épargne et des banques populaires. Il est plus que temps que les banques et les compagnies d’assurance de notre pays soient soumises à de nouvelles obligations vis-à-vis de la société tout entière.

La commission des finances est majoritairement défavorable à cette proposition de loi, ce qui n’est guère étonnant compte tenu de l’attitude qui a été la sienne lorsque cette question a été soulevée à d’autres moments. En effet, pendant des années, la commission a défendu la disparition de toute fiscalité sur les opérations boursières. Elle a appelé de ses vœux la libéralisation des transactions financières, voire le développement de l’industrie financière.

Pourquoi refuser une telle taxation alors qu’elle ne vise tout simplement qu’à rendre le système bancaire plus efficace et à lui rappeler que nous ne voulons pas de la spéculation financière ?

Qui a envahi le marché avec des produits dérivés, encourageant une spéculation effrénée, toujours plus consommatrice de liquidités ?

Qui a inventé, perfectionné et mis en œuvre la titrisation ?

Qui, via l’intervention de filiales implantées à l’étranger, parfois dans des paradis fiscaux, spécule contre la dette publique des États, contre l’euro, cette monnaie unique qui devait nous protéger des crises monétaires ?

Qui propose à de généreux contribuables, émigrés fiscaux sans considération pour leur patrie d’origine, des produits financiers toujours plus rémunérateurs, comme le montre le recours croissant aux ventes à découvert, aux CDS, Credit Default Swaps, ces fameuses assurances pour défaut de paiement ? Et je ne parlerai même pas des titres de dette publique française !

Ce sont nos banques et nos compagnies d’assurance, celles-là mêmes que la commission des finances entend préserver de toute nouvelle taxation !

Il ne faudrait ainsi faire aucune peine, même légère, aux tenants du capital et aux spéculateurs. En revanche, il faut mettre la dépense publique au régime sec et allonger la durée de cotisation ouvrant droit à une retraite à taux plein. Tous les arguments avancés dans le rapport ou en commission ne tiennent pas. Ils ne sont que prétextes pour balayer d’un revers de la main la proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières.

La taxation des transactions financières, on le voit bien, est une question de volonté politique, de choix de société. Dénoncer le décrochage entre le système financier spéculatif et l’économie réelle ne suffit pas. Nous avons besoin d’actes concrets.

L’attitude de la majorité de la commission des finances est d’autant plus surprenante que – Mme la secrétaire d’État vient de le confirmer – le Président de la République souhaite qu’un débat sur la taxation des transactions financières ait lieu lors du G20. L’adoption de la proposition de loi donnerait donc du poids à la voix du Président de la République lors de ce sommet.

Les temps changent. Écoutez par exemple le chef de la première puissance économique du monde : il exprime la volonté de faire payer le prix fort à l’une des compagnies pétrolières les plus puissantes de la planète pour les dégâts qu’elle occasionne sur les côtes du golfe du Mexique. Quand on connaît le poids du lobby pétrolier, on mesure le chemin parcouru ! Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les taxations des transactions financières ?

Mes chers collègues, il est plus que jamais légitime de débattre de la proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières, et ce sans attendre une nouvelle loi de finances rectificative. Pour notre part, nous l’appuierons. §

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise profonde qui a débuté en 2008 a pris racine dans un ensemble de dérèglements majeurs : les errements des fonds spéculatifs non réglementés, l’opacité des paradis fiscaux, la dissimulation et la dissémination du risque par voie de titrisation.

Ces dérèglements sont liés à un déséquilibre plus profond du système économique et financier. Les multiples transactions et titrisations à caractère spéculatif nous ont conduits à la situation, à peine croyable, que nous connaissons aujourd’hui, à savoir la financiarisation de l’économie.

En termes de flux, la valeur originelle des biens et des services réellement créés est aujourd'hui multipliée par cinquante. Cela signifie que lorsqu’un euro de valeur est créé, il donne lieu à 50 euros d’échanges dans la sphère financière, ce qui est considérable.

La course fiévreuse aux profits spéculatifs à court terme a, de fait, créé une bulle financière déconnectée de l’économie réelle. On sait aujourd’hui les dégâts humains et sociaux considérables engendrés par l’éclatement de cette bulle.

L’encadrement du secteur financier et des banques est, dès lors, absolument nécessaire. Il importe de remettre le système financier au service de l’économie réelle. Afin d’éviter la répétition de ce type de crise, nous devons faire émerger des dispositifs sérieux de régulation et de dissuasion.

C’est dans cette perspective qu’une taxe sur les transactions financières apparaît comme un instrument de justice et d’efficacité, et la proposition de loi de M. Collin a l’avantage de nous proposer une avancée législative en la matière.

Certains considèrent aujourd’hui que cette taxe est inapplicable et doutent de son efficacité. Pourtant, les taxes dites « distorsives » existent. D’autres exemples de fiscalité visant à corriger des comportements nocifs sont déployés ici et là. La taxe sur le tabac illustre cette action dissuasive que l’autorité publique peut décider de mettre en œuvre.

Le texte que nous étudions aujourd’hui vise à enrayer l’explosion des comportements spéculatifs. Eu égard à leurs conséquences négatives avérées, on peut, par la loi, tenter de renchérir le coût des actes spéculatifs et donc aboutir à une dissuasion améliorée.

Or, sur ce plan, on ne peut manquer de déplorer le manque d’activisme gouvernemental ; certes, il y a beaucoup de déclarations. Il est possible de faire le parallèle avec la libéralisation des jeux d’argent et de hasard en ligne récemment adoptée par le Parlement. La mise en parallèle du comportement du joueur et de celui du spéculateur ne manque pas de fondements.

En renchérissant sans attendre le coût de la spéculation, la France serait en capacité de donner un signal fort à la communauté internationale. Adopter cette proposition de loi illustrerait notre volonté d’aller de l’avant. Cela ne nuirait pas à l’image du Sénat, contrairement à ce que certains pourraient ici prétendre !

N’est-il pas important, aujourd’hui, d’établir clairement les responsabilités des différents acteurs dans la déstabilisation de nos économies ?

Je vous indique qu’une proposition de résolution en ce sens a récemment été déposée par nos collègues socialistes à l’Assemblée nationale. Inscrite à l’ordre du jour de la séance publique de demain, elle a pour objet de demander la création d’une commission d’enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement de nos économies.

C’est dans cet état d’esprit que notre groupe apporte donc son soutien à cette proposition de loi visant à créer une taxe sur « certaines transactions financières ». La proposition de loi de M. Collin est légitime et vient à point. Faut-il attendre une loi de finances dans six mois ? Pourquoi s’interdire d’adresser à nos concitoyens les signaux nécessaires, dès à présent ?

Sur le fond, j’en conviens, il est difficile d’aller seul à la bataille. Mais il s’agit surtout d’envoyer un signal fort à l’approche des discussions du G20 dans trois jours au Canada. À titre d’exemple, on observe que l’Allemagne a pris seule l’initiative d’interdire les ventes à découvert à nu. Dans un premier temps, Mme Lagarde a porté une appréciation critique sur cette démarche isolée. Trois semaines plus tard cependant, notre pays a rejoint l’Allemagne sur ce projet. Rien n’empêcherait la France d’être sur ce sujet, à son tour, en pointe devant les autres pays européens.

L’on pourrait rappeler l’exemple de la taxe sur les billets d’avion qui a été cité tout à l’heure par Mme la secrétaire d’État. Les socialistes avaient été parmi les premiers à soutenir cette initiative. On nous opposait alors les mêmes arguments : « c’est dangereux », « nous serons les seuls à le faire », « peut-être est-il trop tôt ». Mais le fait est que – et Mme la secrétaire d’État l’a confirmé – la France a eu raison d’être en pointe sur ce sujet. D’autres pays ont suivi, et le mécanisme rapporte aujourd’hui plusieurs centaines de millions d’euros.

Où en sommes-nous, aujourd’hui, dans le débat entre les autorités publiques sur le sujet de la taxation des transactions financières ? Malgré un discours de façade, la position des institutions européennes et internationales montre que la partie n’est pas gagnée, loin de là ! Le 10 mars dernier, avec une majorité de 283 contre 278, le Parlement européen a demandé une taxation sur les flux financiers.

Pour la première fois, en mai dernier, les ministres des États membre de l’Union européenne ont, eux aussi, officiellement envisagé l’intérêt d’une telle taxe. Créée au niveau mondial, elle permettrait de « garantir que le secteur financier assume à l’avenir sa part de responsabilités en cas de crises ».

Au début de juin, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, s’est lui aussi prononcé en faveur d’une taxe sur les transactions financières, tout en jugeant néanmoins « extrêmement difficile » de l’imposer au niveau mondial dès à présent.

Mais, hélas, voilà quelques jours, les ministres des finances réunis à Busan en Corée du Sud – le ministre français s’y trouvait – ont, quant à eux, écarté cette perspective. Pourtant, lors du conseil européen des 17 et 18 juin dernier, les dirigeants européens ont, pour leur part, décidé de promouvoir lors du G20 la mise à l’étude d’une taxation sur les transactions financières.

Alors, à qui se fier ? Les autorités publiques mondiales sont-elles véritablement décidées à agir sur ce terrain ? Tout le monde sait que les chances d’accord seront quasi nulles au G20 en raison de l’opposition de nombreux pays. Tout cela laisse donc très perplexe.

La taxe sur les transactions financières est, à nos yeux, une idée généreuse que les socialistes soutiennent depuis des années. Suggérée en 1972 par le prix Nobel d’économie James Tobin, elle était déjà au programme de la campagne du candidat Lionel Jospin en 1995. Le 21 novembre 2001, le gouvernement Jospin fit voter une loi instituant une taxation financière. Son taux de 0 % en faisait essentiellement un signal fort adressé aux autres États. Mais il avait été bien indiqué que le gouvernement Jospin était prêt à en augmenter le niveau si d’autres États la mettaient en place.

Il n’est donc pas déraisonnable de chercher à aller plus loin aujourd’hui. La justification économique d’une taxe sur les transactions financières commence avec la reconnaissance des effets néfastes de la spéculation à court terme. De par son effet stabilisateur sur les marchés financiers, une augmentation mesurée et contrôlée du coût des transactions ralentirait, à coup sûr, le volume des transactions spéculatives.

À l’avenir, le sauvetage du secteur financier et bancaire ne doit plus être uniquement supporté par les citoyens. Une juste contribution du secteur financier à l’économie réelle doit donc être recherchée.

Cet outil fiscal libérerait, en outre, de nouvelles sources de financement pour les États. Chaque année, il dégagerait des ressources nécessaires pour payer les coûts sociaux de la crise, pour financer les biens publics mondiaux, tels que la santé ou la lutte contre la pauvreté et le changement climatique.

Les obstacles à une régulation ne sont plus d’ordre technique mais d’ordre politique. Nous soutenons donc l’adoption d’une telle taxe qui permettrait d’entrer dans le débat de la régulation avec une approche plus globale. Derrière cette taxe sur les transactions financières se profile, en définitive, une réorientation souhaitable d’un modèle économique et financier qui risque, conservé en l’état, de mener le monde à sa perte.

Mes chers collègues, est-il trop tôt pour agir ? Notre réponse, aujourd'hui, est claire : il n’est jamais trop tôt pour agir. Nous souhaitons donc, dès à présent, que ce signal soit donné par le Sénat. C’est pourquoi nous voterons la proposition de loi présentée par notre collègue Yvon Collin. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Depuis un peu plus de deux ans, nous sommes confrontés à une crise qui paraît interminable. En tout cas, nous constatons que la mobilisation des instances internationales et les différents plans de sauvetage adoptés par les États n’ont pas suffi à rétablir la croissance, notamment au sein de la zone euro.

Aucun des équilibres fondamentaux de l’économie mondiale n’a été restauré. On peut même s’interroger sur la sincérité des grandes institutions internationales quant à leur volonté d’examiner les vrais blocages. Certes, il est vrai que quelques mesures ont été menées concernant les paradis fiscaux et même la rémunération des traders. Cependant, force est de constater qu’elles ont été trop timides et, la plupart du temps, partiellement appliquées.

Mais tout cela ne suffira pas à freiner les dérives de la haute finance, et il faudra s’attaquer à d’autres fondamentaux : d’une part, à la régulation des ratios afin d’obliger les banques à disposer d’un capital proportionné aux risques qu’elles prennent et, d’autre part, au principe du « too big to fail » selon lequel une banque trop importante ne peut être en faillite.

Mes chers collègues, je mesure bien la difficulté de réformer un système économique fortement interdépendant sur le plan mondial. Cependant, il n’est pas incongru de rappeler à tous qu’il est nécessaire de redonner un sens à l’économie.

Il n’est pas non plus superflu de rappeler aussi à tous ces acteurs que c’est l’économie qui est au service de l’homme et non l’inverse. Nous sommes là sur les valeurs humanistes chères aux radicaux.

À partir de là, il revient, bien sûr, aux dirigeants politiques de faire preuve de détermination pour corriger un modèle qui, ne l’oublions pas, plonge des millions d’hommes et de femmes dans la misère. Dans cette perspective, les radicaux de gauche souhaitent une taxation de certaines transactions financières.

Je sais que le FMI a écarté cette idée. Pourtant, même en Grande-Bretagne, une taxe qui s’apparenterait à celle qu’avait proposée James Tobin, en 1972 déjà, connaît un regain d’intérêt. La crise a révélé de tels excès dans les secteurs bancaires et financiers qu’une taxe de type Tobin n’apparaît plus taboue. Il faut le reconnaître.

Ainsi, nous souhaitons la mise en œuvre de l’article 235 ter du code général des impôts, approuvé en novembre 2001, mais dont l’effectivité avait été conditionnée à son adoption par tous les États membres de la Communauté européenne. II s’agissait, selon l’auteur de ce dispositif, de prendre une mesure symbolique.

Déjà, à l’époque, les radicaux de gauche avaient apporté leur soutien à cette taxe. Aujourd’hui, il est clair que nous devons passer du symbole à la réalité car, en 2010, les dysfonctionnements constatés sur les marchés financiers ont des conséquences économiques et sociales désastreuses. Nous renouvelons donc notre vœu de la voir enfin se concrétiser afin de freiner la spéculation et de favoriser le développement.

Certes, j’entends bien par avance les arguments de tous ceux pour qui une telle taxe demeure un véritable épouvantail : la taxe sur les transactions financières serait un frein à l’investissement, car elle frapperait aveuglément les transactions de très court terme et celles ayant un objectif de placement à long terme.

À mon sens, il n’est pas techniquement impossible de distinguer ces deux catégories, sachant qu’une spéculation se repère par des allers et retours continuels, pour beaucoup effectués en une semaine. Florence Parly, à l’époque secrétaire d’État au budget, avait rappelé, dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2002, que « la différence observable entre une légitime couverture en devises sur une vente à terme et une obscure spéculation est infime ». Si elle est infime, mes chers collègues, c’est qu’elle existe. C’est déjà un début !

Il faut donc mettre en place des instruments informatiques suffisamment performants pour faire le tri entre investissement et spéculation. Oh, je ne dis pas que c’est facile ! L’affaire Kerviel a démontré que, même en interne, dans une banque, la traçabilité des opérations peut échapper au système de contrôle. Mais tout cela, madame le secrétaire d’État, est une question de volonté politique.

La commission des finances du Sénat prétend que l’essentiel du problème se situe ailleurs : une initiative isolée de la France serait dangereuse pour notre place financière. Il est bien évident, en effet, dans un monde où les capitaux circulent librement, qu’une taxation des transactions financières doit être universelle.

À cet égard, je suis d’accord avec vous, monsieur le rapporteur : la taxation sur les transactions financières devrait au minimum être établie concomitamment dans l’Union européenne, aux États-Unis et au Japon. Mais il faut bien qu’un pays se lance et montre l’exemple ! Et ce serait à l’honneur de la France de le faire, comme le propose notre collègue Yvon Collin.

Au fond, madame la secrétaire d’État, notre proposition de loi vise surtout à rappeler au Gouvernement qu’une telle taxe est écartée à tort des initiatives internationales actuellement menées par le G20 pour apporter davantage de traçabilité.

Or une taxe sur les flux financiers pourrait être complémentaire de la taxe bancaire que le sommet de Pittsburgh a préconisée à la fin de l’année dernière et qui commence d’ailleurs à voir le jour en Europe. Ces deux taxes n’ont pas la même finalité. La seconde a pour objet de faire contribuer le secteur financier à la couverture des charges liées aux interventions publiques permettant de restaurer le système bancaire, alors que la première a une fonction redistributive.

En l’occurrence, notre proposition de loi vise à affecter le produit de la taxe sur les transactions sur devises, pour moitié, à des activités non bancaires et non financières soutenant en priorité la création d’emplois, la recherche et l’innovation et, pour l’autre moitié, au Fonds de réserve pour les retraites. D’ailleurs, ce dernier en aurait bien besoin – là encore, nous sommes dans l’actualité –, mais c’est un autre débat ; nous aurons l’occasion d’en reparler !

Mes chers collègues, alors que la crise économique est encore très dure et que l’on en mesure tous les jours les dégâts importants, la finance continuer de prospérer. Alors que les contribuables ont participé au sauvetage des grandes banques, ces dernières ont même eu l’indécence de provisionner des bonus.

Certes, on peut toujours opposer des arguments techniques à telle ou telle proposition de réforme du système financier international. Mais l’immobilisme profite toujours à ceux par qui le mal est arrivé.

C’est pourquoi il revient aux responsables politiques que nous sommes de prendre nos responsabilités et de multiplier les initiatives, mêmes les plus audacieuses, pour donner au monde le visage que nous souhaitons ! Le moment est venu. Alors, courage, mes chers collègues !

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à mon sens, une des sources des difficultés économiques que le monde rencontre actuellement réside précisément dans l’extrême fluidité des opérations financières.

Qu’il s’agisse des pays développés ou des autres, tous les pays du monde sont, me semble-t-il, confrontés à des problèmes très importants liés au fait que de colossales masses financières peuvent basculer du jour au lendemain d’un pays vers un autre sans que cela corresponde à la réalité des moyens économiques et des richesses véritablement créées.

En d’autres termes, c’est cette économie, en grande partie virtuelle, des flux financiers qui est à l’origine de la plupart des difficultés que nous rencontrons.

Or, de mon point de vue, la seule manière de trouver des solutions en la matière est d’introduire un peu de viscosité dans la circulation des flux financiers. Pour cela, il faut à l’évidence instituer des contraintes financières, notamment des taxations, afin d’obliger les agents économiques – je pense, entre autres, aux banques et aux spéculateurs – à cesser de basculer pour un oui ou pour un non des sommes absolument colossales d’un côté à l’autre de l’hémisphère !

Dans cette perspective, l’idée qui sous-tend la proposition de loi dont nous sommes aujourd'hui saisis me semble tout à fait intéressante.

Bien évidemment, la France ne peut pas régler à elle seule un problème d’importance mondiale. À cet égard, je déplore l’opposition obstinée de certains pays, notamment le Canada et les États-Unis, à une éventuelle taxation des transactions financières.

Il me semble également regrettable que le Président de la République et le Gouvernement aient, dans ce domaine comme dans nombre d’autres – je pourrais par exemple évoquer les opérations guerrières menées en Afghanistan – une tendance à suivre comme des toutous la politique des États-Unis ! On suit Obama aujourd'hui comme on suivait Bush hier ! Certes, c’est moins honteux. Mais il serait tout de même préférable que le Président de la République revienne de temps en temps aux valeurs fondamentales du gaullisme et qu’il n’oublie pas la nécessité pour la France de s’exprimer et de défendre ses positions !

Quoi qu’il en soit, même si une telle proposition de loi ne me semble évidemment pas applicable en l’état par la France seule, je la voterai. En effet, à la veille du G20, nous pourrions adresser un signal au monde en montrant que, en France, nous défendons des positions !

Je voterai donc cette proposition de loi, non pas pour affirmer qu’il s’agit d’un texte achevé et applicable en l’état, mais plutôt pour témoigner symboliquement de l’intérêt d’une telle démarche et, aussi, pour tirer le signal d’alarme.

À la veille du G20, nous devons montrer que nous ne sommes pas à la botte des États-Unis, ni à celle du Canada, où le sommet se tiendra. Il serait tout de même temps que le Président de la République et le Gouvernement affirment véritablement l’indépendance de la France et que nous ne soyons pas systématiquement à la remorque des États-Unis, que ce soit au sein de l’OTAN, en Afghanistan ou ailleurs !

Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. François Marc applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Loueckhote

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Yvon Collin et des membres du groupe du RDSE a pour objet de taxer les transactions sur devises, afin de freiner la spéculation financière, en grande partie à l’origine de la crise financière.

Il s’agirait de mettre en œuvre à compter de 2011 une taxe de 0, 05 % sur le montant brut des transactions sur devises, au comptant ou à terme.

Le fondement juridique de cette taxation repose sur l’article 235 ter ZD du code général des impôts, qui prévoit déjà une telle taxe, d’un montant maximum de 0, 1 %. Elle n’est cependant jamais entrée en vigueur du fait du quatrième paragraphe de cet article, qui fixe une condition liant son application à la mise en œuvre simultanée d’une taxe équivalente dans les autres États membres de l’Union européenne.

La présente proposition de loi vise donc à supprimer une telle condition.

Comme l’a rappelé Charles Guené, le rapporteur de la commission des finances – je le félicite d’ailleurs pour la qualité de son rapport –, si ce débat est utile, cette proposition de loi est à la fois non concertée, prématurée et mal ciblée.

Exclamations sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Loueckhote

Le groupe UMP partage pleinement cette opinion.

La présente proposition de loi est non concertée, car une telle mesure ne saurait être prise unilatéralement par un seul pays, sans une concertation plus globale. §

Et si cette proposition a le mérite de nourrir le débat, elle paraît également prématurée.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Loueckhote

En effet, comme l’a rappelé M. le rapporteur, toute mesure fiscale ayant des effets sur le solde des comptes publics doit désormais être examinée en loi de finances.

