La séance est ouverte à quinze heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, de la commission des affaires sociales et de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire sur ce texte ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de vous retrouver ici, au Sénat, pour la suite de l’examen du paquet « pouvoir d’achat », dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative (PLFR).
Nous avons franchi une première étape avec l’adoption du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Je vous remercie d’ailleurs de la qualité des débats, qui ont permis d’adopter un texte attendu par nos compatriotes.
Je souhaite que nous puissions avancer dans cette même atmosphère constructive lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative.
Dans quel contexte cette discussion se tient-elle ? Tout d’abord, l’économie française résiste. Les chiffres de la croissance viennent d’être publiés : +0, 5 % pour le deuxième trimestre de 2022. La France obtient ainsi l’un des meilleurs résultats de la zone euro.
Ce résultat prouve que l’économie française résiste mieux que les autres économies européennes aux turbulences actuelles. Comme le Gouvernement l’avait annoncé, l’économie française atteindra les 2, 5 % de croissance en 2022. Tel était notre objectif. Pour tous nos compatriotes et pour les entreprises, c’est une victoire obtenue dans des temps difficiles.
Dans ce contexte de crise, l’inflation continue de progresser. Nous sommes, comme je l’avais indiqué il y a quelques mois, au cœur du pic inflationniste.
L’inflation restera à un niveau élevé jusqu’à la fin de l’année 2022. En revanche, je confirme que nous anticipons toujours une baisse de l’inflation dans le courant de l’année 2023, grâce à la réorganisation des chaînes de valeur, à la diversification des approvisionnements en matières premières – j’y travaille, avec les autres ministres, sous l’autorité de la Première ministre et du Président de la République – et aux effets de la politique monétaire.
Il s’agit donc d’un cap difficile à passer, justifiant toutes les mesures d’accompagnement qui vous sont proposées aujourd’hui.
Quelles sont ces mesures ? Sans entrer dans le détail de chacune d’entre elles, permettez-moi d’expliquer la philosophie et la teneur des dispositifs qui vous sont présentés au travers de ce texte.
Un volet porte tout d’abord sur l’énergie : c’est légitime, car au moins la moitié de l’inflation s’explique par la flambée du prix de l’énergie, qu’il s’agisse de l’électricité, du gaz ou des carburants.
Nous avons donc décidé de maintenir le « bouclier énergie » jusqu’à la fin de l’année 2022, avec le gel du prix du gaz et le plafonnement du prix de l’électricité à 4 %. Ce sont ces décisions, prises à l’automne 2021, qui permettent aujourd’hui à la France d’avoir le taux d’inflation le plus faible de la zone euro. Nous avons anticipé et nous avons pris des mesures massives, lesquelles nous ont permis de combattre avec efficacité l’augmentation des prix.
Nous continuerons également à nous battre au niveau européen pour dissocier définitivement le prix de l’électricité du prix du gaz.
Le système européen selon lequel le prix de l’électricité décarbonée est indexé sur le prix des énergies fossiles, c’est-à-dire sur le prix du gaz, est inacceptable du point de vue écologique et complètement contre-productif d’un point de vue économique. Il a également un coût social qui le rend insupportable. Nous avons engagé cette bataille avec le Président de la République depuis plusieurs mois. Nous ne lâcherons rien jusqu’à ce que le prix de l’électricité décarbonée soit définitivement dissocié de celui du gaz !
Toujours en ce qui concerne l’énergie, des propositions ont été faites à l’Assemblée nationale sur la question du fioul. Quelque 3 millions de nos compatriotes se chauffent au fioul. Il était donc légitime – je salue la sagesse des députés à cet égard – de prendre des mesures fortes, afin de compenser l’augmentation du prix de ce carburant. Nous avons ainsi adopté une aide de 230 millions d’euros pour les ménages qui utilisent ce combustible pour se chauffer.
Je confirme que nous lèverons le gage sur ces crédits…
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
… et que nos compatriotes auront bien 230 millions d’euros à se répartir pour amortir le choc de l’augmentation du prix du fioul.
Nous proposons d’associer les parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat au ciblage des ménages qui pourront bénéficier de cette aide supplémentaire très significative de 230 millions d’euros. Faut-il la cibler ? Sur quels ménages ? Plutôt que d’en discuter uniquement entre membres du Gouvernement, je propose que les Parlementaires soient associés à ce choix politique de la répartition de l’enveloppe de 230 millions d’euros en faveur de 3 millions de nos compatriotes.
Le troisième sujet relatif à l’énergie est le prix des carburants : c’est probablement ce qu’il y a de plus visible et de plus sensible pour nos compatriotes aujourd’hui. L’Assemblée nationale a proposé de passer la ristourne sur les carburants à 30 centimes d’euro en septembre – au lieu de 18 centimes –, à 30 centimes en octobre, à 10 centimes en novembre et à 10 centimes en décembre.
Je sais que d’autres propositions intéressantes et argumentées ont été formulées par certains sénateurs. Je pense néanmoins qu’il est sage de s’en tenir à cette solution : elle couvre tous nos compatriotes, y compris les retraités et ceux qui ne travaillent pas.
Ainsi, avec les remises accordées par certains pétroliers ou distributeurs, le prix du litre de carburant pourrait être à 1, 50 euro à la rentrée de 2022, au lieu des tarifs que nous connaissons aujourd’hui. C’est ce que nombre de nos compatriotes attendent désormais très concrètement. Je recommande donc que nous nous en tenions à cette solution.
À tous ceux qui me disent légitiment qu’il faut faire plus pour ceux qui travaillent, je rappelle que d’autres dispositifs seront mis en place.
Nous avons accepté, notamment à l’Assemblée nationale, le doublement du plafond d’exonération de la prime carburant versée par les employeurs, qui passera de 200 euros à 400 euros. Il s’agit précisément d’une prime visant uniquement les personnes qui travaillent.
Nous allons aussi permettre son cumul avec la prise en charge de l’abonnement transport collectif pour tous ceux qui, dans les territoires ruraux, prennent leur voiture, puis le train. Aujourd’hui, les salariés ne peuvent pas cumuler l’indemnité carburant avec l’indemnité de transport collectif. Grâce à la décision de l’Assemblée nationale, ce sera désormais possible. Voilà très précisément une deuxième mesure en faveur de ceux qui prennent leur véhicule pour aller travailler.
Troisième mesure que je tiens à citer, nous avons revalorisé le barème kilométrique de l’impôt sur le revenu de 10 % en 2022. Et je confirme que nous sommes prêts à le revaloriser de nouveau en 2023.
Grâce à ces trois mesures ciblant spécifiquement les personnes qui travaillent, nous parvenons à conjuguer la réduction du prix du carburant à la pompe pour tous les Français et le renforcement de ces dispositifs pour tous ceux qui travaillent et qui sont particulièrement pénalisés.
La troisième grande orientation de ce projet de loi de finances rectificative est le travail. J’ai la conviction, avec Gabriel Attal et l’ensemble des membres du Gouvernement, que la meilleure réponse au problème du pouvoir d’achat est l’emploi et la juste rémunération du travail.
Cette conviction a été le fil rouge de notre action politique durant cinq ans ; elle le restera pendant les cinq années à venir, jusqu’à ce que nous parvenions à ce qui n’a jamais été atteint en France depuis un demi-siècle, à savoir le plein emploi.
Ce projet de loi de finances rectificative vise donc à rendre du pouvoir d’achat à nos compatriotes par la valorisation de leur travail, grâce à des mesures très ciblées, complétées par un certain nombre d’amendements déposés par différents groupes politiques.
La première mesure est la monétisation de la réduction du temps de travail, ou RTT. Un débat a émergé à la faveur de cette proposition. Je confirme qu’il s’agit de permettre aux salariés souhaitant travailler plus d’augmenter leur rémunération en monétisant leurs RTT. C’est une mesure juste, efficace et qui mérite d’être retenue.
Nous envisageons également la défiscalisation des heures supplémentaires. L’idée de relever le plafond d’exonération fiscale de 5 000 euros à 7 500 euros va dans la bonne direction.
Nous sommes prêts à ce que ce dispositif devienne définitif, ce qui garantira sa justice.
Je le dis pour ceux qui s’inquiètent de la monétisation des RTT : la défiscalisation est le complément de la monétisation, afin que les personnes qui veulent travailler soient mieux rémunérées. Telle demeurera notre philosophie, et personne n’arrivera à me convaincre qu’il vaut mieux inciter les Français à travailler moins et à gagner moins !
En ces temps de difficultés, mieux vaut travailler davantage et avoir la juste rémunération de son travail.J’attends avec impatience le débat qui nous permettra d’échanger sur ce sujet !
Il en va de même pour la désocialisation des heures supplémentaires.
Le groupe Les Républicains a proposé que nous allions encore plus loin sur les heures supplémentaires, en demandant une réduction des charges sociales patronales. Pour être tout à fait précis, une réduction de 1, 50 euro existe déjà pour les entreprises de moins de 20 salariés. J’ai donné mon accord, je le dis devant le président Bruno Retailleau, pour que les entreprises de 20 à 250 salariés – essentiellement des PME – puissent voir leurs charges sociales patronales réduites de 50 centimes par heure supplémentaire travaillée pour alléger les coûts.
C’est une idée constructive et utile pour le pays. J’y suis donc favorable.
Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.
Notre quatrième sujet de réflexion a concerné les collectivités locales. Je me trouve aujourd’hui devant l’assemblée des collectivités locales.
En effet, monsieur le rapporteur général !
Je sais que l’inflation et les revalorisations engagées peuvent susciter des inquiétudes. Je rappelle néanmoins que les députés, dans leur grande sagesse, ont déjà commencé à tenir compte de l’impact de l’inflation sur les collectivités locales.
Le Gouvernement, qui sans doute n’avait pas fait suffisamment à ce sujet, a accepté d’en faire davantage à l’occasion des débats à l’Assemblée nationale.
M. Bruno Le Maire, ministre. Sur l’initiative de Mme Christine Pires Beaune – preuve, je le dis pour le groupe SER, que le Gouvernement est œcuménique –, …
Rires ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.
… nous avons accepté 180 millions d’euros de dispositif ciblé. Cette mesure s’adresse aux 6 000 communes les plus en difficulté qui peinent à faire face à la hausse du prix de l’énergie et du point d’indice. Les collectivités d’outre-mer sont particulièrement concernées, et je sais que vous y êtes sensibles. Nous aurons certainement d’autres discussions sur le sujet.
Après de longs débats, nous avons également accepté de compenser la hausse du revenu de solidarité active, le RSA, au niveau des départements, pour un montant de 120 millions d’euros.
Au total, 300 millions d’euros seront donc versés aux collectivités locales pour compenser l’inflation sur le prix de l’énergie ou sur celui d’un certain nombre de fournitures.
Je suis certain que ce débat se poursuivra ici avec l’ensemble des groupes. Je le dis devant M. le rapporteur général qui, je le sais, est particulièrement mobilisé sur ce sujet : nous sommes prêts à faire encore plus attention aux collectivités, afin qu’un plus grand nombre d’entre elles qui en ont besoin puissent bénéficier de ce filet de sécurité.
Pour autant, je sais également que votre assemblée est aussi attachée que moi à la bonne tenue des comptes publics. Or nous savons tous ici que la bonne tenue des comptes publics exige des efforts de tous. Tout n’est pas possible financièrement, ni pour l’État, ni pour les collectivités locales, ni en termes de dépenses sociales. J’appelle donc chacun au sens des responsabilités, pour voter une enveloppe qui protège les collectivités locales, mais qui ne menace pas les finances publiques.
J’en viens enfin au sujet qui défraye la chronique depuis plusieurs semaines, à savoir la taxation sur les superprofits. Je me méfie des termes de cette expression, qu’il s’agisse de la taxation, par définition, ou des superprofits, car ces derniers recouvrent en réalité des réalités très différentes.
Je sais que certains d’entre vous, notamment au sein du groupe Union Centriste, ont proposé un certain nombre d’amendements pour taxer les superprofits.
M. Bruno Le Maire, ministre. Certes, madame Assassi ! J’aurais d’ailleurs été déçu du contraire…
Sourires.
Au risque de vous surprendre, je comprends le raisonnement qui vous a amené à formuler cette proposition, car j’imagine bien qu’il est d’abord dicté par un souci de justice. Or ce souci de justice, qu’il émane de la droite ou de la gauche, trouvera toujours en moi son plus fervent soutien.
Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.
Il faut partager le fardeau de l’inflation, je ne l’ai jamais contesté. Au contraire, j’ai toujours dit, en tant que ministre de l’économie et des finances, que ce n’était pas à l’État seul de porter le fardeau de l’inflation. Nous avons déjà fait beaucoup, notamment avec le bouclier énergétique. Les ménages sont également mis fortement à contribution parce qu’ils supportent au quotidien une part de cette inflation. Il est donc légitime que les entreprises portent, elles aussi, une part du fardeau de l’inflation.
Quoi qu’il en soit, je veux le rappeler – c’est en cela que je me méfie de cette expression un peu brutale de « taxation sur les superprofits » –, l’immense majorité des petites entreprises – PME, TPE, indépendants – souffrent elles aussi de l’inflation. Elles voient augmenter le prix de leurs intrants et de leurs approvisionnements, elles subissent des retards, elles sont lésées par le prix des matières premières.
Par ailleurs, dans certains secteurs comme l’hôtellerie, la restauration, la distribution et l’industrie agroalimentaire, elles connaissent des difficultés inédites de recrutement.
Tenons compte aussi des difficultés de nos entreprises.
Je rappelle également que nombre d’entreprises participent à la lutte contre l’inflation en augmentant les salaires – je vous renvoie aux différentes négociations salariales en ce sens. Augmenter les salaires, c’est pour elles une meilleure façon de lutter contre l’inflation que d’être taxées !
Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.
J’invite donc avec force toutes les entreprises qui le peuvent, celles qui en ont les moyens et qui disposent des marges nécessaires, à augmenter les salaires.
J’invite aussi tous les entrepreneurs qui éprouvent des inquiétudes légitimes et qui sont dans l’incapacité d’accroître les salaires – parce qu’ils ne peuvent pas se projeter au-delà de quelques mois et qu’ils redoutent l’année 2023, tous arguments que l’on peut entendre – à se saisir des instruments mis à leur disposition pour augmenter la rémunération de leurs salariés sans menacer la survie de leur entreprise. Je pense à la participation, à l’intéressement et à la prime défiscalisée !
Utilisez ces instruments qui augmentent la rémunération sans affecter la survie de votre entreprise.
En revanche, quelques entreprises font des bénéfices importants. Elles doivent participer à l’effort collectif, mais elles doivent y participer comme le font CMA CGM, TotalEnergies ou Engie, c’est-à-dire en rendant l’argent directement aux Français, plutôt qu’au Trésor public.
Il est plus juste, plus efficace, plus conforme aux convictions de cette majorité…
… de procéder de cette manière que de céder une fois de plus au réflexe pavlovien de la taxation.
Je m’adresse à mes amis du groupe Union Centriste : je ne crois pas que ce soit conforme à votre ADN politique que de multiplier les taxes et les prélèvements.
Marques d ’ ironie sur les travées des groupes SER et CRCE.
Cette approche que nous proposons est plus juste, car elle ne pénalise pas les entreprises, que vous allez toutes frapper de manière indifférente, quelle que soit leur situation, par une taxe qui les couvrira sans exception.
Elle est plus efficace, car l’argent ira directement dans les poches de nos compatriotes : 20 centimes d’euro de remise à la pompe, cela amène le litre de carburant à 1, 50 euro à la rentrée. Et je pense que nos compatriotes préféreront payer le litre d’essence à ce prix en septembre plutôt que de savoir qu’une ligne du Trésor public sera abondée à la fin de l’année grâce à une nouvelle taxe !
Enfin cette approche est plus conforme à notre ligne politique, car elle va dans le sens de la baisse des impôts et favorise l’attractivité de notre territoire.
À tous ceux qui me citent sans cesse l’exemple de la Grande-Bretagne ou de l’Italie, qui vont taxer les superprofits, je rappelle que ces pays ont des industries productrices – notamment la Grande-Bretagne, qui extrait du pétrole en mer du Nord – et de 10 à 15 points de prélèvements obligatoires de moins que la France.
Exactement ! sur les travées du groupe Les Républicains.
Quand on est le pays le plus taxé de tous les pays européens, on n’ajoute pas une taxe supplémentaire à toutes les taxes qui existent déjà !
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.
Allons, mes chers collègues, un peu de calme !
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
La seule chose qui menace la démocratie, c’est l’ennui. Je sais que sur les travées du Sénat les débats seront animés. Il ne s’agit pas de faire des meetings politiques, mais il ne faut pas non plus que la démocratie tombe dans l’ennui. Dans le respect et la considération de chacun, ayons la volonté d’exprimer avec force et conviction nos arguments. C’est ce qui rendra notre débat intéressant aux yeux de nos compatriotes.
Nous proposons enfin la suppression de la contribution sur l’audiovisuel public, qui rendra 138 euros de pouvoir d’achat aux ménages.
C’est une proposition qui animera également, j’en suis certain, notre débat public.
Cette décision est conforme à notre politique constante de baisse des impôts. Nous avons travaillé à un dispositif de financement durable de l’audiovisuel public, gage de son indépendance.
En tout état de cause, j’espère que nous parviendrons à un équilibre constructif sur ces sujets.
Enfin, je vous remercie de votre présence aujourd’hui, un 1er août. Le débat s’est prolongé très tard dans l’été.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Merci à vous !
Sourires.
M. Bruno Le Maire, ministre. C’est toujours avec beaucoup de joie que je suis présent dans cet hémicycle pour discuter et dialoguer avec mes amis sénateurs !
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Merci d’être passé, n’hésitez pas à rester !
Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis deux ans, face aux aléas, aux incertitudes, aux soubresauts, notre réponse n’a jamais varié : à grands défis, grands moyens.
Pendant la pandémie, nous avons assumé l’installation de puissants amortisseurs. Le « quoi qu’il en coûte » a inspiré l’investissement inédit d’une puissance publique résolue à sauver les entreprises, à préserver les compétences des salariés, à protéger le pouvoir d’achat ; un investissement salué par les économistes, mais aussi par les Français. La France des entrepreneurs, des artisans, des commerçants, en particulier, a redécouvert que l’État, plus particulièrement l’État-providence, était là aussi pour eux.
Ce choix de la protection, nous l’avons fait sans jamais perdre de vue notre boussole : la préparation de l’avenir. Par-delà les crises, nous n’avons jamais cessé d’agir, avec deux lignes de force majeures : la valorisation du travail et la transition écologique et énergétique.
Or nous n’aurions pu ni protéger sur le moment ni préparer l’avenir, si, dès le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, nous n’avions remis de l’ordre dans nos comptes.
C’est parce que notre pays a regagné sa crédibilité en repassant en 2018 sous le seuil européen des 3 % de déficit public que nous avons pu emprunter pour protéger les Français alors que sévissait la covid-19. C’est parce que notre pays est sorti de la procédure de déficit excessif à Bruxelles que nous avons regagné une certaine crédibilité en Europe et pu convaincre nos partenaires de déployer un plan de relance historique.
Face au retour de l’inflation, face aux difficultés de la vie chère pour nos concitoyens, nous continuons à agir pour protéger les Français. Nous continuons à prendre des mesures pour être à leur côté et pour amortir au maximum le coût de l’inflation. Nous le faisons en maintenant le cap fixé il y a cinq ans et porté par Bruno Le Maire. Et nous poussons encore davantage les moteurs de notre stratégie : moins d’impôts, moins de dette, plus de croissance.
Nous le faisons avec deux lignes de force, qui, je le sais, résonneront particulièrement dans cet hémicycle : la recherche du compromis et la responsabilité.
La recherche du compromis…
… est bien connue dans cette assemblée. Malgré ma très jeune expérience, j’ai pu mesurer, chaque fois que j’ai eu à défendre des textes devant vous ou à travailler avec vous, que le Gouvernement parvenait toujours à trouver des compromis au service de l’intérêt général avec les différents groupes, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition. Je suis persuadé qu’il en ira de même pour ce débat.
La responsabilité, c’est de continuer à préserver nos finances publiques. J’ai entendu ces dernières semaines un certain nombre de déclarations, formulées notamment par la majorité sénatoriale, sur l’importance de préserver nos comptes et de maintenir une trajectoire de réduction des déficits. C’est un enjeu absolu de crédibilité ; c’est un enjeu également en termes de pérennité pour les services publics.
Nous maintenons notre cap, et les Français le voient. C’est pour cela que ce PLFR est un PLFR de stabilité et de dignité. Stabilité de notre politique économique et dignité, car, face à l’inflation, nous ne mettons pas davantage la tête des Français sous l’eau par le poids des impôts qui augmentent : nous les aidons à vivre quand la vie devient trop chère.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que nous vous présentons aujourd’hui traduit donc un effort massif pour un défi d’ampleur.
Cet effort massif de 44 milliards d’euros se décompose en trois blocs : des crédits budgétaires pour protéger aujourd’hui le pouvoir d’achat des Français ; des crédits budgétaires pour continuer de préparer l’avenir ; des crédits budgétaires, enfin, pour honorer nos engagements financiers et financer l’alourdissement de la charge de la dette. Ces trois blocs traduisent à la fois l’ambition qui est la nôtre et le cadre dans lequel nous agissons, qui est un cadre contraint.
Ainsi, et contrairement à ce qu’indique son intitulé, ce texte n’est pas le reflet d’une trajectoire que l’on rectifie ou d’une ligne que l’on corrige à la marge. Non, ce texte est un puissant réacteur au service des Français, de notre économie, de notre cohésion. Il est le moteur d’une stratégie visant à permettre aux Français de dépenser moins et de gagner plus.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ah oui !
Sourires.
Dépenser moins pour l’énergie à la maison, grâce à la prolongation du bouclier tarifaire jusqu’à la fin de l’année, comme Bruno Le Maire l’a rappelé.
Dépenser moins pour se déplacer, grâce aux crédits que nous ouvrons pour accompagner les Français en la matière.
Dépenser moins pour payer ses impôts, avec la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Les débats à ce sujet seront nourris, mais il me semble que les garanties que nous avons apportées, avec celles que nous pourrons ajouter dans le cadre du débat, nous permettront de vous convaincre.
Gagner plus avec le financement des revalorisations des prestations sociales, des retraites ou de la rémunération de nos fonctionnaires.
Gagner plus également avec les avancées qui ont été adoptées par l’Assemblée nationale pour valoriser celles et ceux qui travaillent dans notre pays. Je pense, notamment, au relèvement à 7 500 euros du plafond d’exonération des heures supplémentaires, ou encore à la possibilité de monétiser les RTT.
Certains d’entre vous, notamment au sein de la majorité sénatoriale, souhaitent que ces dispositifs soient pérennisés. Fidèles à l’esprit de compromis qui nous anime, particulièrement pour ce qui concerne la valorisation du travail, nous ferons preuve d’ouverture sur ces sujets.
Ce texte répond au choc d’aujourd’hui, mais il vient également préparer l’avenir, tout d’abord en maintenant notre trajectoire budgétaire. Car un pays qui ne tient pas ses comptes ne peut pas être, demain, un pays libre et fort.
Il s’agit de préparer l’avenir en renforçant notre souveraineté industrielle et la transition énergétique, avec le financement de la prise de contrôle à 100 % d’EDF et la prolongation du bonus écologique pour les Français qui changent de véhicule.
Il s’agit également de préparer l’avenir en modernisant notre rapport avec les entreprises et en luttant contre la fraude grâce à la facturation électronique pour les entreprises. Je sais que la majorité sénatoriale défendra un amendement visant à lancer la carte Vitale biométrique pour lutter contre la fraude. Là aussi, nous y sommes favorables.
Il s’agit aussi de préparer l’avenir en continuant à agir pour l’emploi, avec des crédits supplémentaires pour l’apprentissage – 1, 8 milliard d’euros pour France compétences et près de 750 millions d’euros pour les primes d’apprentissage. Ces chiffres reflètent le dynamisme de cette politique, une réussite majeure du précédent quinquennat, qui nous permet d’avoir plus de 700 000 jeunes en apprentissage, alors qu’ils étaient moins de 300 000 en 2017.
Au cours de l’examen de ce texte, nous aurons des échanges, des débats, des discussions sur un certain nombre de mesures ou de paramètres. Ces débats témoigneront d’une chose : nous avons tous la volonté de répondre présents pour protéger nos concitoyens face au choc économique mondial que nous traversons. Mais il y aura, au cœur de nos débats, deux grandes questions qui émergeront.
Première question : ce choc conjoncturel doit-il nous conduire à priver nos services publics et notre modèle social des ressources indispensables à leur pérennité, en adoptant des baisses de taxes ou d’impôts pérennes, massives et surtout non ciblées, qui ne changeraient pas la vie des Français ?
Seconde question : nos choix doivent-ils nous conduire à nous priver de toute marge de manœuvre pour continuer à préparer l’avenir et à investir ?
Vous le savez, nous répondons par la négative à ces deux questions, parce que nous devons la vérité aux Français.
La vérité, c’est que la guerre en Ukraine nous a fait changer d’époque. Inflation forte, croissance plus faible : nous estimons désormais que le PIB devrait croître de 2, 5 % en volume cette année – la croissance résiste, comme l’a dit Bruno Le Maire –, mais nous sommes conscients des aléas qui existent au niveau mondial.
La vérité, c’est que des risques pèsent sur nos finances publiques en raison de l’inflation et de la remontée des taux d’intérêt. La charge de la dette, que je rappelais au début de mon intervention, s’élèvera cette année à 17 milliards d’euros supplémentaires en comptabilité nationale ; c’est l’équivalent de deux fois le budget du ministère de la justice. Il faut le dire clairement : la parenthèse de l’emprunt gratuit est bel et bien refermée.
Toutes les décisions ayant pour conséquence d’alourdir les déficits et la dette que nous prenons le sont dans ce contexte, qu’il faut toujours avoir en tête. C’est pourquoi nous préférons prendre des mesures ciblées, temporaires et qui répondent véritablement aux difficultés constatées sur le terrain.
En clair, nous sommes passés du « quoi qu’il en coûte » au « combien ça coûte ? », …
… c’est-à-dire de la logique presque inconditionnelle qui a prévalu au plus fort de la crise du covid-19 à une approche plus ciblée, plus juste et donc plus efficace, tout en étant soutenable pour les finances publiques.
À ce titre, nous réaffirmons notre objectif : maintenir le déficit de nos administrations publiques à 5 % cette année et le ramener en dessous de 3 % d’ici à la fin du quinquennat.
Nous assumons de tenir les comptes, pour respecter nos engagements, pour conserver notre indépendance et pour préserver une force de frappe, une force d’investissement budgétaire, face aux grands défis que nous devrons affronter.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous en déduisez donc les lignes rouges que nous refuserons toujours de franchir dans ce débat : laisser filer les comptes et augmenter les impôts.
Je vous disais, au début de mon intervention, que nous nous trouvions à un moment charnière. Ce texte est capital, en raison du contexte dans lequel il s’inscrit, par les moyens financiers exceptionnels qu’il met en œuvre et parce que, pour la première fois, nous supprimons un deuxième impôt en cinq ans, avec la réforme du financement de l’audiovisuel public.
Alors que le projet de loi initial faisait le choix d’un financement au travers de crédits budgétaires, le groupe majoritaire de l’Assemblée nationale a opté pour l’affectation d’une fraction de TVA, ce mode de financement étant considéré comme offrant davantage de garanties aux sociétés audiovisuelles et à leurs salariés.
Le débat aura lieu tout à l’heure ici, comme il a eu lieu à l’Assemblée nationale il y a quelques jours.
Je sais qu’un certain nombre d’entre vous considèrent que nous aurions dû consulter davantage. Je veux rappeler qu’il y a eu énormément de rapports et de travaux menés, notamment au sein de cette assemblée. Je pense au très bon rapport de MM. Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi, … (
Sourires.
Tout à fait, monsieur Assouline.
Dans ces nombreux travaux, tout le monde s’accorde sur le fait que la contribution à l’audiovisuel public telle qu’elle existe aujourd’hui est obsolète, injuste et datée, et qu’il faut la supprimer.
Cela, on le sait depuis longtemps. Vous n’avez rien fait pendant cinq ans !
Nous aurons ce débat, qui est important.
De la même manière, nous souhaitons, Bruno Le Maire et moi-même, trouver le bon point d’équilibre s’agissant de la réponse à apporter aux demandes de soutien des collectivités locales fragiles, dans un contexte d’inflation des prix de l’énergie, ainsi que de revalorisation du point d’indice et du RSA.
Je veux rappeler, à la suite de Bruno Le Maire, que le mécanisme de filet de sécurité qui a été introduit dans le texte à l’Assemblée nationale est une traduction concrète de l’esprit de dialogue qui nous anime. La rédaction de l’article 4 ter est en effet le fruit d’un travail engagé avec l’ensemble des groupes politiques qui ont, en bonne intelligence, conforté l’amendement proposé par la députée socialiste Christine Pires Beaune.
Sourires sur les travées du groupe SER.
Je sais que de nombreux amendements, émanant de l’ensemble des groupes, ont été déposés sur ce sujet.
J’espère que notre débat permettra de définir les bons critères, afin de cibler les collectivités qui ont besoin d’un soutien, sans constituer une charge démesurée pour le budget de l’État. Nous devrons alors garder en tête que nous aurons rendez-vous au moment de l’examen du projet de loi de finances pour aborder de manière plus structurelle la question du financement des collectivités locales.
Ce qui nous rassemble aujourd’hui, c’est l’urgence de répondre aux Français et aux collectivités qui connaissent le plus de difficultés. Je ne crois pas que ce soit le moment de tenir un grand débat sur le financement des collectivités locales : l’examen du projet de loi de finances est fait pour cela !
Dernière illustration de cet esprit de dialogue : l’Assemblée nationale a voté une dotation de 10 millions d’euros pour soutenir les collectivités en matière de renouvellement des titres sécurisés. En effet, nous le savons, nombre de nos concitoyens peinent encore à obtenir un rendez-vous pour refaire leur carte d’identité ou leur passeport.
Après avoir discuté avec plusieurs sénateurs, notamment M. le rapporteur général, Jean-François Husson, qui a déposé un amendement tendant à renforcer le dispositif, je pense, avec Bruno Le Maire, qu’il est justifié de procéder à ce renforcement. Nous soutiendrons donc son amendement.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Pour les collectivités locales comme sur tous les autres sujets, faisons en sorte de définir ensemble le meilleur dispositif, en cessant d’opposer finances locales et finances de l’État, car, à la fin, il n’y a qu’un seul contribuable et qu’un seul citoyen : celui que nous avons le devoir de servir.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous pensons tous que l’État doit apporter son soutien à ceux qui sont confrontés à ce nouveau contexte des prix qui s’envolent depuis quelques mois, contexte qui touche aussi bien les entreprises et les collectivités que nos concitoyens, singulièrement les plus fragiles d’entre eux. Tel est, notamment, l’objet de ce projet de loi de finances rectificative.
Depuis la crise sanitaire, la France semble s’être habituée à une réponse permanente des pouvoirs publics à chaque crise.
Or il faut trouver le bon niveau de réponse, sans risquer d’entretenir l’inflation ou de rendre ensuite plus difficile le financement de nos dépenses, dans un contexte de hausse des taux et de renchérissement de la dette, et sans oublier l’état de nos finances publiques, qui continuent de se dégrader de manière préoccupante.
Le ministre chargé des comptes publics vient de déclarer que nous serions passés du « quoi qu’il en coûte » au « combien ça coûte ? ».
Selon moi, monsieur le ministre, le « combien ça coûte ? » coûte aussi cher que le « quoi qu’il en coûte », avec déjà 40 milliards d’euros consacrés aux réponses apportées à l’accélération de l’inflation cette année, le risque étant que cela dure encore un certain temps.
Le texte qui nous est soumis prend acte de la dégradation de la situation économique depuis décembre dernier, avec une prévision de croissance du PIB qui baisse ainsi de 4 % à 2, 5 %. Alors que celle-ci pouvait paraître quelque peu optimiste, de bonnes nouvelles sont arrivées de l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques, vendredi dernier, avec une première estimation de la croissance économique au deuxième trimestre de 2022 qui est plus rassurante et qui donne du crédit à cette prévision.
J’observe toutefois que la consommation des ménages continue de baisser et que les indicateurs conjoncturels sont au plus bas. Je note aussi que le FMI vient de réviser sa prévision de croissance pour l’année 2023 de 1, 3 % à 1 %. Il nous faut donc rester prudents.
Le projet de loi de finances rectificative traduit aussi le contexte inflationniste dans lequel nous évoluons, qui contribue non seulement à dégrader la consommation des ménages et l’investissement des entreprises et, par suite, nos perspectives de croissance, mais également à accroître le niveau des taux d’intérêt, notamment ceux des obligations souveraines.
Dans l’ensemble, les mesures prises par l’État – bouclier tarifaire, remise à la pompe, indemnité inflation, etc. – ont eu des effets positifs sur l’évolution des prix et le revenu des agents. Néanmoins, messieurs les ministres, ces résultats ont évidemment un revers : celui de l’aggravation de la situation des comptes publics, soit, en clair, leur détérioration.
