Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ayant entendu, hier, le poignant témoignage de Mme la présidente Muguette Dini, je souhaiterais à mon tour vous rapporter une histoire véridique sur ce sujet des violences morales ou psychologiques.
Elle est arrivée à une personne qui m’est proche. Je la nommerai Julie.
Julie, trente-huit ans, en instance de divorce, mère de deux enfants, rencontre un jour un homme de dix ans son aîné, aux allures de prince charmant, galant, bien éduqué, issu soi-disant d’une grande famille. Elle tombe éperdument amoureuse de ce Pierre, qui, très vite, s’installe chez elle. Deux mois à peine après le début de leur relation, Pierre devient ponctuellement, dans un premier temps, agressif, méprisant à l’égard de Julie, critiquant la maison qu’elle loue, l’éducation qu’elle donne à ses enfants, ses capacités professionnelles, son physique, ses amis, sa famille… Tout y passe !
Elle ne revient pas de cette attitude si soudaine, mais elle lui donne des excuses, encore et toujours des excuses : Julie est sous l’emprise de cet homme. Il se rend indispensable dans le quotidien de la jeune femme, qui perd son emploi, subit un divorce difficile et se trouve dans une situation financière de plus en plus critique.
Agent immobilier, elle décide de monter sa propre affaire. Pierre se propose de créer son site Internet et enregistre le nom de domaine du site en son nom propre, sans en prévenir Julie, qui n’a aucune connaissance en matière de droit de l’internet.
Julie se noie dans ses soucis professionnels et personnels. Pierre en profite pour lui plonger plus encore la tête sous l’eau, la traitant constamment d’incapable, l’isolant de sa famille et de ses amis, la renvoyant constamment à un pseudo-mal-être psychologique. Pierre vit aux frais de la jeune femme et refuse toute contribution au loyer ou taxes qu’elle paye. Il se livre à une véritable entreprise de démolition psychologique de cette jeune femme, pourtant très intelligente et très forte.
N’en pouvant plus et finissant par se rendre compte du danger que représente cet homme, elle ose le quitter un an et demi plus tard. Et là, c’est le déluge : harcèlement, méchancetés, menaces, notamment de fermeture de son agence, envois de textos malveillants à ses enfants, à ses amis…
Pierre lui fait valoir que, sans lui, elle n’est rien, qu’elle est malade psychologiquement, qu’elle est folle. Or Julie n’a jamais eu de problèmes psychologiques ; elle a été mariée pendant douze ans, sans la moindre vague. C’est une femme équilibrée, une mère très présente et aimante.
Il se livre à un piratage de tous ses comptes mails et Internet, saisit le site de son agence, inscrit son agence avec de fausses coordonnées sur un nombre incalculable de sites, usurpant son identité, faisant perdre à la jeune femme tout contact avec ses clients. Il fait en sorte qu’elle subisse un contrôle de l’URSSAF, rôde constamment autour de chez elle, la poursuit en voiture, la harcèle sans cesse, la menace au téléphone et par SMS, la diffame auprès de ses confrères, lui coupe son téléphone à la maison et la prive du moindre accès à une adresse électronique valide.
Julie, réellement terrorisée par cet homme, perd pied, ne parvient plus à travailler sereinement. De ce fait, elle perd de nombreux clients. Elle prend néanmoins le chemin de la gendarmerie, où elle portera plusieurs fois plainte pour harcèlement, piratage informatique, menaces, diffamation, appels malveillants, usurpation d’identité. Bien entendu, elle a suffisamment de preuves de ce qu’elle avance, avec les nombreuses traces écrites dont elle dispose.
Entre-temps, Julie a fait sa propre enquête et a retrouvé une des anciennes victimes de Pierre, Hélène, qui, elle aussi, avait porté plainte contre lui cinq ans plus tôt. Il avait notamment tenté, alors qu’elle était au volant de sa voiture, de la faire sortir de la route – il aurait pu la tuer ! –, avait crevé ses pneus à maintes reprises, avait porté des coups sur elle, rôdait autour de chez elle, où il s’introduisait sans scrupule.
Hélène, malgré des témoignages et des preuves, n’avait pas obtenu une reconnaissance de son statut de victime ni la culpabilité de Pierre et avait dû fuir à l’étranger pour être tranquille. Elle savait que Pierre recommencerait et décide donc de joindre son témoignage et sa plainte au dossier de Julie.
Ce n’est que cinq mois plus tard – cinq mois d’enfer pour Julie – que Pierre est convoqué en gendarmerie et placé pour quelques heures en garde à vue.