Mais la proposition de loi est également prématurée et mal ciblée, alors même que le principe d’une taxe internationale, non sur les transactions financières, mais sur les institutions bancaires, va être débattu dans trois jours lors du sommet du G20 de Toronto.

Le Président de la République est, encore une fois, à l’initiative de ce projet. Il a entraîné dans son sillage l’Allemagne et le Royaume-Uni, qui ont confirmé hier leur projet d’instaurer avec la France une taxe bancaire assise sur le bilan des banques.

Le groupe UMP soutient cette démarche européenne et espère que la France aboutira à un accord plus global, au plus tard sous la présidence française du G20 en 2011.

La Commission européenne, selon le commissaire Michel Barnier, semblerait, elle, opter également pour des taxes bancaires nationales qui alimenteraient des « fonds de résolution des défaillances bancaires » nationaux, coordonnés au niveau européen et chargés de réduire la probabilité, la gravité et le coût des futures crises.

Madame la secrétaire d’État, lors des questions cribles thématiques sur la crise financière européenne, qui se sont déroulées hier au Sénat, vous avez annoncé que le Gouvernement n’excluait pas une mise en place européenne, quand bien même un accord ne serait pas trouvé à un niveau plus global. Le groupe UMP s’en réjouit.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, notamment l’inopportunité d’une telle proposition de loi, le groupe UMP, comme la commission nous y invite, ne votera pas ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Loueckhote

M. Simon Loueckhote. Pour terminer mon intervention, je souhaiterais évoquer une question plus personnelle : les tarifs prohibitifs des prestations bancaires en Nouvelle-Calédonie.

Exclamations ironiques sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Loueckhote

Faute de cadre juridique, les cinq banques qui se partagent actuellement le marché imposent des prix nettement supérieurs à ceux qui sont pratiqués en métropole par des établissements appartenant au même groupe.

Toutes les opérations de base ne sont pas gratuites, et celles qui sont payantes font l’objet d’un surcoût injustifié, allant de 180 % pour un virement permanent jusqu’à 312 % pour des frais d’opposition.

Une telle situation porte gravement préjudice aux ménages les plus modestes.

Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a souhaité réglementer ces tarifs. Toutefois, le Conseil d’État, sollicité en la matière, s’est prononcé en faveur de la compétence de l’État dans un avis du 10 juin 2010.

C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je vous sollicite aujourd’hui dans l’intérêt de tous les Calédoniens, ces « Français du bout du monde », afin qu’ils bénéficient des dispositions utiles du code monétaire et financier ou encore du décret n° 2007-1611 du 15 novembre 2007 relatif au plafonnement des frais bancaires en cas d’incidents de paiement.

Ces mesures d’extension permettront de mettre un terme aux abus constatés.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

L’article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le III est ainsi rédigé :

« III – Le taux de la taxe est fixé à 0, 05 % à compter du 1er janvier 2011.

« Ce taux est majoré à 0, 1 % lorsque les transactions visées au I ont lieu avec des États classés par l’organisation de coopération et de développement économiques dans la liste des pays s’étant engagés à mettre en place les normes fiscales de transparence et d’échange sans les avoir mises en place, liste annexée au rapport de l’organisation de coopération et de développement économiques sur la progression de l’instauration des standards fiscaux internationaux.

« Ce taux est majoré à 0, 5 % lorsque les transactions visées au I ont lieu avec des États classés par l’organisation de coopération et de développement économiques dans la liste des pays ne s’étant pas engagés à mettre en place les normes fiscales de transparence et d’échange, liste annexée au rapport de l’organisation de coopération et de développement économiques sur la progression de l’instauration des standards fiscaux internationaux.

« Le taux applicable est modifié en loi de finances à chaque publication des listes par l’organisation de coopération et de développement économiques. »

2° Le IV est supprimé.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Comme je l’ai expliqué, la commission n’est pas favorable à cet article. En effet, pour être acceptable, une telle disposition devrait être adoptée au niveau international.

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État

Le Gouvernement partage l’avis de la commission et n’est pas favorable à cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix l'article 1er.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que la commission de même que le Gouvernement se sont prononcés contre.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Monsieur le président, je souhaite expliquer mon vote sur l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mon cher collègue, je ne peux plus vous donner la parole à ce stade.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Je proteste, j’avais levé le bras au moment de l’annonce du scrutin, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je ne vous avais pas vu, monsieur Todeschini. Toutefois, si vous le souhaitez, je vous donnerai la parole pour explication de vote sur l’article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je vous invite à garder votre calme, monsieur Todeschini.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du scrutin n° 330 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Selon des modalités définies par la loi de finances, la moitié du produit de la taxe prévue à l’article 1er est affectée aux établissements publics ou privés qui financent les investissements créateurs d’emplois des entreprises, leurs actions de recherche et d’innovation, ainsi que les domaines de leur activité présentant un intérêt national, et l’autre moitié est affectée au fonds de réserve des retraites.

L’affectation des sommes visées à l’alinéa précédent ne peut être effectuée au profit des entreprises publiques ou privées dans lesquelles un établissement bancaire ou financier est actionnaire, sauf s’il ne dispose pas de minorité de blocage.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La commission émet un avis défavorable sur cet article.

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État

Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Monsieur le président, vous pourriez nous tenir informés à l’avance des demandes de scrutin public…

Je note que le groupe UMP en sollicite sur chaque proposition de loi déposée par les autres groupes. C’est un simulacre de démocratie : le Parlement est complètement bafoué ! C’est la raison pour laquelle je souhaitais m’exprimer avant que l’article 1er ne soit mis aux voix.

Pourquoi les sénateurs du groupe UMP sont-ils incapables d’être présents en séance pour participer à la discussion d’un texte aussi important que celui-ci, qui émane du groupe RDSE ?

En commission des finances, on entend dire en permanence que c’est à l’échelon européen qu’il faut intervenir pour limiter la spéculation financière. Au moment où le Parlement pourrait adresser un signal fort au secteur financier, le groupe UMP n’est pas présent dans l’hémicycle et demande des scrutins publics.

Dès que nous examinons une proposition de loi n’émanant pas de la majorité, c’est le désert total sur les travées de la droite et nous assistons à un simulacre de démocratie, le président de séance allant même – sans vouloir être désagréable vis-à-vis de vous, monsieur le président – jusqu’à ne pas lever la tête pour vérifier si des parlementaires demandent la parole.

Si la droite veut redorer le blason du Parlement, elle doit se montrer un peu plus sérieuse. Les travées de l’UMP devraient être davantage étoffées lorsque des propositions de loi émanant des autres groupes sont examinées. Ainsi, l’unique sénateur présent en séance pour ce groupe ne serait pas contraint de demander sur chaque vote des scrutins publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. Monsieur Todeschini, vous êtes coutumier de l’agressivité !

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J’ai la réputation de présider avec objectivité les séances et de veiller à la bonne entente entre tous. Lorsque je préside, je ne suis pas le président d’une faction ! Vos paroles sont indignes d’un parlementaire !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Marques d’approbation sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Si, lorsque j’ai annoncé que le scrutin était ouvert sur l’article 1er !

Je n’ai pas vu que vous aviez demandé la parole pour explication de vote, si tant est que le fait soit avéré, mais tout le monde peut commettre une erreur. Je ne tolérerai pas que vous m’accusiez d’être partisan ! Je ne l’ai jamais été, car ce n’est pas mon tempérament !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Je ne vous ai pas accusé d’être partisan, j’ai simplement dit que j’avais demandé la parole et que vous ne m’aviez pas vu !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Vous avez affirmé que je vous traitais avec désinvolture. Ce n’est pas ainsi que nous parviendrons à travailler en bonne intelligence.

La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Monsieur Todeschini, si les sénateurs de mon groupe ne sont pas très nombreux dans l’hémicycle – mais je ne suis pas le seul représentant de l’UMP en séance –, c’est qu’une très importante réunion de groupe a été programmée à la dernière minute. Voilà pourquoi nous demandons des scrutins publics. Notre absence ne doit pas être interprétée comme un refus délibéré de discuter cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix l'article 2.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que la commission de même que le Gouvernement se sont prononcés contre.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du scrutin n° 231 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Les conséquences financières résultant pour l’État de cette loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, je vous rappelle que si cet article n’était pas adopté, il n’y aurait pas lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi dans la mesure où les trois articles qui la composent auraient été rejetés.

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le président, j’étais vigilante, car j’avais bien compris qu’une fois le scrutin public sur l’article 3 ouvert je n’aurais plus la possibilité de m’exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je vous remercie d’avoir pris toutes les précautions pour que nous puissions expliquer notre vote.

Le nouveau scrutin public qui aura lieu sur cet article, à la demande du groupe UMP, est dommageable pour ce débat, qui porte sur une question de fond.

Le groupe du RDSE a été fort bien inspiré, avant le G20 de Toronto et après le sommet européen du 17 juin dernier, de faire venir dans sa niche ce très gros chien

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je me suis aperçue en lisant le rapport de M. Guené ainsi qu’en écoutant les différents intervenants et Mme la secrétaire d'État que les choses n’étaient pas claires.

Madame Idrac, hier, lors des questions cribles thématiques sur la crise financière européenne, je vous ai interrogée sur la position de l’Union européenne et des pays les plus allants au sein de l’Union quant à l’introduction, d’une part, d’une taxe bancaire pour prévenir le risque systémique et, d’autre part, d’une taxe sur les transactions financières. Vous m’avez fait une réponse assez confuse. Je cite le compte rendu analytique du 22 juin : « La France et l’Allemagne plaideront en faveur d’un prélèvement sur les institutions financières et pour une taxe sur les flux. »

Je vous ai également questionnée sur ce que ferait le Gouvernement si rien n’était décidé à Toronto. Vous ne m’avez pas répondu.

Or, dans la soirée, en écoutant les informations à la radio, je me suis aperçue que l’administration de Bercy, à laquelle vous appartenez, madame la secrétaire d'État, avait fait paraître un communiqué sur ce sujet à peu près à l’heure où nous étions dans l’hémicycle…

À seize heures cinquante-six, la séance de questions cribles thématiques ayant commencé à dix-sept heures, une première alerte de l’AFP indiquait que, selon Bercy, « la France inscrira une taxe sur les banques dans son budget 2011 ». À dix-sept heures douze une nouvelle dépêche de l’AFP signalait que « la France inscrira une taxe sur les banques […] Bercy rappelle que les gouvernements français, britannique et allemand […] “proposent l’instauration de prélèvements sur les banques, assis sur leur bilan” ».

J’avais bien pris le soin de préciser hier, madame la secrétaire d'État, que la Grande-Bretagne avait inscrit cette taxe dans son budget, mais vous n’avez pas répondu à mes interrogations. Au moment où des procédures nouvelles permettent aux parlementaires d’interpeller le Gouvernement, force est de constater que la presse compte plus que nous : ce n’est pas normal eu égard aux droits du Parlement !

Par ailleurs, dans son rapport, Charles Guené justifie le rejet de cette proposition de loi en affirmant que la France ne saurait agir de manière unilatérale. Mme la secrétaire d’État nous a donné la même explication.

Mais que nous direz-vous, demain, si le Président de la République demande au sommet de Toronto l’instauration d’une taxe sur les flux financiers, dont nous savons qu’elle est complexe à mettre en œuvre ? Peut-être même est-ce la raison pour laquelle le groupe UMP tient une réunion en urgence au moment où nous discutons de la proposition de loi du groupe RDSE, comme nous en a informé notre collègue Robert del Picchia ?

Monsieur le rapporteur, vous indiquez également que cette proposition de loi est inutile, puisque nous avons déjà adopté, dans la loi de finances rectificative pour 2009, un dispositif formidable pour lutter contre les flux financiers orientés vers les paradis fiscaux, avec des sanctions à la clé. Mais nous aurons l’occasion de nous pencher sur la réalité pendant la session extraordinaire, lors de l’examen, en commission des finances, puis le 12 ou le 13 juillet en séance publique, de douze conventions fiscales.

Le Gouvernement s’était engagé à rendre compte régulièrement à la commission des finances du travail engagé : depuis lors, ni l’actuel ministre du budget ni son prédécesseur ne sont venus nous présenter les progrès enregistrés.

Par ailleurs, nous avons appris que la liste de dix-huit États non coopératifs était passée à quatorze et que la France avait sa propre liste, reprenant les critères de l’OCDE, avec la liste noire, la liste grise et la liste blanche, et j’en passe ! Nous y reviendrons, mais vous ne pouvez pas continuer à affirmer que le dispositif de la loi de finances rectificative permet de sanctionner de manière non équivoque les paradis fiscaux : nous vous démontrerons que c’est faux, au moins à l’heure actuelle. Cet argument ne saurait donc être invoqué pour justifier le rejet de la proposition de loi de nos collègues du groupe RDSE.

Enfin, monsieur le rapporteur, vous faites référence, dans votre rapport écrit, à la position que je défendais en 2001. Vous avez parfaitement raison : en 2001, je n’étais pas favorable à une taxe sur les transactions financières. Mais nous sommes en 2010 et la crise systémique qui est encore loin d’avoir fait sentir tous ses effets, y compris dans les domaines bancaire et financier, a profondément transformé la situation. Je vous demanderai donc d’en tenir compte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Personnellement, je peux accepter les explications de nos collègues du groupe UMP, encore qu’ils soient assez nombreux pour déléguer une douzaine d’entre eux en séance publique, sans que leur réunion de groupe ait à en souffrir. Je les inviterai cependant à faire preuve d’une prudence extrême quant à ces pratiques.

Tout d’abord, notre proposition de loi était un signe fort, au moment où le Président de la République a lui-même déclaré qu’il défendrait cette idée. Nous verrons ce qu’il en est après le sommet de Toronto !

Ensuite, bien que nous soyons un petit groupe, M. le président a très aimablement observé que nous étions aujourd’hui quasiment majoritaires dans l’hémicycle : c’est tellement rare que cela mérite d’être souligné ! Mais si l’on veut jouer à ce petit jeu, je rappelle que nous devons commencer, la semaine prochaine, l’examen en deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Personnellement, je serai présent dès le lundi.

Nous aussi ! sur plusieurs travées.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Si des demandes de scrutin public sont formulées sur tous les articles et sur tous les amendements, comme le règlement le permet, nous verrons bien qui se fatiguera le premier !

Je vous inviterai donc très aimablement, monsieur le président, avec la courtoisie qu’il convient de respecter dans cette enceinte, à faire respecter les droits des minorités, surtout lorsqu’elles défendent des idées qui ne sont pas absolument stupides !

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

M. Robert del Picchia. Mes chers collègues, je l’ai déjà expliqué, mais je tiens à le répéter, l’absence de notre groupe n’est pas volontaire…

Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Mais je suis d’accord avec vous, monsieur Fortassin. Croyez-moi, il n’y aura pas de demande de scrutin public sur tous les amendements la semaine prochaine…

Exclamations et rires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

N’allez pas donner de telles idées à M. Fortassin, il n’a fait qu’émettre une hypothèse !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Le scrutin public est une possibilité ouverte par le règlement, que vous faites très bien respecter, monsieur le président, et je vous en félicite. Si vous voulez utiliser cette possibilité, mes chers collègues, nous ne pouvons pas vous en empêcher, mais nous serons présents pour voter.

Je répète donc que cette absence n’était pas intentionnelle et restera tout à fait exceptionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Tout d’abord, je voudrais dire, à l’intention de Mme Beaufils, que je ne suis pas tétanisé à l’idée d’avoir défendu une position libérale, bien que je ne caractérise pas ainsi mon engagement !

Je voudrais surtout dire à nos collègues du groupe RDSE que nous apprécions pleinement leur proposition de loi qui arrive à point nommé, comme cela a été dit : elle nous a permis de tenir un débat important, à un moment important. Très sincèrement, je suis aussi navré qu’eux de l’empêchement de mes collègues du groupe UMP, mais leur absence ne doit pas être interprétée comme révélant une hiérarchie de leurs priorités.

Avant tout, cette proposition de loi n’est pas le véhicule approprié pour répondre aux problèmes de l’heure, dans la mesure où la taxe Tobin date, comme l’a rappelé Mme Bricq : j’espère qu’elle me pardonnera d’avoir fait référence à des propos d’une autre époque, mais ce rappel permettait donc de mettre en exergue l’inadaptation de cette proposition de loi, car la taxe Tobin ne répond pas au type de problèmes que nous devons résoudre.

Aujourd’hui, nous poursuivons une double démarche. D’une part, nous proposons de taxer les transactions financières, mais le champ défini ne correspond pas à celui prévu pour la taxe Tobin, avec un taux de prélèvement assez bas, de façon à ne pas contraindre le fonctionnement bancaire – bien sûr, l’affectation des recettes que nous préconisons diffère également. D’autre part, une taxe sur les établissements bancaires est prévue et elle portera sur les éléments de risque inclus dans leur bilan, la différence est donc notable. Pour toutes ces raisons, nous estimons nécessaire d’attendre.

La question de Mme Bricq appelle une réponse très claire : s’il s’avérait qu’un accord international soit impossible à Toronto, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France appliqueraient la taxe, du moins selon les éléments dont nous disposons.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Apparemment, Mme la secrétaire d’État ne disposait pas de ces informations hier !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Il paraît opportun d’attendre les conclusions de ce rendez-vous international, plutôt que d’avancer tout de suite une proposition dont on ignore si elle sera acceptée par l’ensemble des autres pays. Telles sont les précisions que je voulais ajouter.

Notre discussion s’est avérée d’un très grand intérêt et je ne suis pas le seul à le penser. Beaucoup de nos collègues étaient également intéressés par ce débat et je suis sûr qu’ils regrettent de ne pas avoir pu y participer.

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État

Je voudrais également rappeler, après M. le rapporteur, l’intérêt du Gouvernement pour cette proposition de loi, pour les idées avancées et pour le débat qui vient d’avoir lieu. En effet, mêmes si certains veulent se livrer à la caricature, nous partageons les mêmes objectifs.

La discussion qui a lieu entre nous porte tout d’abord sur le calendrier. Le Gouvernement pense qu’il est important de coordonner notre démarche avec le G20 et les travaux sur les recherches de financements innovants pour le développement, le tout dans la perspective de la présidence française du G20.

Ensuite, le Gouvernement et la majorité estiment qu’il est essentiel de traiter cette affaire au niveau international. Je rappelle que nous avons pu le faire très rapidement pour la taxe sur les billets d’avion…

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État

La coopération internationale est encore plus nécessaire pour cette taxation sur les transactions financières, en raison de la volatilité et du caractère international des assiettes, beaucoup plus importants que dans le cas des billets d’avions dont, somme toute, l’achat est bien localisable – c’était encore plus vrai à l’époque où cette taxation a été imposée.

Nous travaillons donc tous dans le même objectif et c’est le principal enseignement qui doit être retenu de ce débat.

À la différence de la taxation des transactions, la taxation des banques à laquelle Mme Bricq vient de faire à nouveau allusion, montre qu’il est difficile de travailler simultanément aux trois niveaux de l’architecture : au niveau international, nous devons faire preuve de la plus grande force de conviction possible – dans ce domaine, la capacité de conviction du Président de la République est particulièrement forte vis-à-vis du plus grand nombre de nos partenaires – ; au niveau communautaire, il ne s’agit plus seulement de convaincre mais d’agir et nous sommes très fortement impliqués, notre action aboutissant à un certain nombre de propositions de règlements et de directives que j’ai évoquées tout à l’heure ; enfin, au niveau national, nous pouvons décider.

Nous proposons donc au niveau international, nous proposons et nous agissons au niveau communautaire, en obtenant notamment l’accord de deux de nos partenaires, et non des moindres, le Royaume-Uni et l’Allemagne…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ils n’interviendront pas au niveau communautaire, mais au niveau national !

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État

Enfin, comme vous le savez, au niveau national, nous prendrons des décisions dès la prochaine loi de finances : je ne doute pas que le vote sera largement acquis sur l’ensemble des travées de cette assemblée.

Pour conclure, ce débat a permis de bien distinguer les différents enjeux : d’une part, ceux qui concourent à la stabilisation, à la régulation financière et à la lutte contre la spéculation et, d’autre part, ceux qui touchent au financement du développement et de la lutte contre le changement climatique. Vous avez compris que le Gouvernement est engagé sur ces deux terrains, celui de la lutte contre la spéculation comme celui de la lutte pour le développement. Je vous remercie d’avoir contribué, par ce débat, à alimenter notre volonté d’agir sur ces deux plans.

M. Robert del Picchia applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais à mon tour me réjouir de la qualité du débat qui vient d’avoir lieu et saluer l’auteur de cette proposition de loi qui a mis en difficulté la commission des finances. En effet, il a fallu tout le talent de Charles Guené pour rapporter la position de la commission.

L’orientation que cette proposition de loi nous invite à prendre est clairement reconnue comme une nécessité par la plupart d’entre nous. Mais nous sommes également très conscients que, si nous étions les seuls à mettre en œuvre ces dispositions, ici, en France, cela pourrait nuire quelque peu à nos intérêts, au moins momentanément, au sein de ce qu’on appelle la place de Paris, et avoir notamment un impact négatif sur l’emploi.

Telle est la problématique soulevée par ce débat.

Il ne s’agit en aucun cas d’une nouveauté, puisque nous avons déjà introduit dans le code général des impôts des dispositions de ce genre, assorties d’une condition suspensive, laquelle, jusqu’à présent, n’a jamais été remplie. Nous avons convenu que, le jour où ces dispositions seraient appliquées dans le monde entier, elles le seraient également en France, le législateur et le gouvernement de l’époque ayant bien conscience de l’impossibilité d’instituer de telles mesures sans qu’elles revêtent un caractère mondial ou, pour le moins, européen.

La mission de notre rapporteur était donc bien délicate.

La logique qui préside à la discussion de ces propositions de loi émanant des groupes, telle qu’elle est prévue depuis la révision de la Constitution par le nouveau règlement du Sénat, est que chaque groupe puisse disposer d’un temps pour soumettre à l’assemblée des propositions qu’il souhaite mettre en débat. Voilà qui est fait !