Certes, le PLFR révise à la hausse les prévisions de recettes publiques pour 2022, avec 50 milliards d’euros supplémentaires au titre des prélèvements obligatoires. Mais, en parallèle, les dépenses publiques augmentent de 60 milliards d’euros.
Le niveau de nos dépenses publiques n’est donc plus tout à fait en phase avec les objectifs de la loi de programmation, les dépenses primaires s’établissant à 5 % au-dessus de leur niveau prévu.
À cet instant, je constate que votre gouvernement laisse filer la dépense, alors même que nous sommes confrontés au défi tant redouté de la dégradation des conditions de financement de notre dette : la charge de la dette – M. Attal vient de le rappeler – représente cette année 18 milliards d’euros supplémentaires ; excusez du peu !
L’analyse du seul budget de l’État illustre très concrètement la politique du « combien ça coûte ? » du Gouvernement.
Ainsi, les ouvertures de crédit de 53, 8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 47, 6 milliards d’euros en crédits de paiement sont les plus élevées jamais observées dans un collectif budgétaire depuis l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). C’est considérable !
Les seules dépenses pilotables sont en hausse de 27 milliards d’euros, dont 18, 1 milliards d’euros supplémentaires par ce seul projet de loi de finances rectificative. J’ai le sentiment qu’il n’y a plus de pilote pour les dépenses de l’État !
Le texte anticipe un déficit de 177, 8 milliards d’euros, en hausse de 25 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale. En revanche, l’endettement au titre de l’année 2022 se maintient.
Pour autant, c’est bien toujours avec une dette que le déficit est financé, à savoir celle qui a été contractée il y a deux ans, en 2020 : l’État avait alors dimensionné ses émissions de titres de dette par rapport au déficit prévu en milieu d’année, et le déficit s’était révélé moins élevé que prévu. L’État a conservé cette trésorerie surabondante, qu’il propose d’utiliser pour financer le déficit actuel.
Pour résumer, mes chers collègues, ce PLFR prévoit 50 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, financées par 30 milliards de surcroîts de ressources et par 20 milliards d’euros de dette émise il y a deux ans.
Vous le voyez, les dépenses nouvelles s’accumulent pour la troisième année consécutive. Or, si l’on pouvait espérer que la crise sanitaire soit temporaire, ce n’est pas le cas de la crise énergétique et environnementale qui s’annonce.
On verra peut-être le prix du carburant et du gaz redescendre temporairement, si les tensions internationales viennent à s’apaiser. Mais, ne nous y trompons pas, c’est un monde nouveau qui s’annonce, auquel nous devons nous adapter et dans lequel les mesures budgétaires ne pourront pas constituer des réponses durables : le soutien du pouvoir d’achat par la dépense publique a atteint ses limites.
Très prochainement, ce sera l’heure des choix douloureux. Quelle dépense publique voulons-nous ? À quel niveau ? Quelles priorités fixons-nous, alors que nous ne pourrons plus nous financer aussi facilement par la dette et que la dette accumulée pèsera dans nos comptes ?
Compte tenu de ces éléments, vous comprendrez que je n’aie pas proposé à la commission des finances de nouveaux dispositifs qui viendraient s’ajouter à la liste, déjà longue, de ceux qui sont prévus dans le projet de loi pour le pouvoir d’achat et dans le PLFR.
Le texte, tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale comprend des avancées qui vont dans le bon sens, comme la hausse du plafond applicable pour la défiscalisation des heures supplémentaires, ou encore la « monétisation » des RTT. Il faut en effet soutenir les salariés, en ces temps de pénurie de main-d’œuvre, et offrir de la souplesse dans la gestion du temps de travail.
La commission des finances propose d’ailleurs un amendement qui vise à rendre pérenne la hausse du plafond applicable à la défiscalisation des heures supplémentaires, à 7 500 euros ; je vous remercie, monsieur le ministre, de l’avis bienveillant que vous avez bien voulu donner à cet égard.
Soutenir la valeur travail et les salariés les plus exposés, les plus précaires, c’est également ce qui a guidé notre choix de remplacer la prime de rentrée exceptionnelle, réservée aux minima sociaux, par une majoration exceptionnelle « coup de pouce » de la prime d’activité.
S’il faut mettre fin à la « politique du chèque permanent », nous prévoyons en revanche une rallonge de la participation financière de l’État à l’exercice des missions des banques alimentaires à hauteur de 40 millions d’euros, afin de tenir compte des importantes difficultés d’approvisionnement qu’elles connaissent.
En ce qui concerne le bouclier mis en place au titre de l’énergie, nous nous rallions globalement à ce qui a été décidé, notamment avec un soutien, pour tous et plus important, par le biais de la remise carburant. Je suis aussi favorable à l’extension du bouclier tarifaire aux ménages qui se chauffent au fioul. Les 230 millions d’euros votés à l’Assemblée nationale ne seront pas de trop.
Pour autant, j’estime que nous arrivons au bout de la logique : la transition écologique doit être menée, il nous faut recouvrer notre souveraineté énergétique et l’état de nos finances publiques ne nous permettra pas de poursuivre ainsi au-delà de la fin de cette année. Par exemple, la mesure sur le fioul doit être ciblée, si l’on veut qu’elle représente un soutien financier suffisamment important pour ceux qui en ont besoin et pour éviter le saupoudrage.
Nous regrettons vivement la perte de 3 milliards d’euros que représente la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Le montant de TVA qui la remplace, c’est autant qui ne sera pas utilisé à autre chose ; il ne peut de toute façon être affecté que jusqu’à la fin de 2024, en vertu de la LOLF.
Le Gouvernement doit donc utiliser les deux années à venir pour mener une véritable réforme de l’audiovisuel public, en y associant un mode de financement efficace. À cet égard, les propositions de la mission menée par Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi sont sur la table : messieurs les ministres, saisissez-vous-en, vous gagnerez du temps !
Concernant les compensations allouées aux collectivités territoriales, la commission des finances propose, tout d’abord, de renforcer le filet de sécurité issu des travaux intergroupes de l’Assemblée nationale et relatif au bloc communal, en assouplissant ses critères d’éligibilité et les modalités de calcul de l’aide.
Dans la même logique que la compensation pour les départements de la revalorisation du RSA, nous proposons également de compenser pour les régions le coût de la revalorisation des rémunérations versées aux stagiaires de la formation professionnelle.
Enfin, nous continuons de refuser les réserves de budgétisation que le Gouvernement se constitue. L’expérience de 2021 et les nouveaux reports de crédits massifs réalisés au début de 2022 – plus de 29 milliards d’euros, messieurs les ministres ! – montrent que les pratiques se poursuivent. Aussi, nous proposons de supprimer 4, 5 milliards d’euros qui ne nous paraissent pas justifiés.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous œuvrerons ainsi en faveur d’une gestion budgétaire rigoureuse, en évitant de prendre le pli de certaines aisances ou facilités, contraires au redressement nécessaire de nos comptes publics, afin d’offrir à la France et aux Français un meilleur avenir.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui est présenté par le Gouvernement comme le second volet de son « paquet » pouvoir d’achat. Mais il ne se résume pas à cela.
Tout d’abord, c’est un collectif budgétaire, qui prend en compte le nouveau contexte macroéconomique, avec une baisse de la prévision de croissance de 4 % à 2, 5 % et d’importants ajustements en recettes et en dépenses.
Ce projet de loi intègre aussi des mesures nouvelles, qui ne sont pas toutes liées au pouvoir d’achat, comme la suppression de la redevance pour l’audiovisuel public, le report d’un an de la suppression de la fiscalité spécifique au gazole non routier, ou encore la renationalisation d’EDF.
Enfin, et surtout, il présente une réponse très partielle aux problèmes de pouvoir d’achat de certains de nos compatriotes. L’Insee vient d’indiquer que l’inflation avait atteint, en juillet, 6, 1 % sur un an : avant même ces nouveaux chiffres, le choc en 2022 était déjà estimé à 66 milliards d’euros, soit environ 1 000 euros par habitant et 4, 3 % du revenu des ménages.
Enfin, l’OFCE a calculé que, sur 5 % d’inflation générale, les 10 % des ménages les mieux lotis subissaient une inflation de 2, 5 %, tandis que les 10 % des ménages les plus exposés subissaient une inflation de 8, 5 %. La réponse doit donc être différenciée, ce qui n’est pas suffisamment le cas dans ce PLFR.
Du point de vue des équilibres, ce collectif aggrave le déficit du budget de l’État. La hausse des dépenses est en effet très significative, de 44, 2 milliards d’euros, dont la moitié pour le pouvoir d’achat, ce que ne compense pas la réévaluation des recettes fiscales. La charge budgétaire de la dette augmente, dès cette année, de 11, 9 milliards d’euros.
Il ne s’agit pas, pour moi, de remettre en cause la nécessité de soutenir les ménages ou de renforcer l’intervention publique face aux défis qui s’annoncent, notamment en matière de résilience et de transition énergétiques.
Je ne puis en revanche que le déplorer, dans la situation particulièrement délicate que nous connaissons, avec des comptes publics dégradés, des perspectives de croissance incertaines et une hausse, qui elle est certaine, des taux d’intérêt, le Gouvernement poursuit sa politique de « désarmement fiscal ».
Aujourd’hui, la suppression de la redevance audiovisuelle créerait un nouveau manque à combler de 3, 7 milliards d’euros et fragiliserait l’audiovisuel public. Demain, la poursuite de la baisse des impôts de production aggraverait la situation de plusieurs milliards d’euros, alors même que l’essentiel des baisses d’impôts déjà réalisées s’est fait sur le dos de la dette.
En regard, une nouvelle fois, rien n’est proposé pour prélever les acteurs économiques ayant les plus fortes capacités contributives, afin de rééquilibrer les comptes : aucun projet d’imposition du patrimoine, alors que l’épargne accumulée au cours de la crise par les plus hauts déciles de revenus est très importante, aucune taxation des bénéfices exceptionnels de certaines grandes entreprises…
Comment, à ce stade de mon propos, ne pas évoquer les résultats des grands groupes énergéticiens français, au premier rang desquels TotalEnergies, avec un triplement des profits semestriels à 18, 7 milliards de dollars pour une production du même ordre qu’en 2021, une « aubaine de marché supportée par nos concitoyens », comme l’a écrit récemment notre collègue députée Valérie Rabault ?
Comment peut-on accepter, monsieur le ministre, vos propos : « Taxer TotalEnergies n’est qu’une facilité et non une mesure de justice » ? Affirmer que la reprise d’un bénéfice exceptionnel conjoncturel pour le redistribuer vers les populations les plus fragiles de notre pays, lesquelles d’ailleurs participent à la constitution de ce bénéfice, ne serait pas une mesure de justice, il faut oser…
Par ailleurs, comment mettre en parallèle quelques mesurettes – excusez-moi de les qualifier ainsi –, d’un coût de 500 millions d’euros tout de même, mais mal ciblées – non par votre faute, monsieur le ministre, mais par celle de quelques députés, que je ne citerai pas –, et les 5 milliards d’euros au minimum, soit dix fois plus, que cette taxe pourrait rapporter ? Il est d’ailleurs savoureux de constater que nos grandes entreprises arguent d’une activité internationale lorsque tout va bien et d’un siège social en France lorsque les crises surviennent…
De tout cela, les Français ne veulent plus ! Quand, en outre, TotalEnergies annonce qu’une partie de ses profits seront consacrés, non pas au développement, non pas à la transition énergétique, peut-être à l’amélioration des salaires de ses employés, mais, surtout, pour au moins 2 milliards d’euros, au rachat de ses actions, avec pour seul objectif de faire monter la valeur de ces dernières, alors oui, mes chers collègues, je vous le dis, agissons et votons cette taxe exceptionnelle !
Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mmes Esther Benbassa et Nathalie Goulet applaudissent également.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au soir de sa victoire, le 24 avril dernier, le Président de la République avait eu ces mots : « Ce vote m’oblige pour les années à venir, cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève. La colère et les désaccords doivent aussi trouver une réponse, il faut enfin considérer toutes les difficultés des vies vécues et des difficultés qui se sont exprimées. »
Nous voilà trois mois plus tard, en séance, pour débattre d’un projet de loi de finances rectificative qui aurait dû marquer le début de cette ère nouvelle qui nous fut annoncée par l’oracle de l’Élysée. Du discours aux propositions formulées, le gouffre est béant.
Pendant les deux campagnes du printemps, les fractures profondes qui minent notre société sont clairement apparues, et, parmi les préoccupations de nos compatriotes, s’est exprimée très fortement la question du pouvoir d’achat.
Ainsi, ce sont 40 % des Français qui ne partent pas en vacances cette année dans notre pays, pourtant sixième puissance économique mondiale. Celles et ceux qui partent constatent la hausse vertigineuse du prix des carburants, qui les privera des petits plaisirs des vacances – la sortie au restaurant en famille ou la crème glacée offerte aux enfants au soleil de la canicule.
Murmures sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.
Sans doute ces automobilistes ont-ils apprécié d’apprendre que le groupe TotalEnergies, dont il est beaucoup question ces jours-ci, a réalisé un bénéfice net de 17, 7 milliards d’euros pour le premier semestre 2022, et que, de surcroît, ce groupe n’a pas payé d’impôt en France en 2020 et 2021.
La Fédération française des banques alimentaires (FFBA) a réalisé, il y a quelques semaines, une étude visant à mesurer l’impact de l’inflation, qui vient de franchir la barre des 6 %, sur les personnes accueillies dans le réseau des banques alimentaires, premier réseau d’aide.
Les banques alimentaires viennent en aide à 2, 2 millions de personnes en situation de précarité. Je relèverai trois des constats que cette étude met en évidence : tout d’abord, une hausse du budget alimentation pour la moitié des foyers interrogés ; ensuite, une hausse des prix qui affecte davantage les familles avec enfants ; enfin, un report massif sur les produits les moins chers.
De l’autre côté du spectre, nous avons évoqué la santé économique de TotalEnergies, un groupe qui n’est pas une exception. L’ensemble des entreprises du CAC 40 ont dégagé collectivement quelque 174 milliards d’euros de bénéfices – du jamais-vu dans l’histoire du capitalisme français ! –, et une hausse de 70 % par rapport au précédent record. Rapporté à une échelle plus humaine, plus accessible au commun des mortels, les groupes du CAC 40 ont gagné 5 517 euros chaque seconde ! Ainsi la question des superprofits a-t-elle légitimement surgi dans les débats.
Nous pourrions tout autant citer Engie, qui a engrangé des profits records l’an dernier, avec 3, 7 milliards d’euros. Le logisticien CMA CGM (Compagnie maritime d’affrètement Compagnie générale maritime), qui transporte des conteneurs, a réalisé 18 milliards d’euros de profits en 2021 et a déjà encaissé 7, 2 milliards d’euros au premier trimestre de 2022.
Cela a été dit, l’Italie et le Royaume-Uni ont tous deux mis en place une taxe sur les superprofits des énergéticiens, à hauteur de 25 %, et d’autres États européens ont suivi le même chemin. À l’évidence, en France, les actionnaires sont cajolés, dorlotés, chouchoutés.
Lors du quinquennat précédent, vous avez fait le choix de baisser la fiscalité du capital, avec la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les dividendes.
Ces choix n’ont eu comme effet que de concentrer davantage encore la richesse, puisque les 10 % les plus riches détiennent la moitié des actifs qui financent l’économie. Y a-t-il eu au moins un effet sur l’investissement ? On peut en douter.
Monsieur le ministre, vous appelez régulièrement à la modération en matière de distribution de dividendes et, s’agissant du pouvoir d’achat, vous demandez aux entreprises qui le peuvent de faire un geste. À l’évidence, ces gestes ne sont que des signaux faibles, souvent même très faibles.
TotalEnergies a annoncé une remise d’été de 12 centimes d’euro par litre, valable uniquement en juillet et en août, et seulement sur les autoroutes.
La compagnie de conteneurs CMA CGM offre, de son côté, une ristourne de 500 euros sur les conteneurs de l’Asie vers la France à partir d’août, et ce pour un an.
Entre-temps, nous apprenons que le PDG de cette compagnie, M. Rodolphe Saadé, figure désormais à la cinquième place du classement annuel des grandes fortunes publié par le magazine Challenges, grâce à une augmentation de sa fortune de plus de 30 milliards d’euros.
La source de ces énormes profits n’est pas, on le sait, dans l’invention d’un produit révolutionnaire. L’entreprise bénéficie simplement d’une situation anormale, hors marché, de pénurie. Et nous devrions nous interdire de taxer ces superprofits ?
Ce projet de loi de finances rectificative, c’est le gras pour les uns et quelques miettes pour l’immense majorité des autres !
Notre société est fracturée, nous l’avons dit. Et pour combattre le cancer des inégalités, vous prescrivez l’usage du paracétamol !
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Alain Marc applaudit également.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le PLFR 2022 a pour finalité de contenir la hausse des prix et de protéger le pouvoir d’achat des ménages.
Le groupe Union Centriste souscrit à ces objectifs et proposera plusieurs mesures, à chaque fois ciblées, car il a bien retenu, monsieur le ministre de l’économie, votre message d’il y a un an : la fin du « quoi qu’il en coûte » et le soutien à ceux qui en ont besoin.
Il y a un mois, plus sombre, vous déclariez : « Tout n’est pas possible, tout simplement parce que la France a atteint la cote d’alerte sur les finances publiques. » Étant aussi inquiets que vous, nous sommes très déterminés, car la dette est devenue très chère.
Pour commencer, relever de 18 à 30 centimes d’euro la remise carburant ne nous paraît pas judicieux, et cela pour cinq raisons.
Premièrement, contrairement à ce que vous souhaitez, la baisse ne cible personne et touchera tous les niveaux de revenus. Elle bénéficiera même deux fois plus aux plus aisés, comme le souligne justement le Conseil d’analyse économique (CAE), qui constate que « les rabais sont des mesures inefficaces et coûteuses ».
Deuxièmement, non seulement elle bénéficie à tous les revenus en France, mais aussi, et c’est encore pire, à tous les étrangers, touristes ou frontaliers. Comme le disent mes voisins suisses : « C’est l’État français qui paie ! »
Troisièmement, lorsque l’on baisse un prix de 25 %, le producteur en profite pour remonter son tarif.
Quatrièmement, que se passera-t-il lorsque, dans quelques mois, le prix des carburants remontera de 50 centimes ? Aurons-nous un nouvel épisode « gilets jaunes » et 10 milliards d’euros de dépenses à la clé ?
Cinquièmement, le coût pour les finances publiques est inacceptable, car la dette finance ainsi sans limites, sans conditions de ressources ou de nationalité. C’est parfaitement contradictoire avec la fin du « quoi qu’il en coûte ».
À la place de cette mesure dispendieuse, nous proposerons un amendement de Michel Canévet visant à faire prendre en charge, via l’employeur, une partie des frais de déplacement des personnes qui travaillent, en contrepartie d’une réduction de charges patronales. Nous accordons les mêmes 30 centimes de réduction, mais seulement à celles et à ceux qui utilisent leur véhicule pour travailler.
Toujours soucieux des finances publiques, nous proposerons une contribution exceptionnelle sur les bénéfices de l’année 2021. Je sais, monsieur le ministre de l’économie, que vous n’y êtes pas favorable, puisque vous réduisez les propositions des sénateurs à des réflexes pavloviens. Mais les chiens de garde du Parlement que nous sommes veillent pourtant sur la Nation avec un esprit de justice fiscale et sociale.
Vous-même, monsieur le ministre, attaché à taxer les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), déclariez en décembre 2018 : « Il n’y a pas de succès économique sans justice sociale. » Aussi, nous proposons que l’État joue son rôle de régulateur en atténuant les effets des crises auprès de tous.
Par ailleurs, ce « réflexe pavlovien », le Gouvernement ne l’a-t-il pas eu en 2020, lorsqu’il a décidé d’une taxe de solidarité exceptionnelle sur les primes des organismes complémentaires de santé, …
… afin de « compenser les profits générés par les mutuelles pendant la crise sanitaire » ?
Y a-t-il eu débat sur l’opportunité de cette mesure ? Non, c’était de la pure justice sociale. Mettre en place un prélèvement exceptionnel parce qu’il y avait un enrichissement exceptionnel lié à la crise du covid-19 était juste. Nous voulons la même chose concernant les sociétés qui voient leurs profits bondir à l’occasion d’une nouvelle crise.
Nos voisins le font : l’Italie, l’Espagne, la Roumanie, la Grèce et même le Royaume-Uni ! Les Allemands ne devraient pas tarder. Nous avons accepté de diminuer l’impôt sur les sociétés, nous pensons juste de prélever une contribution exceptionnelle, parce que la situation est exceptionnelle. Le Président de la République disait il y a quelques mois : « Pour moi, la justice sociale, c’est de prévenir les inégalités. » Eh bien, nous y sommes !
Nous proposons, par ailleurs, le report d’un an de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), parce que le sujet mérite une concertation et que celle-ci n’a pas eu lieu.
Bien sûr, le mécanisme de la CAP est obsolète ; bien sûr, il s’agit d’une promesse du Président de la République. C’est pourquoi nous ne nous opposerons pas à sa suppression.
Néanmoins, pour une fois, prenons le temps de penser à tout, et à tous, pour mettre en place un dispositif satisfaisant le monde de la culture.
Au passage, nous économiserons 3, 7 milliards d’euros, qui ne feront pas de mal aux intérêts de notre dette.
Enfin, dans le droit fil de votre judicieux bouclier tarifaire énergétique, Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, proposera une aide pour les communes qui voient leur facture énergétique s’envoler sans ressources supplémentaires. Hervé Maurey fera de même. Le dispositif voté par l’Assemblée nationale est trop restrictif, car les bases de compensation liées à l’évolution de l’épargne brute excluront trop de communes connaissant des difficultés multiples.
Voilà donc, messieurs les ministres, mes chers collègues, la ligne directrice du groupe Union Centriste, qui est particulièrement attentif à l’usage que nous allons faire de la dette publique.
Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative pour 2022 est peut-être le véritable texte sur le pouvoir d’achat, comportant en particulier toutes les rallonges budgétaires attendues par nos compatriotes, après le projet de loi que nous avons examiné la semaine dernière dans des délais particulièrement contraints.
Ne nous faisons pas d’illusions, la situation budgétaire de l’État est difficile.
Après deux ans de pandémie et la politique du « quoi qu’il en coûte », qui a permis de maintenir à flot notre économie au prix d’un bond historique de l’endettement, nous sommes désormais confrontés à un retour de l’inflation causé à la fois par les effets du « déconfinement » de l’économie, par de multiples difficultés d’approvisionnement, qui s’expliquent par une hausse historique du prix du transport par conteneurs à l’échelle internationale et par des tensions sur l’importation de certains produits, et enfin par un affaiblissement de l’euro par rapport au dollar, lié aux conséquences économiques de la guerre en Ukraine et aux sanctions qui affectent plus durement les Européens que les Américains.
La faiblesse de l’euro renchérit donc automatiquement le prix, établi en monnaie américaine, des ressources, notamment le pétrole.
À cela s’ajoute une situation politique nationale complexe depuis quelques semaines. La réélection du Président de la République en avril dernier, une première depuis l’instauration du quinquennat, a débouché sur un résultat paradoxal aux législatives, qui permet à certains groupes d’opposition de prétendre devenir des faiseurs de politique, au moment même où notre pays aurait besoin de décideurs responsables et lucides.
Le spectacle parfois ubuesque de l’examen du projet de loi pour le pouvoir d’achat et de ce PLFR par l’Assemblée nationale aura certainement laissé perplexes beaucoup de nos concitoyens quant à l’esprit de sérieux de certains membres de la représentation nationale. Ce n’est pas ainsi que nous concevons la politique.
Pour ce qui concerne les mesures du PLFR, notre groupe continuera de chérir sa liberté de vote – cela signifie que nous ne sommes pas toujours d’accord
Sourires.
Les critiques adressées à l’encontre de cet impôt spécifique sont connues, bien que la question du financement soit essentielle. Nous veillerons lors des prochains exercices budgétaires à ce qu’il soit assuré à la hauteur de ce que nécessite un audiovisuel public de qualité et représentatif de la société. Mais, surtout, ce doit être l’occasion de débattre de ce que doivent être, pour un véritable service public de qualité, les rapports entre indépendance et pluralisme, afin de renforcer l’attachement des Français à leur audiovisuel commun.
Pour le reste, ce texte comporte des mesures techniques, comme la généralisation de la facturation électronique des transactions entre assujettis à la TVA, ou encore des ratifications de décrets, en particulier le décret d’avance de quelque 7 milliards d’euros adopté au printemps dernier, pendant la période électorale.
La poursuite et l’élargissement du champ des prêts garantis par l’État (PGE) illustrent la difficulté à sortir concrètement d’un dispositif conçu d’abord comme temporaire, mais largement plébiscité par les acteurs économiques, qui souhaiteraient qu’il soit maintenu. Enfin, un certain nombre de mesures visent à renforcer le soutien d’organismes internationaux à l’Ukraine.
Je salue pour ma part la majoration, à l’article 14, de la dotation pour les titres sécurisés, car l’on connaît les difficultés rencontrées actuellement par les collectivités pour le traitement des demandes de renouvellement de cartes d’identité et de passeports.
Des compensations en faveur des collectivités ont été votées à l’Assemblée nationale, pour faire face à la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires ou du RSA. Nous proposerons des amendements visant à aller plus loin dans ce sens, car ces compensations ne nous semblent pas suffisantes. Nous proposerons également de territorialiser davantage certaines aides, en particulier pour ce qui concerne la lutte contre la hausse des prix des carburants.
La renationalisation d’EDF paraît à la fois regrettable et nécessaire.
Avant de conclure, je n’oublie évidemment pas la question de la taxation des superprofits des entreprises : nous attendons beaucoup du débat qui aura lieu dans quelques instants.
En conclusion, ce PLFR, discuté en toute fin d’une session extraordinaire qui n’en finit pas, comporte des mesures nécessaires, bien que nous ne puissions repousser indéfiniment la question de la soutenabilité et de la dette.
Le groupe du RDSE, pour sa part, déterminera son vote à l’issue des débats et en fonction des modifications qui auront été apportées par le Sénat.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative, comme le projet de loi sur le pouvoir d’achat que nous venons de voter, se définit par ce qu’il comporte – les ministres l’ont rappelé –, mais aussi, et peut-être surtout, par ce qu’il ne contient pas. Dans le projet de loi sur le pouvoir d’achat, la grande absente était ainsi la revalorisation des salaires. Dans le PLFR, il s’agit de la contribution du capital et de ceux qui le détiennent.
Néanmoins, la nouvelle situation politique permet de véritables avancées au Parlement. Cela a été le cas à l’Assemblée nationale pour les collectivités locales. Et face à l’urgence territoriale, nous espérons bien conserver, voire amplifier, les avancées obtenues sur ce point. C’est le rôle même du Sénat.
Nous avons également le devoir de faire un pas vers plus de justice fiscale, donc vers une participation des grandes entreprises et des plus fortunés à l’effort du pays. Nous ne voulions pas vous décevoir, monsieur le ministre…
J’ai compris que nous n’étions pas les seuls, à gauche, à le dire, et que cela allait bien au-delà. Le Gouvernement est aujourd’hui sur la défensive. Aussi, mes chers collègues, faisons preuve d’audace !
Bien sûr, nous pensons indispensable la création d’un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) climatique, dont les recettes iraient vers des mesures plus solidaires de transition énergétique.
Ces recettes permettraient d’augmenter le pouvoir d’achat à la hauteur de l’inflation, sans entamer le reste à vivre des plus modestes, comme c’est le cas avec les mesures trop limitées qui nous sont présentées aujourd’hui, et sans toucher au temps de travail, comme le Gouvernement s’apprête à le faire avec le concours de la droite.
Par ailleurs, tout conduit à mettre en place une taxe exceptionnelle sur les superprofits des grandes sociétés de l’énergie et des transports. Cette mesure est tellement légitime qu’elle s’est invitée jusqu’au sein de la majorité présidentielle. D’autant que les ressources ne manquent pas quand on voit les bénéfices records annoncés par TotalEnergies et la CMA CGM.
Messieurs les ministres, renoncez au discours de l’impuissance, celui qui se contente de faire appel au bon vouloir des entreprises, car ce faux-semblant ne trompe plus personne. Regardez l’état de nos services publics et l’explosion des inégalités ! Rappelez-vous la crise des gilets jaunes : elle n’est pas si ancienne.
Vous noterez que nos propositions sont bénéfiques pour les finances publiques, puisqu’elles permettent de dégager au total près de 25 milliards d’euros de recettes. Il est temps d’ajouter au « combien ça coûte ? » le « combien ça rapporte ? ». Sinon, en s’obstinant dans son refus, le Gouvernement démontrerait qu’il est le gouvernement non pas de la maîtrise des finances publiques, mais bien du déficit !
Observez ce qui se passe chez nos voisins européens : un effort bien plus important est réalisé pour les transports publics, comme en Allemagne ou en Espagne, qui devraient nous servir d’exemples. Dans ces deux pays, comme en Italie et au Royaume-Uni, une taxe sur les superprofits voit le jour, …
… et cela n’a rien à voir avec le niveau global de la fiscalité pesant sur nos entreprises.
Vous voyez, messieurs les ministres, la taxation des superprofits est nécessaire et elle est possible. Ne ratons pas cette occasion !
Enfin, et je conclurai sur ce point, ce qui manque à votre texte, c’est un outil de préservation de notre démocratie. En effet, fragiliser le service public de l’audiovisuel aujourd’hui est une erreur, et même une faute. C’est pourquoi nous proposerons une nouvelle forme de redevance audiovisuelle, en revenant sur sa suppression pure et simple, présentée à tort comme une mesure de pouvoir d’achat.
C’est un enjeu essentiel pour notre démocratie, pour la qualité et l’indépendance de l’information et pour la création culturelle : le système que nous proposons est plus juste et progressif que l’actuelle redevance. Surtout, contrairement au vôtre, qui relève de l’improvisation et qui, avec la TVA, reprend d’une main ce qu’il a fait semblant de donner de l’autre, il préserve vraiment, via la nouvelle contribution que nous proposons, le financement spécifique et l’indépendance de l’audiovisuel public.
Ces dernières semaines, des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées pour dire que la suppression de la redevance était une fausse bonne idée. Quand il s’agit de taxer les superprofits, il serait urgent d’attendre. Et là, pour supprimer un outil démocratique précieux, il n’y aurait pas une minute à perdre ? De grâce, soyons sérieux !
M. Rémi Féraud. Mes chers collègues, au-delà même des clivages partisans, prenons nos responsabilités !
Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte que nous examinons cette après-midi a fait l’objet d’importants compromis tout au long de sa discussion à l’Assemblée nationale et a été adopté il y a plus de six jours à une très large majorité par nos collègues députés.
Je vous parle d’une très large majorité, car la majorité absolue des votants a été dépassée de 73 voix… C’est une victoire considérable pour la démocratie, compte tenu de la nouvelle configuration politique. La députée Véronique Louwagie soulignait notamment le souhait du groupe Les Républicains d’incarner une opposition raisonnable. Je ne puis qu’espérer que cet état d’esprit préside également à nos débats.
Je ne doute pas, mes chers collègues, que le Sénat saura faire preuve de responsabilité et trouver les mêmes voies constructives que nos collègues députés, qu’il remplira avec sagesse, une nouvelle fois, son rôle de chambre de compromis.
C’est une responsabilité d’autant plus grande que ce collectif budgétaire est le corollaire indispensable du texte sur le pouvoir d’achat que nous avons adopté vendredi dernier à la tombée de la nuit.
Je crois profondément que nous saurons trouver une issue raisonnable en commission mixte paritaire sur le texte relatif au pouvoir d’achat dès ce soir, comme nous le ferons au cours de la semaine sur ce projet de budget rectificatif qui nous est soumis.
Cet esprit de compromis, le Gouvernement en a fait preuve jusqu’à la fin de l’examen en séance publique, à la faveur d’un amendement visant à aider les ménages se chauffant au fioul – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Ce sont 230 millions d’euros qui, d’ici à l’hiver prochain, aideront nos concitoyens à surmonter le retour du froid sans subir de plein fouet la flambée des coûts de l’énergie.
Cet esprit de compromis, le groupe RDPI en prendra également sa part, en rejoignant l’initiative de notre rapporteur général de pérenniser le nouveau plafond d’exonération des heures supplémentaires.
Monsieur le rapporteur général, votre amendement nous paraît constituer une aide bienvenue à l’emploi, quand la prospérité de notre économie et la soutenabilité de nos finances publiques reposent en grande partie sur le dynamisme du marché du travail et la productivité de nos entreprises.
Cet esprit de compromis, enfin, nous l’avons vu à l’œuvre sur un sujet qui nous préoccupe tout particulièrement ici au Sénat. Je veux bien entendu parler des collectivités locales.
Nous n’oublions pas tout ce qui a été accompli depuis 2017, avec une capacité d’autofinancement brute qui s’est envolée de 23, 2 % pendant le quinquennat, une trésorerie en hausse de 36, 4 %, et des dépenses réelles d’investissement qui ont augmenté de 14, 9 %, tout cela grâce aux mesures inédites de soutien et de compensation dynamique que nous avons mises en place. Je n’oublie pas non plus le dynamisme d’un grand nombre recettes fiscales des collectivités, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), la TVA dont une large part leur revient, la taxe foncière, et j’en passe.
