Monsieur Sueur, en ce qui concerne les moyens additionnels dont la justice doit être dotée, le comité s'est inscrit de manière tout à fait consciente et délibérée dans une perspective quinquennale et non pas décennale. En effet, nous estimons qu'il est possible de doter la justice de renforts à tous les étages dans un délai de cinq ans. Même s'il est très ambitieux, cet effort est indispensable.
Pour augmenter le nombre de magistrats civilistes, nous devons nous inscrire dans une gestion prévisionnelle des effectifs. Il convient que l'institution définisse ses besoins à moyen terme, puis que les carrières soient gérées dans cette perspective. Il me semble que nous ne pouvons pas en rester à une gestion uniquement statutaire de la magistrature. Il faut tenir compte des compétences et du fait que les jeunes, que ce soit dans l'administration ou dans la justice, souhaitent s'inscrire dans des parcours de carrière définis à l'avance. Il faut que la mobilité et l'adaptation trouvent leur place. Je considère qu'un tel dispositif reste à notre portée, qui vaudra non seulement pour la justice civile stricto sensu, mais aussi pour la justice économique.
En effet, comme nous l'avons mentionné dans le rapport, il faut créer dès le début de la carrière une filière de magistrats compétents en matière économique, de telle sorte que les décisions de la justice ne puissent pas être critiquées sous cet angle. Pour cela, il convient de prévoir des affectations internes et également externes à l'institution judiciaire.
Quant à la régulation de la population carcérale, nous avons prévu non pas un numerus clausus mais la définition, par établissement, d'un seuil de criticité. Dès lors que celui-ci sera atteint, il faudra mettre en place, de manière préventive, des mesures de gestion de la population pénitentiaire, de telle sorte que l'on pourra avoir recours à des libérations conditionnelles. Toutefois, il ne s'agit pas d'instaurer des seuils mécaniquement ; il faut une gestion prévisionnelle pour que des sorties puissent être anticipées. Le risque, c'est la sortie sèche en fin de peine sans aucune perspective de reclassement ni d'accompagnement. Tel est le danger qui menace en réalité la justice et non pas le fait que des personnes puissent obtenir une libération conditionnelle avec quinze ou trente jours d'avance.
Enfin, quel avenir pour les maisons de la justice et du droit ? La question reste ouverte, car elles font effectivement figure de parents pauvres. Le renforcement des moyens que nous proposons doit permettre d'avoir suffisamment de greffiers en chef qualifiés pour tenir ces postes. Pour l'instant, je le reconnais avec accablement, la situation n'est pas du tout satisfaisante.