Cela étant dit, je reconnais que nous avons sans doute encore quelques marges de progression pour que l’hémicycle soit, par le nombre de présents, vraiment représentatif de la diversité des courants d’opinion.

C’est toujours une immense frustration pour l’auteur d’un amendement ou d’une proposition de loi…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… et pour le rapporteur, naturellement, que de s’évertuer à convaincre dans le débat, en espérant emporter l’adhésion d’une majorité de présents, et de s’entendre dire, au moment où il espère la reconnaissance de ses positions, que ce sont les absents qui vont voter.

Je pense que nous devrons, un jour, avoir le courage de statuer sur cette question, ce qui d’ailleurs incitera peut-être au « présentéisme »… C’est une proposition que je soumets au débat : il me semble que l’exercice de nos prérogatives devrait nous conduire à restreindre le recours au scrutin public. Celui-ci est certes bien commode pour le Gouvernement, mais il ne faut pas que son utilisation laisse supposer, comme je l’ai déjà entendu dire, que les minorités seraient brimées au Sénat.

Je n’ai pas connaissance qu’il y ait de groupe majoritaire ici, notre Haute Assemblée étant, en quelque sorte, le sanctuaire de la diversité. Que cela soit bien clair !

Sur le fond, je voudrais rappeler au Gouvernement que la commission des finances du Sénat a fait une proposition tendant à instituer une redevance systémique à la charge des banques et des compagnies d’assurance. À l’occasion de l’institution d’une telle redevance, nous pourrions peut-être abroger la taxe sur les salaires, qui constitue un véritable impôt de délocalisation vers Londres, Luxembourg et d’autres places financières européennes ou exotiques.

Nous pourrions, dans un premier temps, retenir cette mesure, la crise ayant démontré, une fois encore, que l’État devient l’assureur systémique lorsque survient une crise de confiance. Or tout assureur est fondé à prélever une redevance en contrepartie de la sécurité qu’il apporte aux différents acteurs concernés.

J’espère donc, madame la secrétaire d’État, que nous aurons bientôt l’occasion de recevoir le rapport que le Gouvernement a pris l’engagement de nous présenter à ce sujet.

J’espère également que le sommet de Toronto permettra d’aller vers des mesures concrètes. Le G20 fonctionne depuis maintenant dix-huit mois… Nous nous rapprochons certainement du concret et de l’action. C’est en tout cas le souhait que je formule !

Je voudrais également signaler que vingt-quatre députés et sénateurs se réunissent depuis dix-huit mois. À la veille de chaque rencontre du G20, ils remettent au Président de la République une note d’observations et de suggestions pour tenter de prévenir ces risques qui ont mis en danger l’économie mondiale et dont nous subissons encore tous les effets.

Enfin, je dirai à Mme Bricq que la commission des finances, dont elle est membre et aux travaux de laquelle elle prend une part très active, se préoccupe des espaces non coopératifs.

Ainsi, pendant pratiquement une journée – le 23 mars 2010 –, nous avons entendu successivement les représentants de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, de la direction de la législation fiscale, la DLF, et du ministère des affaires étrangères au sujet, précisément, des conventions fiscales internationales. Nous examinons ces conventions avec un œil peut-être parfois trop distant, alors que chacune d’entre elles peut avoir des conséquences tout à fait considérables.

La chasse aux paradis fiscaux est ouverte, mais il reste à démontrer que la communauté internationale a pris la mesure de ce combat et qu’elle a les moyens de rendre cette lutte efficace.

Telles sont les quelques observations que je souhaitais formuler, tout en remerciant Yvon Collin d’avoir présenté cette proposition de loi.

Nous pourrions imaginer que le produit de la taxe envisagée vienne assurer le financement de l’aide au développement. Mais, madame la secrétaire d’État, nous avons entendu votre collègue responsable de l’aide au développement, il y a quelques semaines, et nous avons perçu le côté un peu pathétique de notre pays qui se donne comme objectif de consacrer 0, 7 % du produit intérieur brut à l’aide au développement, alors que nous aurons bien du mal à boucler le projet de loi de finances pour 2011…

Le temps est peut-être venu de mettre en adéquation les ambitions qui nous animent et les moyens dont nous disposons.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix l'article 3.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du scrutin n° 232 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Les trois articles de la proposition de loi ayant été successivement repoussés, je constate qu’il n’y a pas lieu de voter sur l’ensemble.

La proposition de loi est rejetée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues du groupe RDSE (proposition n° 422 rectifié (2008-2009), rapport n° 533).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Michel Baylet, coauteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

dans le cadre de son ordre du jour réservé, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen propose aujourd’hui de rétablir une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen.

Ainsi notre proposition de loi n’a-t-elle d’autre objet que de revenir à l’état du droit antérieur à la loi du 11 avril 2003, dont les dispositions n’ont pu atteindre, s’agissant de l’élection au Parlement européen, les objectifs que s’était fixés le Gouvernement, alors dirigé par notre collègue Jean-Pierre Raffarin.

Quasiment un an jour pour jour après la tenue du dernier scrutin, nous disposons désormais d’un recul suffisant pour dresser un bilan objectif des deux dernières élections au Parlement européen, celles de 2 009 et celles de 2004.

La loi de 2003, qui concernait le mode de scrutin aux élections régionales avait suscité un tel enthousiasme jusque sur les travées de la majorité que le Gouvernement avait cru utile de la faire adopter à l’Assemblée nationale en usant de la procédure de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution – pourvu que ce ne soit pas prémonitoire pour les scrutins dont nous allons débattre bientôt ! – preuve, s’il en fallait, de l’atmosphère très consensuelle qui avait présidé aux débats de l’époque !

Alors Premier ministre, Lionel Jospin avait formulé une proposition identique à la loi aujourd’hui en vigueur. Plus respectueux de l’avis des parlementaires et des chefs de partis qu’il avait consultés, il eut le mérite de tenir compte du pluralisme et d’entendre sa majorité en retirant un texte qui ne faisait pas consensus. Vous devriez vous inspirer de cet exemple, monsieur le secrétaire d'État…

Les radicaux de gauche, qui se sont opposés à cette réforme à toutes périodes, n’avaient pas manqué de saluer ce geste d’ouverture d’esprit.

Les représentants français au Parlement européen ont été élus dans le cadre d’une circonscription unique formée par le territoire de la République de 1979, date de la première élection européenne au suffrage universel direct, à 1999, scrutin marqué par la défaite historique de ce qui forme aujourd’hui la majorité et qui était alors l’opposition.

Comme il est un fait historiquement avéré que les élections européennes sont toujours difficiles pour les majorités en place, on comprend mieux les motifs qui ont conduit en 2003 le Gouvernement à tenter de diluer l’enjeu national de ce scrutin dans huit circonscriptions interrégionales qui devaient représenter autant d’enjeux territorialisés.

À cet égard, le scrutin de 2009 me semble devoir être interprété avec prudence, tant ses résultats peuvent apparaître en trompe-l’œil aux observateurs les moins attentifs. La territorialisation du scrutin a permis de modifier la répartition des sièges au regard de ce qu’elle aurait été avant 2003. S’il est incontestable que la majorité est bien arrivée en tête dans l’ensemble des huit circonscriptions, l’addition des scores des listes qui ne se reconnaissent pas en elle place ces dernières largement devant.

Ainsi, au niveau national, ce sont près de 72 % des suffrages qui ont exprimé leur opposition aux listes de la majorité lors de cette consultation électorale. En appliquant ce même résultat, avec les réserves qui s’imposent, à un scrutin tenu dans une circonscription unique, la répartition des sièges aurait naturellement été tout autre.

En 2003, le ministre de l’intérieur, devenu depuis, comme chacun sait, le locataire de l’Élysée, nous expliquait à cette même tribune, dans un émouvant élan de sincérité, qu’il était devenu indispensable de changer le mode de scrutin de l’élection au Parlement européen car – je le cite – avec « un peu moins de débats intellectuels et plus d’ancrage territorial, les décisions du Parlement européen n’en seront que plus respectées et écoutées ».

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Vous me l’accorderez, une telle sentence ne cesse encore aujourd’hui de nous amuser ! Il suffit, pour s’en convaincre, d’interroger nos concitoyens sur le lien qu’ils entretiennent avec leurs députés européens : il est si ténu que peu d’entre eux connaissent leurs noms.

L’air du temps étant déjà celui de la demande de proximité, il fallait donc, nous disait-on, rapprocher les députés européens de leurs électeurs. Le projet de loi de 2003 constatait ainsi que le lien entre l’électeur et l’élu se trouvait excessivement distendu. Si la représentation équitable du corps électoral dans sa diversité politique était assurée, les élus ne pouvaient, toujours selon le même fameux ministre, échapper à l’anonymat des listes nationales. Le fait qu’ils ne soient pas clairement identifiés par leurs électeurs contribuait ainsi à alimenter l’abstention.

Observons le résultat sept ans et deux scrutins plus tard. La création des circonscriptions interrégionales n’a répondu à aucune logique objective. Ces « euro-régions » ne correspondent d’ailleurs à aucun bassin de vie, aucune solidarité territoriale, aucun projet commun de développement, aucune logique d’aménagement, aucune réalité historique, sociologique ou géographique.

En clair, elles ne correspondent à rien, à part, peut-être pour l’Île-de-France, qui est la seule région à n’avoir fusionné avec aucune autre.

J’attire, de plus, votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la loi de 2003 est venue priver de droit de vote nos compatriotes vivant à l’étranger, eux qui pouvaient auparavant voter dans les consulats. Sauf à conserver un lien avec une personne pour voter par procuration et à demeurer inscrit sur les listes électorales d’une commune où il ne réside plus, l’expatrié n’existe donc plus s’agissant de la désignation de nos représentants au Parlement européen. Bel exemple de démocratie alors que les Français de l’étranger vont bénéficier de représentants à l’Assemblée nationale ! Vous le savez d’autant mieux, monsieur le secrétaire d'État, que vous n’y êtes pas pour rien… Mais nous ne sommes plus à une contradiction près avec ce mode de scrutin ubuesque !

Je vous rappelle aussi, mes chers collègues, que la désignation de représentants français au Parlement européen obéit uniquement à une logique de représentation de la nation tout entière, et non d’une représentation particularisée. Elle participe simplement de la nature juridique particulière de l’Union européenne, laquelle exige que le peuple de chaque État membre, et non de chaque territoire, soit représenté en tant que tel à Strasbourg. Par conséquent, nos représentants au Parlement européen représentent la France et le peuple français et certainement pas la grande région française nord ouest, est ou sud-ouest.

De plus, l’élection des députés européens n’a pas pour objet de dégager une majorité de Gouvernement. Au demeurant, le Parlement européen n’incarne pas une souveraineté de même nature que les Parlements nationaux : il n’est – hélas ! – pas la source suprême de légitimité des normes européennes, ni l’autorité de contrôle des autres institutions qu’il devrait être.

Et c’est bien pour ces raisons que le mode d’élection est entièrement laissé à la discrétion des États membres, quand bien même le Parlement européen a pu formuler en 1999, puis en 2002, des recommandations pour les États de plus de 20 millions d’habitants. Mais il ne s’agit, précisément, que de recommandations : chacun doit conserver son autonomie de décision dans les limites fixées pour garantir le caractère démocratique du vote !

Parmi les cinq autres États organisant un scrutin par circonscription – Royaume-Uni, Italie, Irlande, Pologne et Belgique – aucun n’a choisi un découpage aussi déconnecté des réalités que la France. La Belgique, qui n’est pourtant pas sans connaître quelques difficultés, a calqué son découpage sur ses communautés linguistiques, la Pologne et l’Irlande sur leurs régions. Quant au Royaume-Uni et à l’Italie, ils ont opté pour un système qui assure un bien meilleur équilibre des représentations entre circonscriptions, là où le système français brille par son caractère artificiel. Vous noterez d’ailleurs que ni l’Allemagne, pourtant État fédéral, ni la Roumanie, ni les Pays-Bas, ni l’Espagne, celle-ci pour des raisons tenant à son régionalisme prononcé, n’ont opté pour un système de circonscriptions multiples.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

L’Espagne n’est pas vraiment un tout petit pays…

En tout état de cause, la loi de 2003 a produit l’effet absurde de vouloir présenter la campagne des élections européennes comme l’addition de huit campagnes régionales, avec chacune sa propre spécificité, qui appellerait une déconnexion des enjeux nationaux.

Certes, la décentralisation de la campagne européenne est sans doute bien commode pour la majorité, au moment où cette dernière n’est pas en pleine forme, au moment où la plus grande partie de nos concitoyens rejette avec force la politique qu’elle mène. Elle évite à son chef d’avoir à s’impliquer personnellement en s’abritant derrière la pluralité des scrutins. Mais cela ne dupe personne quant à l’artifice employé étant donné l’incohérence du découpage. Et la représentation de la diversité géographique de notre pays n’a pas attendu la création des circonscriptions interrégionales pour être une réalité.

En effet, les partis politiques ont toujours pris soin de constituer des listes qui prenaient en compte l’ensemble du territoire de la République, en y faisant figurer des candidats de toutes origines géographiques. Ce savant dosage était peut-être complexe, mais il était une réalité.

Mieux, la constitution d’une liste unique évitait de recourir aux parachutages massifs tels qu’ils ont été pratiqués aux dernières élections européennes pour ménager la susceptibilité des uns et des autres ou recaser tel ou tel ami à tel ou tel endroit…

Or, aujourd’hui, le faible nombre de sièges de certaines circonscriptions a considérablement diminué les places éligibles, conduisant à des tractations attentatoires à la transparence vis-à-vis des électeurs.

Enfin, les élus européens, je le rappelle, siègent ausein de groupes politiques transnationaux. Ils ont donc vocation à représenter des sensibilités qui forgent leurs convictions sur des préoccupations d’ordre national et non régional.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Autre argument porté aux nues par le ministre de l’intérieur en 2003 : faire reculer l’abstention.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Tous dans cet hémicycle, nous sommes conscients de cette nécessité. Mais nous savons aussi que nos concitoyens nourrissent une défiance croissante à l’encontre des politiques, sentiment sans doute alimenté, en ces temps, par l’incapacité des pouvoirs publics à répondre à leurs légitimes aspirations.

Oui, l’abstention est un fléau qui illustre la perte de crédibilité de tout ce qui se rapporte aux institutions. Seules l’élection présidentielle et les élections municipales mobilisent la passion de nos compatriotes pour la chose publique, pour des raisons différentes et que nous connaissons tous.

Or, depuis 1979, l’abstention n’a cessé de progresser aux élections européennes, passant de 38, 3 % à l’époque à 59, 35 % en 2009, et ce malgré le léger soubresaut de 1994, soubresaut que j’attribue à la présence d’une liste radicale de gauche

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

En tout cas, loin de répondre aux attentes empressées du Gouvernement de 2003, le changement de mode de scrutin n’a pas eu les effets escomptés. Je conviens qu’il faut interpréter ces chiffres à l’aune de la progression générale de l’abstention sur la même période. Mais que l’on ne tente pas de nous faire croire que revenir à une circonscription unique serait encore pire ! Cet argument ne tient pas, et c’est l’inverse qui est vrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Les électeurs ont besoin de se reconnaître et de s’identifier dans une liste menée par une personnalité politique d’envergure et de dimension nationale ou même européenne. Car l’Europe souffre d’un déficit d’image chronique chez nos compatriotes.

La complexité de ses institutions et de ses processus de décision explique en grande partie que l’Union européenne demeure cet « objet politique non identifié » dont parlait déjà Jacques Delors en 1987, et le simplisme de ses contempteurs conduit souvent à caricaturer les effets de ses décisions.

Je reconnais bien volontiers que le traité de Lisbonne n’a pas su insuffler la transformation institutionnelle majeure dont l’Europe a besoin, ou encore que les questions sociales sont trop souvent ignorées, mais l’Union européenne ne mérite pas les caricatures, voire le mépris dont elle fait aujourd’hui l’objet.

Il y a, la concernant, un fort besoin de pédagogie, et aussi de représentants à la hauteur des enjeux, des représentants légitimés par une forte participation des électeurs.

Enfin, le mode de scrutin actuel nous fut également présenté comme une garantie de l’expression du pluralisme des suffrages. Notre rapporteur a d’ailleurs mis en avant la décision du 3 avril 2003 dans laquelle le Conseil constitutionnel relevait que la conciliation entre « la recherche d’une plus grande proximité entre les électeurs et leurs élus » et « la représentation des divers courants d’idées et d’opinons » auxquelles tendait la loi ne contrevenait à aucun principe constitutionnel.

Certes, les apparences ont été sauvées puisque, en effet, rien n’empêche matériellement tel parti de présenter des listes dans l’une ou l’autre des circonscriptions. La loi de 2003 a même eu le mérite de supprimer le cautionnement et d’abaisser à 3 % le seuil requis pour obtenir le remboursement des dépenses de campagne et des frais de propagande officielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Cependant, ces considérations n’enlèvent rien au fait que ce mode de scrutin favorise mécaniquement les plus grandes formations politiques, qui disposent des moyens matériels et humains pour mener campagne de front dans l’ensemble des circonscriptions interrégionales.

Les formations moins importantes ne disposent pas de ces moyens, et, même s’il est possible de présenter une liste dans une seule circonscription, cette possibilité ne revêt aucun sens, en tout cas aucun sens politique, dès lors que, comme je l’ai déjà dit, l’élection européenne comporte un enjeu national puisqu’y sont exprimées des prises de position de politique nationale.

En tout état de cause, le mode de scrutin actuel dénote une réelle différence de traitement entre formations politiques, ce qui constitue une atteinte à l’expression du pluralisme des suffrages, élément fondamental de la démocratie.

Il est attentatoire aux principes de la République de contraindre ainsi des formations politiques à renoncer purement et simplement à présenter des listes du seul fait de l’éparpillement des circonscriptions électorales.

Ne nous y trompons pas : l’enjeu des élections européennes est bien différent de celui des élections législatives et des élections régionales, qui n’ont pas la même finalité. L’enjeu est ici d’assurer au Parlement européen la représentation du pluralisme des expressions qui concourent au débat et à la richesse de la vie politique française.

Or le mode de scrutin actuel encourage au contraire, pour les raisons que je viens d’évoquer, une opposition purement binaire qui occulte ceux qui ne se reconnaissent pas dans le système bipartisan, que d’aucuns souhaiteraient imposer de manière définitive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Est-il normal que les deux partis arrivés en tête l’année dernière au niveau national, qui ont recueilli 44 % des voix, aient obtenu dans le même temps quarante-trois des soixante-douze sièges attribués à la France, soit 60 % des sièges ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Est-il sain que 56 % des électeurs qui se sont exprimés ne soient représentés que par 40 % des sièges ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Naturellement, la réponse est à chaque fois non.

Le rétablissement d’une circonscription unique permettra précisément de ne plus engendrer de telles distorsions de représentation et n’en sera donc que mieux compris et accepté par nos compatriotes.

Mes chers collègues, les auteurs de la présente proposition de loi vous demandent d’approuver ce texte au nom d’un impératif démocratique : redonner aux élections européennes la place qui doit être la leur, c’est-à-dire les replacer au niveau des enjeux européens.

La crise globale que traversent aujourd’hui nos économies mondialisées nous enseigne chaque jour davantage que nous avons besoin d’une Europe plus forte et plus solidaire. C’est cette Europe qu’appellent de leurs vœux les radicaux de gauche.

Et, pour y parvenir, l’accès au suffrage de tous nos compatriotes est essentiel : il faut donner à nos représentants à Strasbourg l’image la plus fidèle possible du pluralisme politique qui fait la force de notre République.

Il y va, mes chers collègues, de notre responsabilité de parlementaires nationaux.

Enfin, je n’ose croire que l’on nous opposera l’argument tenant au risque qu’il y aurait à changer une nouvelle fois de mode de scrutin. Cela n’aurait aucun sens en cette période marquée par des débats qui assombrissent l’avenir de nos collectivités territoriales…

En conséquence, mes chers collègues, au nom de mes collègues du RDSE, je vous demande d’approuver cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre assemblée est appelée à examiner la proposition de loi déposée par notre collègue Yvon Collin et plusieurs de ses collègues du RDSE, qui vise à rétablir une circonscription unique pour l’élection des représentants de la France au Parlement européen.

Comme vous le savez, la mise en place de plusieurs circonscriptions a été approuvée par le législateur à l’occasion de la loi du 11 avril 2003, qui a créé les huit « euro-régions » dans le cadre desquelles nos concitoyens s’expriment depuis les élections européennes de juin 2004.

La présente proposition de loi prévoit de supprimer ce système et de revenir à l’état du droit antérieur à la loi de 2003.

Les enjeux sont donc simples : il s’agit soit de rétablir le système qu’a pratiqué la France entre 1979 et 1999 ; soit de conserver le mode de scrutin actuel, que le Parlement a institué en 2003 et qui avait d’ailleurs été soutenu par notre commission des lois, sous l’égide de notre excellent collègue Patrice Gélard.

Les termes du débat étant posés, j’annonce d’emblée que la commission des lois vous invite, mes chers collègues, à ne pas donner suite à cette proposition de loi déposée par nos collègues du RDSE, et cela au regard de trois constats.

D’abord, le système actuel est absolument conforme aux normes européennes.

Ensuite, les défauts de la circonscription unique sont nombreux et parfaitement identifiés.

Enfin, la mise en place de plusieurs circonscriptions a eu des effets très bénéfiques sur la représentation française au Parlement européen.

Tout d’abord, il importe de souligner que le mode de scrutin pour les élections européennes est très largement déterminé par l’Europe elle-même, et plus précisément par l’acte du 20 septembre 1976 portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct.

Cet acte fixe en effet un certain nombre de « principes communs » que chaque État membre doit respecter. Plus en détail, il prévoit notamment que les députés européens sont désignés selon un scrutin de liste de type proportionnel et qu’un seuil minimal pour l’attribution de sièges peut être fixé tant qu’il reste inférieur à 5 % des suffrages exprimés.

Naturellement, le mode de scrutin retenu par la France, tel qu’il résulte de la loi du 7 juillet 1977, respecte parfaitement ces prescriptions.

