Intervention de Isabelle Lonvis-Rome

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 27 juillet 2022 : 1ère réunion
Audition de Mme Isabelle Lonvis-rome ministre déléguée auprès de la première ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes de la diversité et de l'égalité des chances

Isabelle Lonvis-Rome, ministre déléguée :

Merci à toutes pour vos questions qui montrent votre excellente connaissance du sujet et votre implication dans tous les domaines. Ne m'en veuillez pas si je ne peux pas répondre de manière exhaustive à toutes vos questions aujourd'hui, mais je pourrai toujours mentionner l'intérêt de certains sujets et revenir ensuite vers vous.

Madame la Sénatrice Martine Filleul, vous avez rappelé votre rapport sur l'application des règles paritaires dans la haute fonction publique. Mon cabinet m'indique que vous recevrez dès demain un mail avec des propositions de dates pour un rendez-vous.

S'agissant de l'éducation comme mode de prévention, il est un peu délicat de vous en dire plus car ma feuille de route n'est pas encore totalement actée. De plus, ce chantier se veut ouvert, à la fois avec le ministère de l'éducation nationale mais aussi avec les différents partenaires et les parlementaires dont vous faites partie.

Il est certain, cependant, que j'aimerais voir appliquer quelques grands principes. Je tiens à ce qu'une ossature soit présente. Selon moi, la sensibilisation doit avoir lieu tôt et à différents âges. Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas de certitudes et je n'aime pas les discours péremptoires. Il est difficile de dire à quel âge précisément, d'où l'intérêt de concerter, de consulter et de s'entourer de spécialistes de sciences de l'éducation. Un âge compris entre six et huit ans pourrait être retenu pour une transmission de la base sur l'égalité entre les filles et les garçons et la lutte contre les stéréotypes. Je pense qu'il faudra ensuite prévoir un autre moment de sensibilisation au collège, où d'autres questions sont abordées. Cela pourrait d'ailleurs se rapprocher davantage d'une prévention contre les violences sexuelles et sexistes. Par exemple, le sujet du consentement pourrait aussi être abordé à cette occasion. J'en profite pour répondre à Laurence Rossignol sur le rapport de l'Inspection générale de l'éducation nationale (IGEN) sur l'éducation à la vie sexuelle et affective : je vais me rapprocher du ministre de l'éducation nationale pour que ce rapport vous soit transmis.

Je pense qu'il faut intégrer cet enseignement, tout en s'inscrivant dans la concertation. Il faut avoir conscience que ce sujet provoque beaucoup de résistance. Si nous voulons réussir - car seule compte la réussite sans contrainte, qui conduirait au rejet - il faut emporter l'adhésion à ce programme. Un certain nombre de familles peuvent parfois être réticentes à ce que cet enseignement soit fait. Par exemple, elles enlèvent leurs enfants de l'école lorsqu'elles savent qu'il sera dispensé. Il importe donc de consulter largement pour être le plus consensuel possible. En effet, il s'agit d'un sujet sociétal concernant aussi la formation de la société de demain, que nous voulons plus fraternelle et respectueuse de l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est aussi un terreau propice à l'émancipation des filles et au choix des carrières. Une telle sensibilisation couvre donc différents domaines.

Je ne connais pas encore le calendrier à vous proposer, mais nous avons déjà commencé à travailler. Avec le ministre de l'éducation nationale, nous pourrons proposer un calendrier au mois de septembre pour avancer sur ce sujet fondamental, que nous ne devons pas « gâcher » en allant trop vite.

Vous avez pointé l'inégalité des salaires et avez fait référence à l'Index Pénicaud, considérant qu'il devrait évoluer. Il est sans doute trop tôt pour apporter une réponse précise sur ce point. Une évaluation approfondie de l'index devra être menée avant d'envisager toute évolution de l'outil.

Je tiens aussi à vous indiquer que depuis mon arrivée au ministère, j'ai pris contact et je rencontre un certain nombre de réseaux professionnels, notamment de réseaux féminins mais pas uniquement. Je consulte aussi les grandes entreprises sur l'index pour comprendre l'usage qu'elles en font et connaître les axes d'amélioration éventuels. Sur ce point, je pense qu'il faut poursuivre ce travail de co-construction.

Je vous communique quelques chiffres sur l'Index Pénicaud : 504 mises en demeure ont été adressées, pour 32 pénalités financières prononcées et 32 460 opérations de contrôle menées.

Sur la parité en politique dans les communes de moins de 1 000 habitants, le point pourra être examiné même si je ne peux vous répondre aujourd'hui.

Au deuxième semestre 2022, sera lancé un baromètre de l'égalité professionnelle dans la fonction publique, sur le modèle de l'Index Pénicaud. Ce baromètre permettra de lutter efficacement pour réduire les écarts de rémunération, qui sont inadmissibles dans la fonction publique.

