Sans doute ces automobilistes ont-ils apprécié d’apprendre que le groupe TotalEnergies, dont il est beaucoup question ces jours-ci, a réalisé un bénéfice net de 17, 7 milliards d’euros pour le premier semestre 2022, et que, de surcroît, ce groupe n’a pas payé d’impôt en France en 2020 et 2021.
La Fédération française des banques alimentaires (FFBA) a réalisé, il y a quelques semaines, une étude visant à mesurer l’impact de l’inflation, qui vient de franchir la barre des 6 %, sur les personnes accueillies dans le réseau des banques alimentaires, premier réseau d’aide.
Les banques alimentaires viennent en aide à 2, 2 millions de personnes en situation de précarité. Je relèverai trois des constats que cette étude met en évidence : tout d’abord, une hausse du budget alimentation pour la moitié des foyers interrogés ; ensuite, une hausse des prix qui affecte davantage les familles avec enfants ; enfin, un report massif sur les produits les moins chers.
De l’autre côté du spectre, nous avons évoqué la santé économique de TotalEnergies, un groupe qui n’est pas une exception. L’ensemble des entreprises du CAC 40 ont dégagé collectivement quelque 174 milliards d’euros de bénéfices – du jamais-vu dans l’histoire du capitalisme français ! –, et une hausse de 70 % par rapport au précédent record. Rapporté à une échelle plus humaine, plus accessible au commun des mortels, les groupes du CAC 40 ont gagné 5 517 euros chaque seconde ! Ainsi la question des superprofits a-t-elle légitimement surgi dans les débats.
Nous pourrions tout autant citer Engie, qui a engrangé des profits records l’an dernier, avec 3, 7 milliards d’euros. Le logisticien CMA CGM (Compagnie maritime d’affrètement Compagnie générale maritime), qui transporte des conteneurs, a réalisé 18 milliards d’euros de profits en 2021 et a déjà encaissé 7, 2 milliards d’euros au premier trimestre de 2022.
Cela a été dit, l’Italie et le Royaume-Uni ont tous deux mis en place une taxe sur les superprofits des énergéticiens, à hauteur de 25 %, et d’autres États européens ont suivi le même chemin. À l’évidence, en France, les actionnaires sont cajolés, dorlotés, chouchoutés.
Lors du quinquennat précédent, vous avez fait le choix de baisser la fiscalité du capital, avec la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les dividendes.
Ces choix n’ont eu comme effet que de concentrer davantage encore la richesse, puisque les 10 % les plus riches détiennent la moitié des actifs qui financent l’économie. Y a-t-il eu au moins un effet sur l’investissement ? On peut en douter.
Monsieur le ministre, vous appelez régulièrement à la modération en matière de distribution de dividendes et, s’agissant du pouvoir d’achat, vous demandez aux entreprises qui le peuvent de faire un geste. À l’évidence, ces gestes ne sont que des signaux faibles, souvent même très faibles.
TotalEnergies a annoncé une remise d’été de 12 centimes d’euro par litre, valable uniquement en juillet et en août, et seulement sur les autoroutes.
La compagnie de conteneurs CMA CGM offre, de son côté, une ristourne de 500 euros sur les conteneurs de l’Asie vers la France à partir d’août, et ce pour un an.
Entre-temps, nous apprenons que le PDG de cette compagnie, M. Rodolphe Saadé, figure désormais à la cinquième place du classement annuel des grandes fortunes publié par le magazine Challenges, grâce à une augmentation de sa fortune de plus de 30 milliards d’euros.
La source de ces énormes profits n’est pas, on le sait, dans l’invention d’un produit révolutionnaire. L’entreprise bénéficie simplement d’une situation anormale, hors marché, de pénurie. Et nous devrions nous interdire de taxer ces superprofits ?
Ce projet de loi de finances rectificative, c’est le gras pour les uns et quelques miettes pour l’immense majorité des autres !
Notre société est fracturée, nous l’avons dit. Et pour combattre le cancer des inégalités, vous prescrivez l’usage du paracétamol !