président. – Le 16 septembre dernier, nous apprenions l’arrêt du projet de rachat du groupe M6 par le groupe TF1 à la suite des échanges conduits avec vous-même, monsieur le président de l’Autorité de la concurrence. Les remèdes que vous auriez proposés – à savoir au minimum la vente de TF1 ou de M6 – ont été considérés comme un refus implicite de l’opération par ses initiateurs qui ont donc mis un terme à l’opération.
Dans le communiqué de presse publié par l’Autorité, vous avez estimé, concernant la question cruciale de la définition du marché pertinent, que l’examen approfondi de l’opération « ne permet[tait] pas de considérer que la publicité télévisée et la publicité en ligne [étaient] suffisamment substituables du point de vue des annonceurs [et qu’] il n’apparaît pas justifié de les intégrer au sein d’un marché unique ».
Au moment même où vous signifiiez votre refus d’accepter ce projet de rapprochement, Netflix annonçait pour sa part son intention de proposer un service moins cher financé par la publicité dès novembre 2022 en France. La plateforme américaine viserait un chiffre d’affaires de plusieurs centaines de millions d’euros à l’horizon 2024, ce qui en ferait un concurrent majeur des chaînes de télévision.
Il n’appartient pas à notre commission de discuter une décision prise par une autorité indépendante, mais il est important pour nous d’en comprendre les fondements et de nous interroger en particulier sur les dispositions juridiques sur lesquelles elle s’appuie.
Nous vous savons gré d’avoir accepté très rapidement de venir devant nous pour nous expliquer le travail qui a été conduit par l’Autorité de la concurrence ces derniers mois sur ce projet de rapprochement et pour évoquer les enseignements qu’il convient d’en retirer.
Vous avez considéré que les marchés de la publicité à la télévision et sur les plateformes n’étaient pas substituables aujourd’hui, mais beaucoup d’observateurs considèrent qu’il n’en sera plus de même d’ici deux ou trois ans. Or nous savons que les chaînes de télévision ne pourront pas attendre trois ans pour se réorganiser et que chaque année qui passe voit leur compétitivité se dégrader.
La question qui se pose donc pour nous est de savoir s’il ne serait pas opportun de modifier la loi afin de mieux prendre en compte les évolutions en cours, notamment celles issues du numérique, dans l’analyse des projets de rapprochement.
Cette question est fondamentale, si l’on souhaite préserver notre exception culturelle. Au cours des dernières années, le développement de plateformes vidéo françaises a été largement contraint par les règles de la concurrence, qu’il s’agisse de CanalPlay ou de Salto. Des murailles ont été érigées entre les acteurs historiques et leurs plateformes numériques afin d’éviter qu’elles bénéficient d’avantages concurrentiels. Force est de constater que ces murailles ont d’abord profité aux acteurs américains et condamné les acteurs français et européens à faire de la figuration.
Comment concrètement peut-on répondre à cette difficulté ? Faut-il se résoudre à voir disparaître progressivement les acteurs français en leur interdisant de se regrouper et de se réinventer ?
Monsieur le président, je vous propose dans un propos liminaire de revenir sur le processus d’examen de cette opération et, peut-être, si vous en étiez d’accord, de répondre à la préoccupation que j’ai exprimée concernant l’avenir du secteur de l’audiovisuel français. À l’issue de votre intervention, vous serez interrogé par notre rapporteur pour l’audiovisuel, Jean-Raymond Hugonet, puis par les autres sénateurs qui le souhaitent.
Je rappelle que cette audition est captée et diffusée en direct sur le site internet du Sénat.