Toutefois, il demeure, en particulier pour le bloc communal, d’importantes disparités, et certaines de nos communes ont besoin d’un soutien exceptionnel. C’est pour cela qu’un compromis a été trouvé avec le rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve, dont je salue le travail.
Il a permis de mettre en place une dotation exceptionnelle pour les communes les plus touchées par la hausse des coûts. Nous avons encore des propositions à faire valoir pour améliorer le dispositif, mais je ne doute pas que nous trouverons tous ensemble, et avec le Gouvernement, les mesures adaptées pour protéger nos communes menacées par l’envol du coût de l’énergie.
Nos collègues ultramarins du groupe RDPI sont nombreux à saluer les avancées obtenues en première lecture, notamment l’enveloppe exceptionnelle d’aide alimentaire ouverte pour lutter contre la vie chère.
Je sais, monsieur le ministre, que, comme vous l’avez fait auparavant, vous regarderez avec bienveillance notre amendement qui a pour objet de l’élargir aux collectivités d’outre-mer. C’est un enjeu de solidarité, mais aussi d’égalité et de justice pour la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et l’ensemble des collectivités d’outre-mer. Je sais que vous y êtes sensible ; je n’oublie pas votre action à la suite de ma sollicitation lors du dernier projet de loi de finances pour aider Air Tahiti Nui, alors en grande difficulté. Soyez-en remercié, monsieur Le Maire !
J’ajoute enfin que je partage avec nos amis ultramarins et ma collègue finistérienne Nadège Havet le soulagement que représente la prolongation de l’aide au carburant pour les pêcheurs annoncée vendredi dernier par le secrétaire d’État chargé de la mer. C’est une mesure juste, qui permettra de venir en aide à un secteur fortement touché par le retour de l’inflation.
Oui, mes chers collègues, comme le disait notre collègue député Mathieu Lefèvre, je suis heureux que nous puissions discuter d’un texte qui revalorisera les pensions de 60 euros par mois, et qui permettra que les prix du gaz et d’électricité pour les Français n’augmentent pas de 4 % et 35 %, comme cela aurait été le cas si nous n’avions rien fait.
En effet, notre pays connaît l’inflation, malgré son niveau, la plus modérée d’Europe, une croissance dynamique, quand certains de nos voisins enregistrent une baisse au deuxième trimestre, et un taux de chômage historiquement bas à 7, 3 %. Ce sont les fruits de la constance de notre politique économique et des mesures en faveur du pouvoir d’achat engagées dès le début de la crise.
Mes chers collègues, vous connaissez l’expression : il ne faut pas changer de cheval au milieu du gué. Je pense en particulier au débat que nous aurons sur la taxe exceptionnelle que certains veulent mettre en place. Il y va de la confiance dans notre politique économique, de la clarté et de la cohérence de notre modèle fiscal.
Le Gouvernement a demandé aux entreprises des engagements ; nous saurons être au rendez-vous des résultats et sanctionner ce qui devra l’être quand le temps sera venu de demander des comptes. Mais ne pénalisons pas la reprise alors que notre économie sort tout juste de la crise !
Avec ce texte, ce sont 20 milliards d’euros qui seront rendus à nos concitoyens. C’est un grand moment de démocratie parlementaire, et ce sera de nos votes que nous devrons répondre quand il faudra dire si, oui ou non, nous avons été à la hauteur des enjeux.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Luc Fichet applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, tous les marins le savent : la navigation est un art de l’anticipation. Le capitaine d’un grand paquebot doit ainsi attendre trente minutes entre son coup de barre et son effet sur la trajectoire du bateau. Pour redresser les finances publiques, l’inertie est bien évidemment plus longue.
C’est en années, sinon en décennies, que se résorbent les déficits chroniques et les dettes abyssales. Si ce budget marque la fin du « quoi qu’il en coûte », ses effets ne s’en feront malheureusement pas sentir avant des années.
Aujourd’hui, chacun le sait, la situation de nos finances publiques est alarmante. Mais, encore une fois, elle l’est par les décisions que nous avons prises collectivement, notamment au plus fort de la crise, pour préserver nos emplois, sauvegarder nos entreprises et protéger nos concitoyens.
Notre dette publique est supérieure de plus de 15 points de PIB à celle de 2019, un niveau qui nous préoccupait déjà à juste titre. Pourtant, nous vivions sous anesthésie générale, car le contexte des taux négatifs rendait finalement cette dynamique d’endettement artificiellement assez indolore. La charge de la dette ne cessait de diminuer, alors que la dette elle-même ne cessait d’augmenter. Désormais, la charge de la dette augmente dangereusement et nous oblige à cibler nos mesures et à prioriser nos urgences.
En l’occurrence, l’urgence est sociale. L’inflation qui frappe tout le pays touche plus durement les plus fragiles. Le taux moyen de l’inflation, qu’il soit à 5 % ou à 6 %, peut en fait correspondre à une augmentation du coût de la vie de près de 10 %.
C’est toute l’injustice de la situation : on souffre davantage de la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation quand on vit dans les territoires ruraux et avec des revenus modestes.
C’est pourquoi le ciblage des mesures sur le coût de l’énergie, et ce pour les plus modestes, fait sens. L’hiver arrivera vite. Si l’inflation persiste, elle reste, pour le moment, inférieure à la moyenne européenne. C’est en partie grâce à la réactivité du Gouvernement et à notre moindre dépendance au gaz russe, mais il n’est pas impossible qu’elle nous frappe par effet retard.
Il faut donc être clair, le projet de loi de finances rectificative que nous allons examiner n’est pas un budget de rétablissement des comptes publics : il répond à l’urgence de la situation, avec un souci d’efficience que chacun appréciera.
Nous aurons prochainement l’occasion de discuter des grandes orientations budgétaires. Nous devrons les prendre en responsabilité, en gardant à l’esprit le fait que le spectre de la récession guette notre pays, comme la zone euro.
Pour l’heure, j’espère que nous saurons créer des consensus pour protéger le pouvoir d’achat des Français, singulièrement celui des plus modestes dans les territoires ruraux. Le projet de loi sur le pouvoir d’achat a montré que nous en étions, ensemble, capables.
J’identifie, pour ma part, trois sujets épineux. Au fond, je crois que nous sommes plutôt d’accord. Mais nous devrons répondre à une question de justice fiscale : qui doit supporter le coût des mesures que nous voterons ?
Le premier sujet, c’est la contribution à l’audiovisuel public. Sa suppression ne fait pas débat. La question a été tranchée à la présidentielle : les Français ont choisi, au premier tour, deux candidats qui voulaient supprimer cette taxe, qui n’a plus de sens à une époque où l’audiovisuel passe essentiellement par internet.
Pourtant, comment garantir le financement de notre audiovisuel public en supprimant une taxe injuste pour les Français et inadaptée à la réalité économique du secteur ?
La solution retenue par le Gouvernement de flécher une fraction de TVA ne me paraît pas optimale, car ce mode de financement n’est ni stable ni pérenne. Son seul mérite est d’être opérante à court terme. Pour ma part, je crois qu’il faut faire contribuer davantage les géants du numérique, qui ont changé la donne. Je vous proposerai un amendement en ce sens, dont l’adoption permettrait de nous engager dans une nouvelle voie de réflexion.
Le deuxième sujet épineux, c’est la taxation des superprofits. C’est sans doute un réflexe bien français que de répondre à une crise par une taxe.
Pourtant, d’autres pays, dont le Royaume-Uni et l’Espagne, se sont empressés de copier notre grand remède national. Si la tentation est grande, notre réponse devrait, à mon sens, être plutôt le fruit d’une réflexion objective et multisectorielle.
Enfin, le dernier sujet épineux, c’est la compensation par l’État des surcoûts supportés par les collectivités. Le débat a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale. Nous l’aurons ici, car nous portons tous une attention particulière aux collectivités locales. Les Indépendants proposeront des amendements sur ce sujet.
En ce qui concerne l’impact de la revalorisation du point d’indice pour la fonction publique territoriale, je veux être claire : la compensation par l’État ne crée pas de dépense publique supplémentaire. Il y a bien une hausse des dépenses, mais elle a été décidée par décret. Il faut maintenant dire qui paiera.
Je crois que l’effort doit être partagé entre les collectivités et l’État, qui a déjà beaucoup fait. Mais soyons lucides : en matière de finances publiques, c’est toujours le contribuable qui paie in fine. Et en matière de vote au sein du groupe Les Indépendants – République et territoires, c’est toujours le votant qui choisit !
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce premier budget du second quinquennat d’Emmanuel Macron s’inscrit dans un contexte particulier, tant sur le fond que sur la forme.
Sur le fond, nous vivons une période de hausse de l’inflation sans précédent depuis les années 1980, qui met à mal notre économie et le pouvoir d’achat des Français. La crise actuelle fait suite à la guerre en Ukraine et à la crise énergétique, mais aussi à la crise économique sans précédent que nous avons traversée après les périodes de confinement liées à la pandémie.
Sur la forme, ce collectif budgétaire s’inscrit dans un contexte politique inédit, avec une majorité relative à l’Assemblée nationale, ce qui permet au Président de la République de découvrir au bout de cinq ans ce qu’est la démocratie représentative. Le Parlement revient au centre du jeu, une place qu’il n’aurait jamais dû quitter, et nous nous en félicitons !
Le contexte est donc singulier et appelle, pour ces deux raisons de fond et de forme, à la plus grande responsabilité de notre part. Notre groupe au Sénat n’a cessé depuis cinq ans de mener une opposition constructive au Gouvernement, mû par le seul sens de l’intérêt la France. Dans le nouvel équilibre politique actuel, notre responsabilité dans l’opposition est de convaincre le Gouvernement du bien-fondé de nos propositions. Notre pays ne peut plus se permettre de perdre encore cinq ans, sinon il sera sans doute trop tard.
Le contexte d’argent magique et d’argent soi-disant gratuit a également changé. Le retour de l’inflation contraint les banques centrales et les institutions monétaires à réagir.
La semaine dernière, la Réserve fédérale américaine (FED) a décidé une nouvelle hausse de taux exceptionnelle de 0, 75 %, comme celui du mois dernier, qui constituait déjà un record depuis 1994. Au total, la FED a relevé son taux directeur de 2, 25 % depuis le début d’année. La semaine dernière également, la Banque centrale européenne (BCE), pour la première fois depuis onze ans, a relevé son principal taux de 0, 5 %.
Cela a conduit à un relèvement des taux d’intérêt : les taux américains à dix ans ont dépassé les 3 % en mai dernier et les OAT (obligations assimilables du Trésor) à dix ans, qui nous concernent, ont largement dépassé les 2 % en juin. Je rappelle que les taux d’intérêt étaient encore négatifs en décembre 2021.
Aujourd’hui, le taux d’intérêt se situe entre 1, 5 % et 1, 6 %. Mais, selon l’Agence France Trésor, un point de taux d’intérêt, c’est 2, 5 milliards d’euros supplémentaires de charge de la dette et, selon la Banque de France, 40 milliards d’euros par an au bout de dix ans.
À cela s’ajoute l’effet de la hausse de l’inflation, sur laquelle 10 % de notre dette est indexée. Là encore, un point d’inflation en plus, c’est 2, 5 milliards d’euros de charge de la dette en plus.
La charge de la dette était, depuis de nombreuses années, le troisième poste de dépense de l’État après l’enseignement scolaire et la défense. Elle est passée de 38 milliards d’euros à 51 milliards d’euros en un an ! Elle vient ainsi de dépasser le budget de la défense et, à ce rythme, elle pourrait devenir le premier budget de l’État !
Imaginez tout ce que nous pourrions faire avec 50 milliards d’euros pour le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité de nos entreprises !
Le gouverneur de la Banque de France vient de mettre en garde le Gouvernement en indiquant qu’« il serait illusoire de penser que notre dette est encore sans coût et sans limites ». Il juge également que « la France ne peut pas se permettre de transmettre un tel poids de dette à sa jeunesse ». Quant au Haut Conseil des finances publiques, il estime pour sa part que notre endettement est un « point de vulnérabilité ».
Voilà un mois, le ministre de l’économie et des finances semblait découvrir le problème, en estimant que nous avions atteint « la cote d’alerte sur nos finances publiques », alors même que, quatre mois plus tôt, il déclarait : « Contrairement à ce que disent tous les Cassandre […] pour la campagne électorale, l’économie française se porte très bien »…
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir mis en garde le Gouvernement de façon répétée, durant le précédent quinquennat, au Sénat, contre la remontée des taux d’intérêt. Nous avons insisté régulièrement sur la nécessité de réaliser des économies et des réformes structurelles.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Les différentes crises n’expliquent pas tout. Autant il était nécessaire de soutenir et de relancer notre économie durant la dernière période, ce que nous avons approuvé, autant le « quoi qu’il en coûte » a été général et a servi à couvrir certaines dépenses qui n’avaient rien à voir avec la crise. Bref, hausse des dépenses et absence d’économies…
En effet, la diminution de 50 000 postes dans la fonction publique d’État et la réforme des retraites ont été abandonnées lors du précédent quinquennat, alors qu’il s’agissait de promesses du candidat Macron. Ce dernier nous assure désormais que cette réforme se fera lors de ce quinquennat, mais devons-nous l’en croire ? Cette mesure a déjà été repoussée d’un an, jusqu’à l’été de 2023, alors que, nous le savons très bien, les réformes les plus difficiles doivent être engagées dès la première année d’un mandat.
C’est la raison pour laquelle nous proposerons, lors de l’examen de ce collectif budgétaire, que la mise en place de la carte Vitale biométrique se fasse sans attendre. Nous n’avons pas besoin d’une mission parlementaire supplémentaire pour savoir que cette réforme engendrera des économies.
Les économies sont nécessaires pour financer les dépenses, car celles-ci ne doivent pas être payées par un surcroît de recettes. Comme la Cour des comptes l’a très bien souligné, les recettes imprévues doivent aller au désendettement de notre pays. Or toutes les dépenses de ce PLFR sont financées par une hausse des recettes, qui est d’ailleurs liée, en grande partie, à la hausse de l’inflation.
Ce n’est pas sain, monsieur le ministre, surtout quand vos prévisions de recettes sont fondées sur une croissance que nous jugeons, à l’instar du Haut Conseil des finances publiques, surestimée.
La croissance française pâtit en réalité d’une vraie pénurie de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs.
Le taux de chômage en France demeure bien plus élevé que la moyenne européenne : selon les derniers chiffres disponibles, en mai 2021, ce taux se situait à 7, 2 %, contre 2, 8 % en Allemagne et 3, 6 % aux États-Unis.
C’est la raison pour laquelle il faut permettre d’aider les entreprises à maintenir de manière durable un niveau d’activité suffisant face aux problèmes de recrutements auxquels elles sont confrontées chaque jour. C’est en ce sens que nous proposons de pérenniser la hausse de la défiscalisation et de la désocialisation des heures supplémentaires.
Le travail doit être encouragé et valorisé. C’est une valeur essentielle à nos yeux.
Dans le même esprit, nous proposons que le rachat des journées de réduction du temps de travail (RTT) soit pérennisé, mais également que la prime de rentrée cible les travailleurs pauvres plutôt que les bénéficiaires des minima sociaux qui ne travaillent pas. Du reste, il s’agit également de mesures de pouvoir d’achat, car celui-ci se gagne avant tout par le travail.
Nous nous félicitons que d’importantes mesures proposées par les députés Les Républicains aient été adoptées à l’Assemblée nationale. En ce qui concerne le travail, j’ai cité le rachat possible des journées de RTT et la hausse, de 5 000 euros à 7 500 euros, du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires ; à titre personnel, je serais même pour un déplafonnement total. Nous y reviendrons.
Pour faire face à la crise énergétique, qui affecte fortement le pouvoir d’achat de nombre de Français, notamment dans les territoires ruraux, nous nous félicitons de l’accord trouvé autour de la remise à la pompe de 30 centimes par litre de carburant, mais également de l’adoption de nos mesures de soutien aux petites stations-service situées dans les zones rurales et aux particuliers qui se chauffent au fioul, les grands oubliés du dispositif initial.
Le filet de sécurité pour les collectivités territoriales, adopté de manière concertée par les députés pour faire face à la hausse de la facture énergétique et du relèvement du point d’indice, est un premier pas. Nous proposerons de l’améliorer.
Par ailleurs, le groupe Les Républicains vous annonce d’ores et déjà, monsieur le ministre, qu’il demandera l’indexation de la dotation globale de fonctionnement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023.
Le vote final de mon groupe sur ce budget rectificatif dépendra de l’écoute que vous voudrez bien lui accorder et des propositions que vous accepterez. Il y va de l’intérêt de notre pays.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.
Monsieur le ministre, vous décrivez le contexte avec beaucoup de gravité. J’ajouterai d’ailleurs à la guerre en Ukraine, à la dette et à l’inflation la grave crise climatique – vous ne l’évoquez que timidement – et son corollaire : l’exigence de la transition écologique.
Faire le point est indispensable, mais c’est inutile si, ensuite, on ne choisit pas le bon cap. Or quel est votre cap, monsieur le ministre ?
Commençons par la dette. Quelque 20 milliards d’euros supplémentaires portent le déficit public annuel à 177 milliards d’euros, ce qui justifie l’expression « cote d’alerte ».
Néanmoins, si cette cote est atteinte, pourquoi accroître ce déficit de plus de 3 milliards d’euros en supprimant la contribution à l’audiovisuel public ? Pour le pouvoir d’achat des Français ? Mais taxez les plateformes, bloquez les loyers ! Là, vous allégerez le coût de la vie pour nos concitoyens !
Sur toutes les travées de la Haute Assemblée, des voix s’élèvent pour demander que l’enjeu de l’audiovisuel public ne soit pas traité par une décision mal préparée, au détour d’un article du PLFR. Dans une société de défiance et de fake news, ou fausses nouvelles, l’indépendance et la fiabilité de l’information sont essentielles, tout comme le soutien à la création et aux artistes, l’innovation et l’éducation, promus avec exigence par notre service public de l’audiovisuel.
Ces questions ne se règlent pas sans prendre le temps d’un débat avec la représentation nationale, les professionnels et les usagers. Changez donc de cap, monsieur le ministre, plutôt que supprimer à la va-vite la CAP !
Toujours à propos de la dette, vous nous expliquez qu’il ne faut pas taxer les superprofits – deux mots que vous refusez d’associer –, mais d’autres pays en Europe le font.
Un profit de 18 milliards d’euros pour TotalEnergies et un geste de 500 millions d’euros, n’est-ce pas le retour de la charité, en lieu et place de la solidarité et de l’impôt ? Votre cap, c’est moins d’impôts pour les plus grandes sociétés et des revenus désocialisés et défiscalisés pour les salariés.
Or, Henry Morgenthau le disait, « les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée ». Convaincus de cela, nous proposerons de taxer les superprofits et plus particulièrement les profiteurs de crise, qui d’ailleurs nourrissent l’inflation en augmentant leurs marges.
Nous proposerons également de créer un « ISF climatique », structuré autour de la solidarité sociale et de la transition écologique. Il permettra la contribution des plus fortunés – ils en seront heureux –, dont les bilans carbone sont par ailleurs les plus désastreux.
Il n’est pas socialement acceptable de demander des efforts à nos concitoyens modestes au nom de la gravité de la situation tout en constatant que le CAC 40 distribue 57 milliards d’euros de dividendes – record européen – ou que le patrimoine des 500 plus riches d’entre nous dépasse 1 000 milliards d’euros.
Ces chiffres sont vertigineux pour nos concitoyens. Rien ne justifie qu’un éleveur laitier ou un maraîcher qui fournit une grande enseigne gagne en moyenne 500 fois moins que le PDG de cette enseigne, ni que, dans les entreprises du CAC 40, les salaires varient de 1 à 300 entre salariés et patrons. Rien ne justifie que la finance soit moins taxée que le travail. Personne ne vaut 300 fois plus qu’un autre !
Comme le disait le président Macron, notre pays tient tout entier sur ces hommes et ces femmes que « nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal ». Eh bien, il est temps de mieux les reconnaître et les rémunérer.
Nous vous faisons donc une proposition simple : augmenter le SMIC à 1 500 euros, soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE) par un fonds de solidarité, revaloriser de 10 % le point d’indice des fonctionnaires et porter toutes les retraites et prestations sociales inscrites à ce PLFR au niveau réel de l’inflation.
Un mot sur la guerre qui frappe le peuple ukrainien, auquel nous exprimons de nouveau notre solidarité : nous approuverons les mesures du présent projet de loi de finances rectificative sur point.
Nous mesurons les risques d’approvisionnement, mais nous mesurons surtout la profondeur de la crise énergétique, qui est le prix de notre inaction climatique passée. Cette situation appelle certes des mesures d’urgence, mais exige surtout un engagement sur le chemin de l’autonomie énergétique. Là encore, quel est votre cap, monsieur le ministre ? Remplacer la dépendance au gaz russe par une dépendance au gaz de schiste américain ? Ce n’est pas acceptable.
Le seul cap possible est celui de la sobriété énergétique, alliée au développement rapide des énergies renouvelables. Nous proposerons donc d’investir 10 milliards d’euros, plutôt que 400 millions d’euros comme le prévoit ce PLFR, dans l’isolation thermique des logements. Il ne doit pas s’agir seulement de financer un changement de chaudière, il faut engager une véritable rénovation thermique des habitats, des locaux d’activité et des équipements publics.
Je conclus en évoquant le bouclier tarifaire. Ce dernier doit être étendu aux collectivités, dont certaines sont contraintes de fermer leurs piscines. Pour ce qui concerne les mesures en direction des citoyens, la baisse uniforme de 30 centimes par litre de carburant va aggraver le déficit public, en aidant les propriétaires de SUV (Sport Utility Vehicles) à partir en week-end. Des week-ends à Saint-Jean-Cap-Ferrat subventionnés par l’État, qui peut défendre cela ? Cette aide doit être réservée à nos concitoyens qui n’ont pas d’autre choix que la voiture pour se rendre au travail.
Lorsque les forêts brûlent, que les glaciers disparaissent, que nombre de départements sont en situation de sécheresse et subissent des restrictions d’accès à l’eau et que l’agriculture est mise à mal, il faut un autre cap, fructueux pour notre pays, ses habitants et la planète. Nous formulerons des propositions en ce sens.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget rectificatif dont nous débattrons aujourd’hui et demain est le premier de l’année 2022.
Il a pour objectif, dans un environnement inflationniste qui se durcit, de « redonner du pouvoir d’achat » aux Français. C’est là un objectif noble, que tout le monde, sur nos travées, ne peut que partager. Ce qui semble consensuel également, mais qui ne devrait pas l’être, c’est le moyen de remplir cet objectif : le recours, encore et toujours, à la dépense publique.
Hérité de la pandémie de covid-19, le mythe de « l’argent magique » a malheureusement anesthésié les réflexes de sagesse budgétaire qui prévalaient en d’autres temps. Par rapport à la loi de finances initiale, les dépenses pilotables augmentent de plus de 18 milliards d’euros ; c’est colossal !
En voulant parer au plus pressé, nous avons collectivement abandonné toute réflexion de long terme quant aux conditions d’une prospérité retrouvée. En effet, le pouvoir d’achat ne se décrète pas ; il vient non pas de l’État, mais des gains de productivité de l’économie. La fuite en avant dans la dépense publique a ceci de mortifère que ses conséquences néfastes et diffuses ne sont visibles que sur le temps long.
Dans son essai Ce qu ’ on voit et ce qu ’ on ne voit pas, le célèbre économiste français Frédéric Bastiat distinguait en ces termes le mauvais économiste du bon : « L’un s’en tient à l’effet visible ; l’autre tient compte et de l’effet qu’on voit et de ceux qu’il faut prévoir. […] D’où il suit que le mauvais économiste poursuit un petit bien actuel qui sera suivi d’un grand mal à venir, tandis que le vrai économiste poursuit un grand bien à venir, au risque d’un petit mal actuel. »
En laissant filer la dépense publique et les déficits, donc, en fin de compte, l’endettement du pays, je crains, mes chers collègues, que nous ne sacrifiions le « grand bien à venir » dont parlait Bastiat.
Quand les comptes sont dans le rouge, il faut à tout le moins dépenser efficacement – Keynes disait que, quand on veut sortir du trou, il faut commencer par cesser de creuser –, c’est-à-dire cibler en priorité les ménages les plus vulnérables et les territoires les plus affectés par l’inflation, en particulier les communes rurales et les territoires ultramarins. Or ce n’est pas la direction prise dans ce budget rectificatif, qui privilégie les mesures générales et indifférenciées aux mesures temporaires et ciblées.
C’est pourquoi le groupe Union Centriste formulera, cette fois encore, un certain nombre de propositions, que ma collègue Sylvie Vermeillet a brièvement exposées précédemment, alliant sobriété budgétaire, efficacité économique et justice sociale.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Alain Marc applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, disons-le franchement – une fois n’est pas coutume –, ce PLFR s’inscrit dans la droite ligne de la droite…
En vous écoutant, monsieur le ministre, je m’étonne du procédé schizophrénique qui consiste à taxer d’« irresponsable » tout contradicteur prônant une meilleure répartition de la richesse par la dépense publique, tout en étant soi-même un gestionnaire tout sauf bon, puisque vous êtes, je le rappelle, le ministre qui a le plus dépensé au cours des dernières années.
Bien sûr, je ne parle pas ici des aides légitimes mises en place pour soutenir le pays durant la crise du covid-19. Je parle plutôt du creusement du déficit que vous entraînez avec vos baisses nombreuses et systémiques des impôts de production ou de l’impôt sur les sociétés. Ce faisant, je ne dis rien de bien original, en réalité ; je ne fais que reprendre les propos de la Cour des comptes, qui impute une partie de la dégradation des comptes publics à des mesures nouvelles, qui ont réduit les prélèvements obligatoires.
En effet, au cours du quinquennat précédent, le taux de l’impôt sur les sociétés est passé de 33, 33 % à 25 %, ce qui représente un coût de 15 milliards d’euros par an, et une partie des impôts de production a été réduite, pour un coût annuel de 10 milliards d’euros. Quant à la suppression annoncée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), effective dès 2023, elle coûtera aux finances publiques 8 milliards d’euros, ce qui s’ajoutera à la longue liste des aides venant conforter la politique de l’offre.
Vous organisez donc volontairement l’attrition des finances publiques, monsieur le ministre, et, incidemment, vous creusez inutilement le déficit et la dette publics. Ce sont ainsi 12 milliards d’euros supplémentaires qui sont prévus dans ce budget pour faire face aux intérêts d’emprunt. C’est colossal !
Vous avez affirmé ne pas vouloir d’un compromis qui « s’achète […] à coups de milliards » et qui se finance « au détriment de nos finances publiques » ; or il semblerait que, avec ces baisses d’impôts de production, vous ayez forgé un compromis qui coûtera très cher à nos finances publiques…
Le fait que ces impôts profitent aux grandes entreprises susciterait-il votre cécité ? Je n’ose le croire, même si votre renoncement à taxer les superprofits de certains profiteurs de guerre me laisse à penser que vos compromis bénéficient toujours aux mêmes.
En effet, tout comme le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, ce premier PLFR s’inscrit dans la continuité de la politique économique menée au cours des dernières années, une politique fondée sur l’offre et qui profite, je le répète, aux mêmes.
Ce PLFR est le corollaire de votre dogme, qui consiste à refuser de prendre toute mesure de nature à augmenter les salaires. La semaine dernière, lors de l’examen du projet de loi sur le pouvoir d’achat, alors que je proposais, avec le soutien du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, un « Grenelle des salaires » pour envisager un partage plus égal de la richesse dans ce pays, vous avez balayé cette éventualité d’un revers de la main.
Or c’est précisément parce que vous refusez de toucher aux salaires qu’il vous faut faire du bricolage fiscal, poser quelques rustines çà et là : primes, petits chèques ou encore baisses d’impôt. Le rehaussement du plafond de la prime dite Macron, de 1 000 euros à 3 000 euros, pour la grande majorité des entreprises, voire à 6 000 euros dans certains cas, ne trahit que trop bien cette fuite en avant que vous avez engagée.
Ainsi, ce PLFR est la transcription fiscale des mesures prises dans le projet de loi sur le pouvoir d’achat. Or ce texte est lacunaire et porte la lourde marque des dogmes qui animent la vie de nos finances publiques depuis cinq ans. Sans changement clair et radical de cap, nous serons condamnés à traiter ce PLFR pour ce qu’il est : un projet de loi de finances inégalitaire, qui fait encore peser sur les mêmes l’obligation d’assainissement des comptes publics.
Vous nous parliez d’une « nouvelle méthode », empreinte de compromis. Nous espérons que, de compromis, il sera question, durant l’examen de ce texte, afin d’insérer plus de justice fiscale dans le PLFR.
Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esth er Benbassa applaudit également .
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà quelques semaines, la commission de la culture et la commission des finances ont adopté conjointement un rapport portant sur le financement de l’audiovisuel public.
Sourires.
Dans ce rapport, Roger Karoutchi et moi-même avons établi un état des lieux tenant en trois points.
Premier constat : la contribution à l’audiovisuel public, qui lie le financement de ce dernier à la possession d’un poste de télévision, est devenue un prélèvement insuffisant, injuste et fragile. De plus en plus de personnes renoncent à posséder un téléviseur et consomment des programmes publics sur d’autres supports. Par ailleurs, la suppression de la funeste taxe d’habitation rend son recouvrement très coûteux. Le remplacement de la CAP, devenu inévitable, devait avoir lieu au cours du précédent quinquennat ; cela n’a malheureusement pas été le cas.
Deuxième constat : on ne peut séparer la question du financement de l’audiovisuel public de celle de son organisation et de ses missions : quels moyens pour quelles missions ? Quelle spécificité pour l’audiovisuel public ?
Traiter de la seule question du remplacement de la CAP sans ouvrir le débat sur la place de la publicité sur le service public illustre une absence de vision et d’ambition pour ce secteur. L’échec de la réforme de l’audiovisuel public conduite en 2020 a fait perdre beaucoup de temps et rend d’autant plus impérative une réforme en la matière.
Troisième constat : face à l’émergence des grandes plateformes et aux puissants groupes de médias privés réunissant télévision et radio, il est urgent de concevoir une stratégie numérique commune pour l’audiovisuel public, ce qui passe par un regroupement des moyens. L’échec de la plateforme Salto et les performances limitées des rapprochements entre France Télévisions et Radio France ont mis en évidence la faiblesse de la stratégie des petits pas.
En inscrivant à la hâte la réforme de la CAP dans ce projet de loi de finances rectificative et en changeant complètement le dispositif à l’Assemblée nationale, le Gouvernement n’a pas tiré toutes les conséquences de ce rapport sénatorial.
On ne peut aborder la question de la CAP sous le seul angle du pouvoir d’achat, et, si Roger Karoutchi et moi-même avons pris acte de la volonté du Président de la République de supprimer cet impôt à maints égards suranné, nous avons également mis en évidence la nécessité de prévoir des garanties sérieuses concernant le financement de l’audiovisuel public.
L’enjeu est moins, selon nous, de prévenir d’hypothétiques régulations infra-annuelles que de définir de véritables perspectives pluriannuelles au service d’une stratégie.
Je le rappelle, si le précédent quinquennat a été marqué par l’échec de la réforme de l’audiovisuel public et par un déficit de vision, on ne peut que donner acte au Gouvernement d’avoir respecté la trajectoire budgétaire quadriennale, et même au-delà, si l’on tient compte du financement des plans de départs, des travaux de la Maison de la radio et de la musique et des coûts liés à la crise sanitaire.
La question est donc moins de savoir s’il faut financer l’audiovisuel public par des dotations budgétaires ou par une fraction de TVA que de connaître l’ambition du Gouvernement pour les cinq années à venir.
Quelle sera la trajectoire budgétaire de l’audiovisuel public inscrite dans les prochains contrats d’objectifs et de moyens (COM) ? Est-il vrai que la signature de ceux-ci est repoussée à la fin de 2023 ?
Pourquoi le Gouvernement a-t-il renoncé à créer une commission indépendante pour évaluer les besoins de l’audiovisuel public, comme le proposait le Sénat ?
Voilà les vraies questions auxquelles nous n’avons pas de réponses.
Il en est malheureusement de même concernant les missions et l’organisation de l’audiovisuel public français, qui est le seul en Europe à être éparpillé entre autant d’acteurs aux moyens limités.
Le choix qui a été fait à l’Assemblée nationale de recourir à une fraction de TVA pour financer l’audiovisuel public présente à cet égard un avantage : c’est une solution provisoire.
Nous avons ainsi deux ans pour mener à bien le chantier de la réforme de l’audiovisuel public français.
C’est pourquoi, si nous pouvons adopter la réforme de la CAP telle qu’elle a été modifiée par les députés, puisqu’elle assure le financement de l’audiovisuel public, nous devrons conditionner notre soutien aux dispositions du projet de loi de finances pour 2023 relatives à l’audiovisuel public français à la présentation, par le Gouvernement, du calendrier précis d’une réforme globale de l’audiovisuel public, laquelle devra porter à la fois sur le financement, sur les missions, sur l’organisation et sur la stratégie numérique.