Surtout, il faut noter que l’acte de 1976 permet à chaque État membre de constituer des circonscriptions en son sein, sous réserve que ce système ne porte pas « globalement atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin ». En d’autres termes, les États membres peuvent créer des circonscriptions dès lors que celles-ci sont assez larges pour avoir un nombre significatif de représentants et, en conséquence, pour permettre à toutes les sensibilités politiques nationales de s’exprimer.

Là encore, je ne peux que constater que les circonscriptions interrégionales mises en place en 2003 remplissent cette condition, puisque la plupart d’entre elles envoient une dizaine d’élus au Parlement européen.

Mme Jacqueline Gouraud proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Le premier constat est donc que le mode de scrutin français est totalement conforme aux normes de l’Union.

Deuxième constat, le rétablissement d’une circonscription unique serait un choix qui pourrait se révéler dangereux, puisque ce système s’exposerait aux mêmes critiques et aurait les mêmes effets pervers que le mode de scrutin auquel nous avons renoncé en 2003.

La circonscription unique avait trois défauts principaux.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Premièrement, elle instaurait incontestablement une distance entre le député européen et ses électeurs, puisque, avec un scrutin proportionnel de liste à l’échelle nationale, seule la tête de liste était connue, au détriment de ses colistiers, qui, la plupart du temps, ne faisaient même pas campagne.

Deuxièmement, elle « nationalisait » les élections européennes, qu’elle transformait en un référendum sur la politique du gouvernement en place.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Troisièmement, en empêchant les candidats de faire campagne sur des thèmes locaux ou sur des questions de proximité, elle donnait aux problématiques européennes un caractère plus abstrait et en tout cas plus lointain.

Ces défaillances, qui avaient fondé l’abandon de la circonscription unique, ne manqueront pas de se répéter si nous la rétablissons. Or, il ne serait pas judicieux de revenir à un système dont nous connaissons par le menu l’ensemble des défauts.

Enfin, la mise en place de circonscriptions multiples, outre qu’elle garantit la démocratie, est aussi un gage d’efficacité pour notre propre représentation au Parlement européen.

Quant aux arguments mis en avant par les auteurs de la proposition de loi, ils ne me paraissent pas tellement valables.

Je comprends, certes, leur diagnostic sévère sur la loi du 11 avril 2003. Force est en effet de constater qu’elle n’a pas rempli toutes les attentes du législateur, qui espérait, en territorialisant les élections européennes, populariser ces élections et faire chuter le taux d’abstention, lequel se maintient autour de 50 % depuis de nombreuses années et en particulier depuis les années quatre-vingt, quel que soit d’ailleurs le mode d’élection.

Je comprends aussi leur souci de valoriser le pluralisme : ils jugent que la mise en place de plusieurs circonscriptions a limité la faculté des petites formations politiques de faire élire leurs candidats. Lors de son audition, M. Yvon Collin m’a ainsi indiqué que, depuis 2003, les petits partis avaient des difficultés à constituer des listes complètes et qu’ils ne parvenaient plus à conclure des accords électoraux avec les grands partis. Voilà, en réalité, le fond du problème !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je comprends, enfin, l’argument selon lequel les représentants de la France au Parlement européen doivent représenter l’ensemble de la nation, et donc être élus dans un cadre strictement national.

Pour autant, je ne peux souscrire à ce raisonnement.

Tout d’abord, j’admets que la réforme de 2003 n’a pas provoqué une augmentation de la participation électorale. Toutefois, je souligne qu’aucun lien statistique ne peut être établi entre la conformation et le nombre des circonscriptions, d’une part, et le taux d’abstention, d’autre part.

Plus généralement, il faut se garder de penser qu’un mode de scrutin peut, à lui seul, expliquer le désir qu’ont les électeurs de voter ou de ne pas voter.

Ensuite, je considère que la création de plusieurs circonscriptions n’a pas remis en cause le caractère pluraliste des élections européennes, mais que, à l’inverse, elle a permis de rationaliser la représentation française, …

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

… ce qui était un des objectifs.

Lors de son audition, M. Olivier Costa, chercheur et professeur à l’Institut d’études politiques de Bordeaux et spécialiste du Parlement européen, nous a expliqué que, avant les élections européennes de 2004, la représentation de la France au Parlement européen se caractérisait par un « émiettement » qu’il a qualifié de « caricatural » : neuf listes ont, en effet, fait élire des candidats lors des élections de 1999.

Cette dispersion, qui n’existait dans aucun autre pays d’Europe, nuisait fortement à la crédibilité de la France, ce qui, en retour, limitait notre influence au sein des institutions européennes.

J’estime donc que la mise en place de plusieurs circonscriptions a contribué à améliorer la représentation des intérêts de notre pays et à donner une image plus positive de la France auprès de nos partenaires dans l’Union.

Enfin et surtout, je rappelle que le mode de scrutin choisi par le législateur en 2003 est conforme aux recommandations du Parlement européen lui-même, qui incite tous les États membres dont la population est supérieure à 20 millions d’habitants à mettre en place plusieurs circonscriptions afin de resserrer les liens entre les députés européens et les citoyens qui les ont désignés. La plupart des États membres dont la population atteint ce seuil ont d’ailleurs suivi cette préconisation : sur les sept États membres de plus de 20 millions d’habitants, seuls deux ont opté pour une circonscription unique.

En conséquence, mes chers collègues, la commission des lois a émis un avis défavorable sur la proposition de loi qui vous est présentée aujourd'hui.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi présentée par votre collègue Yvon Collin et plusieurs sénateurs du groupe RDSE vise à abandonner la régionalisation du mode d’élection des représentants français au Parlement européen, introduite par la loi du 11 avril 2003.

Lorsque le Parlement européen a été élu pour la première fois au suffrage universel direct, à la suite d’un Acte européen du 20 septembre 1976 sur lequel je reviendrai, la question s’est posée du mode d’élection des représentants français : le choix fait dans la loi du 7 juillet 1977 a été celui du scrutin de liste à la représentation proportionnelle, dans le cadre d’une circonscription unique constituée par l’ensemble du territoire national. Le législateur de 2003 a ensuite modifié ce mode d’élection ; il a conservé le mode de scrutin proportionnel, mais il a éclaté l’unique circonscription nationale en huit circonscriptions interrégionales, l’outre-mer compris.

Les auteurs du texte que nous examinons aujourd’hui souhaitent revenir au système antérieur de la circonscription unique, en soutenant que la loi du 11 avril 2003 n’a pas répondu aux ambitions du législateur. Ils vous invitent donc à revenir, après seulement deux élections européennes organisées sous l’empire de cette loi, celles de 2004 et 2009, sur un débat qui a déjà largement eu lieu lors de son examen.

Même s’il est vrai que certains des objectifs de cette loi du 11 avril 2003 n’ont pas été parfaitement satisfaits, le Gouvernement n’est pas favorable à ce retour à la situation antérieure, pour plusieurs raisons que je vais vous exposer ; elles rejoignent d’ailleurs largement celles invoquées par votre commission des lois qui a conclu, elle aussi, au rejet de cette proposition de loi.

Je relèverai, pour commencer, que les motivations de l’abandon en 2003 de la circonscription unique restent parfaitement valables.

Le choix d’une circonscription unique, entériné dans la loi du 7 juillet 1977, résulte en grande partie d’une interprétation erronée d’une décision du Conseil constitutionnel en date du 30 décembre 1976. Celui-ci avait été saisi, à l’époque, par le président Giscard d’Estaing de la question de la conformité à la Constitution de l’Acte européen du 20 septembre 1976 relatif à l’élection directe des membres du Parlement européen. L’évocation, dans cette décision du Conseil constitutionnel, du principe d’indivisibilité de la République avait conduit certains juristes à considérer qu’elle impliquait la mise en place d’une circonscription unique.

Les insuffisances de ce choix d’une circonscription unique ont été très clairement recensées dans le rapport présenté par M. Patrice Gélard devant votre commission des lois, à l’occasion de l’examen du texte qui est devenu la loi du 11 avril 2003.

Ces critiques ont été confirmées, à la même époque, par la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne. Elles étaient assez largement consensuelles et fondées sur l’expérience de cinq élections européennes intervenues dans le cadre de la circonscription unique : celles de 1979, 1984, 1989, 1994 et 1999.

La première critique portée contre la circonscription unique tenait à la distance excessive que celle-ci instaure entre les membres du Parlement européen et leurs électeurs. Élus à l’échelle de la France entière, ces représentants étaient moins dépendants de leurs électeurs que de leurs formations politiques. Deux conséquences en découlaient : la surreprésentation des élus parisiens et le nombre réduit de permanences électorales ouvertes sur le territoire.

La deuxième critique dénonçait l’absence de tout contrôle de l’électeur sur l’action de ses représentants au Parlement européen : faute de pouvoir les identifier à un territoire, voire de les connaître, à l’exception de quelques têtes de liste, l’électeur ne savait guère quelle était leur action et ne pouvait donc les interpeller sur leurs votes à Strasbourg, par exemple.

La troisième critique concernait le poids excessif des enjeux purement hexagonaux dans les élections européennes. Celles-ci étaient devenues progressivement le moyen d’exprimer un vote d’humeur sur la politique intérieure du Gouvernement, tendance favorisée par l’audience donnée, à l’occasion de ces élections, aux candidats placés en tête des différentes listes.

Cela avait pour conséquence, et c’est l’objet d’une quatrième critique, de conférer une légitimité démocratique insuffisante au Parlement européen, et ce, paradoxalement, au moment même où les pouvoirs de cette assemblée augmentaient en matière d’élaboration de la norme européenne, dans le domaine budgétaire et dans celui du contrôle des institutions européennes. Il en résultait, pour le citoyen, une image lointaine, parisienne et abstraite de l’Europe et du projet européen.

Enfin, le sénateur Patrice Gélard comme la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne rappelaient en 2003 que, en raison de la circonscription nationale unique, les représentants français étaient plus dispersés que leurs collègues des autres pays dans les divers groupes politiques présents au Parlement européen. Or cette situation était préjudiciable à la prise en compte des intérêts français dans la construction européenne.

Je voudrais aborder maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, les arguments qui ont été précisément mis en avant, en 2003, en vue de faire adopter la régionalisation du mode d’élection des représentants français au Parlement européen.

Il s’agissait, en premier lieu, de donner à ces représentants un ancrage territorial permettant une approche concrète des enjeux européens et une responsabilisation accrue, de nature à leur permettre de mieux rendre compte de leurs mandats à leurs électeurs.

En second lieu, le caractère interrégional des circonscriptions devait éloigner des enjeux strictement hexagonaux les thèmes débattus lors des élections européennes et permettre ainsi d’éviter que les députés européens soient cantonnés dans le rôle de porte-parole d’intérêts purement régionaux.

Troisième argument évoqué : les huit circonscriptions interrégionales choisies forment de grands ensembles géographiques cohérents regroupant des régions administratives entières, c’est-à-dire le Nord-Ouest, l’Ouest, le Sud-Ouest, l’Est, le Sud-Est, le Massif central, le Centre, l’Île-de-France et l’outre-mer.

On peut d’ailleurs rappeler que la création de ces huit ensembles interrégionaux a été consensuelle puisqu’elle a été inspirée de propositions faites en 1997 par Michel Barnier, alors ministre des affaires européennes, propositions qui ont été reprises dans le projet de loi sur les élections européennes présenté en 1998, au nom de Lionel Jospin, par Jean-Pierre Chevènement quand il était ministre de l’intérieur, ainsi que dans des projets issus du courant centriste.

Le quatrième argument en faveur de la régionalisation du mode de scrutin est sa stricte conformité au droit européen.

C’est en effet la modification, en 2002, de l’Acte européen du 20 septembre 1976 qui a explicitement autorisé les États membres à constituer des circonscriptions infranationales pour l’élection de leurs représentants à l’assemblée de Strasbourg. Elle a permis de préciser, en outre, que cette faculté ne devait pas porter globalement atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin : cela signifiait concrètement que les circonscriptions retenues devaient avoir une taille minimum. Cette exigence fixée par le droit européen a été satisfaite par la délimitation des huit circonscriptions interrégionales.

Il était également invoqué, à l’appui de la régionalisation du mode d’élection de nos représentants au Parlement européen, sa conformité aux vœux de cette assemblée, qui, en 2002, avait recommandé cette régionalisation aux pays ayant une population supérieure à 20 millions d’habitants.

À l’heure actuelle, quatre des sept États comptant cette population ont opté, de façon consensuelle là encore, pour la régionalisation. L’Allemagne a, pour sa part, choisi un dispositif mixte qui permet aux partis de présenter des candidats au niveau fédéral et à celui des Länder. Les deux seuls États de plus de 20 millions d’habitants qui ont maintenu une circonscription nationale unique sont l’Espagne et la Roumanie : la première, en raison des risques que constitue pour son unité nationale l’existence de mouvements séparatistes puissants ; la seconde, au motif que ses régions, de création récente, sont insuffisamment stabilisées.

Ces arguments, s’ils ne faisaient pas l’unanimité, recueillaient l’approbation d’une large partie de l’échiquier politique. Les positions des formations politiques, qui avaient été reçues par le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, étaient en effet les suivantes : les Verts, le parti socialiste, comme M. Frimat s’en souvient certainement, et I’UMP avaient exprimé leur hostilité à la circonscription unique ; le Front national, le parti communiste – Mme Borvo Cohen-Seat l’avait dit très clairement – et le parti de M. Chevènement avaient, en revanche, exprimé leur préférence pour la circonscription nationale ; le groupe centriste s’était prononcé contre la régionalisation des élections européennes en 2004, pour des raisons liées à la simultanéité avec les élections régionales, mais s’était prononcé pour en 2009.

J’ajouterai enfin que les dispositions de la loi du 11 avril 2003 relatives à la régionalisation du mode d’élection des députés européens ont fait l’objet d’une décision favorable du Conseil constitutionnel le 3 avril 2003 : celui-ci a notamment considéré qu’elles n’étaient pas contraires au principe d’indivisibilité de la République et que le découpage interrégional proposé par le Gouvernement ne comportait aucune atteinte ni au pluralisme politique ni au principe d’égalité.

Tous ces arguments, mesdames, messieurs les sénateurs, demeurent aujourd’hui valables et devraient vous conduire à maintenir le statu quo.

Quels sont, en effet, les motifs invoqués par les signataires de la proposition de loi pour justifier leur volonté de revenir à la circonscription électorale unique ?

Ils soutiennent, tout d’abord, que la création de plusieurs circonscriptions électorales n’a pas réduit le taux d’abstention aux élections européennes et que celui-ci a, au contraire, augmenté depuis 1999.

Certes, l’augmentation depuis 1999 du taux d’abstention aux élections européennes est parfaitement avérée. Cependant, comme le fait observer justement le rapporteur de votre commission des lois, les raisons de cette augmentation sont à rechercher dans des causes totalement extérieures à la régionalisation du mode de scrutin européen. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter à l’analyse comparée des taux d’abstention dans les États qui ont conservé une circonscription unique avec ceux des États ayant mis en place plusieurs circonscriptions. Il en ressort que l’augmentation tendancielle du taux d’abstention aux élections européennes est un phénomène qui affecte l’ensemble des pays membres de l’Union européenne, que le mode d’élection de leurs députés européens soit ou non régionalisé.

Pour ce qui concerne notre pays, si le taux d’abstention aux élections de 2009 – qui était, je le rappelle, de 59, 37 % – a été légèrement supérieur à celui de 2004, qui atteignait 57, 3 %, rien ne prouve qu’une circonscription unique aurait permis une plus forte mobilisation de l’électorat.

Les signataires de la proposition de loi invoquent également les conséquences négatives de la disparition de la circonscription unique sur le caractère pluraliste des élections européennes. Les petits partis auraient ainsi été marginalisés, comme le montrerait la diminution du nombre de listes ayant obtenu des sièges au Parlement européen.

Il est vrai que ce nombre est passé de 9 en 1999 à 7 en 2004 et en 2009. Mais il s’agit d’une diminution légère, que l’on ne peut pas véritablement qualifier de significative.

En outre, la loi du 11 avril 2003 comprend des dispositions qui favorisent les petits partis : cette loi a notamment supprimé le cautionnement exigé lors de la présentation des listes et a abaissé à 3 % le seuil des suffrages requis pour le remboursement des dépenses électorales et des frais de propagande.

Je ferai également observer qu’entre 1979, date de la première élection dans le cadre de la circonscription unique, et 1999, celle de la dernière élection dans ce cadre, le nombre de listes présentées aux élections européennes est passé de 11 à 20. Aux élections européennes de 2004 et 2009, le nombre total de listes présentées dans le cadre des huit circonscriptions interrégionales a été respectivement de 169 et 161, soit en moyenne une vingtaine de listes par circonscription, nombre identique à celui des deux dernières élections européennes organisées dans le cadre de la circonscription unique.

S’agissant des candidats élus, le nombre de listes représentées au Parlement européen a été de 4 aux élections de 1979 et 1984, de 6 pour celles de 1994 et 1999, de 8 pour celles de 2004 et de 6 pour celles de 2009.

Ces chiffres montrent bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que n’est pas vraiment fondée l’affirmation selon laquelle la disparition de la circonscription unique aurait eu pour conséquence une marginalisation des petites formations politiques.

Les signataires de la proposition de loi critiquent, en troisième lieu, le découpage des huit circonscriptions au motif qu’il ne correspondrait à aucune réalité locale.

Tout au contraire, je le répète, le découpage de ces ensembles interrégionaux, plutôt consensuel et conforme aux exigences du droit européen et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, se caractérise par une cohérence géographique et institutionnelle : leurs populations sont relativement homogènes et les regroupements opérés ne sont pas vraiment contestés.

Les signataires de la proposition de loi invoquent enfin la complexité du mode de scrutin. Cette critique pourrait éventuellement être admise si avait été maintenue dans la loi du 11 avril 2003 la division des circonscriptions interrégionales, envisagée initialement, en sections correspondant aux régions métropolitaines et ayant chacune un nombre déterminé de sièges. Mais ce n’est pas le cas.

Nous sommes, en réalité, en présence d’un mode de scrutin très simple, à un seul tour, sans attribution de prime majoritaire et avec une répartition des sièges à la représentation proportionnelle pour les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.

Mesdames et messieurs les sénateurs, la création par la loi du 11 avril 2003 de circonscriptions interrégionales n’a probablement pas répondu à toutes les ambitions que le législateur de l’époque avait mises en elle. Cependant, je vous rappelle que nous n’avons connu que deux élections européennes depuis 2003. Cette expérience est un peu courte pour permettre de porter un jugement positif et définitif sur la régionalisation du mode de scrutin.

En revanche, revenir à la circonscription unique serait, à coup sûr, s’exposer aux critiques toujours pertinentes dont celle-ci avait fait l’objet avant 2003. Nous avons aujourd’hui, dans toutes les formations politiques, des élus dont la légitimité territoriale est plus grande et qui sont moins dispersés dans les groupes politiques du Parlement de Strasbourg.

Un retour à la situation antérieure serait, en outre, contraire à la volonté, exprimée par la majorité de cette assemblée en 2002 et non remise en cause depuis lors, en faveur de la mise en place de plusieurs circonscriptions dans les États membres ayant une population de plus de 20 millions d’habitants.

En conséquence, je vous invite, mesdames et messieurs les sénateurs, comme l’a fait il y a un instant votre rapporteur, à ne pas adopter cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, la conférence des présidents a précisé que l’examen des propositions de loi émanant des groupes dans leur ordre du jour réservé devait s’inscrire dans des modules de quatre heures. En conséquence, nous devons avoir terminé l’examen du présent texte avant dix-huit heures trente.

La même règle s’appliquera demain pour l’examen des textes émanant d’autres groupes.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi sur laquelle nous sommes invités à nous prononcer a pour objet de rétablir une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen.

Il s’agit de mettre un terme à un découpage électoral artificiel dont nous avons dénoncé les faiblesses en 2003, lorsqu’il a été mis en place. Nous nous félicitons de cette proposition. Il est en effet plus que temps de revenir sur la loi du 11 avril 2003, qui n’a tenu aucune de ses promesses.

En instituant huit circonscriptions interrégionales, la réforme de 2003 avait, nous disait-on, pour premier objectif de rapprocher les électeurs de leurs députés européens. Or la pratique a montré que tel n’a pas été le cas. Les euro-régions, mises en place en 2003, ne reposent sur aucune réalité géographique, historique ou économique.

Ayant été moi-même tête de liste du groupe Front de Gauche dans la grande circonscription Centre-Auvergne-Limousin, je peux témoigner très clairement du fait qu’entre Chartres et le sud de cette grande circonscription l’écart est tel qu’en découlent des difficultés importantes.

Comment espérer, dans ces conditions, que les électeurs se rapprochent par le biais d’élus souvent parachutés dans des circonscriptions aux contours totalement artificiels ?

Il y a un fossé entre découper et rapprocher ! L’abstention aux élections européennes en constant accroissement le prouve. Si le taux de participation était encore d’un peu plus de 42 % en 2004, il est passé à seulement 40, 6 % en 2009. Autant dire que la réforme de 2003 est loin d’avoir atteint son deuxième objectif, qui était, paraît-il, de remédier à l’abstention !

Entre-temps, il faut bien le dire, le refus du traité constitutionnel européen par les électeurs, transformé en traité de Lisbonne et accepté par la représentation nationale niant les choix exprimés par ces mêmes électeurs, n’a pas été de nature à inciter à la mobilisation électorale.

Quant à son troisième objectif, qui était de dénationaliser les élections européennes, on voit mal comment un simple découpage électoral aurait pu l’atteindre.

Les élections, quelles qu’elles soient, sont l’occasion pour les Français de sanctionner la politique du Gouvernement en place. Le Gouvernement a encore pu le constater lors des dernières élections régionales. Il est donc illusoire de croire que la simple création de circonscriptions artificielles conduirait à déplacer le débat de la sphère interne de notre pays à la sphère purement européenne.

