Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 23 juin 2010 à 14h30
Taxation de certaines transactions financières — Article 3

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Je me suis aperçue en lisant le rapport de M. Guené ainsi qu’en écoutant les différents intervenants et Mme la secrétaire d'État que les choses n’étaient pas claires.

Madame Idrac, hier, lors des questions cribles thématiques sur la crise financière européenne, je vous ai interrogée sur la position de l’Union européenne et des pays les plus allants au sein de l’Union quant à l’introduction, d’une part, d’une taxe bancaire pour prévenir le risque systémique et, d’autre part, d’une taxe sur les transactions financières. Vous m’avez fait une réponse assez confuse. Je cite le compte rendu analytique du 22 juin : « La France et l’Allemagne plaideront en faveur d’un prélèvement sur les institutions financières et pour une taxe sur les flux. »

Je vous ai également questionnée sur ce que ferait le Gouvernement si rien n’était décidé à Toronto. Vous ne m’avez pas répondu.

Or, dans la soirée, en écoutant les informations à la radio, je me suis aperçue que l’administration de Bercy, à laquelle vous appartenez, madame la secrétaire d'État, avait fait paraître un communiqué sur ce sujet à peu près à l’heure où nous étions dans l’hémicycle…

À seize heures cinquante-six, la séance de questions cribles thématiques ayant commencé à dix-sept heures, une première alerte de l’AFP indiquait que, selon Bercy, « la France inscrira une taxe sur les banques dans son budget 2011 ». À dix-sept heures douze une nouvelle dépêche de l’AFP signalait que « la France inscrira une taxe sur les banques […] Bercy rappelle que les gouvernements français, britannique et allemand […] “proposent l’instauration de prélèvements sur les banques, assis sur leur bilan” ».

J’avais bien pris le soin de préciser hier, madame la secrétaire d'État, que la Grande-Bretagne avait inscrit cette taxe dans son budget, mais vous n’avez pas répondu à mes interrogations. Au moment où des procédures nouvelles permettent aux parlementaires d’interpeller le Gouvernement, force est de constater que la presse compte plus que nous : ce n’est pas normal eu égard aux droits du Parlement !

Par ailleurs, dans son rapport, Charles Guené justifie le rejet de cette proposition de loi en affirmant que la France ne saurait agir de manière unilatérale. Mme la secrétaire d’État nous a donné la même explication.

Mais que nous direz-vous, demain, si le Président de la République demande au sommet de Toronto l’instauration d’une taxe sur les flux financiers, dont nous savons qu’elle est complexe à mettre en œuvre ? Peut-être même est-ce la raison pour laquelle le groupe UMP tient une réunion en urgence au moment où nous discutons de la proposition de loi du groupe RDSE, comme nous en a informé notre collègue Robert del Picchia ?

Monsieur le rapporteur, vous indiquez également que cette proposition de loi est inutile, puisque nous avons déjà adopté, dans la loi de finances rectificative pour 2009, un dispositif formidable pour lutter contre les flux financiers orientés vers les paradis fiscaux, avec des sanctions à la clé. Mais nous aurons l’occasion de nous pencher sur la réalité pendant la session extraordinaire, lors de l’examen, en commission des finances, puis le 12 ou le 13 juillet en séance publique, de douze conventions fiscales.

Le Gouvernement s’était engagé à rendre compte régulièrement à la commission des finances du travail engagé : depuis lors, ni l’actuel ministre du budget ni son prédécesseur ne sont venus nous présenter les progrès enregistrés.

Par ailleurs, nous avons appris que la liste de dix-huit États non coopératifs était passée à quatorze et que la France avait sa propre liste, reprenant les critères de l’OCDE, avec la liste noire, la liste grise et la liste blanche, et j’en passe ! Nous y reviendrons, mais vous ne pouvez pas continuer à affirmer que le dispositif de la loi de finances rectificative permet de sanctionner de manière non équivoque les paradis fiscaux : nous vous démontrerons que c’est faux, au moins à l’heure actuelle. Cet argument ne saurait donc être invoqué pour justifier le rejet de la proposition de loi de nos collègues du groupe RDSE.

Enfin, monsieur le rapporteur, vous faites référence, dans votre rapport écrit, à la position que je défendais en 2001. Vous avez parfaitement raison : en 2001, je n’étais pas favorable à une taxe sur les transactions financières. Mais nous sommes en 2010 et la crise systémique qui est encore loin d’avoir fait sentir tous ses effets, y compris dans les domaines bancaire et financier, a profondément transformé la situation. Je vous demanderai donc d’en tenir compte.

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