Parce qu’il y a urgence, nous devons rechercher ensemble les voies d’un audiovisuel public plus efficace, plus innovant et plus moderne. Nous sommes déterminés à faire aboutir cette réforme d’ici à 2025 !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.
Je souhaite répondre à certaines observations. Je serai rapide, car un débat va s’ouvrir sur l’audiovisuel public, dont parlait M. Hugonet, sur le financement des collectivités territoriales, sur le travail ou encore sur la maîtrise des finances publiques. À cet égard, d’ailleurs, je constate l’existence, sur toutes les travées de la Haute Assemblée, d’une véritable préoccupation pour les finances publiques ; tant mieux !
Cela signifie qu’il ne faut pas quitter cet hémicycle avec des dépenses inconsidérées. Je vous propose d’ailleurs que nous nous fixions comme objectif d’en sortir avec un déficit public maintenu à 5 % du PIB, comme Gabriel Attal et moi l’avons prévu.
Je veux néanmoins formuler quelques remarques sur la fameuse taxation des superprofits, …
… puisque chaque intervenant en a parlé, me semble-t-il, afin de répondre aux arguments venant à l’appui des amendements sur le sujet.
Selon le premier argument entendu, cela rapportera de l’argent. Je suis, pour ma part, très sceptique sur ce point.
Exclamations sur les travées du groupe SER.
Tout d’abord, cela ne rapporterait pas tant que vous le croyez ; on a mentionné 2, 3 ou 4 milliards d’euros, mais, pour obtenir des recettes supplémentaires, encore faut-il que les superprofits soient réalisés en France. Chacun le sait, en effet, l’impôt repose sur un établissement stable ; il faut qu’une entreprise ait un établissement en France pour être taxée. Or les profits dont vous parlez, mesdames, messieurs les sénateurs – ceux des compagnies pétrolières, par exemple –, se font à l’extérieur de la France.
Nous-mêmes serions bien ennuyés si l’État allemand ou l’État américain prétendait taxer les profits réalisés en France par des entreprises basées en Allemagne ou aux États-Unis…
Il y a un principe intangible de la fiscalité internationale, c’est l’établissement stable. C’est d’ailleurs ce qui nous a amenés à soulever le problème de la taxation des entreprises du secteur numérique, car l’énorme difficulté posée par ces sociétés – c’est d’ailleurs plutôt à elles qu’il faudrait s’intéresser –, c’est qu’elles ne disposent pas d’établissement stable en France, leur activité étant immatérielle, sans aucune présence physique.
Ainsi, la taxation de ces superprofits ne susciterait aucune recette fiscale supplémentaire pour le Trésor public français.
Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.
On me dit également qu’augmenter les impôts rapporte toujours plus au Trésor public, mais je pense que, avec la baisse de l’impôt sur les sociétés, nous avons démontré le contraire.
Quand on baisse les impôts des entreprises, celles-ci créent plus de richesse, et l’imposition rapporte davantage. Nous avons effectivement diminué l’impôt sur les sociétés. M. Cozic nous a accusés précédemment de ruiner les comptes publics en baissant les impôts, mais c’est faux ! Veuillez m’excuser, monsieur le sénateur, mais les chiffres vous donnent tort !
Nous avons baissé l’impôt sur les sociétés, en le faisant passer de 33, 33 % à 25 % en cinq ans, et les recettes de cet impôt sont passées de 50 milliards d’euros à 57 milliards d’euros. C’est bien la preuve que, quand on augmente les impôts, on diminue les recettes, on réduit l’attractivité du pays, on amoindrit la capacité à créer des richesses. Quand, en revanche, on baisse les impôts, on crée plus de prospérité, plus d’emplois et plus de recettes fiscales pour la nation française.
C’est pour cette raison que nous avons opté pour cette voie, car, je le répète, l’IS a baissé et ses recettes ont augmenté.
Au fond, cette question recèle toute une philosophie : souhaite-t-on produire plus de richesses, afin de mieux les redistribuer ? Ou veut-on, comme certains ici, taxer systématiquement, « reprendre » et « faire contribuer »
Protestations sur les travées du groupe SER.
On a déjà essayé dans cette voie ; je suggère de continuer dans une autre, celle de la création de richesse, de la prospérité et de la création d’emplois.
On m’assure par ailleurs que d’autres États européens l’ont fait. Soit, mais, puisque certains ont cité l’Allemagne, sachez que ce pays s’est justement bien gardé d’imposer les superprofits de ses entreprises ! La première économie européenne est précisément celle qui n’est pas tombée dans ce piège.
D’autres me disent que le Royaume-Uni, un pays pourtant libéral, l’a fait ; certes, mais il y a une énorme différence : ce pays produit du pétrole sur son territoire ! Il est donc normal qu’il taxe cette production. La France ne produit pas de pétrole, elle l’importe.
Je rappelle en outre que, malgré les efforts louables de l’actuelle majorité, qui a baissé massivement les impôts – 52 milliards d’euros en en cinq ans –, la France continue d’avoir un taux de prélèvements obligatoires de 47, 5 %, quand il s’élève à 43 % en Italie, à 41 % en Allemagne et à 33, 5 % au Royaume-Uni.
La seule voie responsable et raisonnable pour notre pays, qui a été accablé de taxes, d’impôts, de prélèvements obligatoires en tous genres, …
Protestations sur les travées du groupe SER.
M. Bruno Le Maire, ministre. … et où l’on n’a eu à la bouche que la volonté de récupérer des richesses au lieu d’en produire, c’est de baisser les impôts de nos compatriotes et de nos entreprises. Je ne démordrai pas de cette conviction !
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.
Votre ultime argument est de m’opposer que cette taxation serait juste. Tout au contraire, vos amendements ne me semblent pas justes
Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.
Une telle mesure serait inquiétante pour les entreprises, pour les chefs d’entreprise, pour tous ceux qui créent des richesses dans notre pays, et, dans le fond, pour nos compatriotes eux-mêmes.
Ils savent parfaitement que commencer par taxer les grandes entreprises, c’est toujours finir par les taxer eux-mêmes. Nous voulons précisément éviter cela.
Vous avez cité de grands auteurs, en me disant : « Les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée ». Mais si tel était le cas, alors la France serait de toutes les nations du monde la plus civilisée… Il nous reste pourtant des efforts à accomplir !
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Claude Malhuret applaudit également.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
La prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2022 s’établit comme suit :
Cadre potentiel LPFP (En points de produit intérieur brut) *
Exécution pour 2021
Prévision pour 2022
Solde structurel (1)
Solde conjoncturel (2)
Mesures ponctuelles et temporaires (3)
Solde effectif (1 + 2 + 3)
* Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au dixième de point le plus proche ; il résulte de l ’ application de ce principe que le montant arrondi du solde effectif peut ne pas être égal à la somme des montants entrant dans son calcul.
L ’ article liminaire est adopté.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
L’amendement n° 322, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 209-0 A du code général des impôts, il est inséré un article 209-0… ainsi rédigé :
« Art. 209 -0 …. – I. – Pour les sociétés membres d’un groupe mentionné au II et domicilié hors de France, les bénéfices imposables sont déterminés par la part du chiffre d’affaires du groupe réalisée en France dans le total du chiffre d’affaires réalisé en France et hors de France, rapportée aux bénéfices d’ensemble du groupe.
« II. – Le groupe au sens du I comprend les entités juridiques et personnes morales établies ou constituées en France ou hors de France.
« III. – À son initiative ou par désignation de l’administration fiscale, une société membre du groupe mentionné au II est constituée seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû par l’ensemble du groupe en France.
« IV. – Pour les sociétés étrangères ayant une activité en France et dont la société-mère est domiciliée à l’étranger, les bénéfices imposables sont déterminés selon les mêmes modalités.
« V. – Pour chaque État ou territoire dans lequel le groupe mentionné au II est implanté ou dispose d’activités, les sociétés mentionnées au I et les sociétés étrangères mentionnées au IV transmettent à l’administration fiscale les informations suivantes :
« 1° Nom des implantations et nature d’activité ;
« 2° Chiffre d’affaires ;
« 3° Bénéfice ou perte avant impôt.
« VI. – En cas de refus de se soumettre à l’obligation fixée au III, les sociétés mentionnées au I et les sociétés étrangères mentionnées au IV font l’objet d’une interdiction d’exercer sur le territoire français.
« VII. – Le I s’applique au groupe mentionné au II dont le chiffre d’affaires total est supérieur à 100 millions d’euros. »
II. – Le présent article entre en vigueur à compter de la promulgation de la présente loi.
III. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi n° … de finances pour 2023, le Gouvernement remet au Parlement un rapport identifiant les conventions fiscales bilatérales qu’il convient de renégocier en vue d’éviter la double imposition.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
Cet amendement vise à imposer les multinationales en utilisant la clé de répartition du chiffre d’affaires.
Monsieur le ministre de l’économie, l’accord sur l’imposition des multinationales patine, pour employer un terme respectueux. Il ne devrait pas entrer en vigueur avant 2024… Toujours est-il qu’aucun problème ne sera définitivement résolu à cette date : l’impôt pourra être minoré de façon significative, en prenant en compte la valeur de la masse salariale et des actifs corporels.
Je passe rapidement sur la question du taux : à ce qu’il nous est dit, 15 %, ce serait mieux que rien… Vous avez raison : pour l’instant, nous n’avons rien ! Aura-t-on seulement quelque chose à l’avenir ?
À en croire les estimations de Bercy, nous pouvons espérer quelque 4 milliards d’euros. Voilà qui est peu. Puisque vous avez fait référence à des repères européens, allons-y franchement : la Belgique peut espérer 21 milliards d’euros, l’Allemagne 13 milliards d’euros et l’Irlande 12, 5 milliards d’euros. C’est davantage, me direz-vous, que les pays du Sud, qui sont complètement lésés par cet accord : 4 milliards d’euros pour l’Afrique du Sud et 1, 5 milliard d’euros pour le Brésil.
L’une des raisons de la faiblesse des recettes espérées tient à la cible de cet accord. Le pilier 1, vous le savez, monsieur le ministre, cible seulement les entreprises qui réalisent 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires, avec des marges de plus de 10 %… Le pilier 2 concerne 7 000 à 8 000 entreprises, réalisant un chiffre d’affaires de plus de 750 millions d’euros.
On allait voir ce qu’on allait voir ! La France allait récupérer chaque année l’équivalent des bénéfices réalisés par TotalEnergies en un trimestre… La justice fiscale viendra avec cet accord, c’est certain, mais il ne faut pas se mentir : TotalEnergies, pour le dire dans les termes les plus respectueux, ne réalise que 21 % de ses bénéfices en France. Cette part n’est ni délocalisée, ni irrationnelle, ni virtuelle : c’est une réalité.
Puisque vous brandissez le mot « souveraineté », monsieur le ministre, mettez aussi en œuvre une souveraineté populaire et fiscale, prenant en compte la justice sociale.
L’idée de se focaliser sur les bénéfices réalisés au niveau mondial, chacun devant payer une quote-part du chiffre d’affaires réalisé en France, nous semble une excellente idée. Oui, une excellente idée ! Pourquoi, dès lors, ne pas commencer par un plancher de chiffre d’affaires de 100 millions d’euros ? Telle est notre proposition.
Il faut sortir du « Taxe-moi si tu peux » pour aller vers le « On te taxe si l’on veut » !
Même si notre collègue considère qu’il s’agit d’une excellente idée, j’émettrai sur cet amendement un avis défavorable. En effet, cette mesure ne répond à aucune véritable logique économique, tout en étant contraire aux conventions fiscales conclues avec nos partenaires.
La commission émet donc un avis défavorable.
Il s’agit d’un sujet important. En ce qui concerne le pilier 1 et le pilier 2, le seuil d’entrée dans la taxation digitale, donc à l’IS, est de 750 millions d’euros, et non 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Je partage totalement votre ambition, tout à fait louable, monsieur Savoldelli. Il est indispensable de s’accorder sur un taux minimum pour l’impôt sur les sociétés.
Cela patine, vous avez raison. Je regrette que cela prenne autant de temps. Je souhaite que nous ayons une coopération renforcée, dans un cadre européen, pour contourner l’inacceptable veto que la Hongrie a opposé à la taxation minimale à l’impôt sur les sociétés.
Cependant, cette taxe peut seulement être mise en œuvre par un accord international. Si vous décidez seul d’une taxation minimale à l’IS de vos entreprises déployées à l’international, ce ne sera pas efficace, bien que je regrette le temps que cela exige.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 319, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est institué en 2022 une contribution sur les bénéfices exceptionnels réalisés par les redevables de l’impôt sur les sociétés prévue à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros.
Cette contribution exceptionnelle est égale à :
1° 10 % du résultat imposable lorsque le bénéfice réalisé est inférieur à 100 millions d’euros ;
2° 20 % du résultat imposable lorsque le bénéfice réalisé est compris entre 100 millions d’euros et 1 milliard d’euros ;
3° 30 % du résultat imposable lorsque le bénéfice réalisé est supérieur à 1 milliard d’euros.
II. – La contribution prévue au I est assise sur la fraction du résultat net réalisé au titre de la moyenne des exercices 2020, 2021 et 2022 qui excède la moyenne des résultats nets réalisés au titre des exercices 2017, 2018 et 2019.
III. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la contribution exceptionnelle est due par la société mère. Cette contribution est assise sur la fraction du résultat net réalisé au titre des exercices 2020, 2021 et 2022 qui excède le résultat d’ensemble et la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code correspondant à la moyenne des résultats des exercices 2017, 2018 et 2019. Ce résultat est déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
B. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend comme le chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution exceptionnelle.
D. – La contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.
E. – La contribution exceptionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du même code pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.
F. – L’intérêt de retard prévu à l’article 1727 dudit code et la majoration prévue à l’article 1731 du même code est fixé à 1 % du chiffre d’affaires mondial de la société ou de la société mère tel que constaté lors de l’exercice comptable antérieur.
IV. – La contribution exceptionnelle n’est pas admise dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
S’agissant de la contribution des entreprises en raison de leurs profits, notre groupe considère qu’il faut, au plus vite, lever quatre ambiguïtés, dont vous êtes, monsieur Le Maire, la source.
Premièrement, votre élément de langage, vendredi, après le conseil des ministres, était celui-ci : « Je suis surpris de voir à quel point sont accablées les entreprises françaises qui affichent de bons résultats ». Vous portez un jugement de valeur, qui est à nos yeux infondé. S’il y a une radicalité que, bien souvent, vous appréciez, c’est celle des clivages. Pourtant, sur ce sujet, ils sont creux et vides de sens : tout le monde, dans cet hémicycle, se réjouirait si l’économie repartait… Mais elle n’a pas même atteint son niveau de 2019, monsieur le ministre ! Dites-le !
Notre économie inflationniste débouche sur un système à deux vitesses : des secteurs accroissent leur rentabilité sous couvert de hausse des prix, quand d’autres rognent sur leurs marges pour encaisser cette hausse. Il est indéniable que des entreprises profitent, pendant que d’autres perdent.
Deuxièmement, vous considérez que de bons résultats pour les entreprises françaises sont de bons résultats pour nos compatriotes. Il serait bon que ce soit le cas ! Les salaires ont augmenté de 3, 6 % en moyenne sur un an, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), de 2, 8 %, en taux médian, selon le cabinet Mercer, pour une inflation, de juillet 2021 à juillet 2022, de 6, 1 %.
De fait, vous préférez les accessoires de rémunération aux salaires, comme le rappelle l’examen récent du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Selon le cabinet Mercer, seulement 18 % des entreprises ont décidé d’accorder une augmentation de la rémunération dans la durée. Voilà pour les faits !
Troisièmement, vous dites que nos entreprises, faisant des bénéfices, doivent évidemment contribuer à l’effort national. Encore faut-il que l’on entende par là la même chose…
Quatrièmement, certaines contributions sont très directes… L’argent en question, croyez-moi, nos compatriotes préfèrent l’avoir dans leur poche plutôt que dans celle de l’État. Or la réforme de l’IS met de l’argent dans la poche de l’État, mais pas dans celle des Français.
Voilà un débat d’idées sur les ambiguïtés, monsieur le ministre, qui sont les vôtres. Nous les avons retrouvées précédemment dans votre discours.
D’autres amendements viendront, défendus par d’autres, dans l’idée qu’il n’est pas possible que, entre le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat et le projet de loi de finances rectificative, les dividendes du capital ne contribuent pas du moindre euro.
L’amendement n° 226 rectifié, présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros sont assujettis à une contribution sur leurs bénéfices exceptionnels perçus au cours du premier semestre de l’année 2022.
Cette contribution exceptionnelle est égale à 50 % du bénéfice exceptionnel réalisé, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution sur les bénéfices exceptionnels. La contribution sur les bénéfices exceptionnels n’est pas admise dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés.
II. – Le bénéfice exceptionnel auquel il est fait référence aux deux premiers alinéas du I correspond au bénéfice net au sens de l’article 39 du même code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature, retranché d’un bénéfice normal correspondant à la moyenne des bénéfices imposés au titre de l’impôt sur les sociétés pour les exercices 2017, 2018 et 2019.
Pour les personnes morales n’ayant pas été redevables de l’impôt sur les sociétés pour l’exercice 2017, le bénéfice normal correspond à la moyenne des bénéfices imposés au titre de l’impôt sur les sociétés pour les exercices 2018 et 2019. Pour les sociétés n’ayant pas été redevables pour l’exercice 2018 ou pour l’exercice 2019, le bénéfice normal est calculé à partir d’une valeur de référence correspondant à 8 % du capital social de la société.
III. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis dudit code, la contribution sur les bénéfices exceptionnels est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
IV. – Le chiffre d’affaires mentionné au premier alinéa du I s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
V. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution sur les bénéfices exceptionnels est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
Le chiffre d’affaires mentionné aux I et II du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
VI. – La contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.
La parole est à M. Daniel Breuiller.
Cet amendement vise à créer une contribution de solidarité nationale égale à 50 % du seul bénéfice exceptionnel réalisé par les plus grandes entreprises, c’est-à-dire celles qui réalisent au cours du premier semestre 2022 plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les bénéfices exceptionnels sont calculés en comparaison de la moyenne des bénéfices réalisés pendant les trois années précédant la crise du covid-19.
Avant même l’accélération de la hausse des prix, le pouvoir d’achat était la préoccupation principale de nos concitoyens. Il faut de petits impôts pour les petits revenus et de gros impôts pour les gros bénéfices.
En effet, alors que la population subit une dégradation rapide de son pouvoir d’achat, les dernières données de l’Insee nous indiquent que le taux de marge général des entreprises acquis en 2022 s’élève à 32, 2 %. Depuis 2010, ce taux a seulement été dépassé deux fois, en 2019 et 2021.
Cette augmentation des taux de marge montre une possibilité de trouver un autre équilibre : l’impôt est un outil de la justice sociale et de l’équité ; les entreprises doivent s’honorer de le payer.
L’amendement n° 130 rectifié bis, présenté par Mme Vermeillet, MM. Marseille, Delahaye, Delcros, J.-M. Arnaud, Canévet, Capo-Canellas, Maurey et Mizzon, Mme Billon, MM. Bonneau, Bonnecarrère, Cazabonne, Chauvet, Cigolotti et de Belenet, Mme de La Provôté, MM. S. Demilly et Détraigne, Mmes Devésa, Dindar et Doineau, M. Duffourg, Mme Férat, M. Folliot, Mmes Gacquerre, Gatel, N. Goulet et Guidez, MM. Henno et L. Hervé, Mme Herzog, M. Hingray, Mme Jacquemet, MM. Janssens, Kern, Lafon, Laugier et Le Nay, Mme Létard, M. Levi, Mme Loisier, MM. Longeot, Louault, P. Martin et Moga, Mmes Morin-Desailly et Perrot, MM. Poadja et Prince, Mmes Ract-Madoux, Saint-Pé, Sollogoub et Tetuanui, M. Vanlerenberghe, Mme Vérien et M. Menonville, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est institué, au profit de l’État, une contribution exceptionnelle de solidarité sur le bénéfice net réalisé en 2021 par les sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts, lorsque celui-ci a dépassé 1 million d’euros et a été supérieur de 20 % ou plus à la moyenne des bénéfices nets réalisés en 2017, 2018 et 2019.
Le montant de la contribution est calculé en appliquant un taux de 20 % à la différence entre, d’une part, le bénéfice net réalisé en 2021 et, d’autre part, la moyenne des bénéfices nets réalisés en 2017, 2018 et 2019.
Lorsque, du fait de la date de création d’une entreprise, la moyenne de ses bénéfices nets ne peut être calculée sur les trois années 2017 à 2019, la moyenne prise en compte pour l’application des deux alinéas précédents est calculée sur la base des derniers exercices clos avant le 1er janvier 2021.
II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution exceptionnelle de solidarité est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
B. – Le bénéfice net mentionné au I du présent article s’entend du bénéfice net réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des bénéfices nets de chacune des sociétés membres de ce groupe.
C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution exceptionnelle de solidarité.
D. – La contribution exceptionnelle de solidarité est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.
E. – La contribution exceptionnelle de solidarité est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du code général des impôts pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Le présent amendement vise à instituer une contribution exceptionnelle de solidarité sur les superprofits. Les entreprises dont le bénéfice net aurait été, en 2021, supérieur de 20 % à la moyenne des trois années 2017, 2018 et 2019 se verraient ainsi appliquer une contribution à hauteur de 20 %, calculée sur la différence entre les deux montants.
Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, en 2020, nous n’avons pas hésité à mettre en place une contribution exceptionnelle sur les complémentaires de santé, à hauteur de 1, 5 milliard d’euros : cette mesure n’a pas fait débat. Au cours de la crise de la covid, nous avons ensuite voté l’ensemble des soutiens aux entreprises, quelles que soient leurs difficultés, par exemple un prêt garanti par l’État à CMA CGM d’un montant d’un milliard d’euros, ou les dispositifs de reports de charges.
Si nous avons été capables de voter des soutiens exceptionnels, il me semble qu’il est possible, désormais, d’espérer une contribution exceptionnelle, au sens où elle serait unique et bornée dans le temps.
Je rappelle que tous les pays voisins mettent en place une telle mesure : l’Espagne, l’Italie, la Roumanie, la Grèce, le Royaume-Uni. Et l’Allemagne y réfléchit. Je n’ai pas l’impression que nous serions les seuls à avoir raison de ne pas y penser.
Applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.
L’amendement n° 227 rectifié, présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est institué, au profit de l’État, une contribution exceptionnelle sur le résultat net réalisé lors de l’année 2022, par les sociétés de la branche énergie, eau et déchets ainsi que les sociétés de la branche transports.
Le montant de la contribution est calculé en appliquant un taux de 20 %.
II. – A. – Le fait générateur de la contribution prévue au I du présent article est constitué par la publication de la présente loi. La contribution est exigible au lendemain de la publication de la présente loi. Elle est déclarée et liquidée par le redevable au plus tard le 31 décembre 2022.
La contribution est contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
B. – Tant que le droit de reprise de l’administration est susceptible de s’exercer, les redevables conservent, à l’appui de leur comptabilité, l’information des sommes encaissées en contrepartie des opérations taxables.
Ces informations sont tenues à la disposition de l’administration fiscale et lui sont communiquées à première demande.
La parole est à M. Daniel Breuiller.
Cet amendement vise à instaurer une contribution exceptionnelle de 20 % sur le résultat net réalisé en 2022 par les sociétés de la branche énergie, eau et déchets, ainsi que celles de la branche transports.
Selon les derniers comptes trimestriels de l’Insee, ces deux branches se distinguent par une hausse spectaculaire de leur taux de marge, sur une très courte période. Dans la branche énergie, eau et déchets, le taux de marge est passé de 60 % au quatrième trimestre de 2020 à 74 % au premier trimestre de 2022. Dans la branche transport, le taux de marge est passé de 37 % à 47 % sur la même période. Autrement dit, ces entreprises ont exploité le contexte d’inflation pour augmenter leurs profits d’environ un quart.
Si une partie de l’inflation française résulte bien de facteurs internationaux, qu’il s’agisse de problèmes de ravitaillement ou de la guerre en Ukraine, des entreprises présentes en France l’ont elles aussi alimentée, en augmentant trop fortement leurs prix, afin de faire gonfler leur marge.
Par conséquent, pour lutter contre l’inflation, il est indispensable de mettre fin à ces agissements, qui contribuent à entretenir la crise et l’inflation.
La taxation de ces profits de crise, proposée au travers de cet amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, présente un double avantage : financer des mesures plus ambitieuses en direction des personnes fragilisées et inciter les entreprises à modérer leurs marges, contribuant ainsi au ralentissement de l’inflation. Des pays européens comme l’Italie, l’Espagne, la Roumanie et le Royaume-Uni ont pris cette voie.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 249 rectifié est présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 320 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est institué en 2022 et 2023 une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières et gazières, des sociétés de transport maritime de marchandises et des sociétés concessionnaires des missions du service public autoroutier redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros.
Cette contribution exceptionnelle est égale à 25 % du résultat imposable.
II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution exceptionnelle est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
B. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution exceptionnelle.
D. – La contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.
E. – La contribution exceptionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du même code pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.
F. – L’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du même code et la majoration prévue à l’article 1731 dudit code est fixé à 1 % du chiffre d’affaires mondial de la société ou de la société mère tel que constaté lors de l’exercice comptable antérieur.
III. – La contribution exceptionnelle n’est pas admise dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés.
La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 249 rectifié.
De nombreux amendements vont dans le même sens : il s’agit certainement de l’un des débats les plus importants de ce PLFR.
Notre amendement vise à instituer en 2022 et 2023 une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés de l’énergie et des transports, ainsi que sur les sociétés autoroutières qui sont redevables de l’IS pour un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros.
Il s’agit d’un nombre très limité d’entreprises. Nous souhaitons instituer une contribution exceptionnelle de leur part à hauteur de 25 % du résultat imposable.
Si le Sénat votait les amendements précédents, pour lesquels le plafond est fixé à hauteur de 20 % du résultat imposable, nous serions également très heureux : l’important, c’est le principe, et c’est de dégager des recettes pour l’État.
La question, importante, a été déjà longuement traitée : je vous remercie, monsieur le ministre, d’être resté avec nous pour en débattre. Cependant, je n’ai pas été convaincu par vos arguments, qui sont tout de même très idéologiques.
Il a été question du niveau global de la fiscalité, mais le sujet n’est pas là. Sans même considérer les recettes de l’impôt sur les sociétés pour l’exercice fiscal actuel et pour le précédent, en forte augmentation bien que les multinationales ne paient que peu d’impôts, l’inéquité fiscale demeure entre, d’une part, les entreprises qui peuvent se permettre, et qui pratiquent, une très forte évasion fiscale, et, d’autre part, celles qui rapportent à travers l’impôt sur les sociétés des ressources financières à l’État. Cette taxe sur les superprofits rétablirait de l’équité fiscale entre les entreprises françaises.
À vous de choisir votre argument : cette taxe est-elle, de toute façon, vaine ? Si elle ne saurait rien rapporter, puisque rien n’est produit en France…
M. Rémi Féraud. … alors nous pouvons nous permettre de la voter. Au contraire, s’agit-il d’une spoliation dangereuse pour notre économie ? Il faut choisir !
Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.
Je souhaite citer Mme la première ministre, qui affirmait, il y a quelque temps : « Sur le principe, évidemment, s’il y a des gens qui tirent des surprofits de la crise, on souhaiterait que cela puisse bénéficier à tout le monde et alléger les charges que la crise peut générer ». Et elle ajoutait ensuite : « Après, ce n’est pas complètement simple – déjà, la nuance… –, beaucoup de nos voisins ont mis en place des mécanismes pour taxer ces surprofits, mais on n’est pas dans la même situation » en France. Voilà ce que nous entendons encore aujourd’hui.
Parmi les singularités de notre pays figure cette politique de dépenses publiques accordant des aides publiques au monde économique sans conditionnalité. En France, il est possible d’aider des entreprises qui, le mois suivant, licencient du personnel. Elles peuvent toucher des aides publiques tout en ne payant pas d’impôts sur les bénéfices en France : plusieurs cas ont été cités. Les entreprises peuvent toucher des aides publiques et, en parallèle, verser des dividendes, voire augmenter ces versements !
Aussi, cet amendement nous paraît totalement justifié.
L’amendement n° 250 rectifié, présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est institué en 2022 et 2023 une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières et gazières, des sociétés de transport maritime de marchandises et des sociétés concessionnaires des missions du service public autoroutier redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros et dont le chiffre d’affaires enregistré en 2022 ou 2023 est supérieur d’un tiers à la moyenne constatée sur les cinq exercices précédents. .
Cette contribution exceptionnelle est égale à 25 % du résultat imposable.
II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution exceptionnelle est due par la société mère. Cette contribution est assise sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
B. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution exceptionnelle.
D. – La contribution exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.
E. – La contribution exceptionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du même code pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.
F. – L’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du même code et la majoration prévue à l’article 1731 dudit code est fixé à 1 % du chiffre d’affaires mondial de la société ou de la société mère tel que constaté lors de l’exercice comptable antérieur.
III. – La contribution exceptionnelle n’est pas admise dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés.
La parole est à M. Thierry Cozic.
Les dispositions de cet amendement présentent une légère différence de montant. L’idée est d’élever à 25 % la taxe exceptionnelle sur les superprofits, à savoir ceux des entreprises qui ont connu une augmentation significative de leur chiffre d’affaires en 2022 et/ou en 2023.
À titre d’exemple, cette taxe devrait permettre de récolter environ 4 milliards d’euros de la part de TotalEnergies, 925 millions d’euros d’Engie, 4, 4 milliards d’euros de CMA CGM, 875 millions d’euros des concessionnaires d’autoroutes.
Cette disposition montre que le groupe SER est ouvert au débat. Elle propose un montage moins extensif de ce qui est désormais communément appelé « la taxe sur les superprofits ». Nous considérons que cette dernière peut rencontrer un rejet de principe, idéologique, auquel cas, monsieur le ministre, il suffirait de le dire et de l’assumer. Mais le rejet peut être d’ordre technique, lié au montage du dispositif. Dans ce cas, nous proposons, au travers de cet amendement, un dispositif moins ambitieux, malgré les chiffres records annoncés par TotalEnergies il y a quelques jours.
Mes chers collègues, j’irai même plus loin : nous sommes prêts à débattre de sous-amendements. En effet, au-delà de toute considération technique, nous voulons que le Sénat vote une taxation sur les superprofits : ce serait, je crois, un symbole fort de justice sociale et fiscale pour le pays.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Mon avis sera défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
En ce qui concerne l’amendement n° 319, monsieur Bocquet, vous voulez asseoir l’imposition sur les résultats de longues périodes : de 2017 à 2019, puis de 2020 à 2022. Si les bénéfices progressent, il faudrait, selon vous, imposer davantage… Il est pourtant de notre intérêt que les entreprises soient en bonne santé.
Au sujet de l’amendement n° 226 rectifié, la difficulté est que M. Breuiller fixe le plancher à 750 millions d’euros. À bien y regarder, si l’on additionne l’impôt sur les sociétés et cette proposition, le taux normal d’imposition pour les entreprises visées s’élève à 75 %. Cette mesure ne me semble donc pas envoyer un bon signal.
L’amendement n° 130 rectifié bis a pour objet des profits exceptionnels : Mme Vermeillet vise les entreprises qui ont réalisé des profits en 2021 et non en 2022 : je comprends dès lors, et c’est pour moi un souci, que cela n’a rien à voir avec la crise de l’énergie ni avec la crise en Ukraine.
Surtout, cette mesure entraînerait plusieurs difficultés.
Premièrement, elle pourrait avoir des conséquences dommageables pour les entreprises en croissance.
Deuxièmement, ma chère collègue, vous entendez toucher toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à un million d’euros : l’assiette, me semble-t-il, est extrêmement large, pour ne pas dire excessivement large.
Troisièmement, cette contribution tomberait, vous le savez, a posteriori : les entreprises qui ont fait des choix d’investissement et distribué des dividendes se retrouveront dès lors sanctionnées a posteriori. Je trouve cela dommageable.
Enfin, votre proposition est source de risques : elle pourrait peser à l’avenir sur les investissements des entreprises, voire les brider.
Les auteurs de l’amendement n° 227 rectifié reviennent sur la question du chiffre d’affaires, y compris des petites entreprises. Le taux d’imposition pour toutes les sociétés des secteurs évoqués serait de 45 % : ce n’est pas ce dont nous avons actuellement besoin, car l’IS, malgré sa baisse, produit, pour l’instant, davantage de recettes.
Les dispositions des amendements identiques n° 249 rectifié et 320, ainsi que de l’amendement n° 250 rectifié, constitueraient un poids considérable pour certains secteurs d’activité qui ne sont pas tous redevables d’impositions sur le territoire national. Par conséquent, il faut faire attention à ne pas taper à côté de la cible, si j’ose dire, en proposant de prélever davantage sur ces entreprises.
