Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Réunion du 23 juin 2010 à 14h30
Élection des représentants français au parlement européen — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Certes, il arrive qu’on leur délègue des figures nationales, comme notre ancien collègue Jean-Luc Mélenchon, qui s’est présenté à Toulouse alors qu’il était sénateur de l’Essonne. Le comble est atteint dans la huitième circonscription, celle de l’outre-mer, elle-même sectionnée en trois. C’est le démembrement, pour ne pas dire le saucissonnage, du peuple français !

J'ajoute qu’une injustice choquante frappe nos concitoyens vivant à l’étranger : avec ce mode de scrutin par circonscriptions, ils n’ont plus en France de domicile fixe, si j’ose dire. Comme l’a souligné tout à l'heure M. Jean-Michel Baylet, les expatriés passent à la trappe !

En réalité, le changement de mode de scrutin décidé en 2003 a répondu à plusieurs ordres de préoccupations.

Tout d’abord, la volonté de créer une Europe des régions se substituant à l’Europe des États a inspiré la recommandation du Parlement européen de créer des circonscriptions dans tous les pays dont la population dépasse 20 millions d’habitants. Elle a également suscité la loi de 2003.

Toutefois, le principe d’unité et d’indivisibilité de la République devrait nous conduire à conserver – en l’occurrence, aujourd'hui, à rétablir – le système de la circonscription unique. Ce serait logique, puisqu’il s’agit de représenter à Strasbourg le peuple français tout entier.

À cet égard, il n’est pas sans intérêt que le Parlement français entende la leçon de droit constitutionnel, soigneusement étouffée, qu’a donnée la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, gardienne en dernier ressort de l’ordre juridique en Allemagne, dans sa décision du 30 juin 2009 sur la constitutionnalité du traité de Lisbonne.

La Cour constitutionnelle allemande affirme que l’Union européenne est « une organisation internationale qui ne peut se prévaloir d’une souveraineté comparable à celle des États qui la composent ». Elle ajoute que les États membres ont gardé la « compétence de la compétence », célèbre expression qui, chez les juristes allemands, définit la souveraineté extérieure de l’État. La Cour conclut que, en l’absence d’un « peuple européen », « la souveraineté primordiale demeure aux mains des peuples qui composent l’Union » et que, par conséquent, le Parlement européen n’a pas la même légitimité que les Parlements nationaux.

Mes chers collègues, je vous fais grâce de la citation complète, car j’ai presque épuisé mon temps de parole. Toutefois, je constate que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe nous a donné une belle leçon de cartésianisme.

Chaque pays a son histoire et son identité spécifiques. L’Allemagne est une République fédérale : elle a un système mixte, dans les Länder et à l'échelle nationale. La France est une République unitaire : qu’elle conserve la circonscription unique !

Ce mode de scrutin dans le cadre de circonscriptions interrégionales ne marche pas ! La circonscription unique a peut-être des défauts, mais Winston Churchill aurait été d’accord avec moi pour dire que c’est le pire des modes de scrutin, à l’exception de tous les autres.

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