Intervention de Jean-Étienne Antoinette

Réunion du 23 juin 2010 à 14h30
Répression des violences faites aux femmes. - violences au sein des couples — Article 1er

Photo de Jean-Étienne AntoinetteJean-Étienne Antoinette :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, si l'examen de ce texte est à mes yeux, d’une manière générale, l’un de ces moments qui redonnent espoir et confiance en la justice, son article 1er introduit dans notre droit une novation majeure, qui mérite d’être saluée.

Il crée en effet un nouvel outil pour la protection en urgence de la victime de violences au sein du couple, à savoir l’ordonnance de protection ; les mesures prévues s’apparentent à une démarche globale d’accompagnement de la victime.

Cet accompagnement est nécessaire pour assurer non seulement la sécurisation personnelle de la victime, mais également son autonomisation, éventuellement son intégration sociale et la reprise en main de sa vie dans toutes ses composantes.

C’est pourquoi, eu égard à l’intérêt même de ce nouveau dispositif, je me permets ici d’exprimer un regret et une préoccupation.

Je regrette d’abord que la proposition de loi soit passée au filtre de l’article 40 de la Constitution, conduisant même ses auteurs et les signataires des amendements à s’autocensurer dès lors qu’il s’agissait de formuler des propositions susceptibles d’apporter à la loi, une fois celle-ci votée, la garantie des moyens de son application.

S’agissant plus spécifiquement de l’ordonnance de protection, nous devons garder à l’esprit que, faute de rapidité dans l’exécution, faute d’accès parallèle au logement ou à l’emploi, faute de sécurité administrative pérenne sur le plan de la régularité du séjour sur notre territoire ou faute de possibilité d’organiser sa mobilité géographique, le cas échéant, pour se soustraire à la proximité d’avec l’auteur des violences, les bénéficiaires les plus vulnérables de l’ordonnance de protection auront tôt fait de se retrouver à la case départ.

Pis, les victimes ont actuellement tendance à rebasculer dans leur situation antérieure, avec le risque de subir des violences encore plus graves, et ce au grand désespoir des associations qui, pour l’heure, doivent elles aussi faire trop souvent face à cette réalité.

J’espère vivement que la prochaine loi de finances tiendra compte des dispositions prévues dans ce texte. Il importe non seulement de prévoir le financement des associations venant en aides aux victimes de violences, mais également d’inscrire les crédits suffisants pour augmenter les places d’accueil dans les structures d’hébergement d’urgence ou temporaire, ainsi que les moyens des institutions chargées de la protection des victimes, ceux des tribunaux, voire des préfectures, qui auront à traiter les nouveaux dossiers relevant d’une ordonnance de protection.

Pour l’heure, j’ai déposé des amendements propres à faciliter ce parcours vers l’autonomie de la personne victime de violences au sein du couple, sans oublier ces victimes collatérales que sont les enfants.

Ma préoccupation, c’est que toutes les autorités publiques, notamment dans les commissariats, gendarmeries et préfectures « s’approprient » véritablement cet article 1er et qu’elles en respectent à la fois la lettre et l’esprit, afin que plus jamais une femme, quelle qu’elle soit, qui souhaite porter plainte pour violences ou harcèlement ne soit incitée à déposer une simple main courante ou, pis encore, entraînée dans l’engrenage d’une reconduite à la frontière.

Au-delà de l’outil de protection qu’il offre aux victimes, cet article doit être un pas de plus vers le respect des droits de toute personne, femme ou homme, de quelque origine qu’elle soit.

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