Je privilégie la voie suivante : quand la situation est difficile, si les entreprises, dans leur secteur d’activité, peuvent immédiatement mener des politiques plus offensives afin d’accompagner les Français face aux difficultés, c’est cette solution qu’il convient d’encourager. Il faut certainement donner un cadre nouveau pour exercer cette possibilité, mais c’est la réactivité et l’efficacité qui sont à privilégier, davantage que la taxation.
J’émets donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
L’avis du Gouvernement sera défavorable sur chacun des amendements, monsieur le président.
Je ne reprendrai pas dans le détail les excellents arguments avancés par le rapporteur général de la commission des finances. Je formulerai simplement une remarque générale et une remarque de circonstance.
La remarque générale, c’est qu’il y a bien une chose que nous n’avons jamais essayée, dans notre pays – cela explique peut-être certains résultats économiques décevants au cours des décennies passées –, c’est la stabilité fiscale.
Marques d ’ approbation sur les travées du groupe Les Républicains.
Je pense que la stabilité fiscale n’a pas de prix. Elle permet aux entreprises d’investir. Elle leur donne de la visibilité sur le long terme. Elle a fait de notre pays le pays le plus attractif pour les investissements étrangers en Europe. Croyez-moi, on ne fait pas venir en France une entreprise comme GlobalFoundries, qui doit faire de notre pays l’un des cinq producteurs de semi-conducteurs de la planète, disposant ainsi de véritables technologies de rupture, si la stabilité fiscale n’est pas garantie.
Quand une entreprise comme GlobalFoundries réalise un investissement de 6 milliards d’euros, en Isère, elle a besoin d’assurances sur la stabilité fiscale.
J’entends tous les arguments qui ont été avancés, visant à aider les plus modestes et les plus faibles. Tout cela s’entend parfaitement. J’aimerais seulement pousser le raisonnement un peu plus loin. Posons-nous la question : qu’est-ce qui explique, à examiner les trente dernières années, que la France n’a pas toujours gagné la bataille des investissements étrangers ? Qu’est-ce qui fait que nos entreprises ont hésité à investir ? C’est l’instabilité fiscale !
La stabilité fiscale n’a pas de prix. Elle apporte de l’emploi, de la prospérité, de la richesse, des ouvertures d’usines et des investissements.
Vous me demandiez un seul argument justifiant mon refus de cette taxation. Le voici : la stabilité fiscale, que nous avons inscrite depuis cinq ans au fronton de l’action de notre majorité.
Ma remarque de circonstance sera la suivante. Si l’on entre plus avant dans les détails, dites-vous, deux entreprises, à savoir TotalEnergies et CMA CGM, ont réalisé des profits considérables à cause de la situation actuelle.
Tout d’abord, vous me permettrez d’être quelque peu gêné aux entournures quand il s’agit de pointer du doigt des entreprises qui font la force de notre économie.
Protestations sur les travées du groupe SER.
Vous m’excuserez de rester sur cette ligne, mais je trouve qu’il y a toujours quelque chose de gênant à pointer du doigt une entreprise ou une autre, un nom ou un autre. C’est ma conviction. Respectez-la.
Vous me dites que ces entreprises-là ont profité de la situation actuelle et doivent rendre aux Français. Je suis d’accord. La remise que TotalEnergies fera de 20 centimes d’euro par litre de carburant sur toutes les stations, rurales comme autoroutières, coûtera à cette entreprise un demi-milliard d’euros.
Exclamations sur les travées du groupe SER.
Il est possible de juger cela insuffisant et de considérer que l’entreprise pourrait faire davantage. Simplement, il n’est pas possible de dire qu’elle n’a rien fait.
De même, CMA CGM réalise une remise de 750 euros par container : on peut juger que ce n’est pas assez, on peut juger qu’ils doivent faire plus, mais on ne peut pas dire qu’ils n’ont rien fait.
Par ailleurs, toutes les autres entreprises qui entrent dans le champ de vos amendements n’ont, ô grand Dieu, rien demandé à personne, que ce soit Stellantis, Renault, STMicroelectronics, que je viens d’évoquer, Engie ou d’autres encore. Pourquoi seraient-elles soumises à un impôt exceptionnel ?
Ces entreprises sont confrontées à la transition énergétique. Celles du secteur automobile doivent investir massivement dans de nouvelles chaînes de traction, dans le véhicule électrique, dans l’ouverture de nouvelles usines. Je préfère sincèrement qu’elles paient davantage d’impôt sur les sociétés, car elles ont réalisé davantage de bénéfices, tout en conservant des marges pour investir en France et réussir la révolution du véhicule électrique.
Je préfère qu’elles restent des entreprises profitables, dont tous nos compatriotes pourront bénéficier.
Il est possible de ne pas être d’accord, madame la sénatrice, mais je ne pense pas qu’en disant « quelle honte », on fasse beaucoup avancer le débat.
Je suis désolé, je réfute ce type d’argument. Si, au cours de ce débat qui va durer longtemps, nous commençons à nous lancer des invectives, comme « quelle honte », « quel scandale » ou que sais-je encore, nous ne progresserons pas beaucoup. Vous avez avancé vos arguments, madame la sénatrice : j’avance les miens.
Je suis convaincu que, pour l’intérêt national, la stabilité fiscale n’a pas de prix.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Votre propos, monsieur le ministre, n’est absolument pas convaincant.
L’argumentaire que vous venez de développer est quelque peu choquant : j’ai l’impression que vous reprenez votre théorie, votre vieille antienne, votre catéchisme libéral, que vous assénez depuis des années : la fameuse théorie du ruissellement, que personne ne voit jamais se produire, sauf dans les catégories les plus privilégiées.
Plus grave encore est le parallélisme déflagrateur entre le débat tenu ici la semaine dernière, au cours duquel vous avez obstinément refusé d’augmenter les revenus des plus défavorisés au travers du revenu minimum, et la discussion que nous avons aujourd’hui, au cours de laquelle vous refusez, avec en quelque sorte des pudeurs de gazelle, de taxer ceux qui profitent de la crise. Car il s’agit bien ici de profiter de la crise !
Taxer 25 % des superprofits de TotalEnergies, je vous rassure, laisse encore à cette entreprise 16 milliards d’euros sur l’année. Je ne pense pas qu’elle en mourra ou qu’elle rencontrera le moindre problème…
D’ailleurs, on parle beaucoup de TotalEnergies, mais n’oublions pas les concessionnaires d’autoroutes. Je puis comprendre que vous soyez quelque peu mal à l’aise à l’idée de les taxer, monsieur le ministre, car vous avez participé, quand vous étiez directeur de cabinet de M. de Villepin, à leur privatisation. Vous avez ainsi fait en sorte qu’ils s’engraissent dès que nos compatriotes sont sur les routes : la facture est très salée quand ils prennent l’autoroute, lorsqu’ils ont la chance de pouvoir partir en vacances, ce qui n’est malheureusement pas le cas de tous.
Il serait peut-être temps d’agir et d’envoyer un message de justice sociale, parce que l’injustice que vous créez est le terreau des révoltes de demain.
Si vous ne voulez pas connaître de nouveau révoltes et manifestations de masse, agissez tout de suite, allez dans le sens de la justice sociale ! Envoyez des signaux positifs, montrant que, dans ce pays, la répartition des richesses est possible. Faites-le, ayez ce courage !
Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.
La taxation des superprofits anime nos débats, ce qui était prévisible. Le fait que des amendements soient issus de plusieurs travées prouve l’intérêt du sujet.
J’ai bien noté, monsieur le ministre, votre hostilité à toute taxation sur les superprofits. Pourtant, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Si vous avez pu mettre en œuvre des dépenses extraordinaires, pourquoi refuser des recettes qui le sont également ? D’autant que, selon vous propres dires, la cote d’alerte est atteinte en matière de finances publiques…
Est-ce à dire que seule la réduction de la dépense sera de mise ? Nous savons bien qui, finalement, paiera l’addition.
Au nom de la stabilité fiscale, doit-on faire un trait sur la justice sociale ?
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
M. François Patriat. Nonobstant le désagrément que je vais causer à mes collègues, je ne voterai pas ces amendements.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.
Tout d’abord, pour nous, la justice, c’est l’efficacité. Chaque Français doit retrouver dans son porte-monnaie le bienfait des mesures qui sont prises. Or, M. le ministre l’a rappelé à propos de TotalEnergies, mieux vaut un prix de l’essence, demain, à 1, 50 euro qu’une taxe destinée à l’État, dont les effets sur le pouvoir d’achat ne seraient pas immédiats.
Ensuite, contrairement à ce qui vient d’être dit, la théorie du ruissellement fonctionne, depuis cinq ans, dans notre pays : création de plus de 1, 5 million d’emplois, baisse des impôts pour chacun d’entre nous, valeur ajoutée trouvée en France, moyens ayant permis la hausse des minima sociaux… Tout cela a pu être fait grâce aux profits qu’ont créés les entreprises.
La France a besoin non pas de taxes supplémentaires, mais d’investissements, de créations d’emplois et de richesses, qui lui permettront de se développer.
Si vous taxez aujourd’hui, vous frapperez TotalEnergies, qui fait des profits à l’étranger – tant mieux si nous possédons un fleuron industriel ! Allez-vous taxer également British Petroleum ou Exxon ? Quand ces entreprises, y compris CMA CGM, étaient au bord de la faillite, vous n’avez pas créé les moyens de les aider ! Aujourd’hui, en mettant en place des aides pour nos territoires d’outre-mer, elles accompagnent leur développement.
Par ailleurs, comparaison n’est pas raison ! Vous comparez à chaque fois la situation de la France à celle de la Grèce, de l’Italie ou de l’Espagne. Or la France est le pays qui prélève le plus, mais qui redistribue le plus. Je voudrais savoir comment ont été traités les Espagnols, les Italiens et les Roumains au moment de la crise de la covid-19. Ils ne l’ont pas été comme l’ont été les Français !
À combien s’élève aujourd’hui le SMIC espagnol ? Les Espagnols doivent désormais avoir deux boulots pour survivre, parce qu’ils ne reçoivent aucune aide de l’État. Ils n’attendent d’ailleurs rien de l’État.
En France, l’État répond présent. Nous allons envoyer un signe : les grandes entreprises feront un effort pour aider les Français.
Nous serons là pour vérifier les résultats. Si ces entreprises ne tenaient pas leurs engagements, nous en tiendrions compte dans le budget futur.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
M. Attal le répète souvent, le « quoi qu’il en coûte » est terminé ; désormais c’est « combien ça coûte ? ».
Or la vraie question n’est pas celle-là ! La vraie question, c’est « qui doit payer ? », dans un moment de crise, pour l’ensemble du pays ? On aurait pu penser que, après les résultats électoraux, pouvait se jouer une certaine sincérité liée à l’urgence de la situation.
Nous sommes en effet confrontés à une guerre, ainsi qu’à une crise sociale particulièrement prégnante au cours de la campagne électorale. Ainsi, comme ce fut le cas au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, gauche et droite auraient pu s’entendre sur des mesures exceptionnelles, dans l’intérêt du pays et de nos concitoyens.
Or, monsieur Le Maire, vous êtes dans la lignée de ce que vous avez toujours défendu, ce que je ne vous reprocherai pas. C’est la droite de l’hémicycle qui est en admiration devant vous et qui vous applaudit ! Il n’y a aucune main tendue pour ce qui concerne les préoccupations portées par la gauche.
Au cours du précédent débat, le mot d’ordre était le suivant : « Pas d’augmentation de salaire ! » Il ne faut pas toucher à ceux, qui, faisant des profits, sont simplement encouragés, par vos seuls propos et non par des mesures concrètes, à augmenter des salaires qui ne permettent plus à nos concitoyens de vivre.
Aujourd’hui, dans le cadre de ce nouveau débat, nous nous intéressons à ceux qui, dans un moment de crise majeure, ont fait des profits. À une autre époque, on les appelait les « profiteurs de guerre ». Le minimum, pour les progressistes de la gauche et de la droite, c’est de les taxer. Ainsi, les centristes de l’hémicycle, qui par définition ne sont pas de gauche, considèrent que, de façon exceptionnelle, il faut aller chercher l’argent là. Et vous dites encore non !
Vous n’avez donc défendu, au cours de ces deux débats, que les intérêts de ceux qui ont déjà beaucoup, tournant le dos à ceux qui souffrent et qui ont des difficultés pour vivre.
Permettez-moi de revenir sur les propos de M. le rapporteur général et de M. le ministre. Je souhaite que nous évitions toute confusion concernant le terme « entreprises ». De quoi parlons-nous exactement ?
Il existe différents types d’entreprises, tout le monde le sait ici. Vous nous parlez de stabilité fiscale, monsieur le ministre. Mais mon collègue Gilles Carrez, que personne ne pourra accuser d’avoir été de gauche, rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, a montré l’iniquité de fait entre les PME et les multinationales.
Vos services ont examiné à la loupe les liasses fiscales des sociétés françaises. Pour les PME, le taux effectif d’imposition est de 24 %, pour les multinationales, il est de 17, 53 %. Donc, celles qui se font avoir, dans cette affaire, ce sont les petites et les moyennes entreprises, qui, elles, n’ont pas droit à la stabilité fiscale ! Elles ont simplement le droit d’être mises à contribution. Je vous renvoie donc à votre argument, monsieur le ministre, après avoir montré son absence de validité.
Ensuite, vous avez évoqué TotalEnergies. Examinons les chiffres. Le « geste » que cette entreprise va faire, avec beaucoup de générosité, à hauteur de 500 millions d’euros – nous ignorons d’ailleurs comment cette somme a été calculée – représente 0, 2 % de son chiffre d’affaires !
Chers collègues de droite, alors que TotalEnergies s’apprête à nous concéder 0, 2 % de son chiffre d’affaires, nous avons débattu ici d’une réduction de 0, 5 % de l’augmentation de l’allocation du RSA !
J’estime que deux camps s’affrontent dans cet hémicycle : d’une part, la collusion entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale, qui défend le capital : d’autre part, la gauche, qui peut s’élargir et qui entend adopter, à l’issue de notre débat, au moins un euro de contribution adossé aux bénéfices des entreprises, car c’est indispensable !
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.
Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que de nombreuses entreprises ne réalisaient pas leurs bénéfices en France.
Effectivement, si l’on examine les bénéfices de TotalEnergies, on peut se poser des questions. En 2020, cette entreprise n’a payé aucun impôt en France, malgré un bénéfice de 10 milliards d’euros en 2019. Comment expliquez-vous qu’une entreprise dont le siège est en France et dont 21 % de l’activité sont réalisés dans notre pays, non seulement n’y enregistre aucun bénéfice, mais, pire, y déclare des pertes ? Le Trésor public lui a même remboursé 126 millions d’euros !
N’y a-t-il pas là un petit sujet ? Sans doute est-il temps de donner à nos services fiscaux les moyens de chercher où sont les fraudes ! Le moins qu’on puisse dire, c’est que les multinationales ne jouent pas le jeu de la solidarité !
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Je soutiendrai l’amendement présenté par Mme Sylvie Vermeillet.
Bien évidemment, la crise que nous subissons s’inscrit dans le prolongement de la crise sanitaire. Dans cet hémicycle, monsieur le ministre, nous avons voté la réduction des aides covid pour les entreprises possédant des filiales dans les paradis fiscaux. TotalEnergies figure tout de même en bonne place dans les Panama Papers ! Nous avions aussi demandé que ces aides covid ne soient pas attribuées aux entreprises qui distribuaient des dividendes, mais nous n’avions pas obtenu satisfaction sur ce point.
Permettez-moi de rappeler les grandes entreprises bénéficiaires : LVMH, avec une hausse de 107 % de ses bénéfices, soit 12 milliards d’euros, STMicroelectronics, avec une hausse de 24 %, Biogroup et toute l’industrie pharmaceutique, qui, pendant la crise du covid-19, ont bénéficié des aides et multiplié leurs profits.
Sylvie Vermeillet l’a très bien expliqué, des aides exceptionnelles ont été accordées au moment de la crise sanitaire. Un prélèvement exceptionnel doit donc être envisagé pour aider à passer le cap lié à la crise de l’énergie et à l’inflation.
À nos yeux, il n’y a rien de choquant à mettre en place une taxe bornée dans le temps. Nous sommes donc tout à fait opposés à vos propos, considérant que la mesure que nous préconisons est parfaitement légitime et conforme à notre analyse.
En 2020 et 2021, l’État a aidé les entreprises à surmonter la situation pandémique, qui a causé beaucoup de dégâts. Il faut s’en souvenir, car cela a coûté aux finances publiques.
Or, aujourd’hui, les journaux ne cessent d’égrener dans leurs pages les résultats de ces entreprises, qui sont bien supérieurs aux résultats habituels – ils peuvent représenter jusqu’au quadruple de ceux-ci !
Par ailleurs, face à l’inflation à laquelle les consommateurs sont confrontés, ces entreprises n’engrangent-elles pas des superprofits, profitant de la situation inflationniste ?
Selon moi, l’amendement présenté par Sylvie Vermeillet et le groupe Union Centriste est fondamentalement différent de ceux qui sont présentés par les autres groupes, tout simplement parce qu’il s’agit de prévoir une contribution exceptionnelle lorsque le bénéfice a été supérieur de 20 % ou plus à la moyenne des bénéfices nets réalisés en 2017, 2018 et 2019, soit avant la crise.
Ce n’est pas une taxation très forte, puisqu’elle ne concernerait que les entreprises ayant réalisé un profit notablement supérieur en 2021, par rapport à la moyenne des trois années précédentes. Ne confondons pas une telle mesure avec les gestes commerciaux qu’un certain nombre d’opérateurs seraient par ailleurs en mesure de proposer aujourd’hui.
Pour ma part, je suis opposé à ce type d’imposition circonstancielle, qui nuit à la clarté et à la sécurité juridique des contribuables et qui est d’autant plus démagogique que son rendement fiscal serait faible.
Une politique fiscale efficace, c’est-à-dire favorable à la productivité économique et, donc, au pouvoir d’achat, implique de suivre des règles fixes et préétablies.
C’est une question de sécurité juridique. S’il est bien un aspect de la loi fiscale qui décourage les entrepreneurs, c’est sa rétroactivité. Il est difficilement compréhensible que des opérations faites par les entreprises en considération d’un régime fiscal donné puissent faire l’objet a posteriori d’un traitement fiscal différent.
Le respect du droit et des libertés fondamentales, y compris en matière fiscale, suppose le respect de principes supérieurs, qui n’ont pas à varier au gré de l’opportunisme politique. Ce comportement déloyal de l’État finit toujours par se retourner contre lui.
Sur le plan interne, le principe d’égalité devant les charges publiques s’oppose à une taxation discrétionnaire de quelques contribuables.
Sur le plan européen, le principe de protection de la confiance légitime oblige la puissance publique à respecter la parole donnée. C’est la stabilité fiscale nécessaire dont nous a parlé M. le ministre.
Vous avez évoqué l’Espagne, chers collègues. La taxation mise en place dans ce pays aura un effet en 2023 et 2024, ce qui ne permet pas de régler la situation actuelle. Vous avez également fait référence au Royaume-Uni, où je réside et dirige une entreprise. L’ancien ministre des finances, candidat à la fonction de Premier ministre, qui propose d’augmenter la fiscalité, y est contredit par sa concurrente directe à ce poste, qui souhaite baisser les impôts.
Pour toutes ces raisons, je ne voterai aucun de ces amendements.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, comme je l’ai demandé en commission des finances sans obtenir de réponse, je voudrais connaître la définition des superprofits.
Pour ma part, j’ai quelques difficultés à savoir de quoi il s’agit…
S’agit-il des profits réalisés par une société qui se rétablit et qui commence à être bien gérée ? Ainsi, la SNCF a réalisé un bénéfice de 1, 3 milliard d’euros en 2017 et de 141 millions d’euros en 2018. En revanche, elle a enregistré une perte de 811 millions en 2019, ce qui fait un bénéfice moyen de 223 millions d’euros. Si j’applique à cette entreprise la taxe prévue par l’amendement n° 130 rectifié bis, elle devra payer 133 millions d’euros au titre de ses superprofits.
Quant au groupe La Poste, il devra payer 250 millions d’euros au titre de ses superprofits, puisqu’il a réalisé un bénéfice de 798 millions d’euros en 2018, de 822 millions en 2019 et de 2 milliards d’euros, à la suite de reprises de provisions, en 2021.
Je n’ai pas fait le calcul pour Air France, ni pour les agriculteurs qui bénéficient de l’augmentation du prix du blé en Ukraine, ni pour les commerçants et les entreprises de l’Île-de-France, qui réaliseront peut-être des superprofits à l’occasion des jeux Olympiques…
Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelle est, pour Bercy, la définition exacte des superprofits. En effet, j’ai l’impression qu’il s’agit plus de faire preuve d’une certaine démagogie destinée à taxer tous les profits ! En France, bien que nous ayons la fiscalité la plus importante des pays développés, il faut taxer dès qu’il y a un profit ou une réussite quelque part.
C’est la raison pour laquelle ce débat me déplaît. Afin de montrer que je ne suis pas de connivence avec vous, monsieur le ministre, je me permettrai une autre remarque : n’aurait-il pas été pertinent de ne pas pointer du doigt certaines sociétés, au moment du débat sur les Gafam, en préconisant des taxes spéciales ? Au demeurant, j’aurai l’occasion de revenir sur ce point.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Tous ces amendements ont le goût sucré des mesures qui n’ont que l’apparence de la justice sociale. Ce sont de fausses bonnes solutions, et cela pour deux raisons.
Tout d’abord, ces mesures sont à la fois faussement efficaces et faussement équitables. En effet, créer une super taxe pour TotalEnergies n’amènerait aucune rentrée d’impôts.
Je préfère que l’effort de cette société soit empoché par les Français, plutôt que par Bercy.
Ces mesures sont également faussement équitables. En effet, les résultats d’une entreprise, quelle qu’elle soit, ne dépendent pas toujours des stratégies éclairées de cette dernière. L’important, c’est bien évidemment son environnement. Demain, créerez-vous une supertaxe pour ceux qui vendent plus de bouteilles d’eau minérale parce qu’il fait très chaud ? Et pour ceux qui vendront plus de cirés lorsqu’il fera très humide ? Ces exemples montrent l’absurdité de votre raisonnement.
Je vous demande de respecter la parole de chaque orateur, mes chers collègues !
Par ailleurs, et c’est mon argument le plus important, dire aux Français que la solution réside dans la taxation, c’est leur mentir. En effet, le problème, en France, c’est justement les taxes et les impôts.
Notre pays a choisi de faire financer sa dépense publique en surtaxant les entreprises. La différence de taxation par rapport à la moyenne européenne, notamment dans la zone euro, représente près de 7 points de PIB, ce qui fait 150 milliards d’euros de différence entre la France et l’Allemagne, soit quatre fois plus d’impôts de production et beaucoup plus de charges sociales. Cette situation a conduit à la désindustrialisation de la France.
M. Bruno Retailleau. Mes chers collègues, très franchement, si le remède aux malheurs français était les taxes sur les superprofits, alors même que nous sommes, avec le Danemark, les champions du monde de la fiscalité, la France serait non seulement le pays le plus civilisé, mais même à l’avant-garde du bonheur universel !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, vous nous parlez ce soir de stabilité fiscale, laquelle risquerait d’être malmenée par l’adoption de ces amendements. Pourtant, vous-même n’avez pas craint de la malmener pendant la crise du covid-19, au cours de laquelle les plus grosses entreprises ont bénéficié des PGE, les prêts garantis par l’État !
Nous avons auditionné récemment M. Rodolphe Saadé, qui nous a indiqué clairement qu’il avait gagné plus d’argent. C’est à nous qu’il revient de décider comment ces sommes seront distribuées.
Or, aujourd’hui, vous nous dites que ce sont les entreprises qui décident, à l’image de TotalEnergies, combien elles donneront. Je croyais naïvement que c’était le Parlement et le Gouvernement qui fixaient le taux d’imposition. Ce soir, monsieur le ministre, vous organisez une forme de charité. Vous êtes le ministre non plus de l’économie, mais de la charité !
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le ministre, vous avez dit que la stabilité fiscale n’avait pas de prix. C’est une notion, certes, qui peut avoir du sens. Pour autant, elle me paraît difficile à défendre au sortir d’une crise importante, au cours de laquelle l’État a accompagné les entreprises, notamment les plus grosses d’entre elles, par des subventions et des aides.
Aujourd’hui, le moment est sans doute venu de faire un échange de bons procédés. Mais notre débat, je ne puis que le constater, reste dogmatique.
Je voudrais vous interroger sur un problème spécifique de concurrence. Vous encouragez TotalEnergies à aider au financement du litre d’essence, à hauteur de 20 centimes d’euro. Comment répondrez-vous au président du CNPA, le Conseil national des professions de l’automobile, qui s’inquiète, dans une interview récente, de cette baisse artificielle que vous avez encouragée ? À cet égard, il rappelle que c’est la pérennité même des exploitants des stations-service qui se trouve en jeu, ces derniers n’ayant pas les moyens de s’aligner sur les prix de TotalEnergies. Car les consommateurs, assez naturellement, se fourniront auprès de cette société.
Dans la situation que nous connaissons, il me semble qu’il est du rôle de l’État de réguler. On ne peut plus laisser faire le marché. Je le pense sincèrement, une taxe, même minime, aurait du sens eu égard à ces superprofits.
Notre balance commerciale est ultra-déficitaire. D’année en année, elle continue de se dégrader. Le phénomène est lié à la délocalisation. Nous sommes vingt-septièmes sur vingt-sept en matière de taxation !
En tant que citoyen, que feriez-vous si le taux de votre taxe foncière était deux fois supérieur au taux de taxe foncière de la commune voisine, située à cinq kilomètres ? Vous déménageriez !
Comprendrez-vous un jour que les entreprises internationales s’intéressent à ces taux d’imposition, qui sont liés à la compétitivité ?
Quand cesserons-nous de nourrir la spirale infernale des augmentations d’impôts ? Attendrons-nous de perdre toutes nos entreprises ? Chaque fois, c’est du chômage en plus ! J’admire les entreprises qui déclarent encore leurs revenus en France ! Avec votre politique d’augmentation permanente de l’impôt, sans jamais revoir la dépense, très franchement, je peine à comprendre comment les entreprises restent en France.
En France, on continue à vouloir pénaliser ceux qui réussissent. Pour ma part, j’ai envie de dire bravo à TotalEnergies et à tous les hommes qui y travaillent, bravo à l’ancienne Compagnie française des pétroles, dont l’histoire est si riche.
Naguère, on m’a appris que l’énergie était un domaine qui relevait de la souveraineté. Elle concerne les entreprises et les ménages. Dans une période où l’énergie est chère, comment se fait-il que TotalEnergies engrange des bénéfices colossaux, ce qui est une bonne chose, je le répète, alors que EDF, cette pépite française, fruit de l’investissement de nombreuses générations, décidé à une époque où les gouvernants pensaient à la génération suivante, accumule tant de pertes ?
Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.
Il existe des explications à ce déficit, et elles sont à chercher d’un certain côté de cet hémicycle. Permettez-moi de le rappeler, à l’époque de M. Jospin, pour faire plaisir aux Verts, on a arrêté Superphénix et on a cessé d’entretenir les réacteurs nucléaires !
Il faut que nos compatriotes le sachent, si l’énergie est chère aujourd’hui, c’est à cause de cette vision idéologique, de cette politique antinucléaire ridicule et dangereuse pour la souveraineté de la France et pour le pouvoir d’achat des ménages.
Aujourd’hui, certains Verts, qui ont mûri ou qui ont été touchés par la sagesse ou la grâce, comme Brice Lalonde, reconnaissent que cette lutte contre le nucléaire a été une erreur magistrale.
Protestations sur les travées du groupe GEST.
Nous devrions nous intéresser à la manière de favoriser les bénéfices des entreprises françaises, car les bénéfices d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain !
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
M. Ronan Dantec. C’est un débat intéressant, qui nous permet de réviser le catéchisme libéral classique.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Lorsqu’il s’agit de voter une taxe sur les entreprises, c’est l’attractivité de la France qu’il faut défendre, grâce à une stabilité fiscale pour ces entrepreneurs honnêtes qui prennent tous les risques et qui ont besoin d’une vision d’avenir… Bien évidemment, tout cela n’a rien à voir avec la réalité !
La réalité, c’est quelques chiffres qui n’ont pas encore été cités, dont celui-ci en particulier ; de mars 2020 à octobre 2021, la richesse des grandes fortunes françaises a bondi de 86 %, soit un gain de 236 milliards d’euros.
À titre de comparaison, elle avait augmenté de 231 milliards d’euros en dix ans, entre 2009 et 2019.
Ainsi, derrière votre orthodoxie libérale, on masque une concentration de la richesse en France et la rupture, qui est finalement l’histoire sociale du XXe siècle, de l’équilibre entre les revenus du capital et les revenus du travail.
Monsieur le ministre, ce que vous avez dit tout à l’heure sur l’augmentation de l’impôt sur les sociétés était faux. Conformément à l’orthodoxie libérale, vous prétendez que la stabilité fiscale conduit à une augmentation des recettes. C’est faux ! Entre 2017 et 2021, l’impôt sur les sociétés a gagné 900 millions d’euros, qu’il convient de comparer avec les 236 milliards d’euros gagnés en seulement un an par les grandes fortunes.
Finalement, ceux qui défendent aujourd’hui un capitalisme raisonnable sont de gauche ! En effet, si cela continue comme ça, il n’y aura plus de contrat social possible avec le capitalisme.
Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.
Moi aussi, je préférerais que l’on se raccroche au réel et non pas au catéchisme libéral dont il vient d’être question.
Regardons en face la situation actuelle : on observe un phénomène de prédation. David Assouline l’a dit, le président Macron aussi, il y a des profiteurs de guerre : ils ont haussé leur taux de marge à des niveaux jamais atteints, au mépris de toute solidarité ou, même, de la décence la plus élémentaire.
Ces profiteurs, on les connaît : TotalEnergies et CMA CGM. Je préfère citer ces grands groupes de l’énergie et du transport, qui occupent une position prépondérante dans la chaîne de valeur. Ce sont leurs actions et leurs décisions qui se répercutent sur les consommateurs, lesquels en paient le prix fort.
Monsieur Le Maire, vous avez parlé d’« investissement dans la transition ». Pour ce faire, vous faites confiance à TotalEnergies, qui annonce tous les jours de nouveaux projets d’extraction d’énergies fossiles, alors que cela fait cinquante ans qu’ils sont au courant du caractère criminel pour le climat de leurs activités et qu’ils ne font rien, voire qu’ils agissent pour empêcher la diffusion de possibles régulations.
Nous voulons non pas une aumône, mais la justice fiscale ! Vous répondez tantôt que c’est impossible, tantôt que cela ne rapportera rien. Vous êtes le ministre de l’impuissance fiscale ! Mettons à contribution les profiteurs de guerre, afin que chacun puisse aider dans la crise que nous traversons.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
J’écoute attentivement le débat depuis un moment, et j’entends que l’impôt est mauvais et que toute augmentation d’impôts serait intrinsèquement dangereuse. J’ai même entendu certains de nos collègues opposer la fiscalité et la justice à l’efficacité !
J’ose vous le dire, mes chers collègues, je ne partage pas votre idéologie. Au contraire, j’estime que tout ce qui sert la justice est efficace. Lorsque l’on évacue l’aspect vertueux et moral, on envoie à la société française le signal suivant : on peut prospérer, on peut être un profiteur de crise, sans avoir à payer sa part, au titre de la solidarité et non pas de la charité bien sûr.
Songez, de surcroît, que nous sommes en économie ouverte ; cela revient à dire que jamais l’impôt n’augmentera, quelles que soient les circonstances.
Décider d’une taxe exceptionnelle, bornée dans le temps, ne remet en cause ni la stabilité fiscale ni l’attractivité du pays. L’impôt ne se résume pas à un taux ; c’est l’expression d’une politique. Aujourd’hui, vous dites très clairement que vous voulez laisser prospérer les inégalités et les injustices. Voilà qui n’est ni juste ni efficace !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et CRCE.
Les arguments qui nous sont opposés reposent tous sur une sorte de dogme, en vertu duquel tout prélèvement serait intrinsèquement pervers.
Dès lors, bien entendu, une erreur de raisonnement se répand : quand nous proposons un prélèvement extrêmement spécifique, on nous répond que cela ouvrirait la porte à un prélèvement généralisé ! M. le président Retailleau, que j’ai connu plus inspiré, nous explique que cela va poser problème, affectant jusqu’aux bouteilles d’eau minérale… Autrement dit, assure-t-il, cela va entraîner une sorte de mouvement universel. Mais vous savez très bien, mes chers collègues, que ce n’est pas vrai !
Quand TotalEnergies fait en trois mois un profit, qui mérite bien le nom de « superprofit », de 4, 7 milliards d’euros, est-il vraiment scandaleux d’imaginer que l’on en prélève une partie ?
L’amendement de M. Rémi Féraud vise les sociétés pétrolières et gazières, les sociétés de transport maritime de marchandises et les sociétés d’autoroutes. Les Français, eux, paient l’essence – assez cher, malgré tout… – et, ces jours-ci, ils s’entassent aux barrières de péage. On nous a dit, d’ailleurs, que pour récupérer ce que l’inflation leur faisait perdre, les sociétés concessionnaires envisageaient d’augmenter leurs tarifs… Observez, mes chers collègues, les profits des sociétés auxquelles les autoroutes ont été concédées !