Nous pouvons aussi évoquer la mise en place de Talentueuses, qui est un programme de coaching pour les femmes dirigeantes dans la fonction publique. Ce programme inédit d'accompagnement et de formation destiné à cinquante femmes de la haute fonction publique s'inscrit aussi dans la volonté du Gouvernement de consolider les forces vives féminines pour former la génération de dirigeantes de la fonction publique de demain. La première promotion a été lancée en septembre 2021.

Madame la Sénatrice Laure Darcos, vous avez aussi attiré mon attention sur les retraites des femmes, dont nous savons qu'elles sont d'environ 40 % inférieures à celles des hommes. Comme sur de nombreux sujets, il faudra actionner différents leviers. Bien sûr, une vigilance particulière devra être de mise si le sujet des retraites revient dans le débat politique. Je pense aussi qu'il ne faut pas oublier, pour avoir été haute fonctionnaire à l'égalité femmes hommes du ministère de la justice et pour avoir travaillé sur les cohortes et les différences salariales, que les temps partiels sont encore trop souvent occupés par des femmes. À cela s'ajoutent les interruptions de carrière qui se répercutent sur les retraites. Lorsque les femmes sont encore activité, nous devons réfléchir aux moyens de leur éviter de prendre un temps partiel, notamment en améliorant l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Finalement, toutes les actions doivent se conjuguer pour aller dans le même sens : celui d'une plus grande égalité entre les femmes et les hommes.

J'ai dit combien je trouvais courageux que le Sénat se soit emparé du sujet de la pornographie. Je ne vais donc pas vous répondre puisque j'attends justement votre rapport ainsi que les conclusions et les pistes que vous pourrez dégager.

Je vous donne d'ores et déjà rendez-vous pour la restitution de ce rapport. Je suis sûre, connaissant vos qualités, que vos pistes seront très intéressantes et qu'elles devront être creusées avec mes collègues, que j'interpellerai pour pouvoir avancer.

Laurence Rossignol, vous avez évoqué les cinq plans successifs sur les violences faites aux femmes et l'idée de reprendre le fil. La volonté interministérielle existe dans le Grenelle des violences conjugales puisque le travail est mené par au moins une douzaine de ministères. Néanmoins, j'entends aussi le sens de la question, dans la mesure où le Grenelle se focalise sur les violences conjugales, ce qui ne recouvre pas tout le champ des violences faites aux femmes. En particulier, les violences sexuelles commises hors de la sphère familiale ne sont pas traitées. Cela fait partie des pistes sur lesquelles je souhaite travailler pour réintroduire davantage d'interministérialité. Je ne peux malheureusement pas vous en dire plus aujourd'hui, mais je pense que courant septembre je disposerai de davantage d'éléments pour répondre plus précisément.

Vous êtes revenue sur cette notion de justice spécialisée de la justice pénale et civile. Sans vouloir défendre à tout prix le monde judiciaire dont je suis issue, je pense qu'une appropriation des mesures est constatée au civil. Je vous ai communiqué le taux d'acceptation des ordonnances de protection, qui est aujourd'hui de plus de 71 %. Il existe par conséquent une sensibilisation. Pour autant, la matière n'est pas uniquement le fait des magistrats car il est nécessaire, pour que ces ordonnances soient prononcées, que les requêtes soient bien formulées et comportent les éléments appropriés. L'ensemble des acteurs doivent donc être formés pour aboutir à des résultats intéressants.

Je pense néanmoins qu'il faut travailler sur cette interaction entre le civil et le pénal. Madame la Sénatrice Laurence Cohen, vous avez également évoqué le sujet de la justice spécialisée. Le terme employé par le Président de la République, qui figure dans son programme, est celui de « pôle juridictionnel spécialisé ». L'objet n'est pas encore défini car une telle réforme suppose un travail préparatoire de fond. Nous savons qu'un travail complexe devra être mené et nous aurons aussi besoin de vous pour avancer. Il n'est pas possible d'avoir exactement le même dispositif à Créteil et à Tulle par exemple. Le système doit donc s'adapter à la taille des juridictions.

Madame la Sénatrice Lana Tetuanui, vous avez aussi évoqué les juridictions spécialisées en Polynésie. Les juridictions devront donc être les plus adaptables possibles à la taille des territoires et des villes. C'est très complexe. Comme sur l'éducation, il y a de vrais enjeux. Nous ne devons pas les saborder par trop de hâte. Nous disposons de cinq ans. Nous devons certes travailler vite, mais surtout travailler bien.

En définitive, la réflexion sur l'ordonnance de protection peut être intégrée à la réflexion sur la justice spécialisée.

S'agissant des familles monoparentales, je ne rappelle pas toutes les mesures déjà prises mais seulement les éléments du programme : la création d'un droit opposable à la garde d'enfant, l'extension du versement du complément de libre choix du mode de garde des six aux douze ans de l'enfant pour les parents célibataires, une hausse de l'allocation de soutien familial de 116 à 174 euros.

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