Un tel raisonnement laisse penser que ceux qui en sont les auteurs veulent faire oublier qu’à l’heure actuelle le droit communautaire s’insinue dans la moindre de nos réglementations et a pour objectif avoué de guider nos moindres décisions.

Dans ces conditions, comment faire le tri entre les enjeux internes et les enjeux européens pour ne retenir, au moment des élections, que les questions propres à l’Union européenne ? C’est impossible, et faire croire le contraire paraît on ne peut plus audacieux quand la politique actuelle du Gouvernement accompagne la politique européenne ultra-libérale et antisociale.

La proposition de loi qui nous est soumise revient donc opportunément sur cette réforme. En rétablissant une circonscription unique, cette proposition redonne à l’élection des parlementaires européens son véritable sens.

Le Parlement est la seule institution de l’Union dont les membres sont élus au suffrage universel pour représenter les peuples des différents États dans leur ensemble. Il ne s’agit donc pas de désigner les représentants de différentes circonscriptions internes mais d’envoyer à Bruxelles les représentants de la nation française tout entière. Cette conception de l’élection européenne est d’ailleurs tout à fait conforme aux prescriptions européennes en la matière.

Contrairement à ce que pourrait laisser croire la lecture du rapport établi par notre collègue M. François-Noël Buffet, le droit communautaire n’impose aucunement le découpage en circonscriptions dans les États membres comptant plus de 20 millions d’habitants.

La décision du Conseil de l’Union de 2002 est, sur ce point, très claire. Les propos de M. le secrétaire d’État confirment cette analyse.

La recommandation de 2002 sur laquelle s’appuie le rapporteur pour donner la préférence au système mis en place en 2003 n’a aucune force contraignante. Seule une présentation tronquée du droit communautaire peut faire croire le contraire.

Le dispositif électoral contenu dans la proposition qui nous est présentée est donc conforme au droit communautaire.

J’ajouterai un élément qui me semble décisif en termes de démocratie : le scrutin actuel, c’est la prime aux formations politiques les plus importantes. Notre collègue Jean-Michel Baylet a fait la parfaite démonstration de l’« écrasement » du nombre d’élus qu’il entraîne par rapport à la réalité du poids politique obtenu lors du vote.

Un mode de scrutin qui exclut une part des formations politiques ne peut nous satisfaire. Le pluralisme politique est un fondement de notre vie démocratique. Nous devons nous attacher à ce qu’il puisse s’exprimer dans toutes les élections.

C’est pourquoi nous voterons pour cette proposition de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me contenterai de formuler quelques réflexions.

Pour commencer, j’annoncerai que le groupe Union centriste votera cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Elle vise en effet un objectif auquel j’ai toujours cru.

Contrairement à vous, monsieur le rapporteur, je ne pense pas que le scrutin national crée une distance entre les électeurs et leurs représentants au niveau européen.

La distance entre les députés européens et leurs concitoyens est plus une question de personnalité qu’une question de circonscription électorale. Comme je le dis souvent, cela me rappelle les discussions que nous avons dans un autre cadre à propos des conseillers généraux, qui seraient proches des concitoyens, alors que les conseillers régionaux en seraient éloignés.

Ayant assuré les deux fonctions, je puis vous assurer que je suis restée la même : je me suis sentie aussi proche de mes concitoyens dans l’un et l’autre cas. La question de la distance est un faux problème.

Des listes nationales offrent, par ailleurs, une plus grande lisibilité politique, et ce d’autant que le découpage des circonscriptions me paraît un peu curieux. J’ai le plaisir d’appartenir à la même circonscription électorale européenne que M. le secrétaire d’État. Mais, étant élue dans le Loir-et-Cher, le fin fond de l’Auvergne me semble un peu loin de chez moi…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

A contrario, parfois, je me sens plus proche des habitants d’Angers, ville qui est située sur la Loire comme l’est mon département. Les circonscriptions ne couvrent donc pas un territoire très pertinent.

Monsieur le rapporteur, vous en avez appelé tout à l'heure à une nécessaire rationalisation de la vie politique. Cette remarque m’a frappée : pour vous, rationnaliser ce serait diminuer le nombre de candidatures et le nombre de listes !

Je pense au contraire que les élections doivent être l’occasion, pour tous les partis politiques, de constituer des listes et de les présenter. D’ailleurs, les accords électoraux ne sont pas suspects, il y en a dans tous les partis. Vous-même, monsieur le secrétaire d’État, pour les dernières élections régionales, avez passé des accords électoraux avec un autre parti. Vous l’aviez affirmé en réponse à une question de M. Yvon Collin en commission.

Je m’interroge sur un point, monsieur le secrétaire d’État, mais peut-être mes sources ne sont-elles pas à jour. Beaucoup de pays n’ont pas de circonscriptions électorales : l’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, l’Espagne, la Finlande – je ne mentionne pas les trois républiques lettonnes –, la Grèce et la Hongrie. Or, M. le rapporteur n’en a cité que deux.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Seuls les pays de plus de 20 millions d’habitants sont concernés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je ne suis pas sûre que vous ayez donné cette précision dans votre intervention.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Si, je l’ai indiquée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Néanmoins, le cas de deux grands pays comme l’Espagne et l’Allemagne, qui n’ont pas de circonscriptions électorales, m’amène à réfléchir dans la mesure où ces pays n’ont pas la tradition unitaire qu’a la France. L’Allemagne est un pays fédéral…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

En tout cas, elle n’a pas de circonscriptions !

La tradition républicaine et nationale française est une tradition unitaire, ce qui n’est le cas ni en Allemagne ni en Espagne.

En conséquence, je ne vois pas quel inconvénient il pourrait y avoir pour notre pays à adopter un mode de scrutin national. Il n’en ressortirait qu’une lisibilité plus grande lors des élections et une identification encore plus grande des députés européens français.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne dirai que quelques mots sur cette judicieuse proposition de loi, que le groupe socialiste votera. En cela, il sera fidèle à l’esprit de l’amendement que j’avais eu le plaisir de défendre le 6 mars 2003, et que le Sénat n’avait pas adopté.

À travers cet amendement, cosigné par Jean-Claude Peyronnet, Marie-Christine Blandin et notre regretté collègue Michel Dreyfus-Schmidt, notamment, je demandais que nous en restions à la circonscription nationale. J’expliquerai pourquoi nous avions adopté une telle position.

Bien sûr, monsieur le secrétaire d’État, nous concevons parfaitement qu’une élection où il n’y ait pas de découpage soit pour vous un déchirement, presque un drame personnel, tant votre talent est grand dans cet exercice !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mes chers collègues, quels arguments développer à l’appui de cette proposition de loi ? Vous les avez tous cités, et il est donc inutile que j’allonge notre débat.

J’ai beaucoup d’amitié pour François-Noël Buffet et, en l'occurrence, je le plains car il est toujours difficile de plaider en faveur d’un dossier qui n’est pas défendable ! C’est le cas ici, dans la mesure où tous les arguments qui avaient été présentés en 2003 par Patrice Gélard, et que vous avez rappelés, monsieur le secrétaire d’État, se sont étiolés dans les faits.

Ainsi du discours sur l’abstention : Patrice Gélard affirmait que l’existence de plusieurs circonscriptions permettrait de lutter contre ce phénomène…

Telle est la thèse que vous souteniez hier, chers collègues de la majorité. Et comme ce prétendu remède à l’abstention a échoué, aujourd'hui, de façon tout à fait extraordinaire, dans une parfaite réversibilité de votre discours, vous affirmez que les autres systèmes n’ont pas davantage de succès et que, de toute façon, ce n’est pas le mode de scrutin qui est en cause !

Reconnaissez donc que la démonstration dont vous vous êtes servi hier pour nous « vendre » ce système électoral, censé faire reculer l’abstention, était absolument dépourvue de valeur !

J’en viens à l’argument relatif au rapprochement des députés européens de leurs électeurs. Il ne peut, monsieur le secrétaire d’État, que susciter l’hilarité sur tous les bancs ! En effet, si nous nous livrions à un quiz sur le nom des députés européens actuels, l’exercice serait bien cruel…

Je suis d’une circonscription qui couvre – excusez du peu ! –, le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie, la Haute-Normandie et la Basse-Normandie, et qui rassemble donc des gens tout à fait sympathiques. Voyez l’étendue de ce territoire : un électeur du Pas-de-Calais ne connaîtra pas mieux un député européen de Basse-Normandie qu’il connaissait, hier, un député européen élu à l’échelon national !

Quant à la proximité du député avec ses électeurs, vous savez comme moi qu’elle est fonction de la qualité du parlementaire. Ainsi, certains membres de notre assemblée souhaitent tellement se rapprocher de leurs électeurs qu’ils en arrivent à ne jamais venir au Sénat !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Ce n’est pas le mode de scrutin qui rapproche le député de l’électeur, mais la volonté de l’élu de s’implanter sur un territoire, d’y expliquer son action et d’y défendre des idées, sachant que, en outre, le fonctionnement de l’Union européenne est très difficile à faire comprendre.

Le gouvernement de Lionel Jospin avait lui aussi prévu la création de telles circonscriptions interrégionales, je vous en donne acte, mais ce projet, heureusement, n’est pas allé jusqu’à son terme. En effet, ces « eurorégions » n’ont aucune réalité, aucune unité.

Ainsi, les électeurs du Languedoc-Roussillon votent avec ceux de l’Aquitaine et de Midi-Pyrénées dans une grande circonscription. Or vivre à Montpellier, ce n’est pas vivre à Bordeaux ! En revanche, être français, cela a un sens, et les gens peuvent tout à fait le comprendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Par ailleurs, vous le savez comme moi – aucun parti, le mien y compris, n’échappe à ces travers –, ce système électoral peut être rapproché d’un jeu assez populaire en ce moment, à savoir le football, en ce sens qu’il suscite un mercato permanent. Certains candidats se promènent à travers la France ! Illustration extraordinaire du rapprochement entre parlementaires et électeurs, des députés européens ont été élus dans une circonscription en 2004 et réélus dans une autre en 2009 !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Certes, cette situation relève de la responsabilité des partis, mais que signifie, dans ces conditions, la proximité du député et de l’électeur ? Veut-on par là démontrer la pertinence de la circonscription nationale en faisant accomplir aux députés, au cours de leur carrière, le tour du pays afin qu’ils soient enfin les élus de la nation tout entière ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Aucun argument décisif ne plaide donc en faveur de ce mode de scrutin, et nous devons tout de même prendre en compte l’échec qu’il a rencontré en matière de lutte contre l’abstention et de rapprochement entre les députés et leurs électeurs.

Enfin, et j’en terminerai avec cette idée, le député au Parlement européen ne représente pas sa région !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

On ne peut écarter d’un revers de main le principe d’indivisibilité de la République en affirmant que le Conseil constitutionnel en a fait une interprétation erronée. Que cette institution commette parfois des erreurs, je vous le concède volontiers, monsieur le secrétaire d'État ; cela arrive d'ailleurs à tout le monde. Néanmoins, le principe d’indivisibilité de la République s’applique ici : au Parlement européen, un député français ne représente pas sa région, mais la nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. C’est au sein d’une circonscription nationale que pourra avoir lieu un véritable débat européen. Nous le savons tous, nous souffrons d’un déficit d’Europe. Il faut essayer de le combler. C'est pourquoi le Sénat, dans sa grande sagesse, approuvera la proposition de nos collègues du RDSE.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’instauration, par la loi du 11 avril 2003, de huit circonscriptions interrégionales, en lieu et place de la circonscription unique qui prévalait depuis 1979, pour l’élection des représentants français au Parlement européen, n’a pas atteint ses objectifs.

Les auteurs de cette loi dénonçaient l’éloignement des députés européens de leurs électeurs ainsi que le désintérêt croissant à l’égard de l’élection européenne. Or la critique est facile, mais l’art est difficile !

Les initiateurs de ce texte ont joué les apprentis sorciers. Ils prétendaient ancrer territorialement les candidats aux élections européennes et lutter contre l’abstentionnisme, qui concernait alors environ la moitié du corps électoral.

Monsieur le secrétaire d'État, l’échec est manifeste, puisque le taux de participation a chuté de 46, 76 % en 1999 à 42, 76 % en 2004, pour atteindre, en 2009, le niveau historiquement bas de 40, 63 %. Faut-il tomber encore plus bas ? Le taux d’abstention est désormais quasiment de 60 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

J’entends bien l’argument de notre rapporteur, M. François-Noël Buffet, pour qui cette abstention massive aurait « des causes exogènes », le système électoral n’y étant pour rien.

Il est sûr que la désaffection des citoyens pour l’Europe de Maastricht et de Lisbonne tient pour beaucoup au fait que celle-ci a relayé la mondialisation libérale au lieu de nous en protéger. Nous l’avons vu avec le rejet du projet de Constitution européenne, le 29 mai 2005, à une majorité de 55 %, avec un taux de participation de 75 %.

Toutefois, le changement de mode de scrutin dont nous débattons n’a pas enrayé la désaffection continue des Français à l’égard des élections européennes. Au contraire, il l’a accélérée !

Joffre disait que, s’il n’avait pas gagné la bataille de la Marne, il savait bien qui l’aurait perdue… De la même manière, nous pouvons affirmer que toutes les critiques adressées à l’ancien système de circonscription unique, par exemple par M. Patrice Gélard, le rapporteur au Sénat de la loi du 11 avril 2003, sont aujourd’hui sans objet, car le nouveau mode de scrutin s’est révélé bien pire que l’ancien.

Quoi que vous ayez prétendu, monsieur le secrétaire d'État, les huit circonscriptions n’ont aucune réalité. En effet, quoi de commun, dans la circonscription du Nord-Ouest, entre deux électeurs habitant l’un Dunkerque et l’autre Alençon, pour ne citer que ce seul exemple ? En fait, nos électeurs, où qu’ils vivent, partagent tous la concitoyenneté française. C’est là un bon argument pour rétablir la circonscription unique !

Tel est l’objet de la proposition de loi déposée par le président du groupe RDSE, M. Yvon Collin, et défendue tout à l’heure avec talent par M. Jean-Michel Baylet. De grâce, mettons fin à la nomadisation des candidats sur toute l’étendue du territoire national, qui est rendue nécessaire parce qu’il faut caser tel ou telle ; j’insiste ici sur le féminin, pour satisfaire Mme Laborde et sans doute beaucoup d’autres !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Quel rapport nos députés européens entretiennent-ils avec les territoires arbitrairement composés qu’ils sont censés représenter ? Aucun, bien souvent ! Ils sont plus inconnus encore que les députés élus sur une liste unique conduite par des leaders nationaux, auxquels on pouvait encore les rattacher. S’il s’agit de représenter le peuple français, pourquoi égayer les électeurs entre les quatre points cardinaux, qui, en l’occurrence, sont huit, comme les trois mousquetaires étaient quatre !

En fait, seuls les treize élus de la circonscription d’Île-de-France bénéficient encore, dans le système des médias parisiens, d’une certaine visibilité : ce sont des Parisiens qui parlent aux Parisiens. Nous voilà ramenés au temps de Philippe Auguste !

Les autres, on les ignore : ce sont des provinciaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Certes, il arrive qu’on leur délègue des figures nationales, comme notre ancien collègue Jean-Luc Mélenchon, qui s’est présenté à Toulouse alors qu’il était sénateur de l’Essonne. Le comble est atteint dans la huitième circonscription, celle de l’outre-mer, elle-même sectionnée en trois. C’est le démembrement, pour ne pas dire le saucissonnage, du peuple français !

J'ajoute qu’une injustice choquante frappe nos concitoyens vivant à l’étranger : avec ce mode de scrutin par circonscriptions, ils n’ont plus en France de domicile fixe, si j’ose dire. Comme l’a souligné tout à l'heure M. Jean-Michel Baylet, les expatriés passent à la trappe !

En réalité, le changement de mode de scrutin décidé en 2003 a répondu à plusieurs ordres de préoccupations.

Tout d’abord, la volonté de créer une Europe des régions se substituant à l’Europe des États a inspiré la recommandation du Parlement européen de créer des circonscriptions dans tous les pays dont la population dépasse 20 millions d’habitants. Elle a également suscité la loi de 2003.

Toutefois, le principe d’unité et d’indivisibilité de la République devrait nous conduire à conserver – en l’occurrence, aujourd'hui, à rétablir – le système de la circonscription unique. Ce serait logique, puisqu’il s’agit de représenter à Strasbourg le peuple français tout entier.

À cet égard, il n’est pas sans intérêt que le Parlement français entende la leçon de droit constitutionnel, soigneusement étouffée, qu’a donnée la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, gardienne en dernier ressort de l’ordre juridique en Allemagne, dans sa décision du 30 juin 2009 sur la constitutionnalité du traité de Lisbonne.

La Cour constitutionnelle allemande affirme que l’Union européenne est « une organisation internationale qui ne peut se prévaloir d’une souveraineté comparable à celle des États qui la composent ». Elle ajoute que les États membres ont gardé la « compétence de la compétence », célèbre expression qui, chez les juristes allemands, définit la souveraineté extérieure de l’État. La Cour conclut que, en l’absence d’un « peuple européen », « la souveraineté primordiale demeure aux mains des peuples qui composent l’Union » et que, par conséquent, le Parlement européen n’a pas la même légitimité que les Parlements nationaux.

Mes chers collègues, je vous fais grâce de la citation complète, car j’ai presque épuisé mon temps de parole. Toutefois, je constate que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe nous a donné une belle leçon de cartésianisme.

Chaque pays a son histoire et son identité spécifiques. L’Allemagne est une République fédérale : elle a un système mixte, dans les Länder et à l'échelle nationale. La France est une République unitaire : qu’elle conserve la circonscription unique !

Ce mode de scrutin dans le cadre de circonscriptions interrégionales ne marche pas ! La circonscription unique a peut-être des défauts, mais Winston Churchill aurait été d’accord avec moi pour dire que c’est le pire des modes de scrutin, à l’exception de tous les autres.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

La création de circonscriptions interrégionales obéit en fait à des desseins plus prosaïques que la volonté profondément irréaliste de supplanter les États. Il s’agissait, dans l’esprit de ses promoteurs, de favoriser les grands partis aux dépens des petites formations. Je sais de quoi je parle : vous avez rappelé tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État, le propos de M. le rapporteur, François-Noël Buffetqui a malicieusement cité dans son rapport la proposition de loi que j’avais présentée en conseil des ministres, en juin 1998, au nom du gouvernement de M. Lionel Jospin, avec, je le cite, « l’approbation du Président de la République ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Je termine, monsieur le président.

Je ne veux pas dissimuler à la Haute Assemblée les conditions dans lesquelles ce projet a été présenté, puis retiré. Je l’ai fait au nom du gouvernement de l’époque, qui obéissait aux suggestions de la direction d’alors du parti socialiste, mais finalement, devant les réticences des Verts et du parti communiste, le Premier ministre a eu la sagesse, avec mon soutien, de retirer le projet. C’est ce qui s’est passé. Je ne peux pas démissionner tous les jours…

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

L’expérience a été faite, mes chers collègues. Elle n’a pas été concluante. Le Sénat montrerait sa sagesse proverbiale en en tirant objectivement les conséquences et en rétablissant, comme le RDSE le suggère, la circonscription unique ; il ferait ainsi triompher la simplicité et le bon sens !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Antoine Lefèvre, qui m’a laissé son tour de parole pour me permettre de rejoindre la commission des affaires européennes.

Je me contenterai dans cette intervention de faire entendre la voix des Français établis hors de France.

En effet, le texte dont nous discutons aujourd’hui réveille un débat qui concerne, indirectement, la participation des Français de l’étranger à la vie politique de leur pays.

Vous le savez, je suis très attaché, tout comme mes collègues, à la défense de ce droit. J’ai déposé plus d’une vingtaine de propositions de loi pour améliorer la participation des Français de l’étranger aux élections.

Les terrains d’action sont nombreux, parce que les carences qui frappent l’exercice de la citoyenneté à l’étranger sont nombreuses.

Un sujet me tient particulièrement à cœur en raison de mes convictions européennes, celui de l’absence de la participation de nos compatriotes établis dans et hors de l’Union européenne lors de l’élection. Non seulement ils n’ont pas de représentation propre, mais, depuis 2003, ils ne peuvent plus voter à l’étranger.

Entendons-nous bien. Je ne souhaite pas l’abandon de la réforme de 2003, qui a créé des superrégions J’avais même cosigné une proposition de loi de nos estimés collègues, Hubert Haenel et Michel Barnier. Le texte visait déjà, en 2001, la création des huit circonscriptions. Mais nous y appelions la création d’une circonscription unique, dotée d’un siège, pour les Français de l’étranger.

La réforme de 2003 a sonné le glas du vote à l’étranger pour les élections européennes. Les Français établis hors de France ne peuvent plus voter que par procuration. Lors des élections européennes de 2004, sur 450 000 électeurs inscrits à l’étranger, moins de 14 000 procurations ont été transmises par les autorités consulaires. Or, aux précédentes élections, leur nombre était supérieur à 50 000.

Par conséquent, alors que nos lois prévoient désormais une représentation spécifique des Français de l’étranger dans les deux chambres du Parlement et que, pour tous les scrutins aux enjeux nationaux, ces mêmes citoyens peuvent voter dans les ambassades et les consulats, les élections européennes restent le seul scrutin dont ils sont concrètement exclus. Cela manque de cohérence, et votre proposition de loi ne change rien à la situation actuelle.

Je vous rappelle que les Français de l’étranger sont plus d’un million dans l’Union européenne et qu’ils ont voté « oui » pour près de 81 % d’entre eux lors du référendum sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe, alors même que le « non » avait totalisé 55 % des voix en France.

En juin 2004, j’avais proposé que les Français de l’étranger soient rattachés à une circonscription française précise, pour rétablir le vote à l’étranger.

En mars 2008, j’ai proposé que les deux sièges supplémentaires obtenus par la France au Parlement européen soient attribués à la représentation spécifique des Français établis hors de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Il faut voter notre proposition de loi alors !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Cette proposition impliquait, mon cher collègue, la création d’une section « Outre frontière » au sein de la circonscription « Outre-mer ». Nous pourrons donner des explications sur ce point à l’occasion d’un autre débat, si vous le souhaitez.

