Ce n'est pas dans le programme mais je note la suggestion.
Sur l'intégration des filles dans les filières scientifiques, vous suggérez d'avoir recours à des mesures plus coercitives. Je ne pense pas opter pour cette voie à l'heure actuelle. Au cours du précédent quinquennat, tout de même, l'Index Pénicaud et la loi de décembre 2021 avaient constitué des mesures en ce sens, tout comme la loi Copé-Zimmermann il y a une dizaine d'années.
En revanche, nous devons travailler sur une multitude de leviers de manière simultanée. Nous devons aboutir à un « vivier », c'est-à-dire des cercles élargis de femmes accédant aux filières scientifiques. La coercition ne me paraît pas être la solution. Pour en avoir parlé avec la ministre de l'enseignement supérieur, la difficulté tient au fait que les femmes ne sont pas là. Dans la loi de décembre 2021, le fait d'imposer 30 % de femmes dans les jurys d'admission dans les cycles supérieurs est certes une mesure incitative, mais encore faut-il que ces femmes soient présentes. Je ne suis fermée à rien mais il nous faudra progresser sur l'orientation et ce, à tous les âges et niveaux.
Sur l'éducation à la vie sexuelle et affective, je pense vous avoir répondu, de même que sur les tribunaux spécialisés.
Sur les filières d'urgence, vous connaissez bien les chiffres. Cela m'ennuie de détailler car je suis ministre de l'égalité entre les femmes et les hommes. Néanmoins, je peux vous en dire quelques mots. Il s'agit d'un traitement judiciaire spécifique des violences, à chaque bout de la chaîne. Quatre grandes thématiques ont été identifiées : le début de la procédure avec le dépôt de plainte, la manière de juger les affaires, les outils de protection mis à disposition des victimes, les dispositifs de suivi des auteurs. Un aspect concerne davantage les comités de pilotage au sein des juridictions.
Lorsque les juridictions répondent à deux items dans chacune des quatre grandes thématiques, il est considéré qu'une filière d'urgence existe.
C'est donc une avancée importante, montrant une prise en compte par l'institution judiciaire, et une volonté politique réaffirmée par le garde des Sceaux. On peut penser que les pôles de juridictions spécialisées permettraient d'apporter une réponse réellement adaptée à ces violences, qui sont spécifiques. Je ne cesserai jamais d'affirmer que donner une claque à sa femme n'est pas équivalent à voler un CD dans un grand magasin. Bien sûr, ce vol est répréhensible mais n'interroge pas de la même manière le comportement et le psychisme de l'auteur.
Vous avez évoqué la loi de 2016 sur la prostitution. J'ai plusieurs choses à vous dire. Comme vous le savez, une commission départementale doit être mise en place au sein des préfectures sur la lutte contre la prostitution. À ce jour, 87 commissions départementales ont été installées dont 51 avec parcours de sortie, qui permettent un meilleur accompagnement des femmes sur le terrain pour leur sortie de la prostitution. Au 1er janvier 2022, une centaine d'associations ont été agréées pour la mise en oeuvre du parcours de sortie de la prostitution. 446 parcours de sortie ont été autorisés par décision préfectorale. Depuis 2017, 790 personnes ont bénéficié d'un parcours de sortie de la prostitution.
L'allocation financière d'insertion sociale et professionnelle (AFIS) est d'un montant de 330 euros par mois pour une personne seule. Elle est destinée aux personnes qui ne peuvent bénéficier d'aucun minimum social, en particulier lorsqu'elles ont été déboutées d'une demande de droit d'asile. Il faut noter que l'enveloppe allouée a augmenté pour la première fois depuis sa création, pour un montant de 1,5 million d'euros dans la programmation budgétaire 2022.
De même, un montant de 2,6 millions d'euros a été dégagé des avoirs de l'Agence de recouvrement des amendes pour soutenir des projets innovants de prévention de la prostitution et d'information contre le proxénétisme et la traite des êtres humains, ainsi que pour l'accompagnement des personnes en situation de prostitution et/ou victimes d'exploitation sexuelle.
Enfin, le Gouvernement a lancé en novembre 2021 un plan interministériel doté de 14 millions d'euros pour lutter contre la prostitution des mineurs, qui concerne entre 7 000 et 10 000 jeunes en France.
Rappelons que la France affiche une position très forte en matière de lutte contre la prostitution car elle est le seul pays à avoir adopté ce système abolitionniste.
Sur l'accès à la PMA pour toutes et la longueur du délai, il faut rappeler l'investissement de 8 millions d'euros échelonné jusqu'en 2023 pour renforcer les équipements et les moyens des Centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains (CECOS). Une première aide de 3,3 millions d'euros a été consentie dès le premier semestre 2021. Le Gouvernement a bien conscience que l'une des difficultés principales rencontrées par l'écosystème est celle de la pénurie de dons de gamètes qui, en France, sont gracieux. En outre, la levée partielle de l'anonymat des donneurs peut faire craindre un effet dissuasif.