Serait-il vraiment scandaleux d’instaurer un prélèvement sur les bénéfices de ces entreprises-là ? De grâce, ne dites pas qu’il s’agit d’une mesure générale : nous proposons une mesure spécifique, bien ajustée – en un mot, juste.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
« Charité bien ordonnée commence par soi-même. » Monsieur le ministre, vous faites pression sur les grands groupes pour leur demander de verser une obole, afin d’éviter une taxation. Il est toutefois évident que, si les grands groupes acceptent de verser cette obole, c’est pour éviter d’avoir à s’acquitter d’une taxe dont le montant serait beaucoup plus important.
Il s’agit donc bien d’une forme de charité, dont bénéficiera une partie des Français. Cette obole, le groupe TotalEnergies, par exemple, a décidé de la verser, mais elle est loin de concerner l’ensemble des Français : seuls les consommateurs qui se serviront dans les stations-service de ce groupe pourront profiter de la remise annoncée. Il s’agit donc d’une mesure absolument inéquitable, et même inadmissible.
Les superprofits, on le sait très bien – mes collègues l’ont dit –, sont par définition réalisés sur ou à partir de la crise : bien souvent, ils sont d’origine spéculative. Et l’orthodoxie économique elle-même commande de taxer cette spéculation !
On nous rétorque par ailleurs que l’effet de notre mesure ne serait pas immédiat pour les Français. Mais rien n’empêche l’État de mettre en place une taxation complémentaire et de l’assortir d’une compensation immédiate versée aux Français, comme cela a été fait avec la remise à la pompe : c’est possible de manière immédiate.
À y regarder d’un peu plus près, on constate que les dispositions prévues par le Gouvernement sont particulièrement inéquitables et que seule serait juste une taxation sur les superprofits.
Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Thomas Dossus applaudit également.
Monsieur le ministre, après avoir attentivement écouté les uns et les autres, je me pose la question de savoir si la doctrine fiscale du Gouvernement n’a pas évolué.
Les grands groupes comme TotalEnergies, qui, d’ailleurs, paient peu d’impôts en France – ils ne sont pas maltraités… –, n’acquitteront donc pas d’impôt exceptionnel sur les revenus exceptionnels qu’ils ont engrangés au cours du dernier exercice ; en contrepartie, vous leur demandez de s’engager à consentir quelque libéralité aux consommateurs.
Comme l’a dit mon collègue Gillé, des stations TotalEnergies, il n’en existe pas partout sur le territoire ! Dans le monde rural, notamment, il y en a très peu. Cela veut-il dire que, demain, tout contribuable pourra choisir de ne pas payer d’impôts s’il s’engage, en contrepartie, à faire le bien autour de lui ?
Comment, ainsi, financerez-vous, au hasard, l’enseignement ? Peut-être n’est-ce pas là votre préoccupation… Mais comment financerez-vous les services de sécurité ? Vous vous en souciez peut-être davantage… Quid de l’armée, de la gendarmerie et de la police, dont nous avons besoin, si dorénavant tous les contribuables peuvent choisir de payer leur impôt « différemment » ?
Monsieur le ministre, je souhaite, le cas échéant, que vous confirmiez l’évolution de votre doctrine fiscale : chacun, désormais, paiera comme il voudra, à qui il voudra ; encore faudra-t-il dire merci à ceux qui ont ainsi fait le bien autour d’eux… Là n’est pas ma conception de la justice fiscale !
Ce que vous ne faites pas dans le cadre de la justice fiscale, malheureusement – je le crains pour mon pays –, c’est dans la rue que le peuple ira le chercher. Je le déplore, mais c’est ainsi que les choses vont se passer.
Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.
C’est un véritable tir de barrage que nos collègues du groupe Les Républicains organisent pour faire pièce aux amendements que nous allons examiner avant même que la discussion sur le détail du projet de loi ait eu lieu.
Il n’y a là, pourtant, nul ferment d’une révolution fiscale : aucune des dispositions proposées n’est susceptible de mettre à bas le système économique et nulle part il ne s’agit d’écraser les entreprises… Il s’agit d’une question précise : les superprofits seront-ils taxés ?
M. Dominati continue à se poser la question de savoir s’il y a bel et bien quelque chose comme des superprofits ; je me propose de lui offrir un abonnement aux Échos ! Mon cher collègue, toute la presse en parle depuis des jours et des jours : ce n’est pas un secret de polichinelle, ces superprofits existent et sont liés à la crise.
Je vous rappelle que Nicolas Sarkozy, au sortir de la crise de 2008 – nous en parlerons, des amendements ont été déposés à ce sujet –, avait inventé une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Ce n’est donc pas une idée farfelue que de se poser de telles questions devant des situations exceptionnelles de ce genre. Voilà ce dont nous voulons débattre.
Monsieur Retailleau, vous parlez des taxes, des taxes, des taxes ; mais qui a construit un système fiscal, qui n’est pas celui dont nous rêvons, assis sur une grande taxe représentant aujourd’hui l’essentiel des recettes fiscales et connue sous le nom de « taxe sur la valeur ajoutée » ? C’est vous qui avez détruit peu à peu les impôts progressifs sur les entreprises, sur les particuliers et sur la fortune, et qui avez construit un système fiscal où tout repose sur une taxe géante, la TVA, qui, prélevée sur la consommation, est la plus injuste de toutes les formes d’imposition !
Nous vous proposons de rétablir un semblant de justice. Ayez au moins la décence de discuter nos amendements pour ce qu’ils sont, au lieu de les caricaturer comme vous le faites.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – M. Guillaume Gontard applaudit également.
Les amendements dont nous débattons sont assez divers. Mais ceux qui émanent de la gauche, notamment du groupe socialiste, ne sont pas les plus déraisonnables. L’amendement du groupe Union Centriste, par exemple, vise à taxer tous les superprofits à partir de 1 million d’euros de bénéfice net, ce qui concerne en effet de nombreuses entreprises. Quant à nous, mes chers collègues, nous limitons le champ des dispositions que nous vous soumettons à quelques très grandes entreprises opérant dans des secteurs très particuliers.
Si nous proposons de tels prélèvements fiscaux, ce n’est pas par je ne sais quelle méchanceté ou parce que nous n’aimons pas les entreprises ou leur réussite, mais à des fins de redistribution : c’est de cette façon qu’il faut lire nos amendements.
Notre interpellation ne s’adresse d’ailleurs pas à ces entreprises. Solliciter leur bonne volonté, afin qu’elles fassent des efforts de leur plein gré, est source d’iniquité, et c’est précisément ce que nous ne faisons pas. Notre interpellation ne s’adresse plus vraiment non plus au Gouvernement, Bruno Le Maire ayant confirmé devant nous la position très ferme qu’il avait déjà exprimée à l’Assemblée nationale. Elle s’adresse à l’ensemble de notre assemblée.
Prendrons-nous aujourd’hui nos responsabilités en votant cette taxe ? À défaut, je crains qu’il nous faille y revenir cet automne, lors du débat budgétaire, en regrettant de ne pas l’avoir fait cette après-midi.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Il y aurait, si je comprends bien, des sénateurs pour l’entreprise et des sénateurs contre l’entreprise. Quelle caricature !
Pour ma part, j’ai été patron de PME pendant des années ; je me retrouve tout à fait dans une vision « pro-entreprise ». La diminution du taux de l’impôt sur les sociétés de 33, 33 % à 25 %, c’est François Hollande qui l’a voulue, je le rappelle à toutes fins utiles, quoiqu’elle ait été exécutée après la fin de son mandat.
Il l’a mise en œuvre petitement, dirons-nous…
Surtout, ne confondons pas ce débat sur l’entreprise avec ce qui nous occupe cette après-midi. Qu’une entreprise réussisse, emploie des gens, gagne de l’argent, en reverse, tout cela est parfait, il n’y a pas à en débattre !
Le sujet dont nous sommes saisis aujourd’hui est très simple : des entreprises qui ont travaillé cette année de la même façon que les précédentes, qui ont fait en gros le même chiffre d’affaires, réalisent des bénéfices mirobolants.
Ce problème, donc, est très spécifique, on ne le rencontre que cette année. Tant mieux pour TotalEnergies, dont je rappelle que l’histoire est fortement liée à l’État : il n’y aurait pas de grande entreprise pétrolière française si l’État, au départ, n’avait pas investi, ce qu’il a fait.
Qu’à présent l’entreprise TotalEnergies, par exemple – ce n’est pas la seule concernée –, restitue au collectif une partie de ce qu’elle a gagné, cela me paraît tout à fait légitime ; ces profits étaient parfaitement inattendus, et elle les a gagnés sur une durée courte.
Regardons les choses en face, n’ayons pas peur, avançons !
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Vous avez raison, monsieur le président Raynal : notre échange n’a pas pour objet de savoir qui aime les entreprises et qui ne les aime pas. L’un de vos collègues a lâché le mot voilà quelques minutes : c’est la « redistribution » qui est en question.
Mon cher collègue Tissot, lors de son audition, M. Rodolphe Saadé, président-directeur général de CMA CGM, a en effet tenu les propos que vous avez rappelés ; mais, a-t-il ajouté, certains bénéfices exceptionnels sont utiles lorsque, comme cela s’est passé au printemps de cette année, l’entreprise redistribue 4 500 euros net, en plus de la participation et de l’intéressement, à chaque salarié gagnant moins de deux fois le SMIC.
Quant à TotalEnergies, l’entreprise a distribué, en participation et en intéressement, entre 5 990 euros et 8 440 euros à chacun de ses salariés en France.
C’est bien là, à mon avis, une redistribution, mais qui a l’avantage d’être fiscalement nette et qui se révèle, si l’on sait bien s’en servir, mille fois plus efficace que quelque impôt prélevé par l’État, perdu dans les méandres du système fiscal français et dont nos concitoyens ne toucheront qu’une toute petite partie.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur des travées des groupes SER et CRCE.
Mes chers collègues, vingt-six de nos collègues ont déjà expliqué leur vote sur ces amendements ; il reste une demi-douzaine d’orateurs inscrits. Par ailleurs, nous avons 463 amendements à examiner d’ici à demain soir…
Certes, ma chère collègue, mais d’autres discussions importantes nous attendent. Mon rôle est de faire en sorte que l’ordre du jour se déroule comme prévu, donc de parer à tout blocage.
M. Pascal Savoldelli. Nous serons là, monsieur le président. N’ayez pas d’inquiétude !
Sourires.
J’invite donc les orateurs à la concision.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
Écoutant attentivement le débat, je me pose la question de savoir ce qui est juste – chacun ici semble en avoir une interprétation assez personnelle. Je pense à ces PME ou TPE dont le taux normal d’imposition est de 25 % et qui, souvent installées dans des zones rurales excentrées, loin de toute station TotalEnergies, doivent parcourir des kilomètres pour rejoindre leurs chantiers.
J’imagine le patron d’une telle entreprise nous écoutant cette après-midi. Sa perception de la justice risque d’être heurtée par celle qui s’exprime ici : il aura certainement le sentiment d’être laissé pour compte dans ce débat où il est question de ne pas taxer les grandes entreprises sous prétexte de ne pas les mettre « à genoux ».
Justice sociale et redistribution : voilà ce qu’il faut. Chacun doit pouvoir y retrouver ses petits ; c’est la condition d’un développement harmonieux.
Applaudissements sur des travées du groupe SER.
On ne parle que peu, voire plus du tout, de la dette. J’aimerais savoir où sont les économies que proposent ceux qui pensent que la contribution exceptionnelle n’est que démagogie, comme je l’ai entendu. Où sont les économies que proposent ceux qui veulent financer le litre d’essence à 1, 50 euro ?
La dette, ils s’en moquent ! Ils ne seront plus là quand il faudra rembourser…
Nous ne proposons pas, nous, de financer les mesures complémentaires par la dette.
Monsieur le ministre, l’objet affiché de votre projet de loi est de permettre à notre pays de faire face à l’inflation. Nous proposons, à cet égard, une recette exceptionnelle. Et j’entends dire tant de mal de l’impôt qu’il me faut faire le rappel suivant : oui, monsieur Retailleau, ma conviction est que notre pays est plus civilisé de s’être donné les moyens, grâce à l’impôt, de nourrir des services publics d’éducation, d’enseignement supérieur, de santé, dont tous bénéficient, y compris les entreprises !
Lorsque des entreprises viennent s’installer en France, c’est peut-être parce que les taux d’imposition y ont baissé – personnellement, je n’y crois pas –, mais c’est surtout parce qu’elles y trouvent des cadres formés et des conditions de vie agréables. La préservation de ces conditions suppose des moyens.
Lorsque j’entends les représentants du Gouvernement nous dire que, au fond, collecter l’impôt, pour l’État, c’est prendre le risque qu’il soit très mal redistribué, je vous avoue que je suis très inquiet. Collecter l’impôt, en principe, c’est d’un même mouvement permettre qu’il soit bien redistribué, ce qui veut dire l’orienter vers le financement de la transition écologique et de la justice sociale.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.
La situation est inédite : nous vivons de fortes perturbations. Le sujet de la redistribution des bénéfices exceptionnels est évidemment très important ; nous le mesurons cette après-midi.
Ce sont les Français qui, en consommant les biens énergétiques produits par les entreprises dont il est question, ont en un sens contribué à ces profits exceptionnels.
Je rappelle que la solidarité ne saurait reposer sur le bon vouloir, comme l’ont déclaré certains de mes collègues. La triste réalité – personne ne l’a dit ! –, c’est que certains Français, dans les territoires, vivent dans d’extrêmes difficultés. Dans mon département, comme dans d’autres – peut-être l’ignorez-vous ? –, certaines personnes âgées renoncent, l’hiver, à se chauffer. Je sais que cet été, à cause du prix de l’énergie, certains renoncent à mettre en marche leur chauffe-eau.
Je conclus en soulevant à mon tour la question du ressenti des Français eu égard au sort qui leur est réservé et à ce qui pourrait être perçu comme une aumône.
Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.
Sans prolonger exagérément les débats, monsieur le président, je souhaite remercier tous les sénateurs ici présents de la qualité de la discussion de fond que nous avons eue sur ces propositions de taxation des superprofits : cette discussion aura permis, je pense, d’éclairer la décision de chacun.
Je remercie évidemment les sénateurs qui se sont prononcés contre cette taxation ; vous connaissez mes convictions.
Je me contenterai de rappeler brièvement quelques éléments, en commençant par un fait : à tous ceux qui ont dit qu’il fallait, au nom de la justice, prélever de nouveaux impôts, créer de nouvelles taxes, je réponds que nous sommes, de tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le plus lourdement taxé…
… et, de surcroît, celui qui redistribue le plus.
Je persiste et je signe, donc : taxer davantage les entreprises ou les Français n’est pas la seule solution pour améliorer la vie dans notre pays.
Je poursuis en partageant une conviction.
Ne pas taxer les très grandes entreprises qui ont fait d’importants profits au cours de la crise, ce serait – vous avez été nombreux à l’affirmer – risquer la révolte sociale.
Or il me semble que la seule révolte sociale que nous ayons connue dernièrement – c’est la seule fois, ces dernières années, où les Français sont descendus massivement dans la rue – a eu lieu précisément parce que nous avions créé une taxe supplémentaire qui était apparue excessive à leurs yeux.
M. Vincent Segouin applaudit. – Protestations sur les travées du groupe SER.
M. Bruno Le Maire, ministre. Et il me semble que tous ceux qui, alors, n’avaient à la bouche que la taxation du carbone, la prétendue indispensable taxation supplémentaire sur laquelle, pour ma part, j’avais émis un certain nombre de réserves, auraient été bien avisés de considérer que, en France, toutes les révoltes, toutes les révolutions, viennent toujours de la surtaxation des ménages, c’est-à-dire des citoyens français.
Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.
Il est bien certain que taxer TotalEnergies va faire descendre les Français dans la rue…
L’impôt n’est pas en soi une garantie de justice. Sans contester la nécessité de lever l’impôt, je rappelle, une fois encore, que notre taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé de tous les pays de l’OCDE.
Revenons aux faits : des entreprises ont bénéficié de la situation, je le redis. Contribuent-elles ? Oui ! Vous en avez cité deux, mesdames, messieurs les sénateurs : CMA CGM, dans le secteur du transport maritime et TotalEnergies, dans celui des énergies fossiles. Ces entreprises ont bel et bien contribué ! Libre à vous d’estimer qu’elles l’ont fait insuffisamment ; vous pourrez en juger au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, mais elles ont contribué.
Or, par vos amendements, vous proposez de taxer toutes les autres entreprises d’une taille importante
Non ! sur les travées du groupe SER.
Vous taxeriez une entreprise comme STMicroelectronics, qui crée dès à présent 1 000 emplois en Isère et qui s’apprête à en créer 4 000 autres demain ?
Les mêmes s’opposent à la baisse des impôts de production, sans voir que, grâce à cette baisse, nous avons enfin recréé des emplois dans l’industrie, rouvert des usines et relancé l’activité industrielle dans un pays qui a été victime de la désindustrialisation !
Cette voie de la baisse des impôts et de la stabilité fiscale a donné des résultats en matière de création d’emplois et de reconquête industrielle. De grâce, n’abîmons pas cette dynamique en taxant certaines entreprises sous le seul prétexte qu’elles ont fait en 2022, année exceptionnelle, des profits importants, alors même qu’elles avaient pu auparavant essuyer des pertes et qu’elles ont devant elles un horizon économique sombre, la situation internationale s’annonçant difficile en 2023 !
Je conclurai en citant les propos d’un homme qui, pourtant, a beaucoup augmenté les impôts et qui a toujours dit l’importance des prélèvements obligatoires pour la justice sociale – c’est d’ailleurs ce qui a fait sa fortune tant historique que politique : « La baisse des impôts est nécessaire, je l’ai décidée. En 1985, on paiera moins, naturellement. »
M. Bruno Le Maire, ministre. « Il y aura deux sortes d’impôts qui seront diminués : l’impôt sur le revenu des personnes physiques et l’impôt sur les entreprises. […] Ce sera la plus forte baisse jamais connue depuis la Libération, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est très important, c’est juste. » Ces mots furent prononcés en 1984 par François Mitterrand.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 130 rectifié bis.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Union Centriste, et, l’autre, du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 132 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 227 rectifié.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 249 rectifié et 320.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 133 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 250 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 134 :
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 321, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 33, 3 % » ;
2° Après le b, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …. Le taux normal de l’impôt sur les sociétés mentionné au deuxième alinéa du présent I est fixé à :
« – 20 % pour la fraction de bénéfice imposable par période de douze mois comprise entre 38 120 € et 76 240 € ;
« – 25 % pour la fraction de bénéfice imposable par période de douze mois comprise entre 76 241 € et 152 480 € ;
« – 30 % pour la fraction de bénéfice imposable par période de douze mois comprise entre 152 481 € et 304 960 € ; ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
On ne va pas refaire le débat, très intéressant, que l’on vient d’avoir. Simplement, j’aimerais porter à la connaissance du Sénat une note récente de M. Patrick Artus, directeur des études chez Natexis et également membre du conseil d’administration de TotalEnergies, ce qui n’est pas anecdotique dans le débat qui nous préoccupe aujourd’hui.
Faisant une analyse de la baisse de la fiscalité du capital que ce gouvernement a choisi depuis cinq ans, il a ce constat absolument cinglant : « La baisse de la fiscalité du capital est un échec » !
Plus précisément, il rappelle que M. Macron comptait réduire la taxation du capital afin de stimuler l’investissement. Or il se rend compte que cela n’a fait qu’alimenter l’inflation des actifs, sans créer de richesse, l’effet de richesse n’ayant fait que susciter plus d’épargne et entraîner moins d’investissement.
Ainsi, sur la période, le taux d’épargne est passé de 12 % à 17 % du PIB, alors que le taux d’investissement net des entreprises reculait de 5 % à 3 %.
Que s’est-il passé ? Hormis quelques effets bénéfiques pour les levées de fonds des start-up, les investisseurs ont le plus souvent utilisé leur allégement fiscal pour investir dans des actifs déjà existants, comme les actions en bourse ou l’immobilier ancien, ce qui a fait grimper leurs prix, mais n’a pas créé de valeur nouvelle. C’est donc sans effet sur la croissance et l’emploi, ce qui vient contredire, monsieur Le Maire, vos arguments précédents.
M. Bocquet sait très bien quelle est notre position, que j’ai eu l’occasion d’évoquer en commission.
Je veux tout de même rappeler que les faits nous montrent que, depuis la baisse des taux de l’impôt sur les sociétés, le produit de cet impôt a pour l’instant augmenté, ce qui prouve bien que de telles mesures peuvent aussi créer une dynamique. Ce n’est pas uniquement la baisse en tant que telle, mais c’est aussi le signal envoyé aux acteurs économiques ; et je n’oublie pas non plus la dépense publique, qui a profité aux acteurs économiques et aux entreprises.
Selon moi, ce serait un très mauvais message adressé aux entreprises que de revenir en arrière pour augmenter de nouveau les impôts de production, alors que les comparatifs fiscaux sont toujours défavorables à la France.
La commission émet donc un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 157 rectifié, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les articles du code général des impôts modifiés par les articles 8 et 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
II. – Les articles du code général des collectivités territoriales modifiés par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
III. – L’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 modifié par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
IV. – L’article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 modifié par l’article 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
V. – Les IV, V et VI de l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont abrogés.
VI. – Les III, IV, V et VI de l’article 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont abrogés.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
Monsieur le ministre, vous avez expliqué tout à l’heure qu’il y avait des impôts qui ne rapportaient rien. S’agissant des impôts de production, vous nous dites qu’il s’agit – je reprends vos mots exacts pour être correct – « d’impôts stupides ».
La baisse des impôts de production doit être poursuivie en 2023, et nous considérons pour notre part que c’est un non-sens.
C’est d’abord un non-sens au vu de son objectif, qui est de rendre nos entreprises plus compétitives. Il faudrait d’abord savoir lesquelles… Différentes études de l’Essec (École supérieure des sciences économiques et commerciales), que tout le monde connaît ici, et de l’OCDE, autant d’organisations qui ne sont pas suspectes de communisme, expliquent l’absence de corrélation entre la fiscalité économique locale et la compétitivité des entreprises.
Dans ma démonstration, je peux même appeler à la rescousse un allié assez inhabituel, en la personne du président délégué du Medef, Patrick Martin, qui estime que « ce n’est pas un sujet prédominant dans les choix d’implantation des PME : les entreprises privilégient plutôt le cadre de vie, l’environnement local, les établissements scolaires, les services parapublics et les transports. »
Or ce sont bien les impôts locaux qui permettent aux collectivités territoriales d’investir dans de telles structures, et ce sont eux qui créent un lien direct entre l’entreprise et l’écosystème local. Pourtant, votre politique va à l’encontre de l’autonomie financière des collectivités locales.
C’est ensuite un non-sens, car ces suppressions d’impôts locaux bénéficient surtout aux plus grandes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire, les ETI. Là encore, c’est un problème, même pour quelqu’un qui est attaché à la stabilité fiscale : le gain moyen est de 940 euros pour une TPE, contre 9, 1 millions d’euros pour les plus grandes entreprises.
Je le répète, vous nous avez dit que cette suppression allait créer des emplois industriels et que, de toute façon, ces impôts ne servaient à rien.
Aussi, monsieur le ministre, je vous demande solennellement de nous dire quel est le nombre d’emplois industriels que permettra de créer la suppression des impôts productifs. J’espère pour les Français que le solde est positif, bien évidemment.
J’y insiste, ces impôts n’iront ni à l’État ni aux collectivités locales.
L’amendement n° 247 rectifié, présenté par MM. Féraud, Michau, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, M. Marie, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les articles du code général des impôts modifiés par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
II. – Les articles du code général des collectivités territoriales modifiés par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
III. – L’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 modifié par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
IV. – Les IV, V et VI de l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont abrogés.
La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Cet amendement tend à s’inscrire dans la logique, qui est celle du groupe socialiste, de hausse des moyens d’action de l’État, face aux majorités présidentielle et sénatoriale qui mettent en œuvre une baisse récurrente des recettes de l’État, notamment fiscales, comme nous venons encore de le voir.
Nous pensons qu’il ne s’agit pas d’un objectif politique en soi, a fortiori dans le contexte de crise économique et sociale que nous connaissons. C’est pourquoi le présent amendement tend à revenir sur la diminution des impôts de production votée en 2020, qui représente une perte de ressources non seulement pour l’État, mais aussi pour les collectivités locales, il faut le préciser.
Je me dois aussi de signaler que le Gouvernement a diminué les impôts de production sans contrepartie pour l’emploi ou l’investissement. Notre objectif n’est donc pas idéologique. Il est seulement temps de nous doter des moyens de réguler les désordres économiques et sociaux.
L’amendement n° 369 rectifié, présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les articles du code général des impôts, du code général des collectivités territoriales et de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 modifiés par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
II. – Les IV, V et VI de l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont abrogés.
III. – Les articles du code général des impôts et la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 modifiés par l’article 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
La parole est à M. Daniel Breuiller.
Cette mesure de baisse des impôts de production, qui est l’un de vos objectifs, profite d’abord aux plus grandes entreprises, comme vient de le souligner M. Savoldelli, mais elle limite aussi singulièrement le lien entre les territoires et la fiscalité des entreprises.
C’est un choix qui devrait interroger les sénateurs que nous sommes. Les collectivités territoriales perdent un à un leurs différents leviers fiscaux. La compensation par une fraction de TVA, qui est un impôt injuste, car proportionnel et assis sur la consommation, a un caractère moins dynamique que le prélèvement supprimé et reste non conditionnée, ce qui conduit à des effets d’aubaine.
Il importe de rétablir ce lien avec le retour des impôts de production, qui ne sont pas des éléments décisifs sur la croissance, comme le montre également une étude de la revue scientifique European Economic Review.
L’avis sera défavorable sur les trois amendements.
J’ai noté la moue dubitative de notre président de séance devant la défense du dernier amendement. §On ne va pas revenir sur la baisse des impôts de production, pour les raisons que vous connaissez : c’est bon pour l’économie et, en termes budgétaires, cela permet de financer une partie de la baisse du taux normal d’IS.
De plus, en réponse aux auteurs de l’amendement n° 247 rectifié, j’ajoute que cela conduirait à un ressaut de prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises d’environ 7 milliards d’euros. Je pense que le moment n’est pas à ce type de décision.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
Entre 2006 et 2015, la France a perdu 500 000 emplois industriels. Entre 2017 et 2022, pour la première fois depuis vingt ans, le solde d’emplois industriels manufacturiers est positif, avec 19 000 emplois créés.
Je veux bien que l’on m’explique tout ce que l’on veut, mais la reconquête industrielle est pour moi, pour le Gouvernement, pour le Président de la République, une priorité absolue, et je sais, monsieur Savoldelli, que ça l’est aussi pour vous.
Seulement, on ne peut pas souhaiter la reconquête industrielle, d’un côté, et, de l’autre, défendre des impôts de production qui sont encore quatre fois plus élevés qu’en Allemagne et deux fois plus élevés que dans la moyenne des pays européens.
Il faut choisir : d’un côté, les impôts de production et la répartition au bénéfice des collectivités locales des recettes de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et, de l’autre, la reconquête industrielle. Pour ma part, je choisis la reconquête industrielle, et je le dis très clairement.
C’est pour moi une priorité absolue, parce que j’estime que la désindustrialisation, dans laquelle nous portons tous une part de responsabilité, moi y compris, par manque de courage, par manque d’audace, a entraîné en France un rejet de la politique de la part des catégories populaires, un désarroi, une inquiétude, une angoisse, une désertification des territoires, une montée du Rassemblement national et de tous les extrêmes. Je le répète, nous en sommes tous plus ou moins responsables.
Je le dis, parce que je l’ai vu sur mon propre territoire, comme vous l’avez tous vu chez vous. Chaque fois qu’il y a une usine qui ferme, il y a une permanence du Rassemblement national qui ouvre.
M. Sébastien Meurant s ’ exclame.
D’expérience, en tant que ministre de l’économie, quand je discute avec une entreprise qui veut s’installer en France, celle-ci me demande avant tout si nos impôts de production sont toujours aussi élevés ou si nous allons les diminuer. Pourquoi s’installerait-elle, ici, en France, plutôt qu’en Allemagne, où les impôts sont plus faibles ? Elle s’enquiert de nos avantages, de ce que nous avons de mieux à offrir.
J’y insiste, selon moi, cette reconquête industrielle exige la baisse des impôts de production.
J’entends, en revanche, les arguments sur l’attractivité des territoires, qui sont parfaitement recevables. Vous m’interrogez pour savoir comme lier l’activité économique, l’implantation des usines, et les recettes fiscales. Cela, c’est un beau débat, parfaitement légitime, et je souhaite que nous l’ayons.
Je ne vous dis pas : « On va se contenter de baisser de nouveau les impôts de production, circulez, il n’y a rien à voir ! »
Mon discours est le suivant : je suis convaincu que la baisse des impôts de production est une condition sine qua non de la reconquête industrielle. Nous l’avons engagée et nous la poursuivrons dans le projet de loi de finances pour 2023. En revanche, il y a une vraie question sur la compensation dynamique pour les collectivités locales, afin de garantir qu’il reste intéressant pour le patron d’une collectivité locale, pour un président de région d’attirer sur son territoire des usines et des industries.
Tel est le vrai débat, que je suis tout à fait prêt à mener avec vous. Je le répète, il est légitime et fondé, mais il passe d’abord par la baisse de ces impôts.
J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
Monsieur le ministre, j’ai posé une question précise, et les Françaises et les Français demandent des résultats. Quel est le solde des emplois industriels créés ?
M. Pascal Savoldelli. Ceux qui écoutent nos débats, pour développer leur esprit critique, positif ou négatif, doivent donc savoir qu’il y a eu 10 milliards d’euros d’exonérations pour les entreprises en 2021 et que 9 milliards d’euros sont envisagés pour 2023 avec la suppression totale de la CVAE, soit, selon une arithmétique très simple, 20 milliards d’euros pour 19 000 emplois ! C’est un problème pour le ministre des finances, parce que cela fait cher l’emploi !
Sourires sur les travées des groupes CRCE et SER.
On vous a demandé tout à l’heure quelle était votre doctrine fiscale : 19 milliards d’euros, ce n’est pas rien ! Vous venez de nous expliquer votre choix politique. Vous avez raison de faire des choix, même si nous ne partageons pas celui-là.
Pour nous, cet impôt n’est ni utile ni stupide, mais vous avez décidé qu’il n’irait ni à l’État ni aux collectivités territoriales. Telle est la responsabilité que vous devrez assumer.
La suppression de la CVAE va poser des problèmes aux régions, aux départements et aux communautés de communes, mais il faut bien voir que, de 1995 à 2015, nous avons perdu la moitié de nos entreprises et un tiers des employés.
En effet, nous avions le prix moyen de l’heure le plus élevé en Europe. Avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et la baisse des charges et des impôts de production, on arrive à peu près au prix moyen de l’heure de l’Allemagne. C’est ainsi que l’on recréera de l’emploi, ce qui est une nécessité, parce que l’on a beaucoup de dettes, notamment sociales. Il nous faut donc des cotisants et des recettes.
Bien sûr, il faudra trouver des recettes pour compenser la perte de CVAE destinée aux collectivités locales, mais il faut savoir que, hormis en Allemagne, où il y en a un peu, il n’y a pas d’impôts de production dans les autres pays.
Nos entreprises sont très pénalisées, alors que nous avons intérêt à réindustrialiser. Depuis un an ou deux, on assiste à une inversion de la courbe de création des entreprises. C’est la bonne direction, me semble-t-il.
M. Claude Malhuret applaudit.
Je ne veux surtout pas inquiéter M. le président sur la longueur des débats, mais je pense que ce sujet est absolument fondamental.
Monsieur Savoldelli, on pourrait retourner votre argument : 10 milliards d’impôts de production maintenus, ce sont 500 000 emplois détruits. Cela fait cher l’emploi détruit !
Vous le savez aussi bien que moi, ce genre de raisonnement ne tient pas la route. Vous ne pouvez pas dire : telle somme dépensée pour tel nombre d’emplois créés, cela fait tant l’emploi net créé. Non, nous inversons une tendance de trois décennies : une tendance à la destruction des emplois, à la fermeture des usines et à la délocalisation industrielle.
Ce constat, que vous partagez, est inacceptable et révoltant. Notre pays a été affaibli économiquement et sont apparus des problèmes politiques dont nous avons du mal à nous relever. Il faut donc impérativement inverser cette tendance, et, qu’on le veuille ou non, la solution passe par le marché, l’attractivité, la compétitivité.
Il faut que notre environnement fiscal soit aussi attractif que celui de nos voisins, parce que vous ne convaincrez jamais un GlobalFoundries ou n’importe quelle autre entreprise de se développer ou de s’implanter en France si, de l’autre côté du Rhin, des Pyrénées ou des Alpes, par exemple chez nos voisins italiens, qui, eux, ont maintenu une empreinte industrielle beaucoup plus élevée que la nôtre, les impôts de production sont deux fois, trois fois, quatre fois, cinq fois, voire sept fois moins élevés qu’en France.