Aucune de ces propositions n’a pu pour l’instant aboutir.

Mes chers collègues, je profite du présent débat pour souligner – certains l’ignorent peut-être – que, en nombre d’inscrits, les Français de l’étranger représentent une population équivalente à celle du septième département de France. Un tel département est donc privé de la faculté de participer à une élection qui concerne autant les Français de l’étranger que ceux résidant en France.

Pour conclure, si je considère que les huit circonscriptions régionales sont toujours aussi pertinentes comme cadre pour les élections européennes, je regrette qu’aucun aménagement n’ait pu être encore trouvé et ne figure dans cette proposition de loi.

Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que je vote contre ce texte, …

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

… qui n’apporterait rien aux Français établis hors de France et, au contraire, les pénaliserait.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Ils seraient pénalisés, mes chers collègues, puisqu’ils n’auraient pas la possibilité de voter, étant à l’étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, jusqu’en 2003, les représentants français au Parlement européen étaient élus dans le cadre d’une circonscription unique, mais à la suite de la régionalisation, les Français établis hors de France, qui votaient dans les consulats et les ambassades de leur pays de résidence, ont perdu ce droit de vote.

M. del Picchia a quitté l’hémicycle, mais j’aurais voulu attirer son attention sur le fait que tout l’intérêt de la proposition de loi dont nous débattons, c’est que, précisément, elle permettrait de réintégrer les Français hors de France dans le scrutin. En effet, dans la mesure où existerait une circonscription unique, ils retrouveraient leur droit de vote dans les consulats et dans les ambassades, de la même façon qu’avant 2003.

Je ne comprends donc pas qu’il argue du fait que la proposition de loi ne changerait rien à la situation actuelle pour voter contre alors que, précisément, elle change tout pour les Français de l’étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

À l’heure actuelle, le scrutin ne peut plus avoir lieu dans les centres de vote à l’étranger.

Les Français résidant dans l’Union européenne peuvent voter aux élections européennes, mais uniquement pour les listes nationales du pays où ils sont installés. Par exemple, lorsque je résidais en Allemagne, j’ai voté aux élections européennes pour les listes allemandes – je ne vous dirai pas lesquelles, mais vous le devinerez certainement…

En revanche, les Français résidant dans un État tiers ne peuvent voter que s’ils sont inscrits sur les listes électorales de communes françaises. Ils doivent alors voter soit en personne, soit par procuration. Cette dernière faculté n’est pas facile à exercer pour eux, car on n’est pas toujours en suffisamment bons termes avec sa belle-mère pour lui confier sa procuration !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault. Tout de suite, les belles-mères…

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

C’est un exemple qui me vient spontanément à l’esprit, mais il y en a d’autres !

À de nombreuses reprises, nous avons signalé ce déni de droits civiques au Gouvernement. Nous nous sommes appuyés sur deux résolutions, adoptées à l’unanimité, de l’Assemblée des Français de l’étranger, demandant la réouverture des centres de vote dans les consulats et proposant différentes solutions.

J’ai posé une question orale, le 28 octobre 2008, à M. le secrétaire d'État, qui m’a répondu qu’il n’était pas question de modifier la législation.

Avec mes collègues Monique Cerisier-ben Guiga et Claudine Lepage, j’ai déposé des propositions de loi prévoyant diverses possibilités pour corriger cette situation : le rattachement des Français de l’étranger soit à la circonscription d’Île-de-France, dans le cadre du scrutin existant, bien que nous n’y adhérions pas, soit à celle de Nantes, qui est la préfecture, comme on dit, des Français de l’étranger, soit encore à la circonscription Outre-mer.

Toutes ces raisons, s’ajoutant à l’ensemble de celles qui ont été excellemment développées par d’autres intervenants, militent en faveur de l’adoption de cette proposition de loi

J’ajoute que, selon nous, l’idéal serait de créer des sièges au Parlement européen pour représenter globalement les Européens établis hors de l’Union. Ce serait un pas en avant important pour l’Europe.

Une autre possibilité, qui semble avoir été écartée, aurait été d’attribuer aux représentants des Français de l’étranger les deux sièges supplémentaires du Parlement européen qui échoient à la France. J’ai compris que tel n’était pas le souhait du Gouvernement.

Il m’a semblé, monsieur le secrétaire d'État, que vous plaidiez un peu a minima pour le maintien du mode de scrutin actuel, qui ne paraît pas selon votre cœur. Je le comprends d’autant mieux que je partage ce sentiment.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

En tout état de cause, j’appellerai, pour ma part, à voter cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi a le mérite de soulever indirectement une vraie question, cruciale pour l’avenir de notre démocratie et pour celui de la construction européenne. La faible participation aux élections européennes est un fléau qui mine d’année en année la légitimité de nos institutions communautaires. Nous nous devons d’y remédier, sous peine de voir l’euroscepticisme s’accroître encore, aux dépens de la vision généreuse des pères fondateurs de l’Union européenne.

L’élection au suffrage universel des représentants au Parlement européen, décidée en 1979, avait contribué à renforcer l’implication des citoyens dans le processus de construction européenne.

Mais, depuis, le taux de participation a dramatiquement chuté. La présence de candidats parfois peu connus pour leur engagement ou leur compétence sur le plan européen, la perception d’une emprise totale des appareils politiques sur la constitution de ces listes ont nourri le désintérêt des électeurs.

Pour faire face à cette crise, en 2003, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a mis fin à la circonscription nationale unique. La création de huit euro-circonscriptions, en renforçant l’ancrage territorial des élus, a constitué un progrès en termes de rapprochement entre élus et citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Mais cette réforme est insuffisante. D’abord, elle n’a pas permis de rétablir un taux de participation satisfaisant. Surtout, elle a privé de voix politique plus de deux millions et demi de ressortissants français : je veux bien sûr parler des Français de l’étranger. En effet, sur les huit circonscriptions nouvellement créées, sept représentent la métropole et une, l’outre-mer. Rien n’est prévu pour les Français de l’étranger.

J’avais bien évidemment tiré la sonnette d’alarme, notamment par voie de presse puisque je n’étais pas alors, hélas ! parlementaire.

Alors que les expatriés pouvaient, jusqu’à 2003, voter dans les consulats, ils ne peuvent désormais voter pour des candidats français que dans leur commune d’origine, soit en s’y déplaçant en personne, soit par procuration. À l’évidence, se déplacer est une option inenvisageable pour la plupart d’entre eux. Quant au vote par procuration, il suppose une dépersonnalisation de l’acte électoral, peu propice à la participation.

Certes, les Français qui résident dans un pays de l’Union européenne ont la possibilité de voter dans leur pays de résidence. Mais la perspective de désigner un représentant du pays d’accueil plutôt qu’un représentant français n’est pas des plus motivantes, en particulier pour ceux dont l’expatriation n’est que temporaire.

Surtout, un certain nombre de difficultés matérielles liées à la mauvaise prise en compte de la double inscription sur des listes françaises et sur des listes locales, dont j’avais pu me faire le relais lors des élections de 2009, sont toujours susceptibles de priver au dernier moment nos compatriotes de leurs droits.

La régionalisation du scrutin a donc contribué à distendre le lien entre nos compatriotes établis à l’étranger et les instances européennes. Paradoxalement, ce sont les Français les plus concernés par les questions européennes qui se voient privés de droit de vote.

Les Français de l’étranger, cela a été rappelé, avaient voté à plus de 80 % aux référendums européens. La confiscation de leur suffrage aux élections européennes est d’autant plus incompréhensible que le scrutin européen de 1979 avait justement été le premier auquel ils avaient pu participer à l’étranger.

Le Président Nicolas Sarkozy a fait faire d’énormes progrès aux Français de l’étranger en leur accordant, notamment, une représentation à l’Assemblée nationale dès 2012.

Il est dommage de s’arrêter en si bon chemin et paradoxal que les Français de l’étranger puissent avoir onze élus à l’Assemblée nationale, douze au Sénat, et qu’ils n’aient pas un seul représentant au Parlement européen, alors qu’ils sont les premiers acteurs au quotidien de la construction européenne.

Idéalement, il aurait fallu créer, me semble-t-il, un plus grand nombre de circonscriptions, l’une d’entre elles étant réservée aux Français de l’étranger, y compris à ceux résidant hors d’Europe.

Dès 1997, Michel Barnier avait proposé la délimitation de vingt et une circonscriptions dont l’une aurait représenté les Français de l’étranger. En 2001, notre collègue Hubert Haenel s’était également prononcé en faveur d’une circonscription spécifique. J’ai moi-même proposé il y a quelques mois que les deux sièges supplémentaires attribués à la France pour le Parlement européen grâce à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne reviennent aux représentants des Français de l’étranger. Aucune véritable décision n’a été prise en la matière, et une décision positive serait, me semble-t-il, aussi opportune que légitime.

Faute de pouvoir obtenir dans un avenir proche une circonscription spécifique, j’ai cosigné la proposition de loi de notre collègue Christian Cointat relative à la participation des Français de l’étranger aux élections au Parlement européen, qui vise à rattacher ces derniers à la circonscription d’Île-de-France. Cette solution aurait l’avantage de pouvoir être rapidement mise en place. Mes chers collègues, la représentation des Français de l’étranger au Parlement européen constitue en effet une urgence !

La vision des pères fondateurs de l’Europe était celle d’une circonscription unique non pas nationale, comme celle qui est défendue dans la présente proposition de loi, mais transnationale, qui supposait une convergence des mentalités et des politiques dont nous sommes malheureusement encore très loin.

La solution hybride d’une circonscription unique nationale apporte de fausses réponses à un vrai problème. Pour donner un nouvel élan à la participation électorale aux élections européennes, il importe de renforcer l’ancrage local des élus. Alors que les Français de l’étranger ont besoin d’être représentés, la liste unique n’a jamais permis l’élection d’un représentant des Français de l’étranger au Parlement européen.

C’est pourquoi je ne voterai pas pour cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous discutons aujourd’hui d’une proposition de loi présentée par nos collègues du groupe RDSE qui vise à rétablir en France une circonscription électorale unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen.

Lorsque la commission des lois a été saisie de cette proposition, j’ai été quelque peu surpris. En effet, alors que la représentation nationale a fait le choix, en 2003, d’instituer huit circonscriptions interrégionales, outre-mer compris, il faudrait que nous revenions aujourd’hui au système antérieur de la circonscription unique, au motif que le lien entre les électeurs et leurs élus serait distendu !

J’avoue très franchement que cet argument me laisse perplexe, tout comme celui qui fait valoir la nécessité d’une meilleure représentation de la diversité géographique de notre pays.

Mes chers collègues, comment assurer à la fois une meilleure représentation de l’ensemble de notre territoire national et un lien fort avec nos concitoyens si ce n’est en choisissant des élus issus d’une grande région géographique ?

Notre éminent collègue Patrice Gélard avait, en son temps, excellemment bien exposé la situation. La raison majeure qui avait prédisposé au choix de huit circonscriptions tenait justement à la volonté de donner « un meilleur ancrage territorial [aux élus] en créant des circonscriptions regroupant plusieurs régions ».

Les défis de l’Europe élargie et la montée en puissance du Parlement européen ont rendu nécessaire le choix d’un mode de scrutin permettant une meilleure identification des citoyens à leurs représentants.

En dépit des tentatives répétées du Parlement européen, aucune procédure électorale uniforme européenne n’a, à ce jour, été adoptée. Le traité d’Amsterdam ayant autorisé, à défaut, la définition de principes communs, la mention d’une éventuelle procédure électorale uniforme a été supprimée.

Les membres du Parlement européen sont non pas les représentants du peuple de l’Union mais les « représentants des peuples des États réunis dans la Communauté », ce qui explique que la répartition des sièges entre les États soit fixée en fonction du nombre de leurs habitants. Les eurodéputés ont vocation à représenter non pas les nations mais les citoyens européens.

Il est donc essentiel de susciter l’intérêt des Français pour les élections européennes, afin de répondre à l’enjeu européen. C’est pourquoi nous ne pouvons revenir aujourd’hui à un mode de scrutin qui provoquerait l’anonymat des représentants français au Parlement européen.

Le système d’une liste nationale entraînerait une certaine distance entre les électeurs et leurs élus au Parlement européen. Ce mode de scrutin ne permettrait ni le contrôle de l’électeur sur l’action de son représentant ni aucune sanction à l’issue du mandat.

Simultanément, le député européen, faute d’ancrage territorial et d’identification claire, n’aurait aucun moyen de faire connaître son action ni de présenter son bilan.

Nous comprenons ainsi que la circonscription unique nationale ne permet pas de prendre en compte la diversité géographique de notre pays.

C’est pourquoi le groupe UMP se satisfait des modalités actuelles de l’élection des représentants français au Parlement européen, qui répondent à un double objectif de cohérence vis-à-vis de nos voisins européens et de proximité vis-à-vis de nos concitoyens français.

Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, le groupe UMP votera contre la proposition de loi qui nous est soumise.

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État

Monsieur le président, je souhaiterais répondre aux sénateurs représentant les Français de l’étranger, Mme Joëlle Garriaud-Maylam et MM. Robert del Picchia et Richard Yung.

La suppression de la circonscription unique a en effet eu pour conséquence de priver nos concitoyens établis à l’étranger de la possibilité de voter aux élections européennes dans les centres de vote ouverts à leur intention dans les consulats ou les ambassades.

Ils se trouvent donc dans l’obligation de voter dans leur commune d’inscription en France. Je le rappelle, ceux qui résident dans un pays membre de l’Union européenne peuvent également voter dans leur pays de résidence, mais uniquement pour des listes de candidats de ce pays.

Je sais que cette situation préoccupe légitimement nombre d’entre vous, notamment ceux qui représentent nos compatriotes installés à l’étranger. Je présenterai rapidement les deux solutions envisageables pour y remédier.

La première consisterait à rattacher à l’une des huit circonscriptions existantes les quelque 1, 4 million à 2 millions de Français établis officiellement à l’étranger. Cette solution est défendue par les députés Thierry Mariani et Jean-Jacques Urvoas dans la proposition de loi visant à favoriser l’exercice par les Français établis hors de France du droit de vote pour l’élection des représentants français au Parlement européen, proposition qui a été adoptée par la commission des lois de l’Assemblée nationale en 2007, je tiens à le préciser, à l’unanimité des membres de celle-ci. Dans ce texte, le choix retenu est celui d’un rattachement à la circonscription d’Île-de France, mais ce n’est pas la seule option possible.

La seconde solution serait de créer une nouvelle circonscription comprenant l’ensemble des pays étrangers et de la doter des deux fameux sièges supplémentaires dont disposera la France en application du traité de Lisbonne.

À ce jour, le Gouvernement n’a pas encore tranché entre ces différentes solutions ; je serai donc particulièrement attentif aux propositions qui seront faites sur le sujet.

J’en arrive à ma conclusion, monsieur le président. La question devra être tranchée assez vite. Les conseils européens de décembre 2008 et juin 2009 ont en effet décidé que les deux sièges supplémentaires pourraient être pourvus avant les élections européennes de 2014 par une désignation émanant du suffrage universel direct. Le dernier Conseil européen a en outre convoqué une conférence intergouvernementale, qui se déroule aujourd’hui même, pour approuver le protocole permettant à ces futurs représentants de siéger au cours de la mandature actuelle.

Une fois ce protocole ratifié par tous les États membres, la loi qui sera nécessaire pour le mettre en œuvre dans notre pays devra régler les conséquences d’un passage de 72 à 74 membres pour la représentation française au Parlement européen, à la fois pour la période transitoire, pour laquelle nous avons choisi, conformément aux décisions du Conseil européen, la désignation par l’Assemblée nationale, et à partir des élections européennes de 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

L’article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : «, par circonscription, » sont supprimés ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : «, dans la circonscription, » sont supprimés.

L'article 1 er est adopté.

L’article 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 4. – Le territoire de la République forme une circonscription unique ». –

Adopté.

L’article 3-1 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 précitée est abrogé.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 1, présenté par Mme Hoarau, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 3.

L'article 3 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée. – Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes (proposition n° 340, texte de la commission n° 565, rapports n° 564, 562 et 553) et de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (proposition n° 118, rapport n° 564).

Je rappelle que la discussion générale a été close hier.

Avant de passer à la discussion des articles, je donne la parole à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, mes chers collègues, pour permettre à ce texte d’aboutir rapidement, ce que nous souhaitons tous, il conviendrait que nous en achevions l'examen ce soir. En effet, dans la mesure où il n’est pas inscrit à l'ordre du jour de la session extraordinaire, il doit être adopté définitivement avant le 30 juin prochain. Un créneau spécifique est d’ailleurs prévu à cet effet.

La commission des lois de l’Assemblée nationale est censée examiner le texte transmis par le Sénat demain, à seize heures. Nous avons de bonnes raisons de penser, à la lumière des contacts qu’ont noués les rapporteurs des deux assemblées, que nos collègues députés voteront ce texte conforme lors de la deuxième lecture, programmée pour le 28 juin.

Par conséquent, contrairement à ce qui avait été initialement prévu, nous devons absolument éviter d’avoir à poursuivre cette discussion demain soir, car nous risquerions alors d’être contraints de reporter le vote du texte à l’automne.

Mes chers collègues, il est dans l'intérêt de tous, conformément aux engagements forts qui ont été pris, que le texte soit voté et surtout mis en œuvre le plus rapidement possible. J’invite donc ceux d’entre vous qui seront amenés à s’exprimer à faire preuve de concision.

Chapitre Ier

Protection des victimes

I. – Le livre Ier du code civil est complété par un titre XIV ainsi rédigé :

« Titre XIV

« Des mesures de protection des victimes de violences

« Art. 515 -9. – Lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection.

« Art. 515 -10. – L’ordonnance de protection est délivrée par le juge, saisi par la personne en danger, si besoin assistée, ou, avec l’accord de celle-ci, par le ministère public.

« Dès la réception de la demande d’ordonnance de protection, le juge convoque, par tous moyens adaptés, pour une audition, la partie demanderesse et la partie défenderesse, assistées, le cas échéant, d’un avocat, ainsi que le ministère public. Ces auditions peuvent avoir lieu séparément. Elles peuvent se tenir en chambre du conseil.

« Art. 515 -11. – L’ordonnance de protection est délivrée par le juge aux affaires familiales, s’il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu’il existe des raisons sérieuses de soupçonner la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée. À l’occasion de sa délivrance, le juge aux affaires familiales est compétent pour :

« 1° Interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge aux affaires familiales, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;

« 2° Interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme et, le cas échéant, lui ordonner de remettre au greffe contre récépissé les armes dont elle est détentrice ;

« 3° Statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal et sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences ;

« 3° bis Attribuer la jouissance du logement ou de la résidence du couple au partenaire ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences et préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement ;

« 3° ter Se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et, le cas échéant, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l’aide matérielle au sens de l’article 515-4 pour les partenaires d’un pacte civil de solidarité et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ;

« 4°

Suppression maintenue

« 5° Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l’avocat qui l’assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie. Si, pour les besoins de l’exécution d’une décision de justice, l’huissier chargé de cette exécution doit avoir connaissance de l’adresse de cette personne, celle-ci lui est communiquée, sans qu’il puisse la révéler à son mandant ;

« 6° Prononcer l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle de la partie demanderesse en application du premier alinéa de l’article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

« Le cas échéant, le juge présente à la partie demanderesse une liste des personnes morales qualifiées susceptibles de l’accompagner pendant toute la durée de l’ordonnance de protection.

« Art. 515 -12. Les mesures mentionnées à l’article 515-11 sont prises pour une durée maximale de quatre mois. Elles peuvent être prolongées au-delà si, durant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée. Le juge aux affaires familiales peut, à tout moment, à la demande du ministère public ou de l’une ou l’autre des parties, ou après avoir fait procéder à toute mesure d’instruction utile, et après avoir invité chacune d’entre elles à s’exprimer, supprimer ou modifier tout ou partie des mesures énoncées dans l’ordonnance de protection, en décider de nouvelles, accorder à la personne défenderesse une dispense temporaire d’observer certaines des obligations qui lui ont été imposées ou rapporter l’ordonnance de protection.

« Art. 515 -13. – Une ordonnance de protection peut également être délivrée par le juge à la personne majeure menacée de mariage forcé, dans les conditions fixées à l’article 515-10.

« Le juge est compétent pour prendre les mesures mentionnées aux 1°, 2°, 5° et 6° de l’article 515-11. Il peut également ordonner, à sa demande, l’interdiction temporaire de sortie du territoire de la personne menacée. Cette interdiction de sortie du territoire est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République. L’article 515-12 est applicable aux mesures prises sur le fondement du présent article. »

II. – §(Non modifié) Le même code est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa de l’article 220-1 est supprimé ;

2° Au dernier alinéa de l’article 220-1, le mot : « autres » est supprimé ;

3° À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 257, après la référence : « 220-1 », sont insérés les mots : « et du titre XIV du présent livre ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, si l'examen de ce texte est à mes yeux, d’une manière générale, l’un de ces moments qui redonnent espoir et confiance en la justice, son article 1er introduit dans notre droit une novation majeure, qui mérite d’être saluée.

Il crée en effet un nouvel outil pour la protection en urgence de la victime de violences au sein du couple, à savoir l’ordonnance de protection ; les mesures prévues s’apparentent à une démarche globale d’accompagnement de la victime.

Cet accompagnement est nécessaire pour assurer non seulement la sécurisation personnelle de la victime, mais également son autonomisation, éventuellement son intégration sociale et la reprise en main de sa vie dans toutes ses composantes.

C’est pourquoi, eu égard à l’intérêt même de ce nouveau dispositif, je me permets ici d’exprimer un regret et une préoccupation.

Je regrette d’abord que la proposition de loi soit passée au filtre de l’article 40 de la Constitution, conduisant même ses auteurs et les signataires des amendements à s’autocensurer dès lors qu’il s’agissait de formuler des propositions susceptibles d’apporter à la loi, une fois celle-ci votée, la garantie des moyens de son application.

