Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce texte aura pris plus de temps que prévu. Nous avions déjà regretté en février dernier son retrait par le Gouvernement, qui a obligé le Sénat à le remettre à son ordre du jour. Il aurait été préférable pour nos concitoyens polynésiens qu’il soit voté plus tôt, ce qui aurait montré l’intérêt du Gouvernement pour les collectivités ultramarines et leurs populations.
Ce texte nous permet aussi de démontrer l’utilité des luttes sociales. L’ordonnance sur la fonction publique communale polynésienne qu’il nous est demandé de ratifier a en effet été prise à la suite des mouvements de grève de mai 2017. Outre leurs demandes spécifiques, les fonctionnaires polynésiens rejoignaient aussi leurs collègues de l’Hexagone pour dénoncer les attaques contre la fonction publique, le gel du point d’indice, le rétablissement de la journée de carence, les suppressions de postes et, plus globalement, la faiblesse de leur pouvoir d’achat. Rappelons que les prix en Polynésie française sont supérieurs de 39 % à ceux de l’Hexagone, selon la dernière enquête de l’Institut de la statistique de la Polynésie française. La vie chère y est donc un défi à relever au quotidien.
Ces manifestations ont permis la construction d’un consensus, après des concertations entre les partenaires locaux.
Cette fonction publique spécifique à la Polynésie est récente. Pour son évolution et son attractivité, il était nécessaire de lui étendre des dispositions applicables à la fonction publique territoriale.
Nous nous félicitons des avancées en matière de lutte contre les discriminations, les agissements sexistes et le harcèlement, mais aussi en matière de déontologie ; à cet égard, je me félicite que notre amendement tendant à attribuer aux fonctionnaires un droit à la consultation d’une commission de déontologie ait été conservé dans la version finale du texte.
Ce texte ouvre de nouveaux droits, mais réaffirme aussi les devoirs et les valeurs de la fonction publique, qui unit l’ensemble des agents de la République : nous avons défendu le maintien du principe de laïcité, qui a bien sûr vocation à être réapproprié localement, dans le respect de la culture et de l’histoire locales.
Nous voterons en faveur de ce texte, car la majorité de ses dispositions bénéficieront aux fonctionnaires communaux polynésiens, mais nous tenons tout de même à émettre des réserves sur certaines mesures.
Malheureusement, en toile de fond de ce texte, nous retrouvons la logique de la loi de transformation de la fonction publique et ses dogmes libéraux : l’encouragement à la contractualisation, le rétrécissement du champ d’action des instances représentatives du personnel ou encore le remplacement de la notation par un entretien individuel d’appréciation de la valeur professionnelle. Tout cela va, selon nous, vers une casse du statut et une précarisation des agents.
Nous aurions également aimé que le texte aille plus loin dans la reprise des propositions du Conseil supérieur de la fonction publique des communes de la Polynésie française, par exemple en adoptant la réciprocité d’intégration, pour les agents, entre la fonction publique communale et celle du pays, réciprocité que nous avions demandée par amendement.
Enfin, les ambitions de revalorisation de cette fonction publique ne pourront évidemment être atteintes si l’on ne s’en donne pas les moyens. Il est insupportable que ces agents qui défendent l’intérêt général au quotidien ressentent une mise à l’écart statutaire ; un tel texte contribue à y remédier.
Mais les communes polynésiennes subissent de fortes contraintes budgétaires et l’État doit mieux les accompagner financièrement. C’est une nécessité, pour améliorer l’évolution professionnelle des agents et pour atteindre les objectifs de politiques publiques défendus dans un tel texte, comme l’action sociale. Le rapport demandé au Gouvernement à l’article 23 sera donc le bienvenu pour mettre en lumière ces besoins.
Vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes opposés à la pratique des ordonnances, a fortiori lorsqu’elles sont utilisées pour légiférer sur les collectivités ultramarines. Toutefois, nous voterons ce texte important pour nos concitoyens polynésiens, un texte qui a pu susciter un consensus entre les acteurs concernés, malgré les points de vigilance que nous avons soulevés.
Je tiens pour finir à saluer particulièrement notre collègue Lana Tetuanui, pour sa ténacité et sa force de conviction.