À un moment donné, notre responsabilité à tous, c’est d’ouvrir les yeux sur ces réalités et de les regarder bien en face. Nous ne devons pas les nier ou chercher à nous faire plaisir avec des argumentaires qui sont parfois plus idéologiques que pratiques.
De même que l’on n’attrape pas des mouches avec du vinaigre, on n’attrape pas des usines avec des impôts trop élevés.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 327, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 du I de l’article 223 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au début du deuxième alinéa, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 8 % » ;
2° Au début du troisième alinéa, le taux : « 4 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».
La parole est à M. Pierre Laurent.
Monsieur le ministre, vous êtes resté sourd à nos précédentes propositions, mais vous ne pourrez pas refuser cet amendement, dont les dispositions s’appuient sur un instrument existant créé après la crise financière de 2008, à savoir la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Comme quoi, ce genre d’idée peut germer dans les têtes les plus diverses ! À l’époque, d’ailleurs, Nicolas Sarkozy parlait d’esprit de justice fiscale et demandait un effort exceptionnel aux contribuables les plus aisés pour justifier la création de cette contribution…
Nous vous proposons d’augmenter le taux de cette contribution de 3 % à 8 % pour les personnes célibataires et de 4 % à 10 % pour les couples.
À titre d’exemple, même si nous n’avons pas tous les chiffres, une personne célibataire qui déclare 400 000 euros de revenu fiscal de référence paierait, au titre de cette contribution, à peu près 4 500 euros. Pour 1, 2 million d’euros de revenu fiscal de référence, ce serait 35 000 euros. Pour les couples à 500 000 euros de revenu fiscal de référence, la somme serait en moyenne de 26 000 euros. Bref, ils ne seraient pas sur la paille.
Je rappelle que ce sont ces mêmes contribuables qui se ruent en ce moment sur l’épargne, qui est donc concentrée sur une partie très minoritaire de la population. Aussi, il nous paraît normal d’augmenter un peu cette contribution, que vous avez créée.
Ce sera un avis défavorable, ce qui ne surprendra pas le sénateur Laurent.
M. Pascal Savoldelli s ’ esclaffe.
En passant de 3 % à 8 %, vous triplez quasiment le montant de l’imposition. C’est à peu près la même chose – plutôt deux fois et demie – quand vous passez de 4 % à 10 %. J’ai la conviction que le niveau d’imposition est aujourd’hui raisonnable.
Il faut être dans la même logique avec les particuliers qu’avec les entreprises : donner une trajectoire, s’y tenir et examiner ensuite les résultats. Aujourd’hui, le produit de l’impôt continue d’augmenter, donc votre amendement, s’il était adopté, tendrait à aller à rebours de cette tendance.
La commission émet donc un avis défavorable.
Ce sera le même avis défavorable, pour les mêmes raisons.
Je ferai juste observer à M. Laurent qu’il s’agissait d’une taxation sur les hauts revenus qui était censée être exceptionnelle. Elle a été votée, si ma mémoire est bonne, en 2011, ses instigateurs jurant sur le cœur qu’elle serait exceptionnelle, pour une année, et qu’elle ne serait jamais reconduite. Or nous sommes en 2022 et nous discutons de l’augmentation de ladite taxe, qui n’a jamais été supprimée ! Ma conclusion, c’est qu’en matière d’imposition, en France, on a l’exceptionnel qui dure, ce qui n’est pas forcément une bonne chose.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Vous parlez de trajectoire et de caractère exceptionnel, mais ce qui est exceptionnel, c’est que, depuis 2008, la hausse de ces patrimoines n’a cessé de suivre une trajectoire ascendante.
Le caractère exceptionnel de l’époque dure, mais du côté des fortunes et des très hauts revenus. Que l’imposition s’adapte à cette situation me paraîtrait assez normal. C’est l’esprit même de la progressivité de l’impôt, c’est-à-dire d’une conception juste de la fiscalité.
À force de reculer devant ces mesures, vous faites porter l’essentiel de la charge fiscale sur la TVA, un impôt injuste pesant sur l’ensemble de la population, y compris les plus modestes.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 323, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les articles du code général des impôts modifiés par les articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
II. – Les articles du code monétaire et financier modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
III. – L’article L. 315-4 du code de la construction et de l’habitation modifié par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
IV. – Les articles du code de la sécurité sociale modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
V. – L’article L. 16 du livre des procédures fiscales modifié par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
VI. – Les articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont abrogés.
VII. – Les articles modifiés par les dispositions de l’article 44 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 sont rétablis dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2018.
La parole est à M. Éric Bocquet.
Par cet amendement, nous voulons revenir sur le prélèvement forfaitaire unique (PFU), qui avait été présenté ici même par vous, monsieur le ministre, en novembre 2017 dans le cadre de la préparation du PLF pour 2018.
Vous nous présentiez alors une alternative très simple : soit on mettait en place une baisse de l’imposition, soit les investissements et la modernisation des outils de production n’auraient pas lieu. Je vous ai fait part tout à l’heure de l’analyse de M. Artus sur le sujet…
À la fin de votre intervention, vous aviez annoncé votre intention de soumettre ces choix fiscaux à évaluation dans les deux ans, pour en connaître précisément les effets et le coût pour le budget de l’État, déclarant notamment : « Il est important, surtout quand on fait des choix aussi décisifs pour notre économie, de faire preuve d’une transparence totale ; le Gouvernement y est prêt. »
On a eu depuis des évaluations. France Stratégie, dans un rapport publié en septembre 2021 et intitulé Évaluation de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, s’est demandé si la fiscalité des particuliers n’avait pas incité les entreprises à accroître de 9 milliards d’euros leurs versements de dividendes entre 2017 et 2018.
Une étude de l’Insee de 2020, intitulée Effets des réformes 2018 de la fiscalité du capital des ménages sur les inégalités de niveaux de vie en France : une évaluation par microsimulation, relève quant à elle un coût pour les finances publiques de 3, 4 milliards d’euros, sans effet de comportement.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 224 rectifié est présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 246 rectifié est présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les articles du code général des impôts modifiés par les articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
II. – Les articles du code monétaire et financier modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
III. – L’article L. 315-4 du code de la construction et de l’habitation modifié par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
IV. – Les articles du code de la sécurité sociale modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
V. – L’article L. 16 du livre des procédures fiscales modifié par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
VI. – Les articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont abrogés.
La parole est à M. Daniel Breuiller, pour présenter l’amendement n° 224 rectifié.
Je vais être court, parce que j’ai les mêmes sources que M. Bocquet, notamment les études de France Stratégie.
Je ne puis que constater que le versement de dividendes, lui, est nettement à la hausse, sans que l’investissement augmente considérablement. Nous souhaitons supprimer le PFU, qui représente finalement un cadeau aux plus aisés, mais surtout une flat tax injustifiable, dans la mesure où rien ne saurait motiver, lorsque l’on défend le travail, que celui-ci soit plus imposé que le capital.
La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° 246 rectifié.
Je ne vais pas être très original non plus pour revenir sur cette fameuse flat tax, en citant à mon tour le rapport de France Stratégie que mes deux collègues viennent d’évoquer.
L’objectif initial était de doper les investissements dans l’économie française. Or, quand on examine le rapport, on constate que, si enrichissement il y a eu, c’est au travers de la hausse des dividendes, sans aucune incidence sur l’économie française.
Dans la droite ligne de la position de la commission depuis 2018, l’avis sera défavorable.
J’entends les travaux que vous citez, mais vous n’êtes pas sans savoir que notre commission des finances a aussi travaillé sur le sujet, confirmant l’intérêt de la flat tax, notamment au regard de la complexité et de la lourdeur de l’imposition au barème des revenus du capital.
Je rappelle également que le PFU permet un rapprochement entre notre régime fiscal et ceux de nos partenaires européens.
Enfin, un rapport réalisé par Vincent Éblé et Albéric de Montgolfier avait conclu que cette création s’était traduite par une contraction de la base fiscale, divisant par deux les recettes fiscales perçues au titre des dividendes.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Je veux appuyer ce qui a été dit par mes collègues de gauche.
On parle depuis un bon moment des taxes et des impôts. Monsieur le ministre, vous me direz si je suis dans l’erreur : j’ai examiné l’évolution des taxes sur les individus, en prenant l’impôt sur le revenu, la CSG, la CRDS, et j’ai vu que cela avait bien progressé. Alors qu’elles représentaient 11 % des recettes fiscales en 1990, elles pèsent aujourd’hui 21 %.
La question que l’on peut se poser avec les deux textes sur le pouvoir d’achat que l’on examine successivement est donc la suivante : qui paie le plus et de manière disproportionnée ? Pour nous, la réponse est claire, ce sont bien les individus et les ménages !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 224 rectifié et 246 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 431 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, M. Bilhac, Mme M. Carrère et MM. Guérini, Requier, Roux et Artano, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 155 B du code général des impôts, il est inséré un article 155 …. ainsi rédigé :
« Art. 155…. – Pour les revenus imposables dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, il est pratiqué un abattement forfaitaire de 6 000 € pour la détermination du résultat imposable. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Par cet amendement, ma collègue Nathalie Delattre propose un abattement forfaitaire de 6 000 euros sur le revenu imposable des artisans, agriculteurs et professions libérales soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des bénéfices agricoles, des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux.
Ces professionnels, qui sont particulièrement touchés par les événements climatiques – grêle, sécheresse, voire incendies – et par l’inflation, ne bénéficient souvent pas des dispositifs mis en place pour les salariés. Ils méritent donc de faire l’objet d’une intervention particulière, afin de protéger leur pouvoir d’achat.
Avis défavorable, pour trois raisons.
D’abord, un tel abattement de 6 000 euros peut, dans certains cas, conduire à une exonération d’imposition, ce qui ne me paraît pas forcément souhaitable.
Ensuite, il existe déjà un régime spécifique adapté aux entreprises de petite taille : celui des microentreprises.
Enfin, et surtout, nous n’avons absolument aucune estimation du coût d’une telle mesure.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 175 rectifié ter, présenté par MM. J.B. Blanc, Chatillon et Levi, Mme Chauvin, M. Mandelli, Mme Gosselin, M. Hingray, Mme Ventalon, MM. Frassa, Genet et E. Blanc, Mme V. Boyer, MM. C. Vial, D. Laurent, Darnaud, Sautarel et Bascher, Mme Dumont, MM. Anglars, B. Fournier, Burgoa, Cambon, Pellevat et Joyandet, Mmes Deroche et Noël, MM. Courtial et Brisson, Mmes Goy-Chavent, Demas et Lopez, MM. Bouloux, J.P. Vogel et Somon, Mme Joseph, M. Le Gleut, Mme Canayer et M. A. Marc, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 217 bis du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 217 bis. – Les primes collectées au titre des contrats d’assurance garantissant, à la date de leur perception, les dommages contre les inondations dans les territoires mentionnés à l’article L. 566-5 du code de l’environnement, ne sont pas comprises dans l’assiette de l’impôt sur les sociétés. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc.
La multiplication des inondations et l’aggravation des dommages qu’elles causent exposent de plus en plus les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), désormais légalement compétents en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), au refus des compagnies d’assurances de couvrir ce risque.
Le coût potentiel du risque à couvrir est regardé comme étant si élevé par les compagnies que le montant des primes, sauf à être exagérément augmenté, ne permet pas de mobiliser des sommes à la hauteur de l’enjeu. Les collectivités concernées n’ont donc d’autre choix que de rester, le plus souvent à leur corps défendant, leurs propres assureurs.
Une telle situation n’est évidemment pas tenable. Elle appelle une solution nationale, qui ne saurait passer par une augmentation de la taxe Gemapi.
Le présent amendement a donc pour objet de poser la première pierre d’une incontournable solidarité nationale, en exonérant de l’assiette de l’impôt sur les sociétés les primes collectées par les compagnies d’assurances pour couvrir le risque inondation dans les zones concernées.
Avis défavorable. M. Blanc pose une bonne question, mais la réponse qu’il préconise ne paraît pas adaptée.
En effet, une telle mesure aboutirait à une explosion tarifaire synonyme de non-assurabilité, en contradiction avec la règle de la couverture assurantielle.
Néanmoins, notre collègue soulève un vrai problème. Le risque climatique sous ses différents aspects, des inondations aux sécheresses, est devant nous. Nous ne mesurons pas encore complètement les causes et le coût de certains phénomènes, comme les incendies. Des questions d’assurabilité pourraient donc se poser.
C’est la raison pour laquelle le sujet doit, me semble-t-il, être traité dans le cadre d’une réflexion sur la mutualisation face à ce type de grands risques. Peut-être pourrait-on également avoir recours au fonds de prévention des risques naturels majeurs, ou fonds Barnier, pour autant que son enveloppe puisse être augmentée.
M. le ministre, à défaut de nous annoncer une bonne nouvelle dès aujourd’hui, reconnaîtra peut-être que le chantier mérite d’être ouvert.
Je confirme que le chantier mérite d’être ouvert ! M. Blanc pose une vraie question, mais je ne pense pas que la réponse soit fiscale.
Je rejoins M. le rapporteur général. Je suis prêt à étudier les différentes options, y compris celle du recours au fonds Barnier.
En attendant, je sollicite le retrait de cet amendement.
L’amendement n° 175 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 330, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au quatrième alinéa de l’article 1609 tricies du code général des impôts, le taux : «10, 6 % » est remplacé par le taux : « 13, 6 % ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
Cet amendement a pour objet de soutenir l’Agence nationale du sport en augmentant la taxe sur les paris sportifs en ligne.
Alors que l’on constate que les opérateurs de paris réalisent cette année des chiffres d’affaires historiques, comme c’était déjà le cas en 2021, les médecins addictologues, pour leur part, observent un mouvement parallèle dans leurs consultations. Selon un psychiatre, président de la Fédération Addiction, les publics visés sont les jeunes précaires des quartiers, qui cherchent un avenir heureux, mais ce sont aussi ceux pour qui le coût des paris sur leur vie sera le plus difficile à endiguer. Selon Santé publique France, 60 % du chiffre d’affaires des paris sportifs vient de joueurs problématiques, avec 24, 8 % de jeu excessif.
Aussi, et puisque nous faisons œuvre de compromis, nous vous proposons de porter le taux de la taxe sur les paris sportifs en ligne de 10, 6 % à 13, 6 %. Les recettes supplémentaires seraient affectées à l’Agence nationale du sport, dont l’une des missions est – vous le savez – le développement des pratiques sportives.
Nous sommes défavorables à une augmentation de l’ordre de 30 % de la taxe sur les paris sportifs en ligne.
Néanmoins, la question du montant des paris et du risque d’addiction mérite peut-être que l’on s’y penche de nouveau. Une réponse a déjà été apportée voilà trois ans dans le cadre de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte).
À mon sens, avant de décider d’une éventuelle augmentation de la taxe sur les paris sportifs en ligne, de surcroît dans de telles proportions, il est nécessaire d’avoir une bonne connaissance du problème pour l’appréhender dans sa globalité.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 432 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Artano, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 1 du I de l’article 244 quater F du code général des impôts, les mots : « de leurs salariés » sont remplacés par les mots : « des personnes travaillant dans l’entreprise ».
II. – Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er octobre 2024 un rapport présentant la pertinence de l’extension du crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater F du code général des impôts aux indépendants, son incidence économique, l’évolution du coût du crédit d’impôt et du nombre de ses bénéficiaires.
III. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Cet amendement de Mme Nathalie Delattre vise à étendre le bénéfice du crédit d’impôt famille (Cifam) aux travailleurs indépendants, professions libérales, gérants non-salariés, entreprises individuelles, artisans et autoentrepreneurs.
Actuellement, ce crédit d’impôt ne bénéficie qu’aux entreprises industrielles, commerciales, libérales ou agricoles soumises à un régime réel d’imposition. À ce jour, les travailleurs non-salariés, professions libérales, artisans, commerçants et gérants non-salariés n’y ont pas droit. Ils ne peuvent mettre leurs enfants que dans des crèches municipales. Or nous savons tous ici combien il est difficile de trouver des places de crèche ; pour rappel, il en manque environ 230 000 dans notre pays. De surcroît, la plupart du temps, les amplitudes horaires des crèches ne sont pas adaptées aux horaires des professions concernées.
Les travailleurs non-salariés, professions libérales, artisans, commerçants et gérants non-salariés ont été durement éprouvés par la crise sanitaire. L’extension du dispositif serait une véritable mesure incitative pour le retour à l’emploi de nombreuses personnes. L’élargissement des conditions d’utilisation du Cifam pour soutenir les indépendants et la politique familiale en France est aujourd’hui primordial.
La commission sollicite le retrait de cet amendement.
Le crédit d’impôt famille vise à permettre aux entreprises de financer, pour les salariés, des actions en faveur de la création et du fonctionnement de structures d’accueil pour la petite enfance, ainsi que des dépenses de services à la personne. Il s’agit en fait d’aider les entreprises à agir de la sorte, en complément des dispositifs fiscaux dont les salariés peuvent déjà bénéficier, comme le chèque emploi service universel (CESU).
Or ce qui proposé dans cet amendement contreviendrait à la logique du dispositif, puisqu’une entreprise sans salarié serait éligible. Comme un dirigeant d’entreprise peut déjà bénéficier du CESU, il y aurait un biais : la personne qui déciderait de la dépense engagée par l’entreprise dans le cadre du crédit d’impôt famille serait également celle qui en bénéficierait. Cela me paraît aller à l’opposé de la logique du Cifam.
L’amendement n° 432 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 69 rectifié quinquies est présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, MM. Karoutchi et Bascher, Mme N. Goulet, M. Bonnus, Mme Micouleau, MM. Pellevat et Genet, Mme V. Boyer, MM. Calvet, Sol et Anglars, Mme Noël, M. Daubresse, Mmes M. Mercier et Goy-Chavent, M. Favreau, Mme Demas, MM. Belin, Burgoa et Rapin, Mmes Dumont et Lopez, MM. Cambon et Tabarot, Mmes Belrhiti et Ventalon, M. Sautarel, Mme Garriaud-Maylam, MM. Lefèvre, B. Fournier, D. Laurent et Frassa, Mme Billon, MM. Courtial et Chatillon, Mme Lassarade, M. Paccaud, Mme Gruny, M. Longeot, Mme Petrus, MM. Charon et Mandelli, Mme Procaccia, MM. Piednoir, Rietmann et Pointereau, Mme Férat, M. Gueret, Mme F. Gerbaud, MM. Houpert, Saury, Levi, Somon et P. Martin, Mme de Cidrac, M. Gremillet et Mme Jacquemet.
L’amendement n° 232 rectifié est présenté par MM. Dantec, Breuiller, Parigi et Benarroche, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de l’article 27 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du 1, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2023 » ;
2° Au premier alinéa du 6, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2023 ».
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Arnaud Bazin, pour présenter l’amendement n° 69 rectifié quinquies.
La loi de finances pour 2021 avait institué un crédit d’impôt pour les PME qui investissent dans leur rénovation énergétique.
Néanmoins, le dispositif a peiné à se déployer, pour des raisons évidentes : crise sanitaire, difficultés économiques, problèmes d’approvisionnement. Surtout, l’instruction administrative pour son application n’a été publiée que le 30 juin 2021, sachant que le dispositif se terminait au 31 décembre de la même année !
Comme cette mesure avait semblé excellente à tout le monde, nous proposons de la faire revivre jusqu’au 31 décembre 2023.
La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 232 rectifié.
La mesure dont nous parlons est effectivement, me semble-t-il, importante et assez consensuelle, puisque nous avons encore voté en sa faveur lors de l’examen de la loi de finances pour 2022. Malheureusement, cela n’avait pas survécu à la navette.
Je profite de l’occasion pour regretter que l’un des grands absents de ce projet de loi de finances rectificative, comme du texte sur le pouvoir d’achat, soit la rénovation du bâti, privé ou public. On a pourtant bien compris, au vu de la crise actuelle et de la guerre en Ukraine, qu’il fallait absolument investir pour notre autonomie énergétique et accélérer cette rénovation.
Monsieur le ministre, avec cet amendement, nous rejoignons aussi votre souci de conforter le monde économique, car de tels investissements permettront aussi, par définition, aux entreprises de diminuer leurs coûts de production. Elles en sortiront plus fortes sur notre territoire.
Il convient donc vraiment d’envoyer ce signal important en matière de rénovation. C’est une mesure consensuelle. En outre, comme M. Bazin l’a très bien rappelé, elle n’a pu s’appliquer que pendant six mois la première année.
Mais cela va plus loin. Nous ne répondrons vraiment à la crise actuelle, au-delà d’un certain nombre de mesures pour le pouvoir d’achat, que si nous diminuons nos consommations d’énergie. La rénovation est bien au cœur de cette stratégie.
Cela ne vous surprendra pas, je suis favorable à une telle mesure ! Se projeter jusqu’à la fin de 2023 me paraît une bonne formule.
Voilà en tout cas la démonstration que nous sommes encore très timorés par rapport aux engagements concrets que notre pays a pris en matière de rénovation énergétique et d’appréhension du bon niveau d’isolation des bâtiments et de compacité de la construction. La lutte contre le réchauffement climatique passe évidemment – c’est le premier facteur – par le bâti. Or le plus facile, puisqu’il faut aller vite, est la rénovation des bâtiments.
J’ai entendu parler de planification. Pour ma part, j’estime qu’il faut d’abord une stratégie : accélérer, encourager les acteurs, mais aussi évaluer pour mieux accompagner.
C’est l’une des rares fois où je ne serai pas du même avis que M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous allons gagner !
Sourires.
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous verrons, monsieur le rapporteur général.
Nouveaux sourires.
L’amendement concerne une mesure que nous avions engagée pour la relance. Il s’agissait de s’assurer de l’accélération des travaux énergétiques sur les bâtiments tertiaires. Or le principe des mesures de relance est d’être retirées une fois le coup d’accélération donné, sous peine de créer des effets d’aubaine dont la facture se chiffre en dizaines de millions d’euros, alors même qu’il y a pléthore de dispositifs de soutien à la rénovation énergétique des bâtiments.
M. Ronan Dantec fait un geste de dénégation.
Le mécanisme proposé ne me paraît pas indispensable, même si j’en comprends la philosophie. Une fois que la relance a été acquise – c’est le cas, nous avons retrouvé le niveau de développement économique antérieur à la crise, et très rapidement par rapport à nos partenaires de la zone euro –, il n’y a plus de raison de maintenir le dispositif alors qu’il existe d’autres soutiens à la rénovation énergétique à la fois très puissants et très coûteux pour les finances publiques.
Monsieur le ministre, je ne comprends pas votre argument. On nous répète toutes les semaines que la priorité est aujourd’hui à la sobriété énergétique. Or le dispositif, qui n’a jamais vraiment fonctionné, nous offre la possibilité d’avancer en ce sens. Pourquoi s’y opposer ?
La relance n’a pas eu lieu, en tout cas dans ce secteur, puisque le dispositif n’a pas pu vivre. En 2021, il a été entravé par la crise sanitaire, les difficultés d’approvisionnement et la publication tardive, au milieu de l’année, des instructions administratives.
Au-delà de la relance, c’est une question de sobriété énergétique, mais aussi d’économies pour les entreprises, qui s’en trouveront plus performantes. C’est donc indirectement une hausse du pouvoir d’achat.
Encore une fois, je ne comprends pas du tout votre argumentation !
Monsieur le ministre, êtes-vous capable de me citer les dispositifs coûteux pour l’État qui permettent aujourd’hui la rénovation du bâti des TPE et des PME ? Ils n’existent pas ! Il y a, certes, les certificats d’économies d’énergie (C2E), mais ils couvrent une part extrêmement minime des coûts. J’ai étudié assez précisément le sujet : les dispositifs coûteux pour l’État dont vous parlez n’existent tout simplement pas !
Il est donc temps, à mes yeux, d’envoyer un tel signal, si important. Car si nous n’allons pas à marche forcée vers la réduction de la dépendance aux énergies fossiles, nous n’aurons rien compris, y compris au discours de l’État.
Monsieur le ministre, nous attendions simplement de vous que vous nous annonciez lever le gage sur cette mesure totalement consensuelle, voire que vous passiez un coup de fil à la fondation Total pour qu’elle verse 100 millions d’euros par philanthropie !
Exclamations amusées sur des travées des groupes GEST et UC.
Je voudrais rappeler que, l’année dernière, pendant l’examen du projet de loi de finances pour 2022, nous avions sollicité un document de politique transversale sur toutes les politiques liées aux économies d’énergie, qui sont menées par différentes administrations et qui ne sont donc pas toujours visibles dans leur ensemble. Un tel « orange budgétaire » est facile à lire et permet d’englober l’ensemble des dispositifs et leur évaluation. Je réitère cette demande dans la perspective de l’examen du prochain projet de loi de finances, monsieur le ministre.
Mme Goulet demande un « orange budgétaire ». Dans le projet de loi de finances, on nous avait vanté le « budget vert »…
La démonstration me semble faite que les moyens ont manqué. Comme vous l’avez souligné vous-même, monsieur le ministre, pour la relance, peu de dispositifs ont été engagés. Or s’il y a peu de dispositifs, c’est peu coûteux pour les finances publiques !
J’invite donc le Gouvernement à prendre l’engagement de réunir certains grands partenaires du secteur privé de l’économie – des énergéticiens, mais aussi des professionnels du bâtiment – pour imaginer des dispositifs permettant de changer de braquet en matière de rénovation du bâti, qu’il s’agisse de bâtiments publics ou privés, ou encore du parc des bailleurs sociaux. Aujourd’hui, en France, 7 millions de logements sont des passoires thermiques ! Il y a donc du boulot pour tout le monde.
On a bien vu l’effet d’entraînement de la baisse de l’impôt sur les sociétés. Si l’on parvient à changer de braquet pour les travaux de rénovation, les résultats profiteront à tout le monde. Je pense avant tout à la chute de la précarité énergétique, économique et sociale des ménages les plus concernés par ces dispositifs, mais aussi de celle des entreprises.
Je ne conteste pas du tout le raisonnement de M. le rapporteur général, mais je souhaite formuler quelques observations.
Premièrement, engager un débat sur la rénovation énergétique des bâtiments, et notamment de ceux des PME et des TPE, serait largement s’éloigner de la discussion sur le pouvoir d’achat.
M. Ronan Dantec le conteste.
Deuxièmement, il y a bien des mesures qui existent pour la rénovation énergétique des bâtiments.
Je pense notamment au guichet de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) pour les PME et TPE, qui est doté de 35 millions d’euros.
On peut toujours regretter que ce ne soit pas assez, mais cela a le mérite d’exister.
Je vois bien l’intérêt du crédit d’impôt proposé ici. Si absolument aucune contrainte ne pesait sur nos finances publiques, je vous dirais : « Allons-y ! » Mais chaque fois que l’on met en place un crédit d’impôt, on engage des dépenses publiques qui se chiffrent par dizaines de millions d’euros.
Par conséquent, avant d’appuyer sur le bouton, je pense qu’il convient de faire une évaluation très précise. Le dispositif de l’Ademe fonctionne-t-il bien ? Les crédits du plan de relance – 300 millions d’euros y étaient alloués à la rénovation énergétique des PME ! – ont-ils été suffisants ou non ? Qui en a bénéficié ? Quels en sont les effets d’aubaine ?
Une fois encore, il me semble qu’on appuie trop facilement sur les boutons « dépense publique » et « crédit d’impôt ».
Je mets aux voix les amendements identiques n° 69 rectifié quinquies et 232 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 1er A.
I. – Par dérogation à la première phrase du premier alinéa du 19° de l’article 81 du code général des impôts, la limite de l’exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales du complément de rémunération résultant de la contribution de l’employeur à l’acquisition par le salarié des titres-restaurant émis du 1er septembre 2022 au 31 décembre 2022 est portée à 5, 92 euros par titre.
II. – Les montants dans la limite desquels, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné au second alinéa du I de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale, les remboursements des salariés au titre des dépenses supplémentaires de nourriture qu’ils supportent lors de l’accomplissement de leurs missions ne sont pas considérés comme des revenus d’activité sont revalorisés à compter du 1er septembre 2022 par application d’un coefficient déterminé par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, dans la limite du coefficient prévu au premier alinéa du I de l’article 5 de la loi n° … du … portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. –
Adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 316 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Antiste, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bourgi, Cardon et Chantrel, Mme Conconne, MM. Cozic et Devinaz, Mmes Espagnac, G. Jourda et Lubin, M. Mérillou, Mme Monier, M. Pla, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy et Vaugrenard et Mmes Le Houerou, Meunier et Féret, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du 19° de l’article 81 du code général des impôts, le montant : « 5, 69 € » est remplacé par le montant : « 7, 50 € » et les mots : « un minimum et un maximum fixés par arrêté du ministre chargé du budget » sont remplacés par les mots : « 50 % et 70 % ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
Cet amendement vise à répondre à la hausse du budget alimentaire que les Français connaissent malheureusement, de manière continue, depuis de nombreuses semaines, et ce par la revalorisation d’un outil immédiatement opérationnel : le titre-restaurant.
Utilisé par plus de 4, 5 millions de salariés en France, ce titre doit être revalorisé à la hauteur de l’inflation des produits alimentaires et des cartes des restaurants.
Par conséquent, nous proposons d’augmenter le plafond d’exonération de la part employeur à 7, 50 euros, contre 5, 69 euros aujourd’hui. Cette augmentation de 30 % permettra à la valeur maximale du titre-restaurant d’égaler le prix moyen d’un déjeuner équilibré au restaurant en France, soit 15 euros.
De même, afin d’éviter d’augmenter la part financée par les salariés, nous proposons d’élargir l’amplitude de négociation de la prise en charge du titre-restaurant par l’employeur, aujourd’hui située entre 50 % et 60 % de la valeur du titre, pour qu’elle puisse désormais varier entre 50 % et 70 %. Ce dispositif, non contraignant pour les employeurs, pourra être un élément supplémentaire de dialogue social.
Le sujet a déjà été abordé de manière transpartisane à l’Assemblée nationale, mais les augmentations proposées par le Gouvernement ne sont pas à la hauteur des enjeux. Ainsi, en répondant à l’urgence sociale de la hausse des prix des produits alimentaires et en facilitant l’accès à un repas sain et de qualité, la revalorisation du titre-restaurant constitue une mesure de bon sens pouvant être immédiatement mise en place.
L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par MM. Klinger, Anglars et Bacci, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonnus, Bouloux, J.M. Boyer, Brisson et Burgoa, Mmes Canayer et de Cidrac, MM. Charon, Courtial et Darnaud, Mmes Deroche et Drexler, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Genet, Mme F. Gerbaud, MM. Houpert et Joyandet, Mme Lassarade, M. Le Gleut, Mme Lopez et MM. Meignen, Paccaud, Pellevat, Perrin, Piednoir, Rapin, Rietmann, Sautarel, Savary, Tabarot et C. Vial, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du 19° de l’article 81 du code général des impôts, le montant : « 5, 69 € » est remplacé par le montant : « 7, 50 € ».
II. – La disposition entre en vigueur le 1er septembre 2022
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Christian Klinger.
Par cet amendement, nous proposons de relever de 11 euros à 15 euros le montant journalier des titres-restaurant pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés face à l’inflation galopante des prix de l’alimentation.
Aujourd’hui, la valeur du titre-restaurant n’est pas cohérente avec le prix réel d’un repas en restauration. Elle n’a pas suivi le rythme d’augmentation des prix au cours des dix dernières années. La conséquence est tout simplement l’érosion du pouvoir d’achat des 4, 8 millions de salariés qui en bénéficient.
Le Gouvernement s’est par ailleurs engagé à relever par décret de 19 euros à 25 euros le plafond journalier d’utilisation. C’est une mesure positive, et nous la saluons, mais elle reviendra seulement à permettre aux salariés de dépenser plus rapidement les mêmes sommes allouées au repas du midi et aux courses du ménage.
La revalorisation à 15 euros du montant journalier répondra aux inquiétudes de nos concitoyens concernant la hausse des prix de l’alimentation. Le ticket restaurant est l’avantage social préféré des Français. Sa revalorisation est vertueuse pour l’ensemble des parties prenantes.
Pour l’État, il s’agirait de 140 millions d’euros de recettes nettes supplémentaires par an. En effet, pour 1 euro investi par l’État en exonération fiscale, celui-ci récupère 1, 60 euro de taxe additionnelle liée à l’activité économique ainsi induite.
Pour le salarié, c’est une augmentation de pouvoir d’achat de 413 euros par an.
Pour le secteur de la restauration, ce serait quelque 10 000 créations d’emploi et une augmentation du chiffre d’affaires de 650 millions d’euros.
Enfin, pour les entreprises, il s’agirait de revaloriser, dans le cadre du dialogue social, un complément de salaire et un outil de fidélisation des collaborateurs.
En résumé, ce n’est pas seulement gagnant-gagnant : c’est quatre fois gagnant pour l’État, les salariés, les restaurateurs et les entreprises !
Je mise sur le « quatre fois gagnant » de Christian Klinger en émettant un avis de sagesse sur son amendement n° 1 rectifié ter !