S’agissant plus spécifiquement de l’ordonnance de protection, nous devons garder à l’esprit que, faute de rapidité dans l’exécution, faute d’accès parallèle au logement ou à l’emploi, faute de sécurité administrative pérenne sur le plan de la régularité du séjour sur notre territoire ou faute de possibilité d’organiser sa mobilité géographique, le cas échéant, pour se soustraire à la proximité d’avec l’auteur des violences, les bénéficiaires les plus vulnérables de l’ordonnance de protection auront tôt fait de se retrouver à la case départ.

Pis, les victimes ont actuellement tendance à rebasculer dans leur situation antérieure, avec le risque de subir des violences encore plus graves, et ce au grand désespoir des associations qui, pour l’heure, doivent elles aussi faire trop souvent face à cette réalité.

J’espère vivement que la prochaine loi de finances tiendra compte des dispositions prévues dans ce texte. Il importe non seulement de prévoir le financement des associations venant en aides aux victimes de violences, mais également d’inscrire les crédits suffisants pour augmenter les places d’accueil dans les structures d’hébergement d’urgence ou temporaire, ainsi que les moyens des institutions chargées de la protection des victimes, ceux des tribunaux, voire des préfectures, qui auront à traiter les nouveaux dossiers relevant d’une ordonnance de protection.

Pour l’heure, j’ai déposé des amendements propres à faciliter ce parcours vers l’autonomie de la personne victime de violences au sein du couple, sans oublier ces victimes collatérales que sont les enfants.

Ma préoccupation, c’est que toutes les autorités publiques, notamment dans les commissariats, gendarmeries et préfectures « s’approprient » véritablement cet article 1er et qu’elles en respectent à la fois la lettre et l’esprit, afin que plus jamais une femme, quelle qu’elle soit, qui souhaite porter plainte pour violences ou harcèlement ne soit incitée à déposer une simple main courante ou, pis encore, entraînée dans l’engrenage d’une reconduite à la frontière.

Au-delà de l’outil de protection qu’il offre aux victimes, cet article doit être un pas de plus vers le respect des droits de toute personne, femme ou homme, de quelque origine qu’elle soit.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens d’abord à dire que je partage le souhait qu’a exprimé le président Hyest de voir le Sénat achever ce soir l’examen de ce texte.

Qu’il me soit néanmoins permis de formuler, au moment où nous entamons l’examen des articles, un certain nombre de remarques.

Voilà quatre ans, nous avons légiféré pour tenter de lutter contre les violences faites aux femmes, mais la loi de 2006 – je l’avais, ainsi que d’autres, souligné à l’époque – a surtout pris en compte le volet répressif de cette lutte. De ce fait, nous n’avons pu agir de manière efficace sur la prise en charge et la protection des femmes victimes de violences, ni renforcer réellement la prévention en la matière, alors qu’il s’agit d’éléments clefs pour empêcher le plus possible que ces violences soient commises.

Ainsi, quatre ans après le vote de cette loi de 2006, nous sommes encore loin d’avoir atteint nos objectifs. Le bilan est lourd et les chiffres sont éloquents, en ce qui concerne tant le nombre de morts que la fréquence des cas de maltraitance ; et l’on estime encore aujourd’hui à 8 % seulement la proportion de victimes qui osent porter plainte.

Tout cela atteste la prégnance de la domination masculine dans la société et dans les mentalités. On peut même constater une dégradation récente de la situation au regard du respect de la mixité, notamment dans la jeunesse.

Voilà donc un phénomène de société qui soulève de fortes interrogations. Il n’est d’ailleurs pas anodin que le Gouvernement ait décidé de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes une grande cause nationale en 2010.

Le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale, laquelle l’a voté à l’unanimité, est le fruit d’un long travail des associations féministes, mené à partir de leur expérience de terrain, et d’un dialogue avec des députés qui ont constitué une commission spéciale pour élaborer cette proposition de loi. Celle-ci est porteuse d’innovations qui sont autant d’avancées, parfois dérogatoires aux procédures en vigueur, afin, justement, de prendre en compte à la fois la spécificité et l’ampleur du phénomène que représentent les violences faites aux femmes dans notre société.

Pour notre part, nous croyons possible d’améliorer les dispositifs prévus et, surtout, de leur donner une réelle efficacité en mettant en place les moyens adéquats. Cela doit se traduire par un effort accru pour améliorer l’accueil des victimes, renforcer la prévention, développer la formation des personnels et l’éducation des jeunes.

Il serait donc pour le moins regrettable que notre assemblée en vienne à édulcorer un tant soit peu le texte, comme certaines des modifications apportées par la commission nous le donnent à penser. Sans entrer maintenant dans le détail, je dirai que nombre de points suscitent des interrogations, qu’il s’agisse de l’intitulé du texte, du rôle finalement dévolu aux associations, du poids de l’ordonnance de protection, de la portée de l’autorité parentale, de l’efficacité de la médiation pénale, réintroduite de façon « lourde ».

Nous nous opposerons à tout ce qui est de nature à banaliser les violences faites aux femmes, à nier la spécificité de ce phénomène de société si particulier, à assimiler finalement de telles violences à de simples conflits au sein des couples.

Je tenais à exprimer dès à présent notre refus de voter un texte qui resterait en deçà de ce qui a d’ores et déjà été voté.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Christiane Kammermann, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Kammermann

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ayant entendu, hier, le poignant témoignage de Mme la présidente Muguette Dini, je souhaiterais à mon tour vous rapporter une histoire véridique sur ce sujet des violences morales ou psychologiques.

Elle est arrivée à une personne qui m’est proche. Je la nommerai Julie.

Julie, trente-huit ans, en instance de divorce, mère de deux enfants, rencontre un jour un homme de dix ans son aîné, aux allures de prince charmant, galant, bien éduqué, issu soi-disant d’une grande famille. Elle tombe éperdument amoureuse de ce Pierre, qui, très vite, s’installe chez elle. Deux mois à peine après le début de leur relation, Pierre devient ponctuellement, dans un premier temps, agressif, méprisant à l’égard de Julie, critiquant la maison qu’elle loue, l’éducation qu’elle donne à ses enfants, ses capacités professionnelles, son physique, ses amis, sa famille… Tout y passe !

Elle ne revient pas de cette attitude si soudaine, mais elle lui donne des excuses, encore et toujours des excuses : Julie est sous l’emprise de cet homme. Il se rend indispensable dans le quotidien de la jeune femme, qui perd son emploi, subit un divorce difficile et se trouve dans une situation financière de plus en plus critique.

Agent immobilier, elle décide de monter sa propre affaire. Pierre se propose de créer son site Internet et enregistre le nom de domaine du site en son nom propre, sans en prévenir Julie, qui n’a aucune connaissance en matière de droit de l’internet.

Julie se noie dans ses soucis professionnels et personnels. Pierre en profite pour lui plonger plus encore la tête sous l’eau, la traitant constamment d’incapable, l’isolant de sa famille et de ses amis, la renvoyant constamment à un pseudo-mal-être psychologique. Pierre vit aux frais de la jeune femme et refuse toute contribution au loyer ou taxes qu’elle paye. Il se livre à une véritable entreprise de démolition psychologique de cette jeune femme, pourtant très intelligente et très forte.

N’en pouvant plus et finissant par se rendre compte du danger que représente cet homme, elle ose le quitter un an et demi plus tard. Et là, c’est le déluge : harcèlement, méchancetés, menaces, notamment de fermeture de son agence, envois de textos malveillants à ses enfants, à ses amis…

Pierre lui fait valoir que, sans lui, elle n’est rien, qu’elle est malade psychologiquement, qu’elle est folle. Or Julie n’a jamais eu de problèmes psychologiques ; elle a été mariée pendant douze ans, sans la moindre vague. C’est une femme équilibrée, une mère très présente et aimante.

Il se livre à un piratage de tous ses comptes mails et Internet, saisit le site de son agence, inscrit son agence avec de fausses coordonnées sur un nombre incalculable de sites, usurpant son identité, faisant perdre à la jeune femme tout contact avec ses clients. Il fait en sorte qu’elle subisse un contrôle de l’URSSAF, rôde constamment autour de chez elle, la poursuit en voiture, la harcèle sans cesse, la menace au téléphone et par SMS, la diffame auprès de ses confrères, lui coupe son téléphone à la maison et la prive du moindre accès à une adresse électronique valide.

Julie, réellement terrorisée par cet homme, perd pied, ne parvient plus à travailler sereinement. De ce fait, elle perd de nombreux clients. Elle prend néanmoins le chemin de la gendarmerie, où elle portera plusieurs fois plainte pour harcèlement, piratage informatique, menaces, diffamation, appels malveillants, usurpation d’identité. Bien entendu, elle a suffisamment de preuves de ce qu’elle avance, avec les nombreuses traces écrites dont elle dispose.

Entre-temps, Julie a fait sa propre enquête et a retrouvé une des anciennes victimes de Pierre, Hélène, qui, elle aussi, avait porté plainte contre lui cinq ans plus tôt. Il avait notamment tenté, alors qu’elle était au volant de sa voiture, de la faire sortir de la route – il aurait pu la tuer ! –, avait crevé ses pneus à maintes reprises, avait porté des coups sur elle, rôdait autour de chez elle, où il s’introduisait sans scrupule.

Hélène, malgré des témoignages et des preuves, n’avait pas obtenu une reconnaissance de son statut de victime ni la culpabilité de Pierre et avait dû fuir à l’étranger pour être tranquille. Elle savait que Pierre recommencerait et décide donc de joindre son témoignage et sa plainte au dossier de Julie.

Ce n’est que cinq mois plus tard – cinq mois d’enfer pour Julie – que Pierre est convoqué en gendarmerie et placé pour quelques heures en garde à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Veuillez conclure, madame. Je suis désolé de devoir ainsi vous interrompre, mais il nous faut tenir les horaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Kammermann

Dans ces conditions, monsieur le président, je m’arrête là. Mais croyez bien que je le regrette, car il y avait bien des choses à dire. Et si on les passe sous silence, on n’arrivera à rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J’en suis navré, mais je ne fais que relayer la demande du président Hyest. En tout état de cause, une prise de parole sur un article ne doit pas excéder cinq minutes.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 59, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le juge organise l'audience au cours de laquelle les parties peuvent être entendues séparément.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité

L’alinéa 6 de l’article 1er est relatif aux modalités de convocation des parties dans le cadre d’une procédure civile, modalités qui relèvent normalement, je le signale, du domaine réglementaire.

Dans la rédaction qui vous est soumise, cet alinéa prévoit qu’il appartient au juge de convoquer les parties par tous moyens : il empêche donc une saisine du juge par voie d’assignation, en l’obligeant à recourir à la convocation par lettre recommandée avec avis de réception.

Si le Gouvernement partage le souci de permettre une saisine très rapide du juge pour délivrer l’ordonnance de protection, il estime que la rapidité ne doit pas nuire à la sécurité et à l’efficacité. Or, pour saisir le juge, seule l’assignation permet de garantir à la fois le respect de ces trois exigences.

Mme Kammermann a montré dans son intervention combien une procédure rapide était nécessaire. Avec une assignation en référé d’heure à heure, une audience peut se tenir dans les quarante-huit heures. J’ajoute que, si la victime n’est pas en mesure de faire l’avance des frais d’huissier, elle peut solliciter une aide auprès du bureau d’aide juridictionnelle. Une fois le dossier d’aide juridictionnelle déposé, l’huissier pourra délivrer une assignation le jour même.

L’assignation répond également aux exigences de sécurité et d’efficacité, car, même si l’huissier n’arrive pas à délivrer cette assignation au défendeur, l’audience pourra malgré tout se tenir à la date indiquée dans l’assignation.

La convocation par lettre recommandée n’offre pas les mêmes avantages : l’envoi d’un tel courrier imposera d’attendre l’expiration du délai de retrait, qui est de quinze jours, avant de pouvoir tenir l’audience. Au demeurant, si le défendeur ne retire pas la lettre recommandée, il faut recourir à une assignation. Beaucoup de temps aura donc été perdu, et ce au détriment de la victime des violences.

J’ai entendu qu’il était envisagé que cette convocation se fasse par officier de police judiciaire. Je le dis clairement, cette hypothèse n’est pas réaliste. Il importe d’éviter d’accroître les charges des forces de police en leur attribuant des tâches très « chronophages », qui ne sont pas en lien direct avec leurs compétences naturelles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite donc à adopter l’amendement déposé par le Gouvernement, qui répond au mieux aux préoccupations de célérité et d’efficacité, au service des femmes victimes de violences.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Collin, Barbier et Plancade, Mme Escoffier et MM. Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

à l'issue de ces auditions, le juge statue sans délai sur la demande

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

L'objectif de l'ordonnance de protection est l'ouverture rapide de droits opposables au profit de la victime. Il est donc essentiel que la justice, saisie dans l'urgence, prenne sa décision dans les plus brefs délais, afin d’extraire la victime de la situation de violence dans laquelle elle se trouve. L'expérience espagnole montre bien que la brièveté du délai est déterminante pour garantir l'efficacité du mécanisme de l'ordonnance de protection.

Le code civil ne prévoyant justement aucun délai en cas de référé, quelle que soit la situation, cet amendement tend simplement à préciser que la décision du juge aux affaires familiales interviendra « sans délai ».

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Monsieur le président, je souhaite tout d’abord répondre à Mme Kammermann.

Ma chère collègue, je ne voudrais pas que vous puissiez croire une seconde qu’il en est un seul ou une seule parmi nous aujourd'hui qui n’ait été sensible à votre intervention. Même si, en vertu des dispositions du règlement, vous n’avez pas pu achever votre propos, nous avons bien entendu les faits poignants que vous avez évoqués, et nous voulons y apporter rapidement des solutions. Chacun d’entre nous a eu connaissance de faits similaires, soit à titre personnel, soit, je l’évoquerai peut-être plus tard, à titre professionnel.

J’en viens aux amendements.

La commission a créé un dispositif totalement innovant, l’ordonnance de protection, qui n’existe ni en droit de la famille ni en procédure civile. Appliquer les techniques de convocation existantes en matière de procédure civile à la procédure de l’ordonnance de protection serait synonyme d’échec.

Nous avons à dessein retiré la notion de « partie assignée » précisément parce que l’assignation implique la fixation d’un délai. Il a été indiqué tout à l’heure qu’il pourrait être procédé par assignation à jour fixe ou par référé d’heure à heure. J’attire votre attention sur le fait que, du point de vue de la procédure, l’assignation échappera totalement aux personnes qui souhaitent se défendre elles-mêmes, alors que, avec le dispositif que nous avons prévu, il n’y a pas de monopole d’avocat.

En effet, il faut adresser une requête à fin d’assignation à un juge pour que celui-ci fixe, dans la journée, la date de l’audience, ce qui suppose de s’adresser à un huissier pour la délivrer. Aucun citoyen n’est en mesure de suivre cette procédure sans l’assistance d’un avocat : dès lors, l’objectif de rapidité et de facilité ne pourra être atteint.

C’est la raison pour laquelle, madame la secrétaire d'État, la commission est très attachée à l’efficacité de la saisine du juge. Au reste, le juge décide du système de convocation qui lui semble le mieux adapté en fonction des circonstances : il aura donc tout à fait la possibilité de demander à la partie demanderesse qu’elle procède à une assignation. J’ai, par conséquent, le regret d’émettre un avis défavorable sur votre amendement.

Madame Laborde, n’ayez crainte, le magistrat doit juger dans les plus brefs délais puisque nous sommes en matière de référé. Réaffirmer ce principe dans la loi n’apportera rien, car, par définition, en procédure civile, le juge des référés doit statuer promptement, quelquefois « sur le siège », c'est-à-dire immédiatement.

Votre amendement se comprend parfaitement sur le fond, mais je peux vous assurer que, en termes de procédure, il n’apporte rien. Par conséquent, je vous demande de le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Il s’agissait d’un amendement d’appel. Je le retire, monsieur le président !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 45, présenté par Mmes Terrade, Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat, Schurch et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de besoin, le juge aux affaires familiales peut statuer par ordonnance sur requête.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’ordonnance sur requête est une décision non contradictoire, qui est, nous en avons bien conscience, dérogatoire par rapport à nos procédures. Mais elle est également une décision provisoire, qui permet la mise à l’écart temporaire du principe de la contradiction.

Mme Dini a fait état hier d’un cas très émouvant, particulièrement pertinent au regard de nos propositions, qui montre bien que les conjoints ou compagnons auteurs de violences font évidemment tout pour ne pas être entendus. Si nous ne sommes pas capables de mettre en place une ordonnance de protection sans procédure contradictoire, la victime sera moins incitée à entreprendre des démarches afin d’obtenir une protection rapide.

J’avais cru comprendre que le Gouvernement avait accepté le texte adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Il me semble assez malvenu, de la part du Gouvernement ou de quiconque, de nous soumettre aujourd’hui des amendements qui sont moins protecteurs que ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Madame Borvo Cohen-Seat, je comprends parfaitement l’intention qui vous anime. Pour autant, vous devez vous rendre compte que le dispositif de l’ordonnance de protection permet au juge de prendre des mesures extrêmement importantes, qui ne peuvent être envisagées en l’absence d’un débat contradictoire. Si nous admettions qu’il est possible, en l’espèce, de se passer du débat contradictoire, nous risquerions d’affaiblir considérablement notre dispositif, qui serait alors susceptible d’encourir la critique relative au procès non équitable.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Pendant ce temps-là, la femme a le temps de mourir dix fois !

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Mais non, ma chère collègue ! Le juge a la possibilité de prendre, dès qu’il est saisi, des mesures, et même, vu la manière dont le texte a été rédigé, d’ordonner des mesures d’instruction, comme une enquête sociale, sur lesquelles il pourra par la suite revenir.

Encore une fois, le texte ne doit supporter aucune critique au regard du principe fondamental qu’est le droit à un procès équitable.

C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur l'amendement n° 45. J’en suis convaincu, le texte tel qu’il a été amélioré par la commission permettra au juge, qui disposera d’éléments sérieux, d’intervenir immédiatement.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, qui ne me semble absolument pas adapté en l’espèce. Il pourrait, par ailleurs, être déclaré non conforme à la Constitution.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 61, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 7, première phrase

Après les mots :

s'il estime

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

que des éléments sérieux produits devant lui et contradictoirement débattus rendent vraisemblables la commission des faits de violences alléguées et le danger auquel la victime est exposée.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Cet amendement a pour objet de préciser les conditions dans lesquelles le juge pourra rendre une ordonnance de protection. Pour protéger efficacement les victimes, il est important d’éviter toute confusion entre le rôle du juge pénal et celui du juge aux affaires familiales, qui intervient en matière civile.

Or, l’alinéa 7 tel qu’il est rédigé utilise la terminologie empruntée au code de procédure pénale pour le placement en garde à vue, en faisant référence aux raisons sérieuses de soupçonner la commission de faits pour définir les critères sur lesquels le juge aux affaires familiales doit se prononcer.

Cet emprunt, qui ne me semble pas indispensable, pourrait être source de confusion. Le rapport d’information de la délégation aux droits des femmes a fort justement souligné qu’il était nécessaire, non seulement pour les justiciables, mais également pour les praticiens, que le droit et les procédures soient lisibles. La commission proposant maintenant un amendement qui répond à ces observations, je retire le présent amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 61 est retiré.

L'amendement n° 64, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 7, première phrase

Remplacer le mot :

soupçonner

par les mots :

considérer comme vraisemblables

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Le retrait de l’amendement du Gouvernement s’explique par la modification du texte qui nous a été suggérée par notre collègue François-Noël Buffet. Nous avons remplacé le terme « soupçonner », qui a une légère connotation pénale, par l’expression « considérer comme vraisemblables », qui semble avoir recueilli l’unanimité lors des débats en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je présume que le Gouvernement est favorable à cet amendement, madame la secrétaire d'État...

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Oui, monsieur le président.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 46, présenté par Mmes Terrade, Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat, Schurch et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 7, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

L'ordonnance de protection atteste la situation de danger subie par la partie demanderesse.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Cet amendement vise à donner à l’ordonnance de protection une force probante en lui permettant d’attester la situation de danger subie par la femme victime.

Il ne s’agit pas de présager l’issue du litige au fond. Nous en avons bien conscience, l’ordonnance de protection est une décision provisoire, qui n’a pour objet que de stabiliser la situation juridique d’une femme victime exposée à des violences.

Nous avons également pris acte de la vaste palette de mesures qui peuvent être adoptées par le juge aux affaires familiales dans le cadre de l’ordonnance de protection.

Cependant, malgré l’ampleur de son champ d’intervention, le juge aux affaires familiales ne sera pas le seul interlocuteur d’une femme victime de violences. Avant d’obtenir un jugement au fond, cette dernière pourra avoir besoin de bénéficier d’un revenu de solidarité active, d’un logement social ou de faire renouveler son titre de séjour. Dans chacune de ces hypothèses, il lui faudra prouver la situation particulière dans laquelle elle se trouve. Or la femme victime de violences est souvent dans une situation de grande détresse et de grand dénuement.

En conséquence, il paraît opportun de permettre à l’ordonnance de protection de jouer le rôle d’un « commencement de preuve » en lui permettant d’attester la situation de danger dans laquelle se trouve la femme victime.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Le texte a déjà été modifié sur ce point par la commission puisque nous avons supprimé le verbe « attester ». Dans la mesure où l’ordonnance de protection est rendue à titre temporaire, au terme d’une procédure qui ne présente pas les mêmes garanties qu’une procédure pénale, elle ne peut attester les faits allégués ni le danger auquel la victime serait exposée. Il faut éviter que la délivrance d’une ordonnance de protection ne devienne un enjeu de preuve dans une procédure civile ou pénale.

Il n’est d’ailleurs pas nécessaire que l’ordonnance de protection atteste des violences ou un danger pour qu’elle produise tous ses effets de droit puisque ces derniers dépendent uniquement du fait qu’elle ait été ou non délivrée par le juge.