Toutefois, en Angleterre dans une situation similaire, les dons ont d'abord baissé avant de remonter un an et demi plus tard avec un profil de donneurs différent.
Pour améliorer cette situation, une campagne de sensibilisation autour du don de gamètes a été lancée par l'Agence de Biomédecine le 21 octobre 2021. Cette campagne se divise en deux volets, l'un à destination des donneurs potentiels, le second sur le droit d'accès aux origines.
En mai 2022, une campagne de sensibilisation « Merci d'en parler » a été lancée pour donner la parole à toutes les personnes concernées par le don de gamètes.
Sur la PMA avant la loi sur la bioéthique, la loi du 21 février 2022 simplifie l'adoption. Elle prévoit des garanties contre les cas spécifiques que vous avez évoqués, pour permettre d'adopter rapidement, même en cas de séparation d'avec la femme qui a porté l'enfant.
Finalement, un certain nombre de mesures correctrices ont été apportées par la loi sur l'adoption du 21 février 2022.
Sur le budget, il est toujours délicat de dire que le budget cumulé des ministères atteint plus de 1,3 milliard d'euros, mais c'est tout de même une réalité. Mon ministère a une vocation interministérielle. Il est délégué auprès de la Première ministre précisément car il participe à une politique transversale et gouvernementale. Je suis optimiste quant à l'obtention d'une augmentation budgétaire malgré la rigueur, mais je souhaiterais surtout améliorer la visibilité de tous les engagements des ministères sur cette politique transversale. Les documents sont assez difficiles à manier, à renseigner, et nous pouvons encore progresser. En définitive, le chiffre de 1,3 milliard d'euros est plutôt sous-estimé par rapport à la réalité des fonds injectés par l'ensemble des ministères.
J'ai bien noté, Madame la Sénatrice Victoire Jasmin, les difficultés des formations des femmes. Nous savons aussi que ce sont les femmes qui acceptent le moins le célibat géographique, surtout quand il s'agit d'un célibat géographique entre l'outre-mer et la métropole. Je pense que ce point est très important. Je le note pour en parler aussi bien au ministre de la fonction publique qu'à celui de l'éducation nationale, car nous devrons travailler quasiment sur mesure pour les territoires d'outre-mer dans ce domaine de la formation.
Vous avez aussi évoqué l'association Amalgame Humani's. J'en ai entendu beaucoup de bien au sein de mon cabinet. Je travaillerai bien sûr avec plaisir avec cette association et je souhaite, avant la fin de l'année, effectuer un déplacement outre-mer pour faire un point des différentes problématiques. Je suis consciente que chaque territoire comporte sa propre spécificité.
Le sujet des enfants exposés aux violences au sein du couple est l'un des sujets ayant émergé lors du Grenelle des violences conjugales. Il a donné lieu à différentes modifications législatives, que je ne reprendrai pas en intégralité : la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale en cas de poursuites ou tentative d'homicide d'un parent contre l'autre, la possibilité donnée au juge pénal de statuer sur l'exercice de l'autorité parentale...
Le décret du 23 novembre 2021 reconnaît à l'enfant exposé à des violences au sein du couple le statut de victime. C'est une avancée importante.
Une circulaire du garde des Sceaux de février 2022 tend à généraliser le dispositif de prise en charge des enfants présents lors d'un féminicide. C'est la généralisation du protocole Féminicide mis en place en Seine-Saint-Denis, afin de prendre soin de ces enfants en les hospitalisant le cas échéant et en les accompagnant dans un moment particulièrement douloureux pour eux.
Madame la Sénatrice de Polynésie Lana Tetuanui, j'ai bien entendu votre préoccupation d'une justice menée au sein d'un tribunal dédié. Cela revient au sujet des pôles de juridictions spécialisées. Vous avez aussi évoqué la promotion des femmes dans le corps préfectoral, dont je parlerai au ministre chargé des outre-mer et au ministre de la transformation et de la fonction publiques. Le sujet n'est pas simple car vos territoires sont lointains. Vos différentes interventions montrent qu'un travail doit être mené.
Madame la Sénatrice Monier, votre rapport Femmes et ruralités est très riche. Je vous propose un échange avec les différents co-rapporteurs, dans la circonscription de l'un d'entre eux plutôt qu'à mon ministère. Il s'agirait ainsi d'un signal donné à la ruralité. Par la même occasion, nous évoquerons le sujet de la désignation d'un référent Égalité dans les communes et intercommunalités. Nous explorerons ensemble les pistes qui peuvent se dégager.
J'ai noté votre petite réserve sur les appels à projets. L'un d'entre eux lancé récemment portait sur une somme d'un million d'euros. Nous annoncerons les lauréats dans les jours à venir. J'entends néanmoins votre réserve. Même si les appels à projets sont très pertinents, nous serons vigilants sur la nécessité de discuter davantage les subventions avec les départements et les régions, notamment via nos déléguées régionales aux droits des femmes.
Je vous remercie de votre écoute et de votre bienveillance. Nous avons déjà pris date d'un certain nombre de rendez-vous.