L’amendement n° 316 rectifié ter de M. Tissot est assez similaire, à une différence près : M. Klinger ne propose pas de toucher à l’exonération de la part patronale, restant ainsi attentif à la dépense publique. C’est pourquoi je demande à M. Tissot de bien vouloir retirer son amendement.
Nous avons anticipé : la revalorisation actuelle me semble suffisante. Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
En revanche, comme je l’ai indiqué, nous sommes très ouverts à une augmentation de 19 euros à 25 euros du plafond journalier des tickets restaurant.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er A.
L’amendement n° 225 rectifié n’est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 370 rectifié, présenté par MM. Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les I à VI sont ainsi rédigés :
« I. – Une taxe s’applique aux opérations suivantes, dès lors qu’au moins une des parties à la transaction est établie sur le territoire français et qu’un établissement financier établi sur le territoire français est partie à la transaction, pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, ou agit au nom d’une partie à la transaction :
« 1° L’achat ou la vente d’un instrument financier, au sens de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier, avant compensation ou règlement ;
« 2° Le transfert, entre entités d’un même groupe, du droit de disposer d’un instrument financier en tant que propriétaire, ou toute opération équivalente ayant pour effet le transfert du risque associé à l’instrument financier, dans les cas autres que ceux mentionnés au 1° du présent I ;
« 3° La conclusion de contrats financiers, au sens de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier, avant compensation ou règlement ;
« 4° L’échange d’instruments financiers.
« II. – La taxe n’est pas applicable :
« 1° Aux opérations d’achat réalisées dans le cadre d’une émission de titres de capital ;
« 2° Aux opérations réalisées par une chambre de compensation, au sens de l’article L. 440-1 du même code, dans le cadre des activités définies à ce même article L. 440-1, ou par un dépositaire central, au sens du 3° du II de l’article L. 621-9 dudit code, dans le cadre des activités définies à ce même article L. 621-9.
« III. – La taxe est assise :
« 1° Sur la valeur d’acquisition du titre, pour les transactions autres que celles concernant des contrats dérivés. En cas d’échange, à défaut de valeur d’acquisition exprimée dans un contrat, la valeur d’acquisition correspond à la cotation des titres sur le marché le plus pertinent en termes de liquidité, au sens de l’article 9 du règlement (CE) n° 1287/2006 de la Commission du 10 août 2006 portant mesures d’exécution de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les obligations des entreprises d’investissement en matière d’enregistrement, le compte rendu des transactions, la transparence du marché, l’admission des instruments financiers à la négociation et la définition des termes aux fins de ladite directive, à la clôture de la journée de bourse qui précède celle où l’échange se produit. En cas d’échange entre des titres d’inégale valeur, chaque partie à l’échange est taxée sur la valeur des titres dont elle fait l’acquisition ;
« 2° Sur le montant notionnel du contrat dérivé au moment de la transaction financière, dans le cas des transactions concernant des contrats dérivés. Lorsqu’il existe plus d’un montant notionnel, le montant le plus élevé est pris en considération pour la détermination du montant imposable.
« IV. – La taxe devient exigible pour chaque transaction financière :
« 1° Au moment où la taxe devient exigible lorsque la transaction est effectuée par voie électronique ;
« 2° Dans les trois jours ouvrables suivant le moment où la taxe devient exigible dans tous les autres cas. L’annulation ou la rectification ultérieure d’une transaction financière est sans incidence sur l’exigibilité, sauf en cas d’erreur.
« V. – Le taux de la taxe est fixé :
« 1° À 0, 4 %, pour les transactions autres que celles concernant des contrats dérivés ;
« 2° À 0, 01 % en ce qui concerne les transactions financières concernant des contrats dérivés.
« VI. – Pour chaque transaction financière, la taxe est due par tout établissement financier qui remplit l’une des conditions suivantes :
« 1° Il est partie à la transaction, qu’il agisse pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers ;
« 2° Il agit au nom d’une partie à la transaction ;
« 3° La transaction a été effectuée pour son compte. Lorsqu’un établissement financier agit au nom ou pour le compte d’un autre établissement financier, seul cet autre établissement financier est redevable du paiement de la taxe sur les transactions financières. Lorsque la taxe n’a pas été acquittée dans les délais fixés au IV, toute partie à une transaction, même s’il ne s’agit pas d’un établissement financier, est tenue solidairement responsable du paiement de la taxe due par un établissement financier pour cette transaction. » ;
2° Les VII à XI sont abrogés.
La parole est à M. Daniel Breuiller.
Cet amendement vise à modifier l’assiette et le taux de la taxe sur les transactions financières (TTF) pour la rendre véritablement efficace au regard de son objectif : réduire la spéculation et les risques d’instabilité.
Cette taxe Tobin est particulièrement importante dans une période inflationniste comme celle que nous vivons. La spéculation financière sur la nourriture bat son plein, sur fond de crise alimentaire internationale, et la remontée des taux d’intérêt entraîne une activité spéculative soutenue sur les monnaies.
Taxer d’un petit montant chaque transaction permet de percevoir des ressources pour l’État, mais aussi de tracer les mouvements de fonds pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale, et, surtout, de pénaliser les acteurs qui multiplient les petites opérations d’arbitrage ou de spéculation à des fréquences toujours croissantes, contribuant ainsi largement à l’instabilité financière et économique.
Selon l’association Attac, en taxant les transactions sur les actions et les produits structurés à 0, 1 % et certains produits dérivés à 0, 01 %, on pourrait dégager 36 milliards d’euros par an à l’échelle européenne, dont 10, 8 milliards pour la France. En comparaison, les recettes issues de la prétendue TTF française, qui n’est qu’un impôt de bourse, sont négligeables.
L’amendement n° 326 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « que son acquisition donne lieu à un transfert de propriété, au sens de l’article L. 211-17 du même code, » sont supprimés ;
b) Au deuxième alinéa, après les mots : « s’entend », sont insérés les mots : « de l’exécution d’un ordre d’achat ou, à défaut, » ;
2° Au V, le taux : « 0, 3 % » est remplacé par le taux : « 0, 6 % » ;
3° Au premier alinéa du VII, après la seconde occurrence du mot : « titre, », sont insérés les mots : « ou s’il n’y a pas de livraison du titre, » ;
4° La seconde phrase du VIII est ainsi rédigée : « Un décret précise que l’acquisition donne lieu ou non à un transfert de propriété au sens de l’article L. 211-17 du même code, la nature de ces informations, qui incluent le montant de la taxe due au titre de la période d’imposition, les numéros d’ordre quand ils existent des opérations concernées, la date de leur réalisation, la désignation, le nombre et la valeur des titres dont l’acquisition est taxable et les opérations exonérées, reparties selon les catégories d’exonération mentionnées au II du présent article. »
II. – Le I s’applique aux acquisitions réalisées trois mois à compter de la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Éric Bocquet.
Cet amendement a le même objet que celui qui vient d’être présenté par M. Breuiller. Je considère qu’il est défendu.
Avis défavorable. Le sujet devrait plutôt être examiné loi de finances initiale et, surtout – cela a toujours été notre ligne de conduite –, faire l’objet de réflexions et de discussions à l’échelon européen.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
I. – Par dérogation au b du 19° ter de l’article 81 du code général des impôts, pour l’imposition des revenus des années 2022 et 2023, l’avantage résultant de la prise en charge par l’employeur des frais de carburant ou des frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène engagés par les salariés dans les conditions prévues à l’article L. 3261-3 du code du travail et des frais mentionnés à l’article L. 3261-3-1 du même code est exonéré d’impôt sur le revenu dans la limite globale de 700 € par an, dont 400 € au maximum pour les frais de carburant. Par exception, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, la limite globale est portée à 900 euros, dont 600 euros pour les frais de carburant.
II. – Par dérogation aux trois premiers alinéas de l’article L. 3261-3 du code du travail, l’employeur peut prendre en charge, au titre de l’année 2022 et de l’année 2023, dans les conditions prévues à l’article L. 3261-4 du même code, tout ou partie des frais de carburant et des frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène engagés par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail. Par dérogation au dernier alinéa de l’article L. 3261-3 dudit code, la prise en charge par l’employeur des frais mentionnés au même article L. 3261-3 exposés par ses salariés peut, au titre de l’année 2022 et de l’année 2023, être cumulée avec la prise en charge prévue à l’article L. 3261-2 du même code.
L’amendement n° 335 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À l’article L. 3261-2 du code du travail, les mots : « dans une proportion et » sont remplacés par les mots : « intégralement et dans ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
Nous proposons la prise en charge intégrale par l’employeur de l’abonnement de transport de son salarié.
En commission, un débat s’est tenu pour déterminer qui, entre les ménages, les administrations publiques ou les entreprises, allait contribuer à la maigre revalorisation du pouvoir d’achat de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Les entreprises pourront s’enquérir du sort des travailleurs, mais sans en avoir l’obligation. Prime ou pas, intéressement ou pas, revalorisation des salaires ou pas, une chose est certaine : il y aura les travailleurs qui auront et ceux qui n’auront pas !
Une telle proposition nous paraît intéressante. Si nous adoptons cet amendement, les entreprises devront prendre en charge l’intégralité du coût de l’abonnement des travailleurs pour les trajets effectués entre leur domicile et le lieu de travail. Cette mesure concrète de pouvoir d’achat est accessoire au salaire et ne coûte pas un euro d’argent public : voilà deux raisons pour qu’elle vous plaise, mes chers collègues !
Les transports en commun sont aujourd’hui utilisés par 44 % des travailleurs se situant dans l’aire d’attractivité de Paris, contre 14 % dans les autres pôles d’attractivité et 8 % seulement en moyenne nationale. Ces fortes disparités sont principalement dues aux carences de l’offre de transports en commun, qui rendent impossible toute alternative au trajet effectué en véhicule personnel dans beaucoup de territoires. Or le coût des transports en commun ne fait pas l’objet d’une tarification particulière selon les revenus. Plus d’un ouvrier sur dix prend les transports en commun, mais il paiera assurément le même tarif par exemple, qu’un cadre. Il en va de même pour les 16 % d’employés qui optent pour ce moyen de transport.
Mme Borne, qui fut un temps ministre des transports, s’était opposée à une telle proposition, affirmant : « Je ne pense pas un instant que des salariés prendraient davantage les transports en commun si leur abonnement était remboursé à 100 %. » Elle allait même jusqu’à parler de « surenchère ».
Avis défavorable.
À mon sens, ce n’est pas tout à fait le moment d’augmenter de 50 % à 100 % la part du coût de l’abonnement de transport assumée par les entreprises. Contrairement à ce que vous affirmez, cela aurait bien des incidences sur les finances publiques, du fait de l’exonération de charges couverte par l’État.
Il ne vous aura pas échappé qu’un certain nombre de mesures sont également prises en faveur de nos concitoyens habitant dans des territoires peu ou mal desservis par les transports en commun. Elles seront à la main des entreprises.
Évitons de multiplier les dispositifs. Mieux vaut les rationaliser et les évaluer. Il sera toujours temps ensuite de voir s’il est nécessaire d’en ajouter d’autres.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 389 rectifié est présenté par MM. Tabarot, Longeot et Mandelli.
L’amendement n° 397 rectifié est présenté par M. Rambaud.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Pour les années 2022 et 2023, la prise en charge par les employeurs du coût des abonnements souscrits par leurs salariés réalisée dans les conditions prévues à l’article L. 3261-2 du code du travail qui excède 50 % du coût de ces abonnements bénéficie des dispositions prévues au a du 19° ter de l’article 81 du code général des impôts et au d du 4 du III de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Philippe Tabarot, pour présenter l’amendement n° 389 rectifié.
Cet amendement vise à modifier les règles relatives à la prise en charge de 50 % des abonnements souscrits par le salarié pour ses trajets entre son domicile et son lieu de travail.
Actuellement, comme vous le savez, le code du travail prévoit une obligation pour l’employeur de prendre en charge 50 % des titres d’abonnement relatifs aux transports publics de personnes et de service public de location des vélos. Cette prise en charge bénéficie d’avantages fiscaux et sociaux aussi bien pour l’employeur que pour le salarié.
L’amendement vise à mettre en place la possibilité pour l’employeur qui le souhaite – j’y insiste – de prendre en charge le coût des abonnements souscrits par ses salariés au-delà de la limite de 50 %, et avec l’application des mêmes avantages fiscaux et sociaux. Le salarié verrait ainsi son pouvoir d’achat augmenter dès la promulgation du texte sans application d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales sur cette prise en charge.
La parole est à M. Didier Rambaud, pour présenter l’amendement n° 397 rectifié.
Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté. J’illustrerai le dispositif proposé par deux exemples pris dans mon département. Si un employeur met en place le dispositif, un salarié ayant un abonnement annuel TER pourra récupérer 54 euros par mois, soit 648 euros par an, pour un trajet entre Voiron et Grenoble, et environ 79 euros par mois, soit 948 euros par an, pour un trajet entre Bourgoin-Jallieu et Lyon-Part-Dieu.
Une telle mesure me paraît intéressante et pertinente pour celles et ceux qui prennent le train.
L’amendement n° 398 rectifié, présenté par M. Rambaud, est ainsi libellé :
I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Pour l’année 2022, la prise en charge par les employeurs du coût des abonnements souscrits par leurs salariés réalisée dans les conditions prévues à l’article L. 3261-2 du code du travail qui excède 50 % du coût de ces abonnements bénéficie des dispositions prévues au a du 19° ter de l’article 81 du code général des impôts et au d du 4 du III de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Didier Rambaud.
Cet amendement de repli vise à rendre la mesure applicable seulement en 2022, et non plus en 2022 et en 2023.
La commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Il n’y a ni obligation ni nouvelle contrainte pour les entreprises. Par ailleurs, c’est incitatif. Surtout, c’est borné dans le temps.
Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.
Avis défavorable.
Je m’inscris dans le droit fil des propos de Bruno Le Maire. Les intentions sont louables, et nous partageons les objectifs, mais on ne peut faire abstraction du cadre financier.
En l’occurrence, l’adoption de ces amendements représenterait pour l’État et la sécurité sociale jusqu’à 255 millions d’euros.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains le contestent.
Je le répète, nous sommes conduits à faire des choix dans un cadre financier contraint. Il nous faut trouver les mesures les plus efficaces pour accompagner les Français et leur redonner du pouvoir d’achat face à l’inflation en tenant compte des marges dont nous disposons.
Certaines mesures ont déjà été adoptées pour favoriser l’usage des transports en commun et améliorer le pouvoir d’achat des Français ayant recours à ce mode de déplacement. Bruno Le Maire les a rappelés dans la discussion générale : la possibilité de cumuler la prime carburant avec une prise en charge des transports en commun, le forfait mobilités durables élaboré à l’Assemblée nationale. Nous aurons de nouveau ces débats à d’autres échéances, notamment lors de l’examen du prochain projet de loi sur l’orientation des mobilités.
Monsieur le ministre, je ne suis pas d’accord avec votre évaluation, qui me semble faite au doigt mouillé.
J’insiste sur le caractère facultatif de la mesure, qui laisse une grande liberté aux employeurs. Par ailleurs, j’indique que cet amendement a été travaillé avec le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, M. Jean-François Longeot, avec le whip Didier Mandelli, et, plus largement, avec le monde du transport. Au ministère des transports, beaucoup y sont également favorables.
Je ne comprends pas vos arguments, et je me fais une joie de voir mon amendement mis aux voix.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe GEST.
Le chiffrage établi par les services du ministère des comptes publics et la direction du budget s’appuie sur des faits.
Tout à l’heure, lorsqu’un amendement auquel le Gouvernement s’était opposé était en passe d’être adopté, Bruno Le Maire a indiqué en toute transparence que la mesure se chiffrait en dizaines de millions d’euros. Nous n’avons pas cherché à majorer le coût.
Si la mesure proposée était adoptée et si le taux de recours était important, cela coûterait jusqu’à 255 millions d’euros.
Quand on met en place des dispositifs, l’objectif est que les gens s’en saisissent !
Je me dois d’être transparent avec vous sur le cadre financier qui est le nôtre et sur l’implication budgétaire des amendements qui sont proposés. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles le Gouvernement est contraint d’émettre un avis défavorable.
J’ajoute que d’autres dispositifs visant à soutenir les trajets domicile-travail des Français, quel qu’en soit le mode – transport en commun, voiture individuelle ou cumul des deux –, ont été adoptés et pourront être renforcés. La mesure proposée nous semble aller au-delà de ce que nous pouvons faire aujourd’hui.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 389 rectifié et 397 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, l’amendement n° 398 rectifié n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 1er B, modifié.
L ’ article 1 er B est adopté.
L’amendement n° 520, présenté par MM. Segouin et J.P. Vogel, Mmes Deroche et Gosselin, M. Reichardt, Mme Belrhiti, MM. Bouchet, Houpert, Sautarel, D. Laurent, Calvet, Darnaud et Pointereau, Mme Ventalon, MM. Rietmann, Paccaud et Savary, Mme Bourrat, MM. Frassa, E. Blanc et Genet, Mme Dumont, MM. Belin, Charon, C. Vial, Cuypers, Chatillon et B. Fournier, Mme Imbert, M. Le Gleut et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l’article 1er B
Insérer une division additionnelle ainsi rédigée :
Augmentation du barème kilométrique de 20 % pour tous les véhicules thermiques.
La parole est à M. Vincent Segouin.
L’inflation subie est de 8, 6 % dans les territoires ruraux, contre 5, 1 % en moyenne pour l’ensemble des Français. Elle est essentiellement due au prix des carburants – cela a souvent été souligné – et à la nécessité d’utiliser son véhicule pour aller travailler chaque jour.
Le barème kilométrique des véhicules électriques a augmenté de 20 % au mois de février 2022, alors que celui des véhicules thermiques n’a augmenté que de 10 %. Pourtant, des mesures ont été prises pour plafonner le prix de l’électricité, mais rien n’a encore été décidé pour les énergies fossiles.
Cet amendement vise donc à augmenter le barème kilométrique de 20 % pour les véhicules thermiques.
La commission demande le retrait de cet amendement, pour une raison simple : ce qui est proposé relève du domaine réglementaire. De surcroît, le dispositif ne serait pas opérationnel d’emblée, puisque l’amendement a pour seul objet d’introduire dans la loi un titre de division.
Je le rappelle, plusieurs mesures relativement ciblées font partie de ce projet de loi de finances rectificative, et il faut veiller à maintenir un équilibre entre les dispositifs qui existent déjà et ceux qui sont prévus par le texte.
Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Nous avons pris des mesures pour revaloriser le barème kilométrique.
Par ailleurs, Bruno Le Maire l’a rappelé, le texte contient des mesures massives qui permettront de faire baisser le prix du carburant jusqu’à 1, 50 euro le litre au mois de septembre prochain. Il s’est également engagé à ce que le barème kilométrique soit réévalué en loi de finances pour 2023.
Non, monsieur le président : ayant pris bonne note des engagements de M. le ministre s’agissant du prochain projet de loi de finances, je le retire.
Au second alinéa du b du 19° ter de l’article 81 du code général des impôts, le montant : « 600 € » est remplacé par le montant : « 800 € ». –
Adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 315 rectifié ter est présenté par MM. Tissot et Cardon, Mme Blatrix Contat, M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Bourgi, Chantrel, Cozic et Devinaz, Mmes Espagnac, G. Jourda et Lubin, M. Mérillou, Mme Monier, M. Pla, Mme Préville, M. Redon-Sarrazy et Mmes S. Robert, Le Houerou, Meunier et Féret.
L’amendement n° 533 rectifié bis est présenté par MM. Fernique, Breuiller, Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 3261-3-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Les mots : « peut prendre » sont remplacés par le mot : « prend » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« L’obligation de prise en charge issue du premier alinéa entre en vigueur le 1er septembre 2022. Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, elle entre en vigueur le 1er janvier 2023. Au sein de la fonction publique territoriale, elle entre en vigueur le 1er janvier 2024. Avant ces dates, l’employeur peut prendre en charge ces frais dans les conditions définies par le présent article.
« Dans les entreprises de moins de onze salariés, la prise en charge prévue par le premier alinéa est facultative. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 315 rectifié ter.
Cet amendement vise à répondre conjointement à l’urgence sociale et à l’urgence environnementale en proposant de rendre obligatoire le forfait mobilités durables (FMD). Ce dispositif, fortement apprécié par les salariés et les employeurs des structures l’ayant instauré, est facultatif dans le secteur privé comme dans le secteur public.
Pour provoquer une réelle évolution des mobilités qui permettrait d’apporter des réponses aux enjeux énergétiques et environnementaux, les pouvoirs publics doivent davantage s’engager aux côtés des employeurs et des salariés. Cet outil, couplé au plan de mobilité entreprise, peut également se révéler financièrement intéressant pour l’entreprise en réduisant le coût de mise à disposition de stationnements pour les véhicules, mais aussi les frais liés à l’indemnité kilométrique des véhicules.
En adoptant ce dispositif, nous enverrons un message fort en faveur des mobilités durables et nous inciterons réellement les salariés à covoiturer ou à prendre leur vélo pour se rendre sur leur lieu de travail.
La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 533 rectifié bis.
Le moment est venu de déployer à grande échelle le FMD. Comme cela a été rappelé, aujourd’hui, ce dispositif n’est obligatoire que dans la fonction publique d’État. Il est facultatif dans la fonction publique territoriale et dans le secteur privé, ce qui limite largement son déploiement.
Le FMD a déjà été amélioré pour faciliter l’intermodalité grâce à la possibilité de cumul. Le plafond de cumul a été relevé à 600 euros sur l’initiative de Philippe Tabarot. L’Assemblée nationale vient de le porter à 800 euros. Cela qui montre bien qu’il s’agit d’un levier intéressant. Le dispositif doit maintenant atteindre sa vitesse de croisière, c’est-à-dire sa généralisation.
Avis défavorable sur ces deux amendements identiques, qui visent à soumettre les entreprises à une généralisation obligatoire.
Pour ma part, je ne suis jamais favorable aux obligations. Je rappelle en outre que le texte apporte déjà des améliorations, puisque les modalités du cumul entre le FMD et la prise en charge par l’employeur d’une partie des frais d’abonnement des transports en commun ont été assouplies. Le plafond est augmenté. C’est une faculté supplémentaire. Je crois qu’il faut savoir raison garder.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Je rappelle une fois encore que nous avons considérablement amélioré le FMD à l’Assemblée nationale en relevant le plafond de 500 euros à 700 euros et, surtout, en permettant le cumul avec les autres dispositifs.
Basculer dans un dispositif obligatoire revient à faire peser une charge supplémentaire obligatoire sur les entreprises.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 315 rectifié ter et 533 rectifié bis.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Après le II de l’article 81 quater du code général des impôts, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – La limite annuelle est égale à 7 500 euros lorsque les rémunérations, majorations et éléments de rémunérations prévus au I versés à raison des heures supplémentaires et complémentaires réalisées entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2022 entraînent le dépassement de la limite annuelle prévue au même I. »
De 1995 à 2015, nous avons perdu la moitié des entreprises et un tiers des salariés. Cela est dû au prix de l’heure moyenne, plus élevé en France qu’en Allemagne et que dans d’autres pays de l’Union européenne, d’où un manque de compétitivité.
Par ailleurs, en France, le temps de travail annuel est de 1 500 heures, contre 1 700 heures en moyenne dans l’Union européenne.
Avec la diminution des charges sur les bas salaires, notamment le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), nous recommençons à créer des entreprises. Je me réjouis également de la diminution des impôts de production, qui étaient très élevés en France, bien plus qu’en Allemagne et plus encore qu’en Italie et en Espagne notamment.
Dans le même esprit, le relèvement du plafond annuel de défiscalisation des heures supplémentaires des salariés du régime général et du régime agricole de 5 000 euros à 7 500 euros, prévu à cet article, va dans le bon sens. Cela permet d’augmenter le temps de travail sans pénaliser les entreprises. C’est aussi un soutien au pouvoir d’achat, à la valeur travail et aux entreprises, notamment aux TPE-PME, dont 60 % ont des difficultés à recruter dans les secteurs de la restauration et du tourisme, ce chiffre atteignant même 82 % dans la construction.
Les heures supplémentaires concernent 40 % des salariés. Ce sont surtout les TPE-PME qui y ont le plus recours. Les salariés ayant les rémunérations les moins élevées sont les plus demandeurs, car cela leur permet d’augmenter leur pouvoir d’achat.
Il s’agit donc d’un article utile et pragmatique pour les entreprises, les salariés et notre pays.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 281 est présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Carlotti, MM. Gillé, Jacquin, Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 337 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 281.
M. Rémi Féraud. Nous faisons la même lecture de l’article 1er D, introduit à l’Assemblée nationale, que Daniel Chasseing, mais nous en tirons des conclusions rigoureusement inverses. Notre amendement vise à supprimer cet article.
Sourires.
Comme le Gouvernement a, depuis le début, refusé de s’orienter vers une véritable augmentation des salaires, il tourne autour : après la prime Macron, nous en sommes à la remise en cause de la réduction du temps de travail.
Je comprends que cela fasse plaisir à la droite sénatoriale, qui a toujours été sur cette ligne. Mais, pour le Gouvernement, c’est une manière de revenir sur les 35 heures en catimini, sans l’assumer, en proposant d’ailleurs une politique à la carte, en fonction des entreprises et de ce que choisiront les salariés, c’est-à-dire en réalité en fonction de ce qui sera imposé par le rapport de force au sein de l’entreprise !
Une nouvelle fois, la défiscalisation et l’absence de cotisations sociales sont des pertes de ressources pour l’État comme pour la sécurité sociale.
Comme cet article risque – nous le savons bien – d’être encore aggravé, nous proposons de le supprimer. Si l’on veut augmenter le pouvoir d’achat, il faut s’attaquer à la question des salaires, et non tourner autour.
Et si le Gouvernement souhaite remettre en cause les 35 heures, qu’il le dise clairement !
Cet article, dont nous demandons également la suppression, constitue une remise en cause à peine voilée des 35 heures.
C’est même un cadeau empoisonné pour les salariés ! Vous leur vendez qu’ils gagneront un peu plus en travaillant plus, alors qu’une part de leur salaire – je pense notamment au salaire socialisé – leur est en fait subtilisée !
À mon tour, je veux pointer le coût d’une telle mesure pour les finances publiques. Dans la version précédente, il s’élevait à 2 milliards d’euros en 2021 et pouvait atteindre 1, 67 milliard d’euros en 2022. Avec le rehaussement prévu à cet article, on va encore au-delà.
Je suis frappée que, depuis le début de nos discussions, vous invoquiez les finances publiques – « Attention ! La cote d’alerte est atteinte », dites-vous – pour rejeter nos propositions de bon sens tout en nous demandant en parallèle d’adopter des mesures encore plus susceptibles de les dégrader !
La commission émet sans surprise – cela correspond à sa position constante – un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Regardons l’exonération fiscale des heures supplémentaires d’une autre manière. Dans un temps de pénurie de main-d’œuvre à peu près dans tous les domaines d’activité, il faut redonner aux femmes et aux hommes qui, soit n’ont pas d’emploi, soit sont actuellement en situation d’emploi, la possibilité de travailler plus s’ils le souhaitent, évidemment pour gagner plus.
C’est une réponse intéressante à la fois pour les salariés, pour les entreprises et pour la France. Aujourd’hui, notre pays a besoin d’une main-d’œuvre productive.
L’un n’empêche pas l’autre. Les augmentations de salaire se négocient au sein de l’entreprise. Il est nécessaire de retrouver du dialogue social entre le Gouvernement et les organisations syndicales. Mais le dialogue interne à l’entreprise existe ! D’ailleurs, les démarches RSE (responsabilité sociétale des entreprises) en sont un bel exemple : beaucoup aboutissent aujourd’hui.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Deux visions du travail s’affrontent ici.
Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.
Certains veulent systématiquement partager le travail, réduire le temps de travail, considérant que c’est ainsi que l’on garantira la prospérité aux Français.
Je crois exactement l’inverse. Je pense qu’il faut développer le travail, l’activité et l’emploi, notamment avec le déblocage des heures supplémentaires. Face aux pénuries de main-d’œuvre, cela permet de faire travailler plus ceux qui le souhaitent et d’augmenter leurs rémunérations.
C’est toute la philosophie de notre proposition sur l’indemnisation du chômage. Elle a fonctionné, puisqu’elle permet aujourd’hui de débloquer l’accès à l’emploi pour que plus de personnes travaillent, d’avoir plus de prospérité et d’aller vers le plein emploi.
D’ailleurs, madame la sénatrice, au bout du compte, jamais on n’a connu une telle baisse du chômage que depuis que ces dispositifs ont été déployés ! En étant très pragmatique et sans aucune idéologie, soit on veut vraiment le plein emploi et on retient notre politique, soit on veut en rester au chômage de masse et on garde la vôtre.
Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.
J’en viens à la rémunération. Rien n’exclut d’augmenter les salaires : ce n’est pas parce que vous défiscaliserez les heures supplémentaires qu’il n’y aura pas d’augmentation de salaire de la part des entreprises qui le peuvent.
L’un n’est pas directement lié à l’autre.
Je le répète, je souhaite que les entreprises qui le peuvent augmentent les salaires. Beaucoup d’ailleurs d’entre elles l’ont déjà fait, notamment dans l’hôtellerie-restauration. Les secteurs qui le souhaitent peuvent toujours faire mieux.
Pour le reste, que des heures supplémentaires puissent être proposées et soient défiscalisées pour que les salariés aient un revenu direct est bien l’objectif de ce paquet pouvoir d’achat. Et c’est bien pour cela que nous soutenons la mesure prévue à cet article !
Vous me corrigerez si je me trompe dans le vocabulaire : les salariés dont on parle ont sûrement envie de travailler plus, mais ils ont surtout envie de gagner plus, y compris, s’agissant de certains, pour avoir des projets dans leur vie.
Qui sont les 42 % de nos concitoyens qui font des heures supplémentaires ou complémentaires ? Ce sont 64 % des salariés du secteur de la construction, 47 % des salariés de l’industrie, 65 % des salariés de l’hôtellerie, de la restauration du tourisme, 57 % des salariés du nettoyage, de la manutention, de la récupération et de la sécurité.
Bien sûr qu’ils aiment leur boulot et qu’ils le font bien, mais c’est d’abord qu’ils ne s’en sortent pas avec les salaires qu’ils perçoivent !
Il faut parler franchement. Oui, pour eux, il y a un problème de pouvoir d’achat ! Ils ont des crédits à la consommation, des crédits immobiliers. Voilà la problématique !
Monsieur le rapporteur général, vous nous dites qu’il ne faut pas opposer les heures supplémentaires et l’augmentation des salaires. Moi, je veux bien vous croire. Mais, parmi les amendements déposés par les membres du groupe Les Républicains, il en est un – nous l’examinerons tout à l’heure – qui vise à monétiser individuellement les RTT sans cotisations sociales. Pas mal, non ?
M. Féraud et Mme Brulin l’on dit avec force, nous sommes face à une régression sociale. Cela n’a rien à voir avec une augmentation de salaire pour ceux qui travailleront plus afin de gagner plus, etc. C’est une attaque du code du travail ! C’est une attaque des 35 heures !
C’est un choix politique. Mais, vous l’avez compris, ce n’est pas le nôtre.
Tous ces débats nous confortent dans nos positions respectives. À chaque fois, on cherche à franchir des paliers supplémentaires. Aujourd’hui, le must pour que les Français puissent s’en tirer, c’est la défiscalisation des heures supplémentaires ! C’est le salaire différé ! C’est le salaire social amputé !
Vous nous dites qu’il faut travailler plus parce qu’il n’y a plus assez d’argent dans les caisses, mais, dans le même temps, vous ne proposez que des dispositifs exonérés de cotisations aux différentes protections sociales. Nous sommes dans le libéralisme affirmé !
Monsieur Le Maire, vous avez toujours défendu ces thèses.
Il n’y a pas de grande différence entre la doctrine économique et sociale que vous prôniez à l’époque où vous étiez avec Nicolas Sarkozy et celle que vous défendez aujourd’hui. M. Attal, lui, a un autre itinéraire… Mais que l’on ne nous présente pas cela comme un « dépassement de la gauche et de la droite » : nous sommes sur des positions bien connues !
Ce qui est fou, c’est que vous ne vous rendiez pas compte que les secteurs ayant le plus recours aux heures supplémentaires sont justement ceux qui peinent à recruter aujourd’hui, comme l’hôtellerie. Et quand on interroge les publics concernés pour savoir pourquoi de tels métiers n’attirent pas alors qu’il y a du boulot, c’est bien la faiblesse du salaire qui est mise en avant ! Personne ne nous parle de « travailler plus » ni ne réclame la défiscalisation des heures supplémentaires…
Il y a donc bien là une contradiction. Elle s’explique par le fait que vous campiez sur une idéologie. Pour notre part, nous voulons répondre à l’attente des Français, qui demandent du pouvoir d’achat, donc une augmentation des salaires.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Mes chers collègues, il nous reste 424 amendements à examiner sur ce texte.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d’ouvrir la nuit ce lundi. En accord avec la commission et le Gouvernement, la séance devrait se poursuivre jusqu’à deux heures du matin.
Nous pourrions d’ores et déjà ouvrir également la nuit de demain, afin de pouvoir terminer l’examen de ce texte dans la nuit de mardi à mercredi.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.