Telles sont les raisons pour lesquelles j’émets un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Le Gouvernement partage l’analyse de la commission : avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 41 rectifié, présenté par Mmes Dini, Bout et Henneron, MM. Laménie et Milon, Mme Payet et MM. Vanlerenberghe et Gournac, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 10, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences, sauf refus de sa part ou en cas de circonstances particulières.

II. - Alinéa 11

Après le mot :

violences

insérer les mots :

, sauf refus de sa part,

La parole est à Mme Muguette Dini.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Lorsque le juge aux affaires familiales a délivré une ordonnance de protection, il est compétent pour statuer sur la résidence des époux.

Aux termes du texte proposé pour le 3° de l’article 515-11 du code civil, le juge aux affaires familiales attribue la jouissance du logement du couple au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences. Le 3° bis prévoit le même dispositif au profit du partenaire de PACS ou du concubin.

Cette disposition, louable dans ses intentions, ne prend pas en compte le fait que, dans certains cas, la victime ne souhaite pas rester dans un lieu connu de son partenaire ou qui lui rappelle de très mauvais souvenirs.

Le présent amendement vise donc à préciser que l'attribution du logement du couple à la victime reste automatique, à moins que celle-ci ne s'y oppose. Une telle disposition conduira le juge à lui poser expressément la question.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Nous sommes totalement d’accord, madame Dini : il faut éviter que la victime ne se voie attribuer le domicile par le juge alors qu’elle ne souhaiterait pas y demeurer.

Cela étant, l’alinéa 10 envisage déjà expressément le cas où des circonstances particulières justifient de ne pas accorder la jouissance du logement à celui qui n’est pas l’auteur des violences. De plus, selon un principe de droit, le juge ne peut statuer ultra petita : si la victime ne sollicite pas l’attribution du logement, le juge ne peut le lui accorder.

Je pense donc que, tant au regard des principes du droit que compte tenu de la rédaction actuelle de l’alinéa 10, votre amendement est satisfait et je vous invite à le retirer.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Le Gouvernement partage l’analyse de la commission : avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Je retire l’amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L’amendement n° 41 rectifié est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 47, présenté par Mmes Terrade, Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat, Schurch et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 7° Avec l'accord de l'intéressée, désigner une personne morale habilitée qui sera chargée d'assurer l'accompagnement de la partie demanderesse pendant toute la durée de l'ordonnance de protection.

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Cet amendement a pour objet de rétablir le texte dans la version adoptée par l’Assemblée nationale dans la mesure où celle-ci est plus protectrice des droits de la victime.

Certes, la femme victime de violences peut recevoir le soutien bénévole d’une association sans que ce soutien ait été formellement décidé par le juge. Cependant, la femme victime est souvent désorientée et fragilisée. Elle peut donc avoir un impérieux besoin de soutien pour entreprendre des démarches juridiques complexes durant les quatre mois de validité de l’ordonnance de protection.

Lui présenter une liste d’associations qualifiées susceptibles de l’accompagner dans ses démarches ne suffira pas : la femme victime de violences aura besoin d’être prise en charge par une association unique désignée par le juge, avec son accord : elle pourra dès lors disposer d’un cadre rassurant, d’un interlocuteur privilégié et spécialisé, apte à l’accompagner tout au long de la procédure judiciaire et de l’assister dans ses démarches administratives et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Chevènement et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Après les mots :

personnes morales qualifiées

insérer les mots :

conventionnées avec le ministère de la justice

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

La victime de violences doit bénéficier d'une prise en charge globale par des équipes pluridisciplinaires, en partenariat avec les divers professionnels des secteurs public et privé, notamment pendant les audiences.

Les associations généralistes d'aide aux victimes ayant fait l'objet d'un conventionnement par les chefs de cours d'appel offrent une garantie de sérieux pour la victime durant son parcours judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 14, présenté par M. Courteau, Mmes Klès et Bonnefoy, MM. Sueur, Yung, Bodin et Mirassou, Mmes M. André, Blondin, Cartron, Lepage, Schillinger, Ghali et Printz, M. Mazuir et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il peut, avec son accord, transmettre à la personne morale qualifiée les coordonnées de la partie demanderesse, afin qu'elle la contacte.

La parole est à Mme Virginie Klès.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoyait que le juge pouvait désigner une personne morale habilitée chargée d’accompagner la victime, bien entendu avec son accord.

La commission des lois du Sénat ayant considéré que, dans l’intérêt de la victime, recevoir cette aide bénévole d’une association ne nécessitait pas obligatoirement une habilitation judiciaire, elle a prévu la présentation à la victime d’une simple liste d’associations pouvant la soutenir.

Plusieurs expériences, notamment celle du parquet de Versailles, montrent que l’accompagnement des victimes par les associations est primordial. Or la victime n’a pas toujours l’énergie nécessaire pour se tourner vers elles. Nous proposons donc de renforcer le dispositif d’aide aux victimes en permettant aux associations, avec l’accord de la victime, d’entrer elles-mêmes en relation avec celle-ci.

Si l’on devait nous répondre qu’une telle mesure ne relève pas du domaine législatif, nous souhaiterions que le Gouvernement prenne l’engagement de la faire figurer dans le décret.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Nous sommes unanimes pour saluer le travail remarquable et essentiel des associations dans ce domaine. Toutefois, si l’on veut qu’elles puissent l’accomplir, encore faut-il ne pas leur confier des responsabilités qui dépassent le cadre de leur action.

La désignation, avec l’accord de la victime, d’une personne morale habilitée, chargée d’assurer son accompagnement pendant toute la durée d’application de l’ordonnance de protection, comme le préconise l’amendement n° 47, n’apparaît pas opportune. En effet, on risquerait alors de conférer à l’association ainsi mandatée par la victime le rôle de partie, ce qui compliquerait considérablement la procédure. En outre, ce ne serait pas servir les associations que de leur attribuer un tel rôle. Ce qu’il faut en revanche souligner, notamment auprès des victimes, c’est leur rôle d’accompagnement.

Par ailleurs, la mesure préconisée paraît calquée sur celles qui sont applicables en matière de protection juridique des majeurs incapables ou d’assistance éducative, et cela n’est pas souhaitable.

Et puis qu’adviendra-il lorsque, en cours de procédure, la victime désirera changer d’association en raison d’un désaccord avec la méthode de défense choisie ou la présentation de son cas ?

Je le répète, un tel dispositif compliquerait la situation et ferait jouer aux associations un rôle qui n’est pas le leur, et dans lequel elles n’excelleront d’ailleurs pas forcément. Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 47.

L’amendement n° 7 rectifié, qui vise à réserver aux seules associations qualifiées conventionnées avec le ministère de la justice l’accompagnement des victimes bénéficiant d’une ordonnance de protection, a également reçu un avis défavorable.

À l’évidence, l’ajout de la condition de conventionnement à celle de qualification réduira le nombre d’associations susceptibles d’intervenir. L’effet risque donc d’être à l’opposé de celui qui est recherché. En outre, il semble que la référence au conventionnement relève plutôt du domaine réglementaire.

Concernant l’amendement n° 14, je rappelle que la commission a préféré retenir le principe d’une présentation à la victime de l’ensemble des associations qualifiées auxquelles elle est susceptible de s’adresser, ce qui laisse l’intéressé libre de son choix. À mon avis, c’est dans les modalités de prise de contact, avec l’offre faite à la victime de rencontrer une association, que nous pouvons renforcer le système. Cependant, une telle mesure relevant du décret, voire de la circulaire, la commission aimerait recueillir les explications du Gouvernement, qui nous rassureront peut-être, avant de se prononcer.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Le Gouvernement partage en tout point l’analyse de la commission, et j’émets donc un avis défavorable sur les trois amendements.

J’ajoute simplement que l’accompagnement ne sera vraiment efficace que s’il repose sur une adhésion volontaire de la victime. À cet égard, la prise de contact est souvent déterminante.

Le ministère de la justice sensibilise les magistrats à l’importance de l’accompagnement de la victime par des associations, conventionnées ou non, lesquelles deviennent en quelque sorte des partenaires de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est, finalement, l’avis de la commission sur l’amendement n° 14 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 47.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je tiens à insister, car le texte auquel vise à revenir l’amendement de notre groupe a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Le Gouvernement a donc, à ce moment-là, je le suppose, approuvé le dispositif que la commission des lois du Sénat entend supprimer.

Il est anormal aujourd’hui d’être en deçà du texte initial, car, on le sait bien, le problème de l’accompagnement est très important. Bien entendu, il ne s’agit pas de l’imposer, et l’accord de l’intéressée sera requis, mais il faut s’assurer que la victime pourra se faire aider par une association.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote sur l'amendement n° 14.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Je voterai cet amendement : ne pas le faire, ce serait vraiment ignorer la fragilité des femmes qui sont victimes de violence.

Je peux vous assurer, mes chers collègues, que ce n’est pas la même chose de transmettre à la personne morale qualifiée les coordonnées de la victime, bien entendu avec son accord, ou une liste à celle-ci. Si cet amendement est adopté, contact sera à coup sûr pris avec la victime, alors qu’elle-même n’est pas toujours en mesure d’entreprendre la démarche.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 30, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Statuer le cas échéant sur la perception et l'administration temporaire, par la personne morale habilitée, des allocations familiales versées pour l'éducation des enfants ».

La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Dans le droit en vigueur, c’est l’allocataire en titre qui est l’attributaire des allocations familiales. En cas de retrait total de l’autorité parentale de l’allocataire, les prestations sont versées à son conjoint ou à son concubin. En outre, lorsque les prestations ne sont pas employées dans l’intérêt de l’enfant, le juge des enfants ou le juge des tutelles peut décider qu’elles seront versées à une personne physique ou morale qualifiée, appelée « tutelle aux prestations familiales » ou, depuis peu, « aide à la gestion des budgets des familles ».

Il me paraîtrait judicieux que le juge aux affaires familiales ait à statuer sur le versement des allocations familiales à une personne morale qualifiée dans le contexte d’une ordonnance de protection lorsque la situation administrative ou économique de la victime ne permet pas de lui attribuer directement ces allocations.

En effet, les associations font souvent état de la dépendance financière à l’égard de leur conjoint des femmes victimes de violence, dans un contexte d’emprise, situation encore plus critique lorsqu’il s’agit d’une femme étrangère pour laquelle la procédure de regroupement familial n’a pas été demandée par le conjoint ou est en cours. Dans ce cas, seul le conjoint ou le compagnon possédant une carte de séjour en cours de validité est allocataire de la caisse d’allocations familiales, ce qui maintient la mère en situation de dépendance.

Précisons ici que le juge aux affaires familiales est certes juge des tutelles pour les mineurs, mais en principe pas pour les majeurs, alors que les enfants ouvrent droit aux allocations familiales jusqu’à vingt ans. Par ailleurs, la tutelle aux prestations familiales n’est en principe décidée que si l’allocataire n’emploie pas ces allocations dans l’intérêt de l’enfant et qu’elles sont détournées pour un autre usage.

Dans le contexte de l’ordonnance de protection, ces éléments ne sont pas forcément en cause. C’est principalement le statut d’étrangère en situation irrégulière de la victime qui ne lui permet pas d’être elle-même l’allocataire, ou encore le fait de n’avoir aucune ressource personnelle et de ne pas disposer de compte en banque. Dans ce cas, les enfants peuvent ne pas avoir de difficultés financières tant que la mère reste dans son foyer, et un juge pourrait ne pas examiner la question particulière des allocations familiales, qui est normalement gérée directement entre les parents et la caisse d’allocations familiales.

Il serait intéressant d’inscrire cette disposition dans le présent texte parce que, dans le cadre de l’ordonnance de protection, avant engagement de toute autre procédure, le juge aux affaires familiales aura à soulever cette question et pourra statuer sans contestation possible pour la remise des prestations soit à la victime, soit à la personne morale qualifiée qui l’accompagne. Par ailleurs, la décision pourra être rendue pour les enfants mineurs comme pour les ayants droit majeurs, même quand ni la gestion des allocations par l’allocataire en titre ni la situation budgétaire du foyer ne sont en cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Enfin, cette disposition donne également aux femmes, notamment aux mères étrangères en séjour irrégulier, un signal fort quant à la possibilité de sortir de la dépendance du conjoint ou de l’autre parent dès lors qu’elles peuvent être accompagnées par une personne morale qualifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je voudrais définitivement vous rassurer sur ce point, monsieur Antoinette.

Dans le cadre de l’ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales peut statuer sur la contribution aux charges du ménage. Il a déjà parfaitement la possibilité d’indiquer que c’est tel ou tel des parents qui percevra les allocations familiales quand bien même elles interviendraient du chef d’un autre.

Je peux d’ailleurs vous dire par expérience que cette phrase figure dans les trames des juges aux affaires familiales et que, d’ores et déjà, même en l’absence de violences, chaque fois qu’un juge fixe la résidence chez l’un des parents, il indique systématiquement que celui-ci percevra les allocations familiales.

Il n’y a donc aucune difficulté sur ce point : vous êtes déjà satisfait par le droit actuel, par le texte de la proposition de loi, qui fait référence aux contributions du ménage, et par la pratique courante des juges.

Enfin, imaginons, par exemple, qu’aucun des parents ne soit en mesure de gérer les allocations familiales : eh bien, d’autres mécanismes existent, comme les tutelles aux prestations sociales, ou encore le mécanisme du délégué aux prestations familiales prévu par l’article 375-9-1 du code civil.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui lui paraît inutile.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement et souscrit pleinement aux explications de M. le rapporteur.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 15, présenté par M. Courteau, Mmes Klès et Bonnefoy, MM. Sueur, Yung, Bodin et Mirassou, Mmes M. André, Blondin, Cartron, Lepage, Schillinger, Ghali et Printz, M. Mazuir et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 17, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ou si des procédures civiles et pénales liées aux violences sont en cours

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

La proposition de loi prévoit que les mesures prises dans le cadre de l’ordonnance de protection le sont pour une période de quatre mois. Le texte précise toutefois que ces mesures peuvent être prolongées au-delà si, durant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée.

Or l’ordonnance de protection ne concerne pas uniquement les personnes mariées ; elle peut également concerner des couples vivant en concubinage ou des personnes pacsées, des ex-conjoints, ex-concubins ou ex-pacsés. Une procédure de rupture de pacte civil de solidarité peut être en cours ; le juge aux affaires familiales, dans le cas d’une séparation de concubins ou de pacsés, a pu être saisi par l’un des parents afin d’organiser définitivement les modalités d’exercice de l’autorité parentale et de fixer la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Une procédure pénale a pu également être mise en œuvre.

Il nous paraît tout à fait discriminatoire de ne permettre une éventuelle prolongation des mesures que dans le cas où une demande en divorce ou en séparation de corps serait en cours. Il est essentiel que les effets de l’ordonnance de protection puissent se poursuivre durant toutes les procédures, qu’elles soient civiles ou pénales.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 31, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 17, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Elles peuvent être également prolongées jusqu'au procès lorsqu'une procédure pénale est engagée à l'encontre de l'auteur des violences.

La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Là encore, il s’agit de tenir compte de la vie réelle, de la longueur des procédures, de la fragilité et, souvent, de la précarité de la victime.

Il faut donner au juge la possibilité de prolonger l’ordonnance de protection, le cas échéant jusqu’au procès, lorsque les mesures parallèles prennent du temps, que la situation de danger se maintient ou qu’il y a un risque de représailles une fois la mesure de protection levée.

Cette possibilité donne de plus à la victime le temps de stabiliser et de sécuriser sa situation administrative, ainsi que sa situation sur le plan du logement et de l’emploi. À défaut, l’ordonnance de protection restera inefficace.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

L’amendement n° 15 vise à prévoir la prolongation de l’ordonnance de protection pour toute la durée des instances civiles ou pénales relatives aux faits de violence.

À mon sens, il procède d’une légère confusion sur le véritable rôle de l’ordonnance de protection : celle-ci n’a pour objet de garantir la protection de la victime que le temps nécessaire pour elle de se séparer de l’auteur des violences et, éventuellement, d’engager les poursuites pénales qui s’imposent.

À cette fin, l’ordonnance de protection organise temporairement, sur le plan civil, la séparation du couple ; elle prévoit, le cas échéant, des interdictions de rencontre avec l’auteur des violences.

Aussi, en dehors d’une instance de divorce ou en séparation de corps, la prolongation de l’ordonnance de protection au-delà du délai de quatre mois ne se justifie pas puisque, dès la séparation des pacsés ou des concubins, c’est le juge civil classique qui intervient et qui a tous les pouvoirs que nous souhaitons. Au plan civil, nous sommes donc garantis.

Dans le cas d’une procédure pénale, le juge pénal devient immédiatement compétent et prend le relais ; il dispose alors de pouvoirs infiniment plus importants que le juge civil.

C’est la raison pour laquelle la mesure que vous préconisez, monsieur Courteau, aurait l’effet inverse de celui que nous recherchons. Elle pourrait même se retourner contre la victime, qui a intérêt à aller au-delà de l’ordonnance de protection, à déposer plainte et à saisir le juge aux affaires familiales en vue d’autres mesures.

Ne créons pas de confusion ! Pour que l’ordonnance de protection ait une force pertinente, provisoirement « atomique », en quelque sorte, ne modifions pas les termes qui l’organisent, car nous perdrions l’efficacité des autres procédures existantes, qui sont beaucoup plus puissantes.

Sous le bénéfice de ces observations, qui valent également pour l’amendement défendu par M. Antoinette, je souhaiterais le retrait de ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

M. le rapporteur nous ayant totalement convaincus, nous retirons notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Je retire également l’amendement n° 31, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Les amendements n° 15 et 31 sont retirés.

L'amendement n° 48, présenté par Mmes Terrade, Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat, Schurch et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 17, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

En cas d'éléments nouveaux, le juge aux affaires familiales peut, à tout moment et après avoir invité chacune des deux parties à s'exprimer, imposer à la personne assignée une ou plusieurs obligations nouvelles, supprimer ou modifier tout ou partie de ces obligations ou accorder une dispense temporaire d'observer certaines d'entre elles.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet amendement a pour objet d’encadrer les pouvoirs accordés au juge aux affaires familiales – il ne s’agit pas de contraindre celui-ci en quoi que ce soit, je m’empresse de le préciser – pour modifier les dispositions de l’ordonnance de protection de manière à garantir aux personnes en danger une certaine sécurité juridique.

Le texte modifié par la commission des lois du Sénat organise nettement la procédure de protection en deux temps. La première phase de la procédure, rapide, doit permettre la délivrance d’une ordonnance de protection en urgence à partir des premiers éléments réunis par le juge. La seconde phase doit, quant à elle, permettre à tout moment au juge de revenir sur son ordonnance, à la demande des parties, du ministère public ou encore après avoir fait procéder à des mesures d’instruction.

Or une telle procédure en deux temps fragilise la situation de la femme victime de violences : laisser au juge la latitude de revenir à tout moment sur sa décision est préjudiciable à la victime, qui ne peut que redouter que les obligations initialement imposées à l’auteur des violences ne soient remises en question ou levées.

C’est la raison pour laquelle nous proposons de substituer à cette procédure en deux temps un mécanisme qui offre à la victime une certaine sécurité juridique en encadrant les hypothèses dans lesquelles le juge pourrait modifier sa décision. Ainsi, dans ce mécanisme alternatif, le juge ne pourrait modifier son ordonnance qu’en cas d’éléments nouveaux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Cet amendement vise à encadrer les pouvoirs dévolus au juge aux affaires familiales afin qu’il ne puisse modifier l’ordonnance de protection qu’au vu d’éléments nouveaux et uniquement s’agissant des obligations imposées à l’auteur des violences.

Cet amendement tend ainsi à remettre en cause la procédure en deux temps proposée par la commission, qui autorise le juge aux affaires familiales à adapter de sa propre initiative l’ordonnance de protection qu’il a délivrée en fonction des conclusions de mesures d’instruction qu’il a ordonnées, et je pense là tout particulièrement à l’enquête sociale.

En outre, cet amendement vise à supprimer la possibilité pour les parties de saisir le juge pour obtenir la modification de l’ordonnance de protection, ce qui est préjudiciable aux droits de l’une et l’autre des parties.

Par ailleurs, en ne visant que les obligations imposées à l’auteur des violences, le dispositif proposé – curieusement, mais nécessairement – interdirait au juge d’ajouter une mesure complémentaire de protection de la victime. Je prendrai un exemple tout simple : si, dans l’ordonnance, le juge n’a pas permis à la victime de cacher son domicile, il ne pourra pas non plus le lui permettre dans un second temps.

Autrement dit, le dispositif que vous proposez, chère collègue, risquerait d’empêcher le juge d’améliorer le sort de la victime. C'est la raison pour laquelle je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

J’ai bien écouté M. le rapporteur, mais je considère tout de même que la procédure en deux temps fragilise la victime.

Vous imaginez, monsieur le rapporteur, que le juge prendra dans un premier temps de petites mesures de protection, avant d’en prendre forcément de plus importantes dans un second temps. Or l’inverse est également possible, compte tenu des rapports qui peuvent s’établir entre le juge et l’auteur des violences.

La sécurité de la victime devrait être assise sur les obligations imposées à l’auteur des violences, afin d’épargner à celle-ci une certaine incertitude. Des éléments nouveaux peuvent intervenir des deux côtés, mais ils ne sauraient être défavorables à la victime.

Je maintiens mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Permettez-moi d’apporter une précision susceptible de vous rassurer, chère collègue.

Le fait que la procédure soit en deux temps permettra au juge, même s’il a un léger doute sur le caractère sérieux des violences, de prendre une mesure de protection en sachant qu’il pourra éventuellement revenir sur sa décision après avoir effectué des vérifications.

Je crains, si l’on ne permet pas au juge d’examiner la réalité des faits au cours de la procédure, qu’il ne soit parfois tenté de renoncer à prendre le risque de décider une mesure de protection, par peur d’être instrumentalisé.

La procédure en deux temps renforce la protection de la victime parce qu’elle permet au juge de se protéger lui-même contre une erreur de diagnostic.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.