Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 23 juin 2010 à 14h30
Répression des violences faites aux femmes. - violences au sein des couples — Article 1er

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens d’abord à dire que je partage le souhait qu’a exprimé le président Hyest de voir le Sénat achever ce soir l’examen de ce texte.

Qu’il me soit néanmoins permis de formuler, au moment où nous entamons l’examen des articles, un certain nombre de remarques.

Voilà quatre ans, nous avons légiféré pour tenter de lutter contre les violences faites aux femmes, mais la loi de 2006 – je l’avais, ainsi que d’autres, souligné à l’époque – a surtout pris en compte le volet répressif de cette lutte. De ce fait, nous n’avons pu agir de manière efficace sur la prise en charge et la protection des femmes victimes de violences, ni renforcer réellement la prévention en la matière, alors qu’il s’agit d’éléments clefs pour empêcher le plus possible que ces violences soient commises.

Ainsi, quatre ans après le vote de cette loi de 2006, nous sommes encore loin d’avoir atteint nos objectifs. Le bilan est lourd et les chiffres sont éloquents, en ce qui concerne tant le nombre de morts que la fréquence des cas de maltraitance ; et l’on estime encore aujourd’hui à 8 % seulement la proportion de victimes qui osent porter plainte.

Tout cela atteste la prégnance de la domination masculine dans la société et dans les mentalités. On peut même constater une dégradation récente de la situation au regard du respect de la mixité, notamment dans la jeunesse.

Voilà donc un phénomène de société qui soulève de fortes interrogations. Il n’est d’ailleurs pas anodin que le Gouvernement ait décidé de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes une grande cause nationale en 2010.

Le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale, laquelle l’a voté à l’unanimité, est le fruit d’un long travail des associations féministes, mené à partir de leur expérience de terrain, et d’un dialogue avec des députés qui ont constitué une commission spéciale pour élaborer cette proposition de loi. Celle-ci est porteuse d’innovations qui sont autant d’avancées, parfois dérogatoires aux procédures en vigueur, afin, justement, de prendre en compte à la fois la spécificité et l’ampleur du phénomène que représentent les violences faites aux femmes dans notre société.

Pour notre part, nous croyons possible d’améliorer les dispositifs prévus et, surtout, de leur donner une réelle efficacité en mettant en place les moyens adéquats. Cela doit se traduire par un effort accru pour améliorer l’accueil des victimes, renforcer la prévention, développer la formation des personnels et l’éducation des jeunes.

Il serait donc pour le moins regrettable que notre assemblée en vienne à édulcorer un tant soit peu le texte, comme certaines des modifications apportées par la commission nous le donnent à penser. Sans entrer maintenant dans le détail, je dirai que nombre de points suscitent des interrogations, qu’il s’agisse de l’intitulé du texte, du rôle finalement dévolu aux associations, du poids de l’ordonnance de protection, de la portée de l’autorité parentale, de l’efficacité de la médiation pénale, réintroduite de façon « lourde ».

Nous nous opposerons à tout ce qui est de nature à banaliser les violences faites aux femmes, à nier la spécificité de ce phénomène de société si particulier, à assimiler finalement de telles violences à de simples conflits au sein des couples.

Je tenais à exprimer dès à présent notre refus de voter un texte qui resterait en deçà de ce qui a d’ores et